L'Assemblée Nationale a déjà voté le 12 octobre 2006, une loi pénalisant la négation du génocide des Arméniens.
Ce texte a été bloqué pendant plus de cinq ans au Sénat par une majorité composée de la droite et d’une petite partie de la gauche. Cette attitude de blocage contredisait les promesses électorales de Sarkozy.
Celui-ci, alors candidat UMP aux élections présidentielles, avait indiqué le 24 avril 2007, dans une lettre adressée à la communauté arménienne de France : « Je partage pleinement votre volonté que la France s’oppose au négationnisme d’État, à une propagande qui vous meurtrit, une propagande indigne... ». L’explication tient sans doute dans le double jeu permanent de l’UMP ; ainsi, un document rendu public par le site WikiLeaks le 19 décembre 2010, a révélé qu’un conseiller diplomatique de l’Elysée, dépêché à Ankara le 29 mai 2007 par le même Sarkozy nouvellement élu, avait confié à ses interlocuteurs du gouvernement turc, que « Sarkozy s’assurera que le projet de loi du génocide arménien [pénalisant le négationnisme] meurt au Sénat français. »
Les associations arméniennes réunies au sein du CCAF, à l’instar de nos partenaires du Collectif VAN (vigilance arménienne contre le négationnisme) http://www.collectifvan.org, appellent sans relâche au vote d’une loi pénalisant le négationnisme. Cette loi est destinée non pas à museler les historiens, mais au contraire à les protéger des attaques des faussaires de l’Histoire.
Certains historiens et notamment Pierre Nora combattent toutes les lois dites « mémorielles ».
(voir http://www.collectifvan.org/article.php?r=0&id=59599
http://www.collectifvan.org/article.php?r=0&id=59600
L’historien Gilles Manceron, dirigeant de la Ligue des Droits de l’Homme, développe une position plus nuancée : pour lui, toutes les lois mémorielles ne sont pas infondées. La loi Gayssot de 1990 pénalisant la négation du génocide juif est selon lui justifiée en France où «l'antisémitisme est un phénomène qui a des racines plongeant loin et qui peut encore resurgir» et où «il y a une vigilance particulière à avoir». En revanche, «il n'existe pas de problème de racisme anti-arménien en France, il n'y a donc pas besoin de faire des lois pour protéger la sécurité des Arméniens». Cette position méconnaît ou néglige la particularité du génocide arménien dont la reconnaissance et la mémoire sont confrontés aux immenses ressources de l' appareil d’Etat turc.
Les gouvernements turcs successifs mènent en effet un négationnisme d’Etat avec des moyens humains et financiers considérables visant à intimider les universitaires, les journalistes et le monde associatif. L’une des armes du gouvernement turc consiste à faire plier ses opposants par des procès qui peuvent déboucher sur des dommages financiers colossaux (aux Etats-Unis, les sommes se chiffrent même en millions de dollars) ou au moins sur une perte de temps et d’énergie importante pour les personnes poursuivies.
En France, les historiens, les journalistes, les responsables associatifs, les hommes politiques, dès lors qu’ils travaillent hors des sentiers balisés par l’historiographie officielle de l’Etat turc, s’attirent des pressions, des menaces, des insultes et des appels à la haine, diffusés à grande échelle sur Internet. Ces textes émanent le plus souvent des animateurs du site négationniste Turquie News, qui menacent de procès quiconque les traiterait de négationnistes.
Aux Etats-Unis, pays de la liberté d’expression s’il en est, les chercheurs de l’Université du Minnesota font face à un procès intenté par la Turkish Coalition of America. Est particulièrement visé par cette procédure, le professeur français Bruno Chaouat, Directeur du Centre d’études de l’Holocauste et des génocides de l’Université du Minnesota [voir la pétition de soutien : http://soutien-chercheurs minnesota.org/fr/index.php].
Ceux qui nient justifient ou minimisent les génocides, utilisent le levier de la liberté de recherche et d’expression pour se poser en victimes de la censure alors que la réalité est tout autre : ce sont eux qui, pour bâillonner la vérité historique, portent plainte dès lors qu’ils sont désignés comme négationnistes du fait de leurs provocations permanentes.
La nouvelle vedette de l'UMP, Eric Zemmour, qui venait d'être tout fraîchement condamné pour provocation à la haine raciale( Zemmour en procès : l’objet du scandale) a d'ailleurs attaqué cette loi lors de son intervention lors du colloque de ce parti à l'Assemblée nationale le 2 mars 2011.
Sous les applaudissements de l’aile dure dite « Droite populaire » il a réclamé:
"Supprimez les lois sur la discrimination raciale, supprimez les lois mémorielles…Pendant que vous y êtes, si vous pouviez supprimer les subventions [des associations antiracistes], ça ferait du bien au budget de l’Etat et à la liberté."
La même droite dure est à l’offensive actuellement pour empêcher le vote actuel.
Supprimer les lois mémorielles constitue une idée dangereuse pour Serge Klarsfeld, indigné, mais pas surpris, par les propos de l’éditorialiste et les commente ainsi: "Nous les attendions..."
Pour l’historien, sans la loi Gayssot, "les attaques antisémites se multiplieront".
"Ces lois ont été votées par la gauche. (A droite NDLR) De Nicolas Sarkozy à François Bayrou, ils s’étaient tous abstenus." ajoute-t-il Le défenseur des fils et filles de déportés juifs de France met toutefois en garde : "Si cette dérive se confirme, nous saurons nous en souvenir
L’Etat turc dépense actuellement des sommes colossales pour faire prospérer la négation du génocide arménien de 1915 dans la perspective de son centenaire en 2015; en conséquence le domaine de la recherche historique et celui de la presse risquent d’être de plus en plus touchés.
Il est du devoir de la République de protéger les citoyens contre la pression négationniste, car « le législateur français ne fait pas l'histoire, mais prend acte de faits historiques incontestables et les rend opposables à toutes les personnes placées sous la juridiction de la France, au nom du principe absolu de respect de la dignité humaine. » (selon les termes juridiques du Code Dalloz n°29 du 3/8/2006).
La négation du génocide des Arméniens fonctionne comme tous les négationnismes: elle veut imposer un discours qui pervertit la vérité historique et sème la haine contre les victimes.
La résistance à de tels agissements est un commandement moral en même temps qu’un impératif intellectuel.
(Voir sur ce site
Le 25 avril: contre tous les négationnismes.
Turquie : soutien à un intellectuel emprisonné
Négationnisme: ensemble le 25 avril à Paris
Arménie-Turquie: ouverture ou illusion ?
Génocide arménien : vers une reconnaissance en Israël ? Rassemblement contre le déni à Paris
MEMORIAL 98