Voir liens complémentaires, actualisations et mises à jour en fin d'article.
Photo d’une convocation dite « billet vert » envoyée par la préfecture de police à Monsieur Moïse Kimman, Paris. France,
Les camps de Pithiviers et de Beaune-la-Rolande sont la concrétisation de la politique antisémite et de collaboration engagée par le régime de Vichy dès son arrivée au pouvoir.
Un décret du 4 octobre 1940, signé par le maréchal Pétain, a permis d'interner «les ressortissants étrangers de race juive» dans des camps spéciaux, sur simple décision préfectorale et sans motif. Le «statut des Juifs», paru la veille, avait donné une définition «française» - qui n'est pas la même que celle des nazis - de la «race juive» et édicté les premières interdictions professionnelles (fonction publique, presse, cinéma ...).
Au printemps suivant, cette politique antisémite s'intensifie sous les pressions allemandes, avec la création du Commissariat Général aux Questions Juives et l'internement d'un total d'environ 5 000 Juifs étrangers de la région parisienne.
C'est ainsi que sont créés les camps jumeaux de Pithiviers et de Beaune-la-Rolande. Le choix de ces petites villes du Loiret est dû à leur proximité de Paris, à une bonne accessibilité par le chemin de fer, à la possibilité de trouver sur place du ravitaillement et à la présence d'installations sécurisées (barbelés, miradors) qui ont déjà hébergé des prisonniers de guerre français, transférés depuis en Allemagne.
Les camps sont administrés par la préfecture du Loiret, à Orléans; un "Service des Camps" y a été mis en place.
La grande rafle du
Le 12 décembre 1941 se déroule la troisième rafle rafle anti-juive à Paris, après celles du 14 mai (3 747 Juifs étrangers internés à Beaune-la-Rolande et Pithiviers) et du 20 au 25 août (4 232 Juifs français et étrangers internés à Drancy).
Cette fois il s’agit de la « rafle des notables » car les nazis ont ciblé des responsables de la communauté, des chefs d'entreprise et des membres de professions libérales. 743 Juifs de nationalité française sont arrêtés à leur domicile, tôt le matin. Ils sont enfermés à l'Ecole militaire de Paris ( une plaque minuscule ci-dessous en rend compte) puis transportés au camp de Royallieu, près de Compiègne. Nombre d'entre eux seront déportés en mars 1942.
De décembre 1941 à juillet 1942, les rafles sont interrompues par manque de trains pour la déportation, après le premier convoi du 27 mars.
En effet, bien que des plans pour la déportation des Juifs internés dans les camps français aient été évoqués dès le mois de décembre 1941, le premier convoi ne quitta la France que le 27 mars 1942. Ce laps de temps peut s’expliquer par le manque de matériel roulant nécessaire pour concrétiser la déportation. Le 24 décembre 1941, Heinrich Müller, le chef de la Gestapo au Reich, envoie un télégramme au commandant militaire en France, l’informant que compte tenu du nombre élevé de soldats partis en vacances de Noël dans le réseau ferroviaire du Reich, la déportation de 1000 Juifs de la France vers l’est sera impossible pendant cette période. Ces 1000 Juifs doivent donc rester au camp d’internement jusqu’à ce que les conditions de transport s’améliorent. Müller précise qu’il espère que 1000 juifs seront déportés de France dès le mois de février ou de mars. L’autorisation pour cette déportation est envoyée par Adolf Eichmann le 1er mars 1942.
Au cours d'une réunion à laquelle participent les chefs des départements des "affaires juives" de France, de Hollande et de Belgique, le 4 mars 1942, Dannecker propose que 5000 Juifs soient déportés de France, en plus des 1000 Juifs internés au camp de Compiègne dont le départ est déjà prévu pour la fin du mois de mars. Un télex dépêché le 25 mars 1942 met en place les questions techniques concernant ces prochaines déportations. Ce télex statue que l'évacuation de 1115 Juifs, en plus des derniers 34 Juifs yougoslaves, serait effectuée par un train spécial composé de wagons de passagers. Ce train était réservé pour le 27 mars à 17h, à la gare du Nord de Paris. Le camp de Compiègne ne comprenant pas les 1000 Juifs requis pour la déportation, la moitié des déportés part de Drancy le 27 mars, avec une halte à Compiègne, avant de poursuivre sa route vers l'est.
Le 25 mars, André Tulard, sous-directeur au service des étrangers et des affaires juives à la préfecture de police, confirme auprès de Theodor Dannecker que dix autobus seront disponibles au camp de Drancy le 27 mars à 14h, pour le transfert des Juifs du camp à la gare. Il donne l'ordre au directeur de la PQJ (police aux questions juives), Jacques Schweblin, de fouiller minutieusement les déportés. Chaque Juif peut apporter un sac, mais il leur est strictement interdit d'apporter des objets en métal, à l'exception d'une cuillère.
La première déportation se produit donc le 27 mars 1942, jour où le premier convoi de déportés quitte la gare du Bourget.
Dans les wagons de 3ème classe (à partir du 2ème convoi, il n'y aura que des wagons à bestiaux) sont enfermés 1 112 hommes, en partie des internés de Drancy, pris dans la rafle du 20 août 1941 et en partie des "notables" , internés à Royalieu, lors de la rafle du 12 décembre 1941 (voir ci-dessus).
Le convoi est escorté jusqu'à la frontière allemande par des gendarmes français et un officier SS.
Théodore Dannecker, chef SS chargé des affaires juives en France et représentant d'Eichmann ( voir ici) dirige le convoi jusqu'à Auschwitz.
Mise à jour du 14 mai 2021: à l'occasion du 80e anniversaire de la rafle dite du "billet vert" des photos d'une importance exceptionnelle sont présentées par le Mémorial de la Shoah ( ci-dessous)
Elles montrent notamment la rétention des Juifs arrêtés au sein du gymnase Japy, leur transfert dans les camps
On peut aussi voir la photo d'un gendarme français surveillant les internés. Ces photos seront visibles à partir du 19 mai au sein du Mémorial.
Actualisations et mises à jour
A voir sur nos sites:
Sur la capitulation nazie du 8 mai 1945: http://info-antiraciste.blogspot.com/2019/05/8-mai-1945-le-nazisme-defait-son.html
20 aout 2019: l'anniversaire de la grande rafle du 20 août 1941 à Paris coincide cette année avec celui du 75e anniversaire de la libération du camp de Drancy . Ce camp a justement été ouvert à cette occasion afin d'interner les 4232 Juifs arrêtés ce jour là dans le 11e arrondissement ( voir ci-dessous)
L'actualité est marquée par l'offensive durable de l'extrême-droite à travers le monde.
Celle-ci prend différentes formes, alliant des campagnes électorales et des participations dans des gouvernements, mais aussi des actes terroristes contre les minorités et les migrants, comme le montrent les attentats récents de San Diego, Christchurch, Pittsburgh. Des groupes dits « Identitaires » servent de troupes de choc à des partis qui prétendent se normaliser.
En début d'après-midi, le 27 mars 1942, les quelque 4 000 Juifs détenus au camp de Drancy sont rassemblés sur la place centrale, ceinte de bâtiments en U. Depuis sept mois, les nazis y parquent les Juifs étrangers, appartenant pour la plupart aux "classes laborieuses", qui ont été raflés le 20 août 1941 par la police française, dans le 11e arrondissement de Paris ( voir ci-dessous).
Un officier allemand hurle 565 noms et chaque appelé doit sortir des rangs. En moins d'un quart d'heure ils doivent rassembler leurs affaires personnelles dans des musettes et des baluchons. Ils comprennent alors qu'un départ s'organise. Vers où ? Personne ne sait. Après de multiples comptages, les 565 sont conduits à la gare du Bourget-Drancy.
Là, ils montent à bord des voitures de 3e classe d'un train de voyageurs. Il est 17 heures lorsque le train spécial 767 s'ébranle. Arrivé à Compiègne, il s'arrête et, dans la nuit, on fait monter 547 autres hommes. Il s'agit cette fois, en majeure partie, de Juifs français arrêtés à leur domicile, à Paris, le 12 décembre 1941 essentiellement des "notables", mais aussi de Juifs étrangers, déplacés de Drancy à Compiègne, ainsi que d'un groupe séparé de 34 Juifs yougoslaves. L'escorte est assurée jusqu'à la frontière allemande par des gendarmes français accompagnés d'un officier SS. Theo Dannecker, le chef du service des affaires juives de la Gestapo, antisémite fanatique, prend lui-même la direction du convoi.
"S'il y a une évasion, on fusille tout le wagon", a-t-on menacé les 1 112 "passagers". Un seul d'entre eux réussira à s'échapper avant Reims, où le convoi est verrouillé. Le lendemain, le train passe la frontière , traverse l'Allemagne et pénètre en Pologne. Au terme de trois journées, rendues très pénibles par la soif, ils parviennent le 30 mars au terminus : Auschwitz-Birkenau.
"Hébétés et épuisés nous avons été saisis par le froid et par la neige qui s'accrochait encore aux marécages de Birkenau où s'élevaient les premiers baraquements, se souvient Joseph Rubinstein, qui faisait partie de ce convoi et en a été un des rares survivants . On nous a distribué des uniformes rayés et puis on nous a tatoués, à l'encre bleue." Bientôt, les hommes du premier convoi ne seront plus que des numéros de matricule, de 27533 à 28644.
A Birkenau, pour ceux du premier convoi, un long cauchemar commence. ils seront très peu à résister, ne recevant pour nourriture quotidienne qu'une soupe claire et une boule de pain, mordus par un froid polaire, astreints à d'épuisants travaux de terrassement, dévorés par la vermine et terrassés par la dysenterie ou le typhus, Les chiffres sont parlants : d'avril à août 1942, 1 008 des 1 112 déportés succomberont à ce traitement inhumain, soit un taux de mortalité de 91,6 % en cinq mois.
Longtemps, Joseph Rubinstein et Simon Gutman, survivants du premier convoi, n'ont pas pu en parler. Parce qu'ils pensaient qu'on ne les croirait pas ou qu'on les croirait fous. Et quand ils ont commencé à témoigner, les mots n'ont pas eu assez de force pour exprimer ce que fut leur condition . Ils ne savaient plus dire que par bribes l'extrême sadisme de certains de leurs bourreaux — ordonnant par exemple à un père de battre son fils puis à ce fils de battre son père, et devant leurs refus les abattant tous deux "comme des chiens" —, le désespoir, les souffrances, les humiliations, l'endurcissement. Joseph évoque seulement "la haine" qui le tenait debout. "Chaque journée c'était un siècle", soupire Simon. L'un comme l'autre n'entrevoient plus qu'à peine les images d'épouvante des longues cohortes noyées dans "la nuit et le brouillard", les scènes déchirantes ponctuées de cris insoutenables, l'angoisse et la terreur collectives.
Mise à jour 9 mai 2018
le 75e anniversaire de la rafle du Vel d'Hiv' de juillet 1942 a été marquée par la polémique lancée par les dirigeants du FN à propos des responsabilités de l'Etat français. C'est l'occasion de rappeler que ce jour-là, le parti collaborationniste de Doriot, le PPF, fournit plusieurs centaines de militants comme auxiliaires de la police française, afin de procéder aux rafles. Le numéro 2 du PPF, Victor Barthélémy, fut un des fondateurs du FN.
Rappelons aussi que le 21 aout 1942 eut lieu la "sélection" d'un convoi de Juifs de France arrivant de Drancy. 817 personnes sur 1000 furent envoyées dans les chambres à gaz.
Mise à jour 17 juillet 2016
Commémoration de la rafle du Vel d'Hiv du 17 juillet 1942
Ce matin du 17 juillet 1942, à Paris, "les bus de la honte" , ont déversé, à l'intérieur du Vélodrome, leur contingent de Juifs étrangers munis de leurs maigres affaires rassemblées à la hâte. La police française vient d'arrêter, sans état d'âme, 13152 hommes, femmes et enfants de tous âges parqués dans le vélodrome, dans des conditions déplorables.
Ils seront acheminés vers les camps d'internement de Drancy, Beaune la Rolande et Pithiviers puis déportés vers le camp d'extermination d'Auschwitz.
Cérémonie officielle, devant le monument du Mémorial de la Shoah, sur le lieu de l'ancien Vél d'Hiv.
Je viens de prendre place, avec un ami, qui, en attendant, me raconte me raconte "son plus ancien souvenir".
Le 16 juillet 1942, il a exactement 2 ans et trois mois. Lui et sa sœur, plus âgée de 16 mois, sont dans la chambre du petit appartement qu'ils occupent et voient, par l'entrebâillement de la porte, leur mère dans la pièce à côté; elle parlemente en pleurant avec deux policiers français.
Ils lui demandent de se préparer mais, compatissants, repartent sans les emmener.
Avec les deux enfants elle s'empresse de quitter le quartier au plus vite, échappant ainsi à la rafle. C'est ce "miracle" m'explique mon ami, qu'il tient chaque année à venir commémorer, conscient du destin tragique auquel il a échappé.
Obligés de se réfugier dans le minuscule appartement qui leur servait d'atelier, ses parents furent arrêtés en février 1943, déportés à Auschwitz sans retour.
Les deux enfants, qui dormaient chez un voisin de palier d'origine polonaise, purent être remis à un couple ami des parents, qui les cacha en province et devint leur tuteur.
Témoignage de Monsieur J-M R, témoin de la rafle.
A la manière de l’écrivain Georges Perec (dont la mère fut déportée à Auschwitz ou elle fut gazée en 1943), J-M.R. introduit son témoignage par la formule bien connue de ce dernier : "Je me souviens" répété trois fois.
Le ton grave empreint des images de ce souvenir fait écho au grand silence de l'assemblée.
Il est sept heures du matin ce 16 juillet 1942.
C'est depuis la fenêtre de l'appartement où il s'est caché pour la nuit avec sa mère qu'il voit les autres familles juives monter dans les bus stationnés au coin de la rue du Faubourg St Denis et de la rue d'Enghien. Parmi eux, son copain Simon W., qu'il n'a jamais revu.
Quand il scande d'une manière appuyée : " J'avais huit ans, Oui, je m'en souviens", rien ne bouge dans l'auditoire.
Un des locataires a vu la concierge montrer du doigt aux policiers, l'escalier C où étaient regroupées ces familles.
Ce jour là, il réalise que les jardins et le dernier wagon du métro sont interdits "aux Juifs et aux chiens", le couvre feu est à 20 heures pour eux au lieu de 22 heures pour les autres. ˝L'étoile jaune, que j'arborais presque avec fierté sur ma blouse grise d'écolier est devenue alors l'étoile de la honte. Ce jour là, j'ai perdu ma légèreté d'enfant, J'ai compris ce qu'est la peur de chaque jour".
Allocution du président du comité français pour Yad Vashem (Association fondée en 1981 afin de faire reconnaître et honorer ceux et celles qui en France sont venus en aide aux Juifs pendant la guerre).
˝Le 16 juillet 1942 la France, patrie des Lumières et des droits de l'homme, manquait à sa devise : Liberté, Egalité, Fraternité˝.
: ˝ Pendant six semaines jusqu'au 30 août 1942 vingt mille Juifs ont été déportés. Six semaines encore et quarante mille Juifs de France ont été arrêtés soit 2/3 de la population française. Les nazis avaient pris soin de donner l'ordre à la police française de ne laisser aucun enfant derrière eux."
Le 23 août 1942 l'Archevêque de Toulouse, Monseigneur Saliège, a lu sa fameuse lettre pastorale de protestation, déclarant notamment " ... Dans notre diocèse, des scènes d’épouvante ont eu lieu dans les camps de Noé et de Récébédou. Les Juifs sont des hommes, les Juives sont des femmes. Tout n’est pas permis contre eux, contre ces hommes, contre ces femmes, contre ces pères et mères de famille. Ils font partie du genre humain. Ils sont nos Frères comme tant d’autres. Un chrétien ne peut l’oublier..."
Bon nombre de français ont sauvé des familles, parfois au péril de leur vie, Beaucoup de ces bienfaiteurs ont reçu le titre de "Justes parmi les Nations", décerné par Yad Vashem et par l'État d'Israël. Il a fallu cinquante ans pour que Jacques Chirac reconnaisse la responsabilité du gouvernement de Vichy dans la déportation des Juifs de France (17 juillet 1995).
Témoignage d’une arrière petite- fille de "Justes parmi les Nations "
Ses arrières grands-parents tenaient la boulangerie d'un petit village en Isère (qui n'était plus en zone libre à ce moment là). Ils ont caché sans hésitation deux enfants de 5 et 7 ans.
Ces enfants possédaient des papiers d'identité avec un nom d'emprunt.
Un de ces enfants, Jacques D. le petit garçon d'alors, assiste à la cérémonie.
C'est tardivement, qu'elle, leur arrière petite fille, et sa famille ont eu connaissance de cet épisode survenu sous l'occupation. Ses arrière-grands parents ont été reconnus "Justes parmi les Nations".
Chaque intervenant appelle de ses vœux à une lutte sans relâche contre les négationnistes pour que perdure la transmission, à l'heure où les témoins directs disparaissent.
Memorial 98