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L'association MEMORIAL98, qui combat contre le racisme, l'antisémitisme et le négationnisme a été créée en janvier 1998, lors du centenaire de l'affaire Dreyfus.  

Son nom fait référence aux premières manifestations organisées en janvier 1898, pendant l'affaire Dreyfus, par des ouvriers socialistes et révolutionnaires parisiens s'opposant à la propagande nationaliste et antisémite.

Ce site en est l'expression dans le combat contre tous les négationnismes

(Arménie, Rwanda, Shoah ...)

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Retrouvez aussi le quotidien de l'info antiraciste sur notre blog d'actus :

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Sur les réseaux sociaux : 

    

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Pour correspondre avec nous, nous proposer des articles ou des informations,

pour toute question : 

contact@memorial98.org

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13 mars 2007 2 13 /03 /mars /2007 22:21

 

 

Le vétéran négationniste, invité vedette récent de la conférence antisémite d'Ahmadinedjad à Téhéran, provoque une fois de plus sur le terrain judiciaire. C'est la longue histoire du négationnisme français et européen qui est ainsi sur le devant de la scène, une fois de plus. A lire: "Histoire du négationnisme en France" de Valérie Igounet (Seuil)
 

MEMORIAL 98

Faurisson, négationniste impénitent face à Badinter
Par Christophe BOLTANSKI
Libération mardi 13 mars 2007
   
Quand Robert Faurisson pénètre dans le tribunal encore vide, il prend  place du côté des prévenus, à la gauche de la barre. Par habitude. Il a tant  de fois été condamné pour négationnisme ou apologie de crimes de guerre  Aujourd'hui, pourtant, c'est lui qui attaque. Il poursuit l'ancien garde de  Sceaux, Robert Badinter, celui-là même qui, en 1981, lui avait fait subir son  premier déboire judiciaire. Un quart de siècle plus tard, celui qui nie no  seulement l'existence des chambres à gaz, mais aussi la réalité de la Shoah  tente d'inverser les rôles
Devant la 17e chambre correctionnelle de Paris, l'ancien maître de conférence à Lyon-III accuse l'ex-ministre de lui avoir causé «un préjudice considérable en mentant sciemment» le 11 novembre 2006, sur la chaîne Arte. Invité de l'émission le Forum des Européens, Robert Badinter avait évoqué au détour d'une phrase son passé d'avocat : «Le dernier procès que j'aurai plaidé dans ma vie avant de devenir ministre, c'est le procès contre Faurisson. J'ai fait condamner Faurisson pour être un faussaire de l'histoire.»
Argutie. Un propos «diffamatoire», selon Faurisson qui, debout, brandit le jugement du 8 juillet 1981. «Je demande où, à quelle page, à quel alinéa, à quelle ligne, il est dit que Robert Faurisson a été condamné pour être un faussaire de l'histoire ? La réponse est : nulle part !» Lors de ce premier procès, les juges avaient estimé qu'il avait «manqué aux obligations de prudence, de circonspection objective et de neutralité intellectuelle qui s'imposent au chercheur qu'il veut être», qu'il avait même «volontairement tronqué certains témoignages». Mais le tribunal avait estimé «ne pas avoir à rechercher si un tel discours constituait ou non une falsification de l'histoire».
C'est cette argutie juridique qui lui permet de traîner en justice «l'ancien garde des Sceaux, l'ancien président du Conseil constitutionnel», comme il se plaît à le rappeler. Il réclame 15 000 euros de dommages et intérêts et la lecture du jugement sur Arte. La situation semble le réjouir. Cet homme de 77 ans, le crâne garni de deux petites touffes blanches, qui en parlant de lui-même dit «Faurisson», s'enflamme à mesure qu'il ressort ses vieilles antiennes sur «les prétendues chambres à gaz et le prétendu génocide des Juifs». Le président, Nicolas Bonal, lui rappelle que ces mêmes propos lui ont valu d'être condamné. En vain. C'est un négationniste impénitent qui revendique haut et fort un brûlot antisémite, posté en ligne et cité par un témoin de la défense. «J'en suis l'auteur, j'en suis l'auteur !» crie-t-il à propos d'un texte intitulé Je bois du petit lait qui compare l'Holocauste à une «baudruche» qu'il faut crever et ajoute : «C'est un bidon fondamental, ce grand martyr de la race juive.»
Assis en face de lui, Robert Badinter parvient difficilement à contenir sa colère. «C'est un fou !» murmure-t-il plusieurs fois. Debout à son tour devant les juges, il explique que l'émission d'Arte portait sur un tout autre sujet : les menaces des intégristes sur la liberté d'expression. Interrogé «à la fin, presque à l'improviste» sur les lois mémorielles, il a réitéré les réserves qu'il partage avec les historiens et rappelé qu'en tant qu'avocat de la Licra, la Ligue contre le racisme et l'antisémitisme, il avait réussi à faire condamner Faurisson bien avant la loi Gayssot.
Plaidoirie. Le 22 juin 1981, il n'avait pas cessé de traiter dans sa plaidoirie l'universitaire de «faussaire de l'histoire». Deux jours plus tard, nommé garde des Sceaux par Mitterrand, il avait quitté le barreau pour la chancellerie. Lors du jugement, le 8 juillet, il était assailli par ses nouvelles tâches. «J'ai été certainement avisé du résultat. [...] Je ne suis pas sûr d'avoir lu le jugement. [...] Pour un article, j'aurais vérifié. Sur un plateau de télévision, vous répondez en fonction de vos souvenirs.»
Voilà pour la forme. Sur le fond, il ne regrette rien. Dans la décision de 1981, un attendu, raconte-t-il, le concerne personnellement. «C'est celui qui évoque les survivants et les enfants de celles et de ceux qui ont disparu dans le génocide. Je suis de ceux-là.» Il poursuit sans parvenir à contenir son émotion : «J'avais 13 ans quand mon oncle a été arrêté au domicile que nous venions de quitter, en octobre 1941 . Il a été dénoncé et envoyé à Drancy et, de là, a disparu. J'avais 14 ans quand ma grand-mère paternelle a été arrêtée à son domicile par des policiers français sur ordre de Bousquet. C'était au début de l'automne 1942. Elle avait 80 ans. On l'a descendue sur une civière, envoyée à Drancy, déportée, et on n'a plus eu de ses nouvelles. J'allais avoir 15 ans quand mon père a été arrêté à Lyon ; [...] bien entendu, nous n'avons jamais eu de ses nouvelles.» Il raconte comment, à la Libération, il allait au Lutetia interroger les survivants, comment, plus tard, il a récité le kaddish dans le camp de Sobibor, tombeau de son père. Faurisson est coupable de «l'une des pires entreprises de faussaires de l'histoire... On en est arrivé à dire que ces gens sont morts du typhus, sous les bombardements alliés. Par hasard». Il hausse la voix, se tourne vers son accusateur : «Que les choses soient claires. Pour moi, jusqu'à la fin de mes jours, tant que j'aurai un souffle, vous et ceux de votre espèce ne serez jamais que des faussaires de l'histoire la plus tragique.»
Témoins. Robert Badinter a obtenu que cette audience , qui s'achèvera le 2 avril, soit filmée «pour l'histoire». Ses témoins  des historiens, comme Annette Wieviorka, le romancier Didier Daeninckx...  démontent les méthodes falsificatrices du plaignant qui usurpe jusqu'à son titre de «professeur d'université». Valérie Igounet, auteur d'une histoire du négationnisme en France, explique : «Faurisson part de son postulat que les chambres à gaz n'existent pas et, à partir de ce postulat, il va interpréter les faits.» Tous soulignent aussi sa «phobie antisémite» exprimée récemment lors d'une conférence négationniste sur l'Holocauste à Téhéran où il vitupère contre «la juive Simone Veil» ou le «juif Fabius».
Après avoir détaillé comment le plaignant «triture, tronque et falsifie», l'historienne Nadine Fresco conclut qu'il faut «apprendre à vivre avec ces faussaires» tout en continuant «à travailler et à les combattre». Car, ajoute-t-elle : «ils procèdent par scandales» . «On est dans le chagrin, eux sont dans la jouissance. Et leur jouissance semble immense.»
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13 mars 2007 2 13 /03 /mars /2007 21:33
Mémoire, Justice, et Soutien aux Rescapés
L’Association Ibuka France
organise :
Un colloque européen sur le génocide
des Tutsi du Rwanda
le Vendredi 30 mars 2007
En collaboration avec les sections Ibuka
de Belgique, Hollande, Rwanda et Suisse

La 13e Commémoration
du génocide des Tutsi
le Samedi 7 avril 2007
Au 62, rue Marcadet Paris 18e
Métro ligne 4 : station Marcadet Poissonniers
Paris - France
Avec le soutien et la participation du Ministère Rwandais de la Jeunesse, des Sports et de la
Culture, Médecins du Monde, Union des Étudiants Juifs de France, Centre Simon Wiesenthal,
Étude sans Frontières, SOS Racisme, Conseil de Coordination des organisations Arméniennes
de France, Comité de Défense de la Cause Arménienne, NOR SEROUND, SURVIE


LE PROGRAMME DU COLLOQUE DU 30/03

I. 9h45 : Accueil des invités
Mot d’introduction :
• Le génocide des Tutsi du Rwanda : rappel historique et analyse des conséquences :
Marcel Kabanda (Président d’Ibuka France)
II. 10h-12h : Génocide et rescapés
Modérateur : Michel Gakuba, Président Ibuka Suisse
• Être rescapé : entre victime et témoin de l’Histoire : Richard Rechtman, Psychiatre
spécialiste du Cambodge
• Rwanda, 13 ans après le génocide : les rescapés du Rwanda en situation précaire :
Théodore Simburudali, Président Ibuka Rwanda
• Rescapé du génocide : une victime de « crimes qu’on ne peut ni juger ni pardonner » :
Joël Hubrecht, Professeur à l’Institut des Hautes Études sur la Justice
• De la destruction des Arméniens (1909) à celle des Tutsi du Rwanda (1994).
Comparaison : «Au milieu des ruines» de Zabel Essayan et «Dans le nu de la
vie» de Jean Hatzfeld» : Liliane Daronian, Responsable de la Bibliothèque de
recherches africaines, Université Paris 1- CEMAF
12h : Pause déjeuner
III. 13h-15h : Histoires de rescapés et Regards croisés
Modérateur : Placide Kalisa, Président Ibuka Belgique
• Les humanitaires face aux massacres : l’exemple du Comité international de la
Croix-Rouge : Daniel Palmieri , Chargé de recherches historiques - Archives du
CICR à Genève
• La vie et la place des survivants de la Shoah dans l’Europe d’après-guerre : Richard
Odier , Secrétaire Général du Centre Simon Wiesenthal - Europe
• La longue marche vers la reconnaissance du génocide arménien : Harout
Mardirossian, Président du CDCA ( Comité de Défense de la Cause Arménienne)
• Les obstacles à la reconnaissance en France du génocide des Tutsi du Rwanda :
la question du négationnisme : Patrick de Saint-Exupéry, journaliste au Figaro,
auteur de « L’inavouable »
15h : Pause
IV. 15h15-16h30 : Bilan critique des actions de réhabilitation des
rescapés au Rwanda
Modérateur : Alain Ngirinshuti, Vice Président Ibuka France
• L’Etat Rwandais face à l’épreuve de la question des rescapés (FARG/GACACA) :
François Xavier Ngarambe, ancien Président Ibuka Rwanda
• L’expérience de Médecins du Monde : « Les responsables du projet - Comité de
pilotage/Ibuka France »
• TPIR et réparation: la place des victimes: Yann Jurovics, ENS, Maître de conférence
des Universités et Ancien Juriste près de la Chambre d’appel du TPIR.
16h30 : Pause
V. 16h45-18h45 : Une table à ronde autour de trois questions
Modérateur : Ildephonse Ngaruye, Secrétaire Général Ibuka France
Synthèse de la journée : Bernard Patureau (Secrétaire Général Adjoint d’Ibuka France )
• Identifi cation des besoins : Benoît Kaboyi, Secrétaire Exécutif Ibuka Rwanda
• Identifi cation de projets : les Membres ESF/Hélène Dumas/David Hazan
• Recommandations
VI. 18h45 : Mot de clôture et communiqué de presse
• Remerciement : Marcel Kabanda
• Communiqué de presse : Serge Farnel et Bernard Patureau

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11 mars 2007 7 11 /03 /mars /2007 16:34
 
COMMUNIQUE DE PRESSE DE L'UNESCO
 
15-17 mars 2007
Semaine rwandaise en Europe
Conférences, spectacle
15 mars, 9h00-12h30, Salle II : Conférence 1 : « Histoire et culture du Rwanda »
Avec la participation de : José Kagabo, Jean-Pierre Mukimbiri, Dorcy Rugamba, Christian Terras
 
15 mars, 14h00-18h00, Salle II : Conférences 2 : « Le Rwanda : génocide, justice et mémoire»
Avec la participation de : Diogène Bideli, Géraud de La Pradelle, Patrick de Saint-Exupéry, Jean-François Dupaquier, Eric Gillet, Yvonne Mutimura, Gabriel Périès, David Servenay, Yves Ternon et représentants des associations Survie, CPCR, Ibuka
 
16 mars, 9h00-18h00, Salle II : Conférence 3 : « Vision 2020 : Politique et reconstruction nationale» Avec la participation de : Callixte Karege, Jean-Pierre Karegeya, Désiré Karyabwite, Assumpta Mugiraneza, Tito Mugrefiya, Antoine Ruvebana, Digne Rwabuhungu, Rica Rwigamba, Yvan Twagirashema
 
17 mars, 9h30-17h00, Salle II : Journée de la diaspora : rencontre avec les associations :
Association française d’amitié et de solidarité avec les peuples d’Afrique (AFASPA), Association pour un Jardin de la Mémoire des victimes du génocide au Rwanda (AJAM), Amitié Judéo-Noire, Appui Rwanda, Association Saint François, Avenir Rwanda, Hachomer, Ibuka, Institut français d'études sur l'Afrique Contemporaine (IFRESAC), Survie
 
17 mars, 18h30-21h00, Salle I : Spectacle de danses traditionnelles
Entrée gratuite sur inscription obligatoire (dans la limite des places disponibles): Tél. : 01 45 68 04 22 - evenements2@unesco.org
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8 mars 2007 4 08 /03 /mars /2007 16:31
 A l'occasion de la journée internationale des droits des femmes, nous rendons hommage à une femme  coréenne  qui fait face au négationnisme du gouvernement japonais( (voir article ci-dessous) 
Le gouvernement japonais actuel (gouvernement Abe) et son  prédecesseur (Koizumi) sont particulièrement impliqués dans la négation des crimes de guerre et rendent hommage aux responsables de l'époque.

A travers  Lee Yong-soo, nous saluons toutes les femmes qui subissent les violences et les crimes et celles qui se mobilisent pour la justice et la vérité, contre la répression, la torture et les guerres.

MEMORIAL 98

 

Le combat de Lee Yong-soo, ancienne "esclave sexuelle" au service de l'armée impériale japonaise
LE MONDE | 06.03
TOKYO CORRESPONDANT

J'en suis pourtant une preuve vivante" : en dépit de ses 78 ans, Lee Yong-soo bouillonne d'énergie et elle a ressenti comme un ultime outrage les déclarations du premier ministre, Shinzo Abe, qui a affirmé une nouvelle fois, lundi 5 mars, que les femmes contraintes à se prostituer pour l'armée impériale au cours de la seconde guerre mondiale "n'avaient pas été victimes de coercition".
Mme Lee est l'un des trois "femmes de réconfort" - euphémisme désignant les 200 000 Asiatiques et quelques Européennes victimes de la soldatesque nippone, de la fin des années 1930 à la défaite de 1945 - qui viennent de témoigner devant la sous-commission pour les affaires étrangères du Congrès américain dans le cadre du débat sur une résolution exigeant des excuses du Japon. Lundi, M. Abe a déclaré au Parlement qu'"il n'y avait pas de raison de s'excuser". "Le projet de résolution (américain) n'est pas fondé sur des faits. Rien ne prouve qu'il y a eu coercition", a-t-il ajouté. A Séoul, le gouvernement et la presse ont dénoncé avec véhémence le manque de repentance du Japon.

Dans ce petit restaurant coréen de Tokyo, Mme Lee en robe traditionnelle a l'air d'une douce grand-mère. Elle raconte en japonais (langue imposée pendant la colonisation de la péninsule de 1910 à 1945) ce que l'adolescente qu'elle était vécut au cours de l'année qui précéda la défaite du Japon. "Les rides ont envahi mon visage, dit-elle, mais au fond de moi la blessure demeure." Elle se sent habitée par le han, ce mélange de ressentiment et d'amertume qui sourd de sacrifices, d'attentes déçues et de révolte contre l'impuissance qui caractérise l'âme coréenne. "Ce que je demande, c'est que l'Etat japonais reconnaisse qu'il a volé ma vie quand je n'étais qu'une enfant", poursuit-elle.

Née à Taegu, au sud-est de l'actuelle Corée du Sud, Mme Lee avait 14 ans "lorsqu'un matin de l'automne 1944, alors que je dormais, une voix de femme m'a appelée ; je suis sortie ; un soldat japonais m'a prise par le bras et emmenée de force". Un train l'emporta jusqu'à Pyongyang puis Dalian, en Chine, où elle fut embarquée vers Taïwan et affectée au bordel militaire d'une base de pilotes suicide (kamikaze).



"VIOLÉE ET LAISSÉE POUR MORTE"



"Sur le bateau, nous étions cinq filles pour trois cents soldats. Mes aînées m'ont cachée. A la base, je fus battue, violée et laissée pour morte, les mains attachées par un fil de fer. Un pilote m'a soignée. "Je dois mourir mais, toi, tu dois vivre", me répétait-il. C'est le seul homme qui m'a jamais aimée. Des mois passèrent. Chaque jour, une douzaine de soldats se présentait dans la petite cabine qui m'était affectée. Il y avait une couche, de l'ouate et du désinfectant. Ceux qui partaient pour leur dernière mission s'attardaient : eux aussi étaient des victimes. Puis, un matin, les soldats avaient disparu. De la rue montaient des cris en chinois, "La guerre est finie !"."

Rentrée en Corée, Mme Lee chercha, comme toutes celles qui avaient subi un sort analogue, à cacher sa flétrissure pour que l'opprobre ne tombe pas sur toute sa famille. "Longtemps, mon frère m'a dissuadée de parler", dit-elle. Puis au début des années 1990, elle et plusieurs autres se décidèrent à sortir de l'ombre de l'Histoire.

Ce que l'on racontait jusqu'alors des "femmes de réconfort" était nié par Tokyo. Cette fois, les témoignages furent étayés par des recherches d'historiens japonais comme Yoshiaki Yoshimi qui, en 1992, révéla, à partir de documents militaires, l'implication de l'état-major dans la gestion des bordels militaires. L'année suivante, au nom du gouvernement, Yohei Kono, alors chef du secrétariat du premier ministre Miyazawa, reconnut que "les forces armées étaient directement et indirectement impliquées dans la création et la gestion de ces établissements ainsi que le transport (de leurs pensionnaires)".

Avec le retour à la tête du Parti gouvernemental libéral-démocrate (PLD) du courant le plus droitier, la "déclaration Kono" est critiquée pour avoir été trop loin et les propos de M. Abe sont une expression de ce retrait. S'il y a bien eu implication de l'état-major, il n'y a pas de preuves que l'armée se chargeait elle-même du "recrutement" des filles. Le plus souvent, les militaires sous-traitaient cette besogne aux "marchands de femmes" dans la mouvance de l'armée, qui fournissaient ses bordels en femmes dupées ou tout bonnement enlevées.

Philippe Pons

 

 

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4 mars 2007 7 04 /03 /mars /2007 11:00
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Le chef du FN fait référence à la déportation des enfants juifs décidée par Pierre Laval

Le Pen en meeting à Marseille le 3 Mars 2007 s'en est violemment pris  à l'immigration.

Dans son discours il a choisi d'aborder la situation des enfants de parents expulsés.

Voici sa formulation exacte, sous forme de pseudo-question :

"On me dit, M. Le Pen, si vous renvoyez les clandestins chez eux, avez-vous pensé à leurs enfants ? Bien sûr que j'y pense, ils ne doivent pas être séparés de leurs parents, c'est pour cela qu'ils partiront avec eux"

Cette formulation n'est pas le fruit du hasard.

Il s'agit d'une référence directe et voulue à la déportation des enfants juifs décidée par Laval, en utilisant le même prétexte monstrueux "ne pas séparer les enfants  des parents".

C'est le chef du FN qui choisit, par l'utilisation de ces termes, de tracer un parallèle implicite mais parfaitement compréhensible et codé dans l'univers historique de l'extrême-droite française. La salle a d'ailleurs frénétiquement applaudi ce passage du discours.

Il ne s'agit pas pour nous de comparer expulsion et déportation vers l'extermination mais de relever la volonté lepeniste de faire appel à cette thématique.

 

«Il faut se séparer des Juifs en bloc et ne pas garder de petits.»

Robert Brasillach, Je suis partout
(25 septembre 1942).

En mai 1942, Laval (ci dessus avec le général SS Oberg chef de la SS et de la Gestapo en France ) ordonne à la police française d'arrêter les Juifs de France afin de les déporter. Ses responsabilités dans la rafle parisienne du Vel' d'Hiv' et dans celle perpétrée le 26 août 1942 en zone libre sont accablantes. Alors même que les Allemands ne demandaient pas l'inclusion des enfants de moins de 16 ans dans les convois, il insiste pour les ajouter aux trains de déportation.

Sollicité de revenir sur cette décision, notamment par le pasteur Boegner, chef des protestants de France, il refuse : « pas un seul de ces enfants ne doit rester en France ». « Je lui parlais massacres », rapportera Boegner, « il me parlait jardinage ».

Actualisation du 8 décembre 2016
Marine Le Pen dans les pas de son père.
 
10 ans après son père (voir ci-dessous) Marine Le Pen s'attaque à nouveau aux enfants et suit ainsi la tradition fasciste de son parti. La vulgarité de ses propos renvoie à la haine de l'extrême-droite envers les malades ( voir ici) et les enfants d'origine étrangère.
 
Elle déclare "Si vous venez dans notre pays, ne vous attendez pas à ce que vous soyez pris en charge, à être soignés, que vos enfants soient éduqués gratuitement, maintenant c'est terminé, c'est la fin de la récréation !'" Elle reprend ainsi des thématiques portées par son père. Le style est différent mais le fond est le même.

Voir le dossier de Memorial 98 sur le sort des enfants juifs face à la Shoah: http://www.memorial98.org/2019/04/75-ans-apres-la-rafle-d-izieu-symbole-du-sort-des-enfants-juifs-face-au-nazisme.html

MEMORIAL98

 

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3 mars 2007 6 03 /03 /mars /2007 22:25

 

 

 

 

 

Raymond Barre et Papon, son ministre du Budget

Le cadavre de Maurice  Papon hante Raymond Barre et Maurice Druon, caution "gaulliste" de Sarkozy.

Raymond Barre, ancien premier ministre de Giscard, ancien maire de Lyon, capitale de la Résistance,  membre éminent de l'UDF dont on attend la réaction, a déjà plusieurs fois montré une grande indulgence pour l'antisémitisme et pour les dirigeants du FN, comme le rappellent les articles de presse ci-dessous .
Il a ajouté cette fois-ci, pour faire la promotion de son livre, une dénonciation du "lobby juif" et une défense renouvelée de Papon portant à la fois sur ses responsabilités dans la déportation et dans le massacre des Algériens le 17 octobre 1961.  

 

Il y a 20 ans , le 17 Octobre 1997, Raymond Barre était déjà venu témoigner en faveur de Papon au procès de Bordeaux
 

Autre témoin de la défense pour Papon dans ce procès: Maurice Druon. L'académicien ultra-réactionnaire avait scandalisé en dénonçant la passivité des Juifs déportés (voir ci-dessous le compte rendu de son témoignage). C'est auprès de lui que Sarkozy est allé chercher un brevet de gaullisme le 1er Mars, en faisant même entonner le "Chant des Partisans" par les journalistes qui l'entourent.
Le procès Papon s'est terminé en Avril 1998 et c'est au même moment que la droite a passé des accords avec le Front national dans 5 régions pour diriger ensemble ces institutions. Raffarin et Longuet, dirigeants de la campagne de Sarkozy ont à l'époque crée le parti " Démocratie Libérale" pour soutenir ces accords. Gaudin, vice-président de l'UMP avait déjà dirigé avec le FN dans sa région...Ils ne sont jamais revenus sur ces forfaitures

MEMORIAL98

 

 

 

 

 

 

 

1)

Barre: Papon, «un grand commis de l'Etat», Gollnisch, «un homme bien»
Par Catherine COROLLER
LIBERATION.FR : vendredi 2 mars 2007


     Maurice Papon - condamné pour complicité de crime contre l'humanité - a été «un grand Commis de l'Etat», Bruno Gollnisch - condamné pour négationnisme - est «un homme bien» et «un bon conseiller municipal», et l'attentat contre la synagogue de la rue Copernic de 1980 qui visait «des Juifs coupables» a tué «trois Français, non juifs». Interviewé le jeudi 1er mars sur France Culture dans l'émission «le rendez-vous des politiques», Raymond Barre a tenu des propos qui ont «scandalisé» le Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif).
L'ancien Premier ministre a pris la défense de Maurice Papon, condamné en 1998 pour complicité de crime contre l'humanité pour son rôle dans la déportation de Juifs sous l'Occupation alors qu'il était secrétaire général de la préfecture de Gironde. Papon aurait-il dû démissionner? A cette question, l'ancien Premier ministre répond par une autre question : «Est-ce que tous les fonctionnaires de l'Etat qui étaient en fonction à l'époque auraient dû abandonner leurs responsabilités?» Pour lui, la réponse est non : «Quand on a des responsabilités essentielles dans un département, une région ou à plus forte raison dans le pays on ne démissionne pas. On démissionne lorsqu'il s'agit vraiment d'un intérêt national majeur». Et tel n'était pas le cas «car il fallait faire fonctionner la France». Le fait que les fonctionnaires soient alors restés en place a eu, selon lui, une vertu: «ils ont essayé tant bien que mal de limiter ce drame qu'a été la persécution des Juifs». «Et n'oublions pas quand même qu'en France, c'est le pays où le nombre de Juifs sauvés a été le plus élevé», poursuit l'ancien Premier ministre. Se doutant que ces commentaires vont susciter des réactions scandalisées, Raymond Barre prend les devant : «Je vous ai parlé très franchement. Que vous me fassiez passer pour un antisémite, pour quelqu'un qui reconnaît pas la Shoah, j'ai entendu cela cent fois et cela m'est totalement égal».

De la même façon, Raymond Barre refuse de retirer les propos qu'il avait tenus après l'attentat contre la synagogue de la rue Copernic, en 1980, à Paris. Il avait alors déploré que des «Français innocents» - sous-entendu non-juifs - aient été tués. Jeudi, il est revenu sur ce qualificatif. Selon lui, ceux qui ont commis l'attentat voulaient «châtier des Juifs coupables», malheureusement, «des Français qui circulaient dans la rue (?) se trouvent fauchés parce qu'on veut faire sauter une synagogue. Alors, ceux qui voulaient s'en prendre aux Juifs, ils auraient pu faire sauter la synagogue et les juifs. Mais pas du tout, ils font un attentat aveugle et il y a trois Français, non juifs». A l'époque, Raymond Barre avait été vivement critiqué pour avoir parlé de «Français innocents». Sur France Culture, il s'est dit victime d'une «campagne qui a été faite par le lobby juif le plus lié à la gauche». Explication: la France était alors en campagne électorale, et la gauche aurait voulu ainsi lui faire perdre des voix.

Interrogé sur ses relations avec Bruno Gollnisch condamné pour propos négationnistes, l'ancien Premier ministre se drape de nouveau dans la posture de victime. «Vous revenez aujourd'hui avec toutes les petites critiques sordides que j'ai entendues». Pour lui, Gollnisch a été un bon conseiller municipal à Lyon, où Raymond Barre était maire de 1995 à 2001. Pour le reste, «je suis quelqu'un qui considère que les gens peuvent avoir leur opinion», déclare l'ancien Premier ministre. Certes, «je blâmais les propos de M. Gollnisch, admet-il, mais j'ai tellement entendu les propos de M. Gollnisch à Lyon que cela finissait par ne plus m'émouvoir. Quand on entend à longueur de journée tout ce qui se dit à droite et à gauche, à la fin on n'y porte plus attention».

 

 

 

 

 

 

 

Sur France Culture, Raymond Barre défend Papon, Gollnisch, et fustige "le lobby juif"

LE MONDE

| 03.03.07 | 14h47  ?  Mis à jour le 03.03.07 | 14h47
 Le Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF) s'est dit, vendredi 2 mars, "scandalisé" par les propos tenus la veille sur France Culture par Raymond Barre. Invité de l'émission "Le rendez-vous des politiques", enregistrée le 20 février et diffusée jeudi 1er mars, à l'occasion de la sortie de son livre d'entretiens avec Jean Bothorel, L'Expérience du pouvoir (Fayard), l'ancien premier ministre a défendu Maurice Papon et Bruno Gollnisch, et parlé de "lobby juif capable de monter des opérations indignes".
A la suite de questions sur sa nomination à la tête du gouvernement en 1976, M. Barre a été interrogé sur Maurice Papon, qui fut son ministre du budget de 1978 à 1981. Assurant ne pas regretter d'avoir nommé M. Papon, il a qualifié l'ancien préfet de "grand commis de l'Etat (...) très courageux" qui "a payé surtout à cause de Charonne". "Le reste, c'était un alibi", a-t-il affirmé, taisant les événements du 17 octobre 1961 (manifestation pacifique au cours de laquelle plusieurs dizaines d'Algériens ont été tués) et le rôle joué par M. Papon sous Vichy dans la déportation de juifs et pour lequel il a été condamné pour "complicité de crime contre l'humanité", en 1997.

A la question de savoir si M. Papon aurait dû démissionner de ses fonctions à la préfecture de la Gironde qu'il occupa de 1942 à 1944, Raymond Barre a soutenu : "Quand on a des responsabilités essentielles dans un département, une région ou, à plus forte raison, dans le pays, on ne démissionne pas. On démissionne lorsqu'il s'agit vraiment d'un intérêt national majeur. (...) Ce n'était pas le cas car il fallait faire fonctionner la France." Pour lui, Maurice Papon a été un "bouc émissaire".

Interrogé sur les propos qu'il avait tenus après l'attentat contre la synagogue de la rue Copernic à Paris, le 3 octobre 1980, à Paris, l'ancien premier ministre a dit ne rien regretter. Il avait alors parlé d'un "attentat odieux qui voulait frapper les juifs se trouvant dans cette synagogue et qui a frappé des Français innocents qui traversaient la rue Copernic".

Sur France Culture, Raymond Barre a tenu à rappeler que, dans la même déclaration, il avait indiqué que "la communauté juive ne peut pas être séparée de la communauté française". Il a précisé avoir parlé de "Français innocents" parce que "la caractéristique de ceux qui faisaient l'attentat, c'était de châtier des juifs coupables. (...) Les Français n'étaient pas du tout liés à cette affaire". Aussi M. Barre a-t-il dénoncé "la campagne faite (à ce moment-là) par le lobby juif le plus lié à la gauche". Et d'insister :

"Je considère que le lobby juif - pas seulement en ce qui me concerne - est capable de monter des opérations qui sont indignes et je tiens à le dire publiquement."


Enfin, à propos de Bruno Gollnisch, ancien élu Front national au conseil municipal de Lyon et condamné pour propos négationnistes, Raymond Barre a maintenu sa position. "J'ai dit que je blâmais ce qu'il avait dit, mais que, pour le reste, je l'avais connu et que c'était un homme bien", a-t-il expliqué. Affirmant être "quelqu'un qui considère que les gens peuvent avoir leurs opinions", il a ajouté : "J'ai tellement entendu les propos de M. Gollnisch à Lyon que cela finissait par ne plus m'émouvoir. Quand on entend à longueur de journée tout ce qui se dit à droite et à gauche, à la fin, on n'y porte plus attention."

Laetitia Van Eeckhout

 

Témoignage de  Maurice Druon au procès Papon le 22/10/97(journal Sud Ouest)


abonnes.sudouest.com/papon/ retro/sa/Victime-d-un-stress-emotionel.php - 11k -

 

 

 

Le témoin suivant est Maurice Druon, 79 ans, Secrétaire perpétuel de l'Académie Française, ancien ministre, ancien député et parlementaire européen, ancien engagé des Forces Françaises Libres.
Il avance, la canne sur le bras, et dépose longuement, comme un discours à l'Académie. Il rappelle d'abord que le jury d'honneur a reconnu les actes de résistance de Maurice Papon et ne tait pas une certaine ironie : « Je me demande si les membres du jury d'honneur et les témoins qui ont été entendus étaient des débiles mentaux, oublieux ou complaisants ! ».
Il se livre ensuite à un véritable plaidoyer en faveur de l'accusé et surtout à une virulente critique du procès qui lui est fait : « Comment le juger devant un jury populaire lorsque un jury de 35 millions de personnes a élu par deux fois un homme décoré de la Francisque et médaillé de la Résistance ? ». Le nom de François Mitterrand n'est jamais prononcé.

«Un français symbolique»

Maurice Druon précise qu'il n'a aucun lien particulier avec Maurice Papon qu'il a rencontré lorsqu'il était parlementaire et ministre mais témoigne de « rapports courtois, cordiaux, sans effusion. Il m'a toujours paru un homme très intelligent, très vif, efficace, froid et toujours patriote ».
Pendant la guerre, Maurice Druon était à Londres. Il affirme qu'avant le printemps 1945, on ne connaissait pas la solution finale :

« si on avait su, il n'y aurait pas eu de préfets et de sous-préfets pour signer les ordres de déportation, il y aurait eu moins de Juifs passifs, attendant qu'on vienne les arrêter, cousant leur étoile jaune sur leur vêtement, ils ne seraient pas restés là à attendre comme des groggys offerts aux sacrificateurs ». Un brouhaha monte dans la salle.


Maurice Druon refuse que l'on refasse le procès de Vichy : « Il a été fait à la Libération. On pensait alors que le chapitre noir était fermé et qu'il n'aurait pas à être rouvert sinon dans les livres d'histoire. Si on veut rechercher des coupables, en Allemagne,il y a assez d'anciens SS, de gestapistes à traduire devant la justice comme des lois européens le permettent ».
Il assure, en effet, que ce procès profitera seulement à l'Allemagne : « Si l'on se met à condamner un français symbolique, il leur sera facile de dire : on est tous pareils, les Français sont aussi moches que nous, il y aura une dissolution de la responsabilité , de la culpabilité, c'est pour celà que je suis venu devant vous ». Il ajoute :

« Il y a un paradoxe de voir les fils des victimes devenir les alliés objectifs des fils des bourreaux ».

Un murmure d'indignation ponctue son propos. Me Jacob, de sa voix éraillée, n'accepte pas qu'en fils de résistant juif, on en fasse un complice des bourreaux.
Maurice Papon qui tient toujours sa tête posée sur sa main gauche a la parole en dernier. Sa voix est faible : « J'observe toujours une dérive pour engager le procès du général De Gaulle. Je partage la véhémence de Maurice Druon, je me sens en bonne compagnie ».

 

 

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18 février 2007 7 18 /02 /février /2007 12:37


Papon: l'impunité d' une double carrière de massacreur

 

N'oublions pas que Papon a bénéficié d'une clémence exceptionnelle puisqu'il a échappé à la justice de 1981 à 1997 malgré la révélation en 1981 de son rôle dans la déportation des juifs de Bordeaux, qu'il n'a jamais été jugé pour les massacres des Algériens à Paris en octobre 1961 et de Charonne et qu'il a été libéré de prison sur la base d'une "expertise " de médecins complaisants mandatés par la justice; ces experts l'ont déclaré "grabataire" ce qui lui a permis de rentrer tranquillement chez lui.
Souvenons nous qu'il a été un haut dirigeant de la droite UDR et trésorier de ce parti ancêtre de l'UMP, ministre de Barre et Giscard.
 

Son procès s'est terminé en Avril 1998 au moment même où dans cinq régions la droite a fait alliance avec le Front National
Nous rendons hommage à Michel Slitinsky dont le courage et l'obstination ont permis la mise à jour de ce qui allait devenir l'affaire Papon

Memorial 98

 

 

 

 


Michel Slitinsky n'oublie pas les 225 enfants déportés



Michel Slitinsky, porte-parole des parties civiles au procès de Maurice Papon, a mis en avant la responsabilité de l'ancien fonctionnaire du régime de Vichy dans la déportation de 225 enfants, samedi après l'annonce de son décès.
Agé aujourd'hui de 82 ans,  il fut à l'origine de la mise à disposition de la justice des premiers documents ayant permis de poursuivre Maurice Papon.

"C'est un événement auquel on était préparé. On gardera toujours en tête sa responsabilité à l'égard des familles qu'il a fait déporter. Un chiffre me vient en tête: 1.660 personnes dont 225 enfants partis dans les trains depuis Bordeaux", a déclaré Michel Slitinsky.

"On ne peut pas oublier les enfants. A leur égard, il aurait pu faire un geste, c'est à dire éviter de les jeter dans les bras des pourvoyeurs des camps et surtout faire glisser les listes au fond de ses tiroirs", a ajouté celui dont le père, le frère et la tante sont morts à Auschwitz, en Pologne.

Lui-même n'a pas connu les camps : il avait réussi à échapper aux policiers français qui étaient venus l'arrêter dans la nuit du 19 octobre 1942. Il était ensuite entré dans la clandestinité, puis dans la résistance.

Pour Michel Slitinsky, qui n'a eu de cesse de voir Maurice Papon condamné, "la cour d'assises a fait la démonstration qu'il avait pris des responsabilités très graves à l'égard d'une communauté. Il a prétendu qu'il n'était pas antisémite mais le résultat était le même. En définitive, il a voulu se dérober, il n'a pas reconnu le jugement et a voulu s'exonérer de tous les maux".

Près de neuf ans après la condamnation de l'ancien secrétaire général de la préfecture de la Gironde, Michel Slitinsky regrette que d'autres n'aient pas été poursuivis.

"Si Papon a été poursuivi, souligne-t-il, on a laissé 44 autres haut fonctionnaires selon les archives allemandes qui ont fait le même travail que lui et ont été de fidèles collaborateurs des Allemands".

"Moi, j'aurais souhaité qu'il y ait d'autres Slitinsky pour les poursuivre dans les autres villes de France", a-t-il dit.
 
MEMORIAL 98
 

 

 

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16 février 2007 5 16 /02 /février /2007 23:23

Une fois de plus l'extrême-droite polonaise -qui fait partie du gouvernement actuel- exprime son antisémitisme historique.
Un des "arguments "utilisés dans ce pamphlet accusant les Juifs de vivre volontairement dans des ghettos rappelle les propos d'un autre agitateur antisémite, français celui-ci, Alain Ménargues. En 2004 celui qui est à l'époque numéro 2 de la radio RFI publie un livre intitulé "Le Mur de Sharon" présentant le dit Mur comme une résultat de l'attitude séculaire des Juifs s'enfermant dans des ghettos pour se séparer des autres.
  Ainsi  le 12 octobre 2004, M. Ménargues participe à une émission de la station d’extrême droite Radio Courtoisie. Présentant à nouveau son livre , il déclare (selon une cassette fournie par la station et transcrite par l’AFP) : « J’ai été très choqué par le Mur, j’ai été voir des gens, des rabbins, des hommes politiques, si vous regardez le Lévitique dans la Torah, qu’est-ce que c’est ? La séparation du pur et de l’impur. Un Juif pour pouvoir prier doit être pur, tout ce qui vient contrarier cette pureté doit être séparé (...) Lisez le Lévitique, c’est écrit en toutes lettres. Quel a été le premier ghetto au monde ? Il était à Venise. Qui est-ce qui l’a créé ? C’est les Juifs mêmes pour se séparer du reste. Après l’Europe les a mis dans des ghettos. » Les journalistes de RFI protestent vivement et Ménargues quitte RFI mais maintient et accentue ses diatribes.
source  fr.wikipedia.org/wiki/Alain_Ménargues -

Memorial98

Un opuscule antisémite estampillé UE
Un député européen polonais publie un ouvrage raciste financé par le Parlement de l'Union.
Par Jean QUATREMER
QUOTIDIEN : vendredi 16 février 2007
Strasbourg (UE) envoyé spécial


Vous voulez tout savoir sur la «civilisation juive» ? Sur les «différences biologiques» entre les Juifs et les «gentils» ? Sur l'impossibilité de cohabiter avec la «civilisation juive» en Europe ? Lisez le petit livre Civilisations at War in Europe, que vient de publier, avec les fonds du Parlement de Strasbourg, le député européen Maciej Giertych, l'un des leaders de la Ligue des familles polonaises (LPR, non-inscrits).
Logo du Parlement. Ce chef-d'oeuvre d'antisémitisme a été présenté, mercredi, à Strasbourg, par son auteur. La lecture de cet opuscule  où figure le logo du Parlement, obligatoire pour toutes les publications qu'il finance  ramène directement à l'avant-guerre. Maciej Giertych  dont le fils Roman, président de la LPR, est vice-Premier ministre du gouvernement polonais  explique comment les Juifs, qui n'ont pas de caractères raciaux distinctifs (on peut les confondre avec des Polonais, souligne au passage l'auteur), passent d'un pays à l'autre et adoptent la langue locale tout en refusant de se fondre dans le pays d'accueil. Le «peuple élu» préfère rester entre lui, dans des «ghettos» : «Ils préfèrent volontairement vivre séparés des communautés qui les entourent. Ils se gouvernent eux-mêmes selon leurs propres règles et prennent garde de maintenir une séparation spatiale. Ils forment eux-mêmes des ghettos [...]. Seul Hitler a créé le concept de séparation forcée et de ghettos fermés d'où les Juifs n'avaient pas le droit de partir.»
«Eux» et «nous». Mieux : si les Juifs ne sont pas une race, «le fait qu'ils restent entre eux, qu'ils aient leur propre civilisation, qu'ils vivent séparément, a eu pour résultat qu'ils ont développé des différences biologiques». Bref, on ne peut pas les reconnaître, mais en faisant un petit effort, on peut y arriver. Giertych, pour bien nous faire comprendre que les Juifs sont prêts à trahir leur pays, explique que, lors des guerres, les Juifs sont présents dans les deux camps. Mais le Juif qui appartient au camp des vainqueurs veille à ce que le Juif appartenant au camp des vaincus soit bien traité. «C'est un mode de survie qu'ils ont développé en vivant parmi les gentils.» Les Juifs s'aident entre eux parce qu'ils sont juifs, alors que «nous», les chrétiens, nous nous battons pour nos valeurs, clame-t-il. «Cela démontre qu'il n'y a pas d'entente possible entre ces civilisations.»

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15 février 2007 4 15 /02 /février /2007 18:50
Dossier :
l'Etat belge reconnaît sa responsabilité dans la déportation des Juifs.


Nous mettons en ligne plusieurs documents
1) Le lien pour lire le rapport dans son intégralité ainsi qu'un lien vers un site d'informations et de débats sur l'extrême-droite en Belgique
2)Article du Monde sur ce sujet
3) Articles sur des écrivains belges célèbres...et antisémites: Simenon et Hergé
4) Un document de Memorial 98 analysant l'antisémitisme en Europe, publié en 2002 et toujours d'actualité.

Memorial98





1)pour lire le rapport :
http://www.cegesoma.be/index_fr.htm
 le site www.cegesoma.be

pour d'autres informations belges
Résistances Observatoire de l'extrême-droite
http://www.resistances.be/

Memorial98





2 Article du correspondant du Monde

Un rapport établit le rôle de l'Etat belge dans la déportation des juifs
LE MONDE | 15.02.07 |
BRUXELLES CORRESPONDANT






La Belgique a longtemps estimé qu'elle ne portait aucune part de responsabilité dans la persécution et la déportation de juifs pendant la seconde guerre mondiale. Une étude menée, pendant trois ans, par un groupe d'historiens mandatés par le Sénat belge et publiée, mercredi 13 février, démontre, au contraire, que l'administration, la justice et la police ont apporté "une collaboration indigne d'une démocratie à une politique désastreuse pour la population juive, belge comme étrangère".
En mai 1940, la Belgique est envahie par les troupes allemandes. Le roi Léopold III choisit de rester dans le pays alors que ses ministres, d'abord réfugiés en France, vont constituer, à Londres, un gouvernement en exil. Les secrétaires généraux, qui dirigent les divers départements de l'administration, vont désormais assurer la gestion de l'Etat. Ils feront rapidement le choix d'une "collaboration administrative maximale", explique le document de 1 100 pages, élaboré par le Centre d'études et de documentation guerre et sociétés contemporaines (Ceges). Car ces hauts fonctionnaires, souvent acquis aux idées de l'Ordre nouveau, doutent de l'avenir de la démocratie libérale et ont la conviction que l'Allemagne nazie finira par triompher.

L'occupant va, en outre, introduire rapidement ses hommes, des collaborateurs du Vlaams Nationaal Verbond flamand et du parti francophone Rex de Léon Degrelle, dans la haute administration. A l'époque, écrit le Ceges, une grande partie de l'establishment est contaminée par un "antisémitisme latent", qui est aussi le fait de la maison royale, de l'Eglise catholique et de milieux conservateurs rêvant de voir s'instaurer un régime autoritaire et corporatiste appuyé par le roi. "Une variante belge du régime de Vichy", écrit le rapport.

Tout cela conduit, au lendemain de l'invasion, à l'arrestation de 16 000 juifs. 7 500 seront déportés vers les camps français et, au total, 5 835 juifs de Belgique seront finalement emmenés vers Auschwitz, où ils seront quasiment tous exterminés.

A partir d'octobre-novembre 1940, la population juive va être recensée par les administrations locales, qui acceptent de déterminer qui est juif et qui ne l'est pas. Ce "choix délibéré" de céder aux Allemands est dicté par le fait qu'il est essentiellement question d'étrangers : 5 % seulement des juifs du pays possèdent la nationalité belge. Par ailleurs, médecins, fonctionnaires, enseignants, magistrats et journalistes juifs sont mis à pied. Le "contenu juif" des matériels scolaires est extirpé, sur ordre du ministère de l'éducation.

En 1941, le secrétaire général du ministère de l'intérieur, collaborateur, ordonne d'opposer la mention "juif" sur les cartes d'identité. En 1942 va débuter la politique de déportation en vue du travail forcé, avec l'appui de l'Office belge du travail. Début 1942, 2 200 travailleurs juifs sont envoyés en France pour participer à la construction du mur de l'Atlantique. Parallèlement, des déportations vers Auschwitz vont démarrer.

Si, à Bruxelles, les autorités refusent, dès ce moment, de faire distribuer l'étoile jaune et de prêter leurs policiers pour des rafles, la police d'Anvers fait du zèle : elle arrête un jour, sans ordre des autorités allemandes, 1 243 juifs qu'elle va leur remettre. Un revirement notable des diverses autorités ne s'opérera qu'à partir de la fin de 1942 et l'instauration du travail obligatoire en Allemagne. Après la guerre, note le Ceges, les questions sur les raisons de "docilité" de l'Etat belge seront toutes écartées.

Il aura fallu attendre plus de soixante ans pour que les choses changent. Après la publication du rapport, les représentants de la communauté juive, "sous le choc", ont évoqué un acte "courageux" des autorités publiques actuelles. Le premier ministre Guy Verhofstadt, qui fut le premier chef de gouvernement à admettre, il y a cinq ans, que les autorités belges avaient collaboré et avait présenté ses excuses au peuple juif, plaide désormais pour que ce chapitre de l'histoire du pays soit intégré dans les manuels scolaires.

Jean-Pierre Stroobants
Article paru dans l'édition du 16.02.07.

3) Simenon et Hergé

SIMENON, L'ANTISEMITE   

Georges Simenon est assurément un grand écrivain. C’est aussi un grand antisémite. Dans le concert de louanges qui célèbrent le centenaire de la naissance du grand homme, le livre de Jacques-Charles Lemaître, Simenon, jeune journaliste (Editions Complexe) vient le rappeler fort à propos.

Entre janvier 1919 et décembre 1922, le jeune Simenon sort à peine de l’adolescence qu’il joue déjà les Rouletabille dans la Gazette de Liège, le grand quotidien catholique et conservateur de la ville au Perron. Sa plume est alerte, incisive et son sens de l’observation fait déjà merveille quant il épingle les figures des conseils communaux, rend compte des conférences ou des manifestations culturelles de la ville et retranscrit les dépêches des grandes agences. Soutenu par son mentor, Joseph Demarteau III, qui lui sauve plusieurs fois la mise quand ses articles font scandale dans le Landerneau liégeois, le jeune journaliste prend rapidement de l’assurance et passe de grouillot de la rubrique des chiens écrasés au statut de reporter, un rôle dans lequel il se montre être rapidement un pamphlétaire féroce et apprécié.





 Gorges Simenon: Un antisémitisme « virulent et intégral »



Tour à tour antisocialiste, anticommuniste et anti-maçonnique, il est aussi antisémite. Sa prose est une prose de combat mise au service d’une presse nationaliste et réactionnaire. Mais c’est surtout dans l’antisémitisme que l’indéniable précocité de son génie trouvera à s’ébrouer avec le plus de volupté. Dans une série de quinze articles parus entre le 19 juin 1921 au 13 octobre de la même année, intitulés « Le Péril Juif », il démarque le fameux faux tsariste Les Protocoles des Sages de Sion pour égrener dans un feuilleton où le ton est à la fois docte et haineux (il puise si l’on peut dire, aux meilleures sources de l’antisémitisme de son époque), un concentré efficace et dévastateur de propagande antijuive. Dans une analyse où ni les Juifs, ni les Protestants ne sont épargnés, sans parler des Francs-Maçons, il dénonce la mainmise de la finance juive sur le monde, citant le « banquier juif anglais » Ricardo et le « Juif allemand » Karl Marx comme les inspirateurs d’une conception « mystico-judéo-économique », d’une « internationale de l’Or et du Sang », résultat de l’alliance entre la finance puritaine protestante et le socialisme.



Inspiré par les Protocoles des Sages de Sion



Depuis le brillant travail de Pierre-André Taguieff sur les origines des Protocoles des Sages de Sion (paru chez Berg International), on sait que ce document a joué un rôle majeur dans la justification de l’antisémitisme à partir des années ’20 où ce faux est publié en France par Grasset et largement popularisé aux Etats-Unis par Henry Ford. Les Protocoles(que Simenon orthographie Protocols, à la manière anglaise) sont « lancés » par un grand article publié dans le Times de Londres le 8 mai 1920. Un an plus tard, en août 1921, le même journal publie un article apportant « la preuve du faux », établissant que le texte des Protocoles était un plagiat d’un livre anti-bonapartiste publié à Bruxelles par l’avocat Maurice Joly en 1867 et qui voulait montrer comment Louis-Napoléon Bonaparte complotait pour s’emparer de la France. L’article montre assez simplement que le mot « France » avait été remplacé par le mot « monde » dans de longs passages de l’ouvrage. Mais le mal est fait. Le jeune Sim, comme bien d’autres, s’empare du document pour élaborer sa série d’articles. Faisant cela, il rejoint un certain… Adolf Hitler qui, lui-même, s’en est directement inspiré pour écrire Mein Kampf en 1925.



Sans l’ombre d’un repentir



Il n’est pas étonnant que le jeune « Sim » se répande ainsi en propos haineux à l’encontre des Juifs. Il est dans la droite ligne d’une tradition catholique belge qui entretenait depuis la Contre-Réforme, un antisémitisme quasi institutionnel. De nombreux écrivains ou artistes belges de renom ont commis ce genre de forfait : Emile Verhaeren, Hergé, Jean Ray, Michel de Ghelderode, pour n’en citer que quelques-uns. Le moindre des mérites de Jacques-Charles Lemaire qui publie tous ces textes in extenso, c’est de montrer aussi que Simenon, dont on connaît par ailleurs les errements collaborationnistes, loin de se repentir, persiste dans un antisémitisme qui, s’il avance désormais masqué, n’en est pas moins insidieux. Il émaille plusieurs de ses chef-d’œuvres, de Pietr le Letton à L’Ainé des Ferchaux, en passant par M. Hire. Ainsi M. Lemaire cite-t-il cette phrase issue d’un livre de souvenirs du romancier liégeois, Quand j’étais vieux : « Hitler a dû parler des Juifs comme j’ai parlé mardi des staphylocoques dorés, parce qu’on lui demandait d’en parler et que, en apparence, c’était un bon sujet. Je suis persuadé qu’il ne se doutait pas qu’on le forcerait à y revenir et, en fin de compte, à tuer je ne sais combien de millions d’Israélites ». Plus loin, il ajoute que pour cela, il n’est pas « sûr qu’il ne soit pas un jour porté aux nues. »



En ces temps de profusion d’hommages hagiographiques, le livre de Jacque-Charles Lemaire est de salubrité publique.



Didier Pasamonik


Jacques-Charles Lemaître: Simenon jeune journaliste, un « anarchiste » conformiste, Editions Complexe,

Article pour le mensuel Regards (Belgique).




Le mythe Tintin
Retour sur le passé d’Hergé

Georges Remi, dit "Hergé", le père de la "ligne claire" et de Tintin fut le compagnon de route de plusieurs dirigeants de l’extrême droite belge. Hergé collabora aussi au Soir volé, alors crypto-nazi. Son principal personnage deviendra ensuite une référence pour la droite pure et dure. En est-il coupable? Un nouveau livre rouvre le "dossier Hergé". Entretien sur ce sujet polémique avec l’historien Alain Colignon.

Tintin, c’est du belge! Avec toutes les contradictions propres à notre petit pays. Issu des rangs de la droite catholique, tendance maurrassienne, Hergé fut l’ami de Léon Degrelle. Après 1940, sa carrière professionnelle se poursuivra au sein du journal Le Soir, volé par la propagande nazie et dirigé par un quarteron de collabos belges de la pire espèce. Erreur de jeunesse, disent les plus acharnés tintinophiles. Certains d’entre eux, comme l’"hergélogue" (sic) Philippe Goddin dans les colonnes du " Soir " (l’actuel!) du 12 mars dernier, pensent que " cinquante ans et quelques après la fin de la guerre, il serait temps qu’on cesse de taxer d’incivisme, sans discernement, tous ceux qui ont pu, à l’époque, mettre quelqu’espoir dans l’avènement d’une société nouvelle ". Pour sa part, Stéphane Steeman, humoriste, tintinophile d’avant-garde et lié -comme Hergé- à la droite catholique musclée, avait déjà affirmé, en 1999, " on ne peut rien reprocher à Hergé. Tout au plus quelques gaffes, des erreurs de jeunesse ".

D’autres pourtant continuent d’estimer qu’Hergé fut bien plus qu’un simple petit "collabo" aveuglé par un plan de carrière ambitieux. C’est le cas de Maxime Benoît-Jeannin. Cet écrivain français -qui vit à Bruxelles- vient en effet de consacrer un livre entier aux "aventures" collaborationnistes du jeune Hergé (1). A ce sujet, nous avons rencontré Alain Colignon, historien au Centre de documentation et d’études "Guerres et sociétés contemporaines" (CEGES). Retour sur un tabou belge.

Manuel Abramowicz : Selon vous, Hergé peut-il être considéré comme un ancien collaborateur?
Alain Colignon : Tout d’abord, il faut revenir aux années d’avant-guerre. Le père de Tintin est le fruit de son époque et la "victime" de son milieu sociologique. Il provient de la droite catholique marquée par les années 30 et la situation politique de cette décennie. La Révolution soviétique de 1917, son influence sur le reste du monde, la guerre civile espagnole ou le Front populaire en France sont des événements qui mobilisèrent cette droite à laquelle Hergé appartenait. Pour ce milieu ultraconservateur, la "peur du rouge" est une constante. Notre illustre dessinateur va rencontrer sur son chemin, au collège bruxellois Saint-Boniface par exemple, des personnalités qui incarneront l’extrême droite religieuse et culturelle. Il y a tout d’abord l’abbé Wallez, le véritable père spirituel d’Hergé, mais aussi Paul Jamin, qui, sous le pseudonyme de "Jam", dessinera les caricatures antipolitiques et antisémites dans Le Pays réel, l’organe du parti Rex. Léon Degrelle, le "Chef" de cette formation électorale fascistoïde, se retrouva aussi sur le chemin emprunté par Hergé. Mais jamais ce dernier n’adhérera à Rex. Peut-être parce que, somme toute, Hergé, à l’instar de la majorité des Belges, ne se préoccupait pas vraiment des affaires politiques.

Quand les nazis vont s’installer chez nous, le jeune dessinateur va néanmoins en profiter. Bien plus professionnellement que politiquement parlant. Hergé est très ambitieux. Il veut réussir dans le domaine artistique. Il doit donc s’imposer. Peu importe le contexte politique. Pour Hergé, il faut faire avec. Jamais, il ne considérera qu’il a été un "collabo". Hergé se définissait comme un " simple travailleur " qui devait continuer à travailler pour survivre. Au même titre que l’ouvrier continuant à se rendre chaque matin à l’usine. Hergé a donc tout simplement poursuivi son "plan de carrière" au sein de la rédaction du " Soir volé ".

Le journal " Le Soir " était alors dirigé par Raymond De Becker qui, issu des rangs démocrates-chrétiens, devint au fil du temps un fasciné, adepte du national-socialisme. Contrôlé et toléré par les nazis, ce quotidien avait une diffusion maximale. A un moment donné, il ira jusqu’à tirer à 300.000 exemplaires. Tintin contribua partiellement au succès du " Soir volé ". Les années 40-44 furent les meilleures pour Hergé. Il n’a jamais autant dessiné. De plus, parmi le lectorat du " Soir ", il fidélisera un public de plus en plus tintinophile. Avec des dessins, en règle générale, apolitiques qui n’évoquèrent que rarement la guerre ou l’occupation. Si ce n’est bien sûr dans " L’Etoile mystérieuse ", aventure de Tintin où effectivement une touche clairement anti-américaine et antisémite se manifeste sans complexe. Les rafles visant à déporter les Juifs de Belgique vers le camp d’extermination d’Auschwitz-Birkenau s’organisèrent durant cette même période…

M.AZ : A la Libération, le père de Tintin n’a pas vraiment été inquiété par la justice, contrairement à ses amis politiques Wallez, Jamin, De Becker... Aurait-il dû l’être davantage?
A.C : Les traits d’antisémitisme que l’on pouvait déceler dans les aventures du jeune reporter belge dessinées sous l’occupation et la nature de l’engagement collaborationniste d’Hergé n’ont pas été jugés suffisamment graves pour justifier son renvoi devant un tribunal. Le "cas Hergé" fut rapidement oublié par les magistrats qui avaient alors de plus lourds dossiers à boucler. Toutefois, selon moi, le "dossier Hergé" méritait tout de même une véritable sanction. Les deux nuits qu’il passa en prison sont vraiment très faibles. Pour son engagement dans les rangs des collaborateurs, marqué certainement par son ambition professionnelle - mais cela n’excuse pas ses actes -, on aurait dû le condamner à une sanction civique en lui retirant, pour quelques années, ses droits civils et politiques. Un plus long séjour en prison lui aurait aussi permis de réfléchir à son soutien artistique aux nazis.

M.AZ : Jusqu’à son décès en 1994, Léon Degrelle affirmera avoir servi de modèle à Hergé pour créer le personnage de Tintin. Une certaine extrême droite continue à faire du jeune reporter blond l’un de ses fétiches favoris. Alors, " Degrelle en Tintin " et Tintin devenu le héros de la droite pure et dure, la thèse est-elle plausible?
A.C : Les liens maintenus après la guerre que revendique Léon Degrelle avec Hergé me paraissent suspects. L’ex-chef de Rex a tellement menti durant sa carrière politique que je pense que cette affirmation est un mensonge de plus. Que l’extrême droite ait essayé de récupérer à son profit le "mythe Tintin", pourquoi s’en étonner? Mais à qui la faute? En effet, Hergé n’a jamais condamné ses amitiés politiques d’extrême droite rencontrées avant et pendant la Seconde Guerre mondiale. Son engagement au " Soir " proallemand ne fut jamais renié. Parce que pour lui, il n’avait pas collaboré avec l’occupant nazi! Toutefois, tout ce que peut dire et faire l’extrême droite pour récupérer le patrimoine Tintin, Hergé n’en est pas responsable. Puisqu’il est mort maintenant depuis plus de dix-huit ans.

Propos recueillis par Manuel ABRAMOWICZ
Bruxelles, 15 mars 2001

 

(1) Maxime Benoît-Jeannin, " Le Mythe Hergé ", Editions Golias, 94 pages.




Tintin kidnappé par l’extrême droite?
Quelle que soit l’opinion que l’on porte sur l’auteur de Tintin, une chose est sûre, Hergé était bel et bien de droite, version "hard", et marqué par son éducation chrétienne proche de la mouvance intégriste, antisémite et anticommuniste. Dans les années quatre-vingt, plusieurs groupuscules français et belges de la droite extrême vont à nouveau récupérer le personnage dessiné. Il ne sera pas rare de voir dans divers opuscules néofascistes, un dessin piraté de Tintin avec un "look" très facho. Un journal espagnol nauséabond, " Zyklon B ", poussera la provocation en le déguisant en Adolf Hitler. Dans le mensuel du FNB, on parlera des amitiés maintenues, après 1945 d’Hergé avec une kyrielle d’ex-collabos, dont Jan Vermeire, le numéro deux de la SS wallonne et porte flambeau des néorexistes jusqu’à peu. Autre information publiée par le canard frontiste : " Assez démoralisé après la guerre, Hergé envisage alors de s’exiler en Amérique du Sud " (1).

Par ailleurs, un livre de Léon Degrelle sera même vendu sous le manteau. Son titre? Tintin mon copain! Pour un magazine d’ultradroite, les " révélations (publiées dans ce pamphlet) feront grincer bien des dents mais raviront la famille nationaliste " (2).

Dans une interview accordée en mai 1988 au mensuel lepéniste " Le Choc du Mois ", Léon Degrelle avait déjà affirmé à propos de son ex-collègue Hergé : " il est toujours resté un grand copain et quand j’étais caché en Espagne, il a continué à m’envoyer tous es livres ". Info ou intox? Degrelle est mort en 1994, Hergé en 1983. Et les morts, comme on le sait, ne peuvent plus témoigner… mais on peu toujours les faire parler !

M.AZ

(1) Le Bastion, n°4, avril 1996.
(2) Les Cahiers de Bédésup, n°74/75, 1996.



Article publié dans Regards du 8 mai 2001

 

 
4) L'antisémitisme en Europe aujourd'hui: au-delà de la négation.
 
"L'antisémitisme est avant tout une langue, l'espéranto de tous les chacals fascistes, quelle que soit leur nationalité".
Friedrich Gorenstein, écrivain russe (1932-2002).

Il y a beaucoup d'émotion et de réactions, absolument justifiées, à propos d'actes et de menaces antijuives en France et en Europe ces derniers mois. Ceci s'accompagne d'une avalanche de titres sur " le nouvel antisémitisme ", la nouvelle judéophobie (selon le titre de l'ouvrage de P.A.Taguieff paru en janvier 2002), en relation avec la situation au Moyen Orient; l'accent y est mis sur l'antisémitisme arabe, musulman voire prétendument d'extrême gauche.

Mais en Allemagne, c'est l'extrême droite nationaliste qui revendique des attaques contre des synagogues et tout récemment (5 septembre 2002) contre un monument commémoratif des marches de la mort. En Russie, en Pologne, en Autriche, en Roumanie, de puissants partis " populistes " dénoncent " l'influence juive " . En France Le Front National bien connu pour ses positions xénophobes et antisémites a crée la surprise par sa présence au deuxième tour de l'élection présidentielle d'avril/mai 2002.

En d'autres termes, pourquoi parler de l'antisémitisme aujourd'hui? Ne s'agit-il que d'une manière détournée et orientée d'aborder la situation au Moyen Orient?
La démarche qui suit tente de présenter une autre vision des choses dans ce qui veut être un éclairage européen, insistant sur la continuité historique de courants antisémites et de modalités de leur intervention dans les différents pays. C'est sur ce terreau que poussent les formes les plus récentes de la haine des Juifs.

France : le choc d'avril 2002
Le 21 avril dernier, 4,8 millions de voix se sont portées sur J.M. Le Pen, candidat du principal parti antisémite et négationniste d'Europe; au deuxième tour de la présidentielle, après la mobilisation que l'on sait, le candidat du FN a encore recueilli 5,5 millions de voix. Ces suffrages ne se sont pas portés sur lui principalement en raison de son antisémitisme et de son négationnisme, mais cet aspect n'a pas constitué un repoussoir pour des millions d'électeurs, et a peut-être participé à son succès, en résonance avec ses dénonciations xénophobes et antimondialistes. Il est donc utile de rappeler l'histoire du Front National dans ses rapports avec l'antisémitisme et le négationnisme.

Le " détail " et la passion négationniste
Le 13 septembre 1987 lors de l'émission " le Grand Jury R.T.L. " à une questions ainsi formulée: " Que pensez vous des thèses de Faurisson et Roques (négationnistes notoires) ? " : Le Pen répond :
« ... je suis passionné par l'histoire de la Seconde Guerre Mondiale. Je me pose un certain nombre de questions. Je ne dis pas que les chambres à gaz n'ont pas existé. Je n'ai pas pu moi-même en voir. Je n'ai pas étudié spécialement la question. Mais je crois que c'est un point de détail de l'histoire de la Seconde Guerre Mondiale... »
Le détail n'est pas un lapsus ni le résultat d'un piège journalistique. C'est au contraire une affirmation emblématique et répétée qui montre que si le négationnisme est marginal dans le domaine historique et scientifique, il a enregistré d'immenses succès au plan politique. L'impact pratique du négationnisme se juge par le " détail ". Concernant l'expression antisémite du FN, c'est un saut qualitatif. Comme le dit Valérie Igounet, auteure de l'Histoire du négationnisme en France (Seuil 2000) :
« l'épisode du " détail " doit être considéré comme le véritable tournant de la stratégie frontiste. A une négation latente succède une négation patente »1.

En 1988, lors de l'affaire Durafour-crématoire, lorsque Yann Piat et F. Bachelot alors dirigeants du parti protestent devant le bureau politique, Bernard Anthony alias Romain Marie, chef de file du courant catholique intégriste au sein du FN, répond ainsi à Bachelot :
Tu n'as rien compris, nous sommes ici pour prendre notre revanche contre l'anti-France; c'est le lobby juif et le lobby maçonnique...2
Le Pen de son côté leur réplique :
« oui ce jeu de mots je l'ai fait exprès et j'y reviendrai systématiquement car nous ne pouvons pas passer sous le joug de la juiverie française ».3

Lorrain de Saint Affrique, longtemps conseiller en communication de Le Pen, note qu' " il est impossible de faire partie de la direction du FN si on ne partage pas des convictions négationnistes et antisémites ".

L'engagement antijuif et négationniste est absolument central dans l'univers de la direction et des cadres frontistes. Les déclarations et textes abondent. C'est la substance même de la continuité de l'extrême droite française depuis plus d'un siècle, son cœur identitaire construit autour de " la revanche contre l'anti-France ". C'est aussi l'outil par lequel Le Pen cimente l'unité des différentes fractions querelleuses de cette mouvance. Ces fractions divisées historiquement et idéologiquement, par exemple sur la place de la religion ou le programme économique, communient aisément dans la tradition antisémite française. Le chef et tribun est celui qui manie le mieux cette charge de violence.

Maryse Souchard précise ainsi dans le livre collectif " Le Pen, les mots " basé sur l'étude sémantique de ses discours de 1980 à 1996 : " l'analyse du lexique montre que lorsqu'il s'agit de les désigner avec précision, les discours de Le Pen parlent presque deux fois plus des Juifs et des israélites que des Arabes et des musulmans; il n'en oublie pas pour autant les francs-maçons... "4

On retrouve les ennemis traditionnels et la revanche de la deuxième guerre.
Pour bien marquer cette continuité historique et politique, les idéologues du FN, sa presse, prennent en compte les développements de l'actualité. Le procès Papon en 1997, suivi des commémorations du centenaire de l'affaire Dreyfus en 1998 (parution du "J'accuse" de Zola en Janvier 1898), donnent lieu à un déchaînement rarement atteint auparavant. Le journal National-Hebdo se distingue par sa violence, titrant par exemple le 9 octobre 1997 sur la " Judapo " (contraction de judaïsme et Gestapo) pour présenter un dossier sur " la question juive ".

Quelques semaines plus tard, dans le numéro de National-Hebdo du 15 au 22 janvier 1998, soit cent ans jour pour jour après la parution du "J'accuse" de Zola, l'éditorialiste et directeur du journal résume ainsi l'identité antisémite de son parti et la place cruciale qu'il attribue à cet engagement; il dénonce " la tétrade satanique racisme-xénophobie-antisémitisme-négationnisme... " :

c'est le préjugé antiraciste qui empêche de rétablir l'ordre et de résoudre le problème de l'immigration...nous devons expliquer aux Français que tant que l'on n'aura pas débloqué l'affaire du " détail " les banlieues continueront à flamber et la France à sombrer...5.

Le Pen a t il changé ?

Lors de la dernière campagne présidentielle, Le Pen a choisi un profil globalement moins violent que lors des échéances précédentes. Pour autant il a, par quelques symboles habituels, pris soin de rappeler la continuité négationniste et antisémite de son mouvement.
Ainsi pendant cette campagne, Le Pen donne une préface à la réédition, chez l'éditeur néonazi "Éditions de l'Homme Libre", d'un livre de François Duprat intitulé La Droite nationaliste en France 1971 à 1975, qui retrace notamment la création du FN. Duprat est considéré comme le principal propagandiste et importateur du négationnisme en France. Traducteur du livre de Richard Harwood 6 millions de morts le sont ils vraiment ?, il n'a cessé de diffuser des thèses négationnistes notamment dans la revue Défense de l'Occident et dans son hebdomadaire Cahiers Européens. Mort en 1978 dans un mystérieux accident de voiture, il symbolise au sein du FN la passion antisémite la plus extrême; il y fait l'objet d'un véritable culte. Le Pen ne manque pas de célébrer chaque 18 mars l'anniversaire de sa mort. Sa photo orne le bureau de Bruno Gollnisch.

De manière plus générale, Le Pen n'est jamais revenu sur ses propos scandaleux pour les atténuer ou les retirer. En prologue de la campagne électorale des régionales de 2004 il vient de les confirmer en déclarant à propos du " détail " et de " Durafour-crématoire " (in Le Monde 15.3.03) : " j'ai émis plus ou moins habilement une opinion, est ce que tout cela ne fait pas partie de la liberté d'opinion ?... "

Tous les dirigeants frontistes qui se profilent (Gollnisch, Romain Marie, Marine Le Pen) partagent avec lui un engagement antisémite caractéristique et fondateur. Comme l'explique René Monzat, chercheur spécialiste des droites radicales :
... l'antisémitisme de l'extrême droite est trop souvent confondu avec les dérapages d'après boire de ses chefs, alors qu'il s'agit d'une conception du monde inculquée aux catholiques intégristes depuis leur plus jeune âge, que cet antisémitisme repose sur une contre-culture, historique, sociale, théologique très structurée...6

Quelques mois après l'élection présidentielle de 2002, le candidat soutenu par le FN à une élection cantonale de Villeurbanne, en préparation des régionales de Rhône-Alpes, est Pierre Vial : Vial est l'animateur du courant dit " païen " du Front National, traité de " raciste " par Le Pen au lendemain de la scission avec Mégret, puis pardonné et investi. Apologiste des S.S. français à la Saint Loup, il déclare que " le totalitarisme est né le jour où est apparue l'idée monothéiste... tout a commencé historiquement avec Abraham.. "7, et oppose aux " peuples germains les gardiens de chèvres qui vont adorer leur dieu unique dans le désert ".

Dans la ville de Lyon et la région Rhône-Alpes qui sont au cœur des affaires de négationnisme à l'Université, et qui ont cristallisé l'affrontement que l'on sait autour de Charles Million, P. Vial se profile ainsi en tandem avec B. Gollnisch. Leur antijudaïsme partagé transcende leurs multiples divergences.


Les électeurs FN : tous antisémites?
A priori il faut bien sûr distinguer entre militants d'extrême droite et électorat. Pascal Perrineau directeur du Cevipof précise ainsi :
« les électeurs frontistes ne sont pas tous antisémites même s'ils le sont plus que la moyenne des Français; les interviews non directives auprès des électeurs d'extrême droite montrent à quel point la figure du maghrébin est rejetée : 9 personnes sur 10 manifestent spontanément leur hostilité à l'égard des immigrés originaires d'AFN. En revanche, la question juive est peu ou pas abordée notamment dans les régions méridionales où la présence étrangère focalise les sentiments de rejet. A l'inverse chez les cadres (du FN), les militants et le noyau dur des nationalistes traditionnels, la hiérarchie des haines est fort différente. La figure du juif est incontournable, lorsque le Pen dénonce le " lobby de l'immigration " ou de l'" euromondialisme ", chacun comprend à quel groupe, à quelle communauté il fait allusion »8.

Mais en même temps, une autre étude approfondie révèle des éléments inquiétants. La chercheuse Nonna Meyer suit au long cours le sondage annuel réalisé par la Commission nationale consultative des droits de l'homme à propos des opinions xénophobes dans notre pays. Dans un article intitulé "Sondages mode d'emploi"9, elle observe entre 1988 et 2000 à la fois un recul des préjugés racistes en général et une forte augmentation des opinions antisémites croisées sur plusieurs questions ("les Juifs ont trop de pouvoir en France", "il y a trop ou pas trop de Juifs en France", "les Juifs sont des Français comme les autres"). Elle précise qu'en fait il s'agit avant tout d'une diminution de la catégorie "refus de répondre" à ces questions, et en conclut à l'expression plus explicite d'un antisémitisme auparavant plus tabou et honteux. Selon ses termes :"... autrement dit il n'y a pas plus d'antisémites dans la société française mais il y a moins d'antisémites honteux...". Elle attribue cette évolution à un contexte favorable à "la libération de la parole antisémite".

Un véritable danger antisémite, véhiculé par une force politique importante, existe dans notre pays. Il s'inscrit dans la tradition d'extrême droite née au XIXème siècle, maintenue et radicalisée tout au long au XXème en intégrant la collaboration et la conversion à l'entreprise exterminatrice nazie, puis à sa négation. De puissants courants antijuifs sont aussi présents dans des couches issues de l'immigration et reprennent les stéréotypes les plus horribles de cette tradition réactionnaire.

Coup de projecteur en Europe
Regardons un peu au-delà de nos frontières pour tenter de déceler si ce phénomène présente une dynamique européenne ou s'il ne s'agit que d'une spécificité française.
Cette exploration, limitée à quelques pays, mérite un travail beaucoup plus approfondi mais permet déjà de constater de puissants éléments de continuité dans la permanence de courants antisémites enracinés dans l'histoire politique de leur pays. Il conduit aussi à s'interroger sur la situation spécifique des pays de l'est européen.

Roumanie : le parti de la grande Roumanie de Corneliu Vadim Tudor (lui-même ancien laudateur de N.Caucescu) a récolté 30% des voix aux élections présidentielles de décembre 2000. Il mène une intense agitation antisémite et anti-tsigane, s'appuie sur un réseau médiatique puissant notamment de radios qui diffusent des histoires de "coups de poignard dans le dos, de fantasmes de conspirations anti-roumaines ourdies par les forces cosmopolites de Bruxelles New York et Tel Aviv"10. Tudor milite pour la réhabilitation du dictateur Antonescu et de la milice de la Garde de fer, initiateurs des persécutions contre les juifs roumains à la veille de la seconde guerre mondiale. Il déclare :
les juifs nous demandent de détruire les statues d'Antonescu (récemment érigées à travers tout le pays) comme les talibans l'ont fait avec celles de Bouddha. Moi je dis que ceux qui vont démolir nos statues seront eux même démolis.11.

Il reste dix mille juifs en Roumanie ; deux cent mille ont été déportés et cent trente mille exterminés.

Autriche. Le parti de J. Haider s'inscrit dans la tradition antisémite sans doute la plus intense d'Europe occidentale. Dès le début du XXème siècle, Karl Luger, maire de Vienne au programme explicitement antisémite, se fait élire sur la thématique de l'envahissement de la ville par les juifs de l'Est et l'atteinte à la nation autrichienne/allemande. Les nazis autrichiens occupent une place centrale au sein de la galaxie hitlérienne. Un des symboles des persécutions qui ont précédé l'extermination est la scène fameuse des juifs de Vienne contraints en mars 1938 à nettoyer les rues de la ville à la brosse pour la purifier de leur propre présence.

Après guerre, la réintégration rapide des nazis dans l'espace politique se fait sous la protection des Alliés et du mythe d'une Autriche "victime". La présidence de Kurt Waldheim, qui a participé à des crimes de guerre dans les Balkans, poursuit cette voie, aggravée en 1999 par la victoire électorale de Haider avec 27% des voix. Celle-ci est d'ailleurs suivie quelques semaines plus tard de celle du parti semblable de Blocher en Suisse. Son échec électoral récent ne remet pas en cause sa présence au gouvernement autrichien.

Russie. Le sillon antisémite est profond, de l'époque des pogroms organisés par les milices tsaristes dites Cents-Noirs, au soi-disant " complot des blouses blanches " et aux préparatifs de déportation des juifs par Staline. Dans la période récente, on assiste à un déferlement de propagande antisémite véhiculé d'une part par des milieux intégristes orthodoxes et nationalistes et souvent combiné à la haine contre les Tchétchènes et autres "caucasiens basanés", mais aussi par les authentiques "rouges-bruns qui combinent les slogans à la gloire de Staline et les diatribes antijuives".

Ainsi lors des manifestations du parti communiste de Russie de Ziouganov censées commémorer la révolution d'Octobre, se trouvent en nombre des banderoles contre les "youpins". Le général Makachov, membre du comité central du P.C. déclare :
... Jid (youpin) ce n'est pas une nationalité c'est une profession, suceur de sang... il faut virer tous les youpins, mettre en prison les juifs responsables des malheurs de la Russie...
Une résolution le blâmant pour ces propos est repoussée par la Douma en novembre 1998, un seul des 130 députés PC ayant voté pour12. L'antisémitisme russe ne se limite pas aux discours : attaques de synagogues, agressions et plus récemment pancartes piégées sont monnaie courante.

Pologne. Dans ce pays qui présente la caractéristique d'un "antisémitisme sans juifs", après avoir connu la destruction presque totale d'une communauté de plusieurs millions de personnes, on assiste à la poussée des nationalistes chauvins à discours "populiste" et fortement antisémite du parti "Autodéfense" de Lepper, qui récolte 10% des voix. Son score est l'équivalent de celui de la Ligue des familles polonaises, tout aussi violemment antisémite, appuyée sur la radio catholique intégriste Marya. Il s'agit là de la poursuite de la tradition antijuive, si enracinée dans la vie politique nationale, renforcée par le maintien de l'ambiguïté de l'Église avec les croix d'Auschwitz, la volonté de canoniser Pie XII et le refus d'ouvrir les archives du Vatican.
Hongrie. Là aussi, une extrême droite ouvertement antisémite et anti-tzigane est en pleine ascension. Son dirigeant Istavan Csurka, écrivain négationniste, défend la mémoire du régime fasciste du régent Horthy et dénonce " les juifs apatrides " appuyé sur "radio Pannon, la plus violente d'Europe de l'Est" selon l'enquête du journal suisse Neue Zuricher Zeitung13). Lors de la récente attribution du prix Nobel de littérature à Imre Kertesz, de nombreuses réactions xénophobes et antisémites visaient à nier le caractère "national" de cet écrivain en raison de sa judéité.

Allemagne. Des éléments inquiétants se sont accumulés ces dernières années. Dès les années 80, la "querelle des historiens" et la diffusion de thèses proches des révisionnistes ont montré la fragilité d'un consensus qui n'était sans doute qu'apparent. Le choc suivant s'est produit en 1998 avec l'affaire Walser. Cet écrivain fort connu s'est livré, lors de la remise d'un prix littéraire prestigieux décerné par les libraires, à une violente dénonciation de la mémoire de la Shoah en tant que "massue morale" brandie contre l'Allemagne, insistant sur le fait qu'il ne supportait plus d'en entendre parler. Il mettait aussi en cause "l'instrumentalisation" d'Auschwitz à des "fins actuelles", c'est-à-dire pour obtenir des réparations.

Sur le moment il fut ovationné par la salle unanime. Cette prise de position suscita une intense polémique, notamment avec la gauche antifasciste et la communauté juive. Walser a été défendu par une partie de la classe politique et du monde de l'édition. Il a récidivé récemment dans l'évocation antisémite en faisant paraître un roman à clés intitulé "Mort d'un critique" et décrivant avec jubilation l'assassinat d'un très renommé critique littéraire juif.14.

Ces coups de boutoir historiques et littéraires produisent leurs effets. Une étude de long terme à base de sondages répétés, réalisée par les universités de Berlin et Leipzig, donne les indications suivantes15. En avril 2002, 28% des Allemands sondés pensent que l'influence juive dans leur pays est trop grande; 32% supplémentaires approuvent partiellement cette affirmation. La progression de ces opinions est spectaculaire, doublant par rapport à un précédent sondage de 1994. La croissance des opinions hostiles aux juifs est particulièrement forte dans la partie occidentale du pays, contrairement à l'image actuelle.

En octobre 2000, une série d'attentats revendiqués par des groupuscules d'extrême droite visent des synagogues, inspirant en réaction une importante manifestation le 9 novembre, anniversaire de la Nuit de Cristal nazie de 1938. Cette mobilisation s'opposait aussi aux dirigeants démocrates-chrétiens développant le thème de la Leitkultur (culture dominante allemande) contre les immigrés et la double nationalité. Les campagnes électorales de 2002 ont apporté leur lot de signes de fragilité : poussée transgressive du parti libéral s'attaquant à la communauté juive après une polémique sur Israël, réhabilitation de la cinéaste du régime nazi Leni Riefenstahl, nouveaux attentats notamment contre un mémorial des marches de la mort, couvert de croix gammées et de slogans antisémites, manifestations agressives à Berlin contre la retour de noms de rues modifiés par les nazis pour effacer des identités juives...

Plus récemment encore, le principal dirigeant démocrate-chrétien Koch se permettait de comparer le sort, à ses yeux malheureux, des personnes fortunées sous un gouvernement de gauche, à celui des juifs sous le nazisme, pareillement stigmatisés par une étoile jaune...
Ce panorama européen pourrait se poursuivre par la description de la situation en Suisse, Grèce, pays Baltes, Belgique... et autres pays européens dans lesquels l'antisémitisme est bien vivace.

La levée des tabous européens
Sur le front de l'antisémitisme européen, une période de relative accalmie a suivi l'apocalypse de la seconde guerre mondiale, sans empêcher de violentes campagnes, notamment dans les pays de l'Est autour des procès staliniens, mais aussi en France, en Allemagne et en Autriche. Un historique même succinct dépasserait le cadre de cet exposé; rappelons simplement que les droites radicales de ce continent n'ont jamais abandonné cette croisade. La résurgence de l'antisémitisme en Europe est bien antérieure à la crise actuelle au Moyen Orient.

Elle trouve son expression dans les victoires enregistrées par l'extrême droite depuis le milieu des années 1980 et singulièrement dans les succès du Front National, qui sert de modèle et d'espoir aux partis de sa mouvance. La continuité antisémite se nourrit aussi au milieu des années 1990 du débat malsain sur les spoliations et réparations en France, Suisse, Allemagne, Autriche. Les négationnistes avaient déjà donné le ton en la matière.

Ainsi R. Faurisson ne se bornait-il pas à affirmer que les chambres à gaz n'avaient pas existé; il fournissait une explication de ce "mensonge": dès 1980 il put déclarer à la radio :
les prétendues chambres à gaz hitlériennes et le prétendu génocide des juifs forment un seul et même mensonge historique qui a permis une gigantesque escroquerie politico-financière dont les principaux bénéficiaires sont l'État d'Israël et le sionisme international et dont les principales victimes sont le peuple allemand -mais pas ses dirigeants- et le peuple palestinien tout entier...16

Le succès de cette propagande, notamment en Allemagne, témoigne de la difficulté à purger réellement l'abcès de la seconde guerre mondiale. En 1992, un président socialiste français fait encore fleurir, chaque 11 novembre, la tombe de Pétain, malgré les nombreuses protestations et manifestations; il n'abandonne qu'en raison du scandale qui le contraint. Le procès Papon ne s'ouvre qu'en 1998, soit 17 ans après la révélation des faits, et n'est pas toujours pas terminé, comme nous le savons maintenant.

Esquisse d'une typologie : le poids de l'histoire
Dans les pays européens à forte tradition antisémite (Roumanie, Pologne, France, Russie, Autriche, Hongrie, Suisse), on retrouve aujourd'hui un discours antisémite structuré par des partis politiques qui ont réalisé des percées importantes. Ceux qui le portent se situent dans la mouvance d'extrême droite rebaptisée "populiste". Le chercheur Jean Yves Camus désigne ces organisations comme des "partis mixtes", dont la structure organisationnelle d'extrême droite s'est modernisée sans changer le fond idéologique17. Ils revendiquent un sinistre "héritage européen".

En effet, c'est en Europe, sous les auspices de l'antijudaïsme catholique, qu'ont été forgés le terme et le concept de ghetto, la rouelle puis l'étoile jaune, l'expulsion des juifs, la conversion forcée et les massacres, l'Inquisition. C'est en Europe qu'est né l'antisémitisme moderne, c'est en Europe qu'a été rédigé et répandu le protocole des sages de Sion, c'est en Europe et au nom de l'Europe qu'a eu lieu le génocide nazi appuyé sur la collaboration des États.

C'est encore en Europe que se développent et se maintiennent des partis et mouvements comme le FN, le parti de Haider et leurs acolytes, pour lesquels la "question juive" est toujours d'actualité, en héritage spirituel du fascisme et du nazisme. A intervalles réguliers, des médias et des personnalités très médiatisées apportent leur contribution à cette propagande.
L'exemple le plus fameux est celui de l'abbé Pierre, symbole du dévouement social et quasiment sanctifié de son vivant, qui a accumulé les déclarations antisémites et négationnistes les plus vulgaires sans que cela ne nuise durablement à sa popularité.

Par contre, certains pays européens ont, pour différentes raisons, une faible tradition antisémite moderne : Angleterre, Scandinavie, République tchèque, Italie, Espagne Hollande (déjà dans les années 1930, les correspondants locaux des nazis manifestaient des réticences envers l'antisémitisme18. Les partis de droite radicale qui s'y développent ne portent pas la dimension antijuive caractéristique des pays à forte tradition antisémite.

L'Allemagne est un cas particulier, pour des raisons historiques évidentes : une tentative d'éducation contre le nazisme et l'antisémitisme y a été menée. Elle semble aujourd'hui ébréchée et fragilisée, à la merci d'une radicalisation de forces de droite significatives.
La production antijuive européenne s'exporte bien.

Les antisémites agissant avec le succès que l'on sait dans le monde arabe et musulman puisent largement dans les ressources infinies de la production négationniste européenne. Ainsi le soi-disant " Protocole des sages de Sion " y est abondamment diffusé, et a même donné lieu à une série télévisée égyptienne, laquelle a provoqué des réactions d'intellectuels dénonçant ce recyclage. Les négationnistes européens et particulièrement français sont de véritables vedettes dans de nombreux pays arabes. Garaudy est un héros, financé et soutenu par les États, notamment syrien et iranien, si généreux envers tous les groupuscules néonazis et négationnistes19. La télévision Al-Jazira invite Faurisson, les islamistes jordaniens invitent Garaudy et Pierre Guillaume de la "Vieille Taupe" pour combattre "la normalisation avec Israël"20.

Substance du discours antisémite en Europe
a) Au delà du négationnisme intégral, la relativisation du génocide joue un rôle crucial : c'est une vieille histoire, les juifs en font trop, l'ont en partie inventée, en tirent abondamment profit financièrement (on retrouve le rôle important du mauvais débat sur les réparations); politiquement, ils se débrouillent trop bien dans leur statut de victimes et agissent comme des nazis à l'encontre des Palestiniens. Dans ce dernier domaine, la presse grecque, notamment certains quotidiens, se distinguent particulièrement; ainsi le quotidien Ethnos a récemment publié une caricature montrant deux soldats israéliens massacrant d'innocents palestiniens avec le commentaire suivant : "Ne culpabilise pas, frère, nous étions à Auschwitz et Dachau non pour souffrir, mais pour apprendre"21.
C'est un enjeu de brouillage important, et c'est pourquoi il faut absolument rejeter ce type de glissement qui assimile la répression meurtrière et le crime de guerre à un génocide.
2) Le thème de la mondialisation ou du "mondialisme" demeure un grand classique. Ainsi le "populiste" italien Bossi dénonce :
la mondialisation c'est du fascisme.... Haider veut maîtriser l'immigration; lui au moins prend le taureau par les cornes. Ce sont les grands financiers, une quarantaine ou une cinquantaine au maximum qui veulent nous imposer les immigrés au nom de la mondialisation. C'est cela aujourd'hui le fascisme, cet anéantissement des peuples. Ceux qui tirent les ficelles sont les petits-fils des véritables mandataires du fascisme et du nazisme d'autrefois...
A une question qui l'interpelle : "vous avez dénoncé les banquiers juifs américains qui tirent les ficelles de la mondialisation", il réplique :
... ma réponse a été un peu différente. Je suis contre la grande finance et les financiers. Ils sont en grande partie juifs c'est un fait. Je n'ai rien contre les juifs en général.22
On retrouve le "lobby immigrationiste et mondialiste" cher à Le Pen.
Dans la fantasmagorie antisémite et nazie, les Juifs on été accusés de vouloir détruire la société par les deux voies a priori opposées du capitalisme et du communisme, également "apatrides". Romain Marie, dirigeant du courant catholique du FN, reprend d'ailleurs cette antienne : "Les Juifs sont au centre de nos débats contemporains : Marx et Rotschild sont un peu les deux faces de la même médaille..."23. Ainsi le mouvement pour l'altermondialisation, dont une des figures marquantes est Naomi Klein, auteur de No logo, qui revendique sa judéité, pourrait représenter l'autre face de la médaille du "complot destructeur". Il est à noter au passage que N. Klein met en garde contre les dérives antisémites présentes dans certains réseaux, et contre la propagande de ce type diffusée sur le réseau Indymedia24.

Quelles ripostes? (contre la confusion)
Face à l'actualité de la lutte contre l'antisémitisme en France et en Europe, ceux qui devraient en prendre la tête, instances dirigeantes de la communauté juive et mouvance antifasciste de gauche, sont tétanisés par la crise du Moyen Orient et ses conséquences.

Les instances dirigeantes de la communauté juive française acceptent, voire même recherchent les soutiens les plus ambigus, comme le montre le soutien apporté par une partie d'entre eux à la littérature du militant de la Nouvelle Droite Alexandre Del Valle, ou au pamphlet xénophobe et tout aussi anti-musulman d'Oriana Fallaci (La rage et l'orgueil). P.A. Taguieff, de son côté estime que "Fallaci vise juste, même si elle peut choquer par certaines formules" qui sont "contre-productives"25.

Ailleurs on s'allie avec les évangélistes américains, profondément antijuifs, qui rêvent de convertir les juifs ou de voir ceux-ci se détruire en préparation de l'Apocalypse finale. Dans l'ensemble, les communautés juives, focalisées sur le "nouvel antisémitisme" détournent les yeux du danger d'extrême droite, le relativisent, voire le nient.

La gauche antifasciste et militante est elle aussi percutée par la situation en Israël et Palestine. Une partie d'entre elle semble opérer une réévaluation, et même une révision, sur l'appréciation du génocide des juifs, en relativisant la place de l'antisémitisme dans l'univers nazi.

Cette hypothèse inquiétante est confortée par un exemple qui témoigne de la confusion en cours. Le journal Ras'lfront, principal organe de la lutte antifasciste dans le pays, publie dans son numéro 89 d'août 2002 un article de Michel Lequenne, vétéran du mouvement révolutionnaire, ancien dirigeant trotskiste; il s'agit de la recension d'un livre sur le nazisme qui donne lieu aux appréciations suivantes:
(ce livre) tend à nous délivrer d'une mystification qui nous a tous plus ou moins atteints sans que nous en apercevions : celle de donner l'antisémitisme comme essence du nazisme... Le phénomène nouveau aujourd'hui, c'est l'inversion de sens du substitut. Faire du génocide hitlérien des juifs un tournant de l'histoire sert aux nouveaux idéologues à dissimuler la caractère de la Deuxième Guerre mondiale en tant que guerre inter-impérialistes, et par extension à dissimuler la nature capitaliste impérialiste de ce qu'on appelle maintenant le n
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4 février 2007 7 04 /02 /février /2007 12:04

Nous publions cet article de Bernard Henry Lévy qui explicite les enjeux de la lutte contre la négation des génocides. Signalons une erreur de l'auteur qui écrit que les "pionniers d'Israël" affirmaient leur solidarité avec les victimes du génocide arménien. Ce ne fut malheureusement pas souvent le cas, notamment pour des raisons diplomatiques en relation avec la puissance ottomane puis la Turquie. L'historien israélien Yair Oron mène d'ailleurs  un combat acharné pour la reconnaissance et l'enseignement de ce génocide en Israël.
Memorial 98

 


NEGATIONNISME

Arménie : loi contre génocide, par Bernard-Henri Lévy

On dit : "Ce n’est pas à la loi d’écrire l’Histoire"... Absurde. Car l’Histoire est déjà écrite. Que les Arméniens aient été victimes, au sens précis du terme, d’une tentative de génocide, c’est-à-dire d’une entreprise planifiée d’annihilation, Churchill l’a dit. Jaurès l’a crié. Péguy, au moment même où il s’engage pour Dreyfus, parle de ce commencement de génocide comme du "plus grand massacre du siècle". Les Turcs eux-mêmes l’admettent. Oui, c’est une chose que l’on ne sait pas assez : dès 1918, Mustapha Kemal reconnaît les tueries perpétrées par le gouvernement jeune-turc ; des cours martiales sont instituées ; elles prononcent des centaines de sentences de mort. Et je ne parle pas des historiens ni des théoriciens du génocide, je ne parle pas des chercheurs de Yad Vachem, ni de Yehuda Bauer, ni de Raoul Hilberg, je ne parle pas de tous ces savants pour qui, à l’exception de Bernard Lewis, la question de savoir s’il y a eu, ou non, génocide ne s’est jamais posée et ne se pose pas.

Il ne s’agit pas de "dire l’Histoire", donc. L’Histoire a été dite. Elle a été redite et archi-dite. Ce dont il est question, c’est d’empêcher sa négation. Ce dont le Sénat va discuter, c’est de compliquer, un peu, la vie aux insulteurs. Il y a des lois, en France, contre l’insulte et la diffamation. N’est-ce pas la moindre des choses d’avoir une loi qui pénalise cette insulte absolue, cet outrage qui passe tous les outrages et qui consiste à outrager la mémoire des morts ?

On dit : "Oui, d’accord ; mais la loi n’a pas à se mêler, si peu que ce soit, de l’établissement de la vérité car elle empêche, lorsqu’elle le fait, les historiens de travailler." Faux. C’est le contraire. Ce sont les négationnistes qui empêchent les historiens de travailler. Ce sont les négationnistes qui, avec leurs truquages, brouillent les pistes. Prenez la loi Gayssot. Citez-moi un cas d’historien, un seul, que la loi Gayssot, sanctionnant la négation de la destruction des juifs, ait empêché de travailler.

C’est une loi qui empêche Le Pen ou Gollnisch de trop déraper. C’est une loi qui met des limites à l’expression d’un Faurisson. C’est une loi qui gêne les incendiaires des âmes type Dieudonné. C’est une loi qui, par parenthèse, nous évite des mascarades du type de ce procès du super-négationniste David Irving qui eut lieu à Londres il y a sept ans et où, précisément faute de loi, l’on vit juges, procureurs, avocats, journalistes à scandale, affairés à se substituer aux historiens et à semer, pour de bon, le trouble dans les esprits. Mais c’est une loi qui ne s’est jamais mise en travers de la route d’un seul historien digne de ce nom. C’est une loi qui, contrairement à ce que nous disent, je n’arrive pas à comprendre pourquoi, les "historiens pétitionnaires", les protège, oui, les protège de la pollution négationniste. Et il en ira de même avec l’extension de cette loi Gayssot à la négation du génocide arménien.

On dit : "Où s’arrêtera-t-on ? Pourquoi pas, tant qu’on y est, des lois sur le colonialisme, la Vendée, les caricatures de Mahomet ? Est-ce qu’on ne s’oriente pas vers des dizaines de lois mémorielles dont le seul résultat sera d’interdire l’expression des opinions non conformes ?" Autre erreur. Autre piège. D’abord, il n’est pas question de "lois mémorielles", mais de génocide ; il n’est pas question de légiférer sur tout et n’importe quoi, mais sur les génocides et les génocides seulement ; et des génocides, il n’y en a pas cent, ni dix - il y en a quatre, peut-être cinq, avec le Rwanda, le Cambodge et le Darfour, et c’est une escroquerie intellectuelle de brandir l’épouvantail de cette multiplication de nouvelles lois attentatoires à la liberté de pensée.

Et puis, ensuite, soyons sérieux : il n’est pas question, dans cette affaire, d’opinions non conformes, incorrectes, etc. ; il est question de négationnisme, seulement de négationnisme, c’est-à-dire de ce tour d’esprit très particulier qui consiste non pas à avoir une certaine opinion quant aux raisons de la victoire d’Hitler ou des Jeunes-Turcs, mais qui consiste à dire que le réel n’a pas eu lieu. Pas de chantage, donc, à la tyrannie de la pénitence ! Arrêtons avec le faux argument de la boîte de Pandore ouvrant la voie à une inquisition généralisée ! Le fait que l’on punisse le négationnisme antiarménien n’impliquera en aucune façon cette fameuse prolifération, en métastases, de lois politiquement correctes.

On dit encore : "Attention à ne pas tout mélanger ; il ne faut pas prendre le risque de banaliser la Shoah." Ma réponse, là-dessus, est très claire. Il est vrai que ce n’est pas pareil. Il est vrai que, et le nombre de ses morts, et le degré d’irrationalité atteint par les assassins, et le type très particulier de rapport à la technique qu’implique l’invention de la chambre à gaz, il est vrai, oui, que tout cela confère à la Shoah une irréductible singularité. Mais, à cette évidence, j’ajoute deux remarques.

Primo, ce n’est peut-être pas "pareil", mais le moins que l’on puisse dire est que cela se ressemble. Et le premier à le savoir, le premier à en prendre acte, fut un certain Adolf Hitler, dont on ne dira jamais assez combien le génocide antiarménien l’a frappé, fait réfléchir et, si j’ose dire, inspiré. Ce génocide arménien, ce premier génocide, le fut - "premier" - à tous les sens du terme : un génocide exemplaire et presque séminal ; un génocide banc d’essai ; un laboratoire du génocide considéré comme tel par les nazis.

Et puis j’ajoute, secundo, cette autre observation. Lorsque je me suis plongé dans la littérature négationniste touchant les Arméniens, quelle ne fut pas ma surprise de découvrir que c’est la même littérature, littéralement la même, que celle que je connaissais et qui vise la destruction des juifs. Même rhétorique. Mêmes arguments. Même façon, tantôt de minimiser (des morts, d’accord, mais pas tant qu’on nous le dit), tantôt de rationaliser (des massacres qui s’inscrivent dans une logique de guerre), tantôt de renverser les rôles (de même que Céline faisait des juifs les vrais responsables de la guerre, de même les négationnistes turcs expliquent que ce sont les Arméniens qui, par leur double jeu, leur alliance avec les Russes, ont fait leur propre martyre), tantôt, enfin, de relativiser (quelle différence entre Auschwitz et Dresde ? quelle différence entre les génocidés et les victimes turques des "bandes armées" arméniennes ?)

Bref. A ceux qui seraient tentés de jouer au jeu de la guerre des mémoires, je veux répondre en plaidant pour la fraternité des génocidés. C’est la position de Jan Patocka, le philosophe de la "solidarité des ébranlés". C’était la position des pionniers d’Israël, qui, tous, se sentaient un destin commun avec les Arméniens naufragés. La lutte contre le négationnisme ne se divise pas. Laisser une chance à l’un équivaudrait à ouvrir une brèche à l’autre...

On dit enfin - et cela se veut l’argument définitif : "Pourquoi ne pas laisser la vérité se défendre seule ? N’est-elle pas assez forte pour s’imposer et faire mentir les négationnistes ?" Eh bien non, justement ! Parce que ce négationnisme anti-arménien a une particularité que l’on ne trouve pas, pour le coup, dans le négationnisme judéocide : c’est un négationnisme d’Etat ; c’est un négationnisme qui s’appuie sur les ressources, la diplomatie, la capacité de chantage, d’un grand Etat.

Imaginez un instant ce qu’eût été la situation des survivants de la Shoah si l’Etat allemand avait été, après la guerre, un Etat négationniste ! Imaginez leur surcroît de détresse s’ils avaient eu, face à eux, une Allemagne non repentante menaçant ses partenaires de rétorsions s’ils qualifiaient de génocide la tragédie des hommes, femmes et enfants triés sur la rampe d’Auschwitz ! C’est votre situation, amis arméniens ; et il y a là une adversité qui n’a, cette fois, pas d’équivalent et à laquelle je ne suis pas sûr que la vérité, dans sa belle nudité, ait assez de force pour s’opposer.

Un tout dernier mot. Vous vous souvenez d’Himmler créant, en juin 1942, un commando spécial, le commando 1005, chargé de déterrer les corps et de les brûler. Vous connaissez les euphémismes utilisés pour ne pas avoir à dire "meurtre de masse" et pour effacer donc, jusque dans le discours, la marque de ce qui était en train de s’opérer.

Eh bien, cette loi qui est celle de la Shoah, ce théorème que j’appelle le théorème de Claude Lanzmann et qui veut que le crime parfait soit un crime sans trace et que l’effacement de la trace soit partie intégrante du crime lui-même, cette évidence d’un négationnisme qui n’est pas la suite mais un moment du génocide et qui lui est consubstantiel, tout cela vaut pour tous les génocides et donc aussi, naturellement, pour le génocide du peuple arménien. On croit que ces gens expriment une opinion : ils perpétuent le crime. Ils se veulent libres-penseurs, apôtres du doute et du soupçon : ils parachèvent l’oeuvre de mort.

Il faut une loi contre le négationnisme parce que le négationnisme est, au sens strict, le stade suprême du génocide.

Article paru dans l’édition du 02.02.07

LE MONDE

 

 

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