La reconnaissance du génocide arménien de 1915 101e anniversaire du génocide et qui porte à 30 le nombre de Parlements qui ont reconnu ce génocide. constitue une avancée importante. Nous nous félicitons de cette décision, qui survient quelques semaines après le
Ce vote représente aussi une défaite historique pour le négationnisme d’État turc. Celui-ci refuse non seulement de reconnaître qu’il y a eu un génocide organisé envers les Arméniens, mais fait aussi pression dans le monde entier afin que cette reconnaissance n’ait pas lieu.
Les gouvernements turcs successifs utilisent des moyens humains et financiers considérables, visant à intimider les élus, les universitaires, les journalistes et le monde associatif.
Cela a été le cas aussi en Allemagne.
outil de chantage aux mains du gouvernement turc. C'est pour cette raison que le vote de la résolution a été repoussée de février à juin. L’accord scandaleux conclu en mars dernier et qui prévoit notamment le renvoi en Turquie des réfugiés se rendant en Grèce représente un
la Turquie a qualifié l’adoption du texte d’« erreur historique » de l’Allemagne, considérant cette résolution comme « nulle et non avenue » tandis que l’Arménie saluait « un apport appréciable de l’Allemagne à la reconnaissance et à la condamnation internationale du génocide arménien ». La Turquie a aussitôt décidé de rappeler son ambassadeur en Allemagne.
Une alliance chauvine et négationniste s'y met en place entre le parti d'Erdogan, l'extrême-droite et les républicains laïques dits "kemalistes".
Pendant la première guerre mondiale, l’Allemagne était alliée à l’empire ottoman. Sa connaissance des massacres, voire sa participation aux côtés de l’armée ottomane, apparaît peu à peu au grand jour.
En juin 1915, l’attaché naval allemand à Constantinople Humann avait écrit : « En raison de leur complot avec les Russes, les Arméniens sont plus ou moins exterminés. C’est dur mais nécessaire. » Ce rôle, longtemps sous-estimé, de Berlin dans le génocide explique en partie que l’Allemagne ait tardé à le reconnaître officiellement.
Les nazis eux-mêmes trouvaient une stimulation dans l'impunité des responsables de ce génocide : « Mais qui se souvient encore du massacre des Arméniens ? » déclarait ainsi Hitler dans une allocution aux commandants en chef de l'armée allemande le 22 août 1939, quelques jours avant l'invasion de la Pologne.
Une conséquence positive supplémentaire du débat entamé sur le génocide arménien est la reconnaissance par les pouvoirs publics allemands de la qualification de génocide pour les massacres commis entre 1904 et 1908 par son armée de l'époque dans l’actuelle Namibie.
Cette extermination était « un crime de guerre et un génocide », avait reconnu dès le 10 juillet 2015, ,
L’actuelle Namibie, dénommée à l’époque « Sud-Ouest africain », a été une colonie allemande de 1884 à 1915. Lorsque, en 1904, les populations Herero et Nama résistèrent aux troupes coloniales, le général Lothar von Trotha donna l’ordre de les exterminer. Repoussées dans le désert, sans eau et sans nourriture, environ 80 000 personnes moururent en quelques semaines. Les quelques milliers qui survécurent furent par la suite condamnées aux travaux forcés dans six camps où la plupart périrent.
Cette première reconnaissance de principe doit maintenant s'accompagner d'une reconnaissance pleine et entière au plan juridique et aborder la question des réparations. C'est ce que de nombreuses voix ont à juste titre réclamé lors du débat sur la reconnaissance par le Bundestag du génocide arménien.
Un combat à poursuivre.
La reconnaissance du génocide des Arméniens est encore trop limitée. De nombreux pays tergiversent et hésitent. C'est notamment le cas des autorités israéliennes dont la position revêt un aspect historique et symbolique crucial. Le combat y est engagé depuis des dizaines d'années et progresse très lentement, au gré des rapports de force et des relations avec la Turquie et l'Azerbaïdjan qui font pression.
En France où le génocide a été reconnu dès 2001, le combat porte sur la loi de pénalisation de la négation du génocide des Arméniens. Cette loi, maintes fois promise, a été votée non sans difficultés, y compris dans les rangs d'une partie de la gauche, en décembre 2011 à l'Assemblée nationale et en janvier 2012 au Sénat. Elle a ensuite été censurée avant sa promulgation par le Conseil Constitutionnel en février 2012. Une nouvelle loi a été promise par François Hollande, mais elle est sans cesse repoussée aux calendes grecques. Elle doit faire face à l'opposition d'hommes politiques et d'historiens institutionnels et puissants, dont Pierre Nora et Robert Badinter
Dans la dernière période, quelques progrès ont été enregistrés dans la lutte contre l'impunité des génocidaires et auteurs de crimes contre l'humanité.
Ainsi plus de vingt ans après le massacre génocidaire de Srebrenica et le siège sanglant de Sarajevo, l’ancien chef politique des Serbes de Bosnie, Radovan Karadzic, a été jugé, le 24 mars 2016 , « pénalement responsable » du génocide à Srebrenica par le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) de La Haye et condamné à quarante ans de prison.
Quelque jours auparavant, le 21 mars, la Cour pénale internationale (CPI) contre Jean-Pierre Bemba pour des viols utilisés comme arme de guerre. Cette décision représente elle aussi un tournant historique car elle reconnaït l'obligation de rendre des comptes pour les victimes de violences sexuelles dans le monde. C'est en effet la première fois que la CPI condamne quelqu'un pour le viol utilisé comme arme de guerre.
Il y a quelques jours, le 30 mai, Les Chambres africaines extraordinaires ont condamné à la prison à vie le dictateur tchadien Hissène Habré. Il a été reconnu coupable de viols, mais également de crimes contre l'humanité et crimes de guerre. Il aura fallu 25 ans et une immense détermination des victimes pour parvenir à ce résultat.
Plus que jamais, le combat contre les génocides ainsi que l’impunité de leurs auteurs et le négationnisme sont cruciaux. C'est pourquoi
Memorial 98
Actualisations et mises à jour du dossier
Mise à jour du 24 avril 2017
102e anniversaire du génocide des Arméniens: nous alertons particulièrement sur la situation en Turquie même. La répression du régime Erdogan touche particulièrement les démocrates et les minorités. Le parti HDP, qui représente notamment la population kurde mais aussi Arménienne, subit durement les mesures gouvernementales. Des dizaines d'élus, maires et députés de Parti démocratique des peuples, dont ses deux co-présidents, Selahattin Demirtaš et Figen Yüksekdağ, sont emprisonnés sous prétexte de complicité avec des terroristes.
Garo Paylan, député Arménien du HDP pour la ville d’Istanbul, subit des violences et menaces continues. Ainsi lorsqu'il a prononcé un discours dans le cadre des débats sur les amendements constitutionnels le 14 janvier 2017.
Garo Paylan s'adresse au Parlement et montre la photo de Krikor Odian, dirigeant Arménien de Turquie qui participa à la rédaction de la Constitution à l'époque ottomane.
Dans son discours, Garo Paylan a souligné l’importance du pluralisme dans l’élaboration des constitutions. Il a rappelé la période terrible qui a vu le génocide :
. « Une période de 10 ans de chaos a commencé et pendant cette période, entre 1913-1923, nous avons perdu quatre peuples: Arméniens, Grecs, Assyriens et Juifs. Ils ont été déportés parmi les massacres et génocides à grande échelle. «
Suite à cette phrase, les députés de l’AKP (parti de Erdogan) et du MHP (nationalistes fascisants) ont agressé verbalement et menacé Garo Paylan pour avoir utilisé le mot «génocide», et l’ont contraint à s’excuser.
Le combat pour les droits démocratiques, pour les droits des minorités nationales et pour la reconnaissance du génocide sont ainsi étroitement liées.
MEMORIAL 98
Actualisation du 18 octobre 2016
Succès au Sénat français pour la pénalisation du génocide des Tutsi mais pas pour celui des Arméniens.
Le Sénat s'est prononcé en faveur du rétablissement de l'article 38 ter de la Loi "Égalité et Citoyenneté" permettant de poursuivre les négationnistes des génocides - dont le génocide arménien nous dit-on - et crimes contre l'humanité tels que l'esclavage ( voir aussi notre actualisation du 4 juillet dernier) .
Étonnamment, les commentateurs de ce vote se sont focalisés sur le génocide arménien en laissant entendre qu'il s'agissait d'une ouverture contre les négationnistes.
Ils oublient de préciser que seuls seront poursuivis les négationnistes d'un crime jugé par une juridiction française ou internationale. Or il est bien connu que le génocide arménien n'a jamais été jugé par ce type de juridiction.
Pour les crimes qui ne pourront pas entrer dans la la case "jugement français ou international", il faudra alors remplir une autre condition : "la négation, la minoration ou la banalisation de ces crimes" devront être accompagnées d'"une incitation à la violence ou à la haine".
Or, il est tout à fait habituel de nier un génocide ou un crime contre l'humanité sans proférer des "propos violents ou haineux". C'est même la spécialisation des négationnistes les plus pervers qui se présentent avec le masque de l'historien : ce sont les plus prolifiques, les plus influents et les plus dangereux. Ceux-là resteront certainement hors du champ d'application de la loi.
Seule (grande) satisfaction : si le Conseil Constitutionnel n'invalide pas cet article avant sa promulgation, la Loi Égalité et Citoyenneté (qui - en l'occurrence - ne mérite pas son nom) donnera la possibilité de poursuivre les négationnistes du génocide des Tutsi au Rwanda en 1994, génocide qui a fait, pour sa part, l'objet d'un jugement international.
Nos partenaires du Collectif VAN analysent ci-dessous le vote du 14 octobre 2016.
Avec eux nous poursuivons le combat pour la pénalisation du négationnisme, pour la vérité et le justice.
Nous nous retrouverons ensemble le 9 novembre prochain avec le Collectif VAN et Ibuka afin de commémorer pour la 3e année consécutive l’anniversaire du pogrom nazi de la Nuit de Cristal qui a eu lieu le 9 novembre 1938 (Rendez-vous à partir de 18h devant le Gymnase Japy 2 rue Japy 75011 Paris)
Memorial 98
Mise à jour du 23 septembre 2016
L'Agence France-Presse (AFP) contrainte de préciser ses positions concernant le génocide arménien, suite à une mobilisation des associations à laquelle Memorial 98 participe. Elle déclare incorporer une note dans ce sens au sein de sa charte des bonnes pratiques éditoriales
Depuis longtemps, dès lors qu’il s’agit des meurtres de masse de 1915, l’AFP se distingue en affublant souvent de guillemets le mot « génocide », y compris lorsque cela ne correspond à aucune citation dans le texte, reprenant ainsi les thèses négationnistes de l’État turc.
l'initiative de nos partenaires du Collectif VAN ( Vigilance arménienne contre le négationnisme),
Il s'agissait de réagir à une dépêche AFP du 21 juin, traitant de la visite du Pape François en Arménie, ainsi formulée :
« La Turquie n’accepte pas que des États étrangers reprennent la thèse des Arméniens, selon lesquels 1,5 million des leurs ont été tués entre 1915 et 1917, dans un « génocide » à la fin de l’Empire ottoman. Elle affirme qu’il s’agissait d’une guerre civile dans laquelle 300 à 500.000 Arméniens et autant de Turcs ont trouvé la mort. »
Ainsi alors qu’elle pourrait se contenter de souligner que la Turquie persiste dans son déni, l’AFP choisit de relayer, en détail et sans mise en garde, l’histoire falsifiée, âprement défendue par l’État turc.
Suite à plusieurs tribunes de presse collectives et échange de courriers avec la direction de l'AFP, celle-ci déclare prendre en compte la demande des associations.
Elle s'engage donc à diffuser une note aux journalistes de l'agence, intégrée à sa Charte des bonnes pratiques éditoriales, pour leur indiquer qu'il ne faut pas utiliser la formule : "thèse des Arméniens"...
Il reste bien sûr à vérifier que cet engagement sera tenu et que l'AFP cessera de favoriser les positions négationnistes de l’État turc.
Nous y veillerons collectivement avec les associations mobilisées.
Memorial 98
Mise à jour du 4 juillet 2016 :
L'amendement de l'article 38ter du projet de loi Egalité et Citoyenneté, voté à l'unanimité à l'Assemblée nationale le 1er juillet 2016, a suscité l'émotion et la joie dans les rangs des associations défendant la mémoire des victimes du génocide arménien de 1915 et des Tutsi du Rawanda et au-delà, auprès des combattants contre les négationnismes dans le monde entier.
Attendu depuis des décennies pour permettre d'opposer la force de la loi française au puissant négationnisme d'État de la Turquie (voir ci-dessous), ce texte étend en effet la pénalisation du négationnisme au génocide des Arméniens, comme à celui des Tutsi, comme dans le cas de la Shoah, ainsi qu'au déni de l'esclavage. Nous partageons l'enthousiasme qui prévaut, mais certaines faiblesses du texte adopté nous paraissent inquiétantes, selon l'analyse de nos partenaires du collectif VAN.
Elle concernent certaines formulations de cet texte, qui font référence à des génocides reconnus
Or le génocide arménien de 1915 n'a jamais été jugé ni devant un tribunal français ni une cour internationale. Les seuls procès qui se sont tenus en 1919 pour juger les criminels Jeunes-Turcs ont eu lieu à Constantinople (Turquie). En revanche le génocide des Tutsi a déjà été jugé par le Tribunal pénal international pour le Rwanda.
2° Un délit de négationnisme à deux vitesses: les associations arméniennes ne pourront acter en justice qu'en apportant à chaque fois la preuve que le négationniste du génocide arménien tient un discours incitant à la haine ou à la violence, alors que cela est considéré comme acquis pour la négation des autres crimes contre l'humanité.
Nous demeurons donc vigilants, avec nos partenaires du Collectif VAN et de Ibuka.
Memorial 98
Mise à jour du 24 juin 2016:
Nouvelle défaite du négationnisme d’État turc: dans la capitale arménienne Erevan, le pape François a dénoncé, vendredi 24 juin, le "génocide" des Arméniens en 1915/1916 sous l’Empire Ottoman, prononçant pour la deuxième fois ce mot jugé inacceptable par la Turquie.
« Cette tragédie, ce génocide a marqué malheureusement le début de la triste série des catastrophes immenses du siècle dernier », s’est exclamé au palais présidentiel le pape.
Toute la lumière doit donc être faite sur ce qu'a été réellement l'attitude du Vatican et de Pie XII face à ce génocide. Depuis des dizaines d'années, le Vatican refuse d'ouvrir les archives et multiplie les obstacles à la recherche historique. Ces blocages doivent cesser.
Actualisation du 9 juin 2016
Erdogan poursuit sa campagne d'intimidation et cible les députés allemands d'origine turque.
Il a estimé après le vote du Bundestag que les députés allemands d'origine turque avaient le "sang corrompu",
"De temps en temps, des personnes au sang corrompu n'apparaissent-elles pas ? Si, bien sûr", a déclaré M. Erdogan le 8 juin . "Parfois, ce sont des terroristes qui tirent sur leur État ou leur peuple (...) Parfois, ce sont des députés du Parlement allemand qui accusent leur propre pays de génocide", a-t-il poursuivi.
Il désigne ainsi les 11 élus allemands d'origine turque qui ont voté la résolution reconnaissant le génocide arménien sous l'Empire ottoman. Le chef de l’État turc avait déjà estimé le week-end dernier qu'"il faut analyser dans un laboratoire le sang des députés allemands d'origine turque" qui ont voté en faveur de la reconnaissance du génocide arménien.
Ces propos sont très graves car ils peuvent conduire à une mise en danger de la vie de ces députés. Nous nous souvenons de l'assassinat à Istanbul du militant arménien Hrant Dink, tué en 2007 ainsi que de l’assassinat des trois dirigeantes kurdes à Paris en janvier 2013
Memorial 98