En difficulté face à la candidature de François Hollande, le clan UMP prépare « une campagne épicée", voulue par Sarkozy.
À défaut de pouvoir produire immédiatement une émeute de la Gare du Nord, comme le 27 mars 2007 ou un massacre d’Ouvéa comme en 1986, c’est par un climat de provocation et de surenchère verbale qu’il procède déjà.
Guéant joue un rôle important dans cette stratégie.
Ce proche de Sarkozy, ancien secrétaire général de l'Elysée, est un pur produit de l’équipe de Charles Pasqua et des Hauts-de-Seine, deux symboles de l’affairisme et des basses œuvres de la police.
Il fut directeur adjoint du cabinet de Pasqua au ministère de l’Intérieur et a même témoigné en sa faveur en avril 2010 dans les affaires louches de casinos autorisés par son prédécesseur, malgré l’avis à l'époque de l’administration et de la commission des jeux.
Il ne s’agit donc nullement d’un « haut fonctionnaire républicain » mais de quelqu’un qui a adhéré aux méthodes brutales et illégales des polices parallèles telles le SAC (service d’action civique, bande armée gaulliste dissoute après la tuerie d’Auriol en 1981)
Or Pasqua a forgé une doctrine, explicitée à la veille de la présidentielle de 1988 qui opposait Mitterrand à Chirac, dans le magazine "Valeurs actuelles" du 2 mai 1988 : « Sur l'essentiel, le Front national se réclame des mêmes préoccupations, des mêmes valeurs que la majorité » (voir Sarkozy-Le Pen: l’apocalypse ?) .
C’est devant l’UNI, pseudo syndicat étudiant et vraie bande de fachos, créé et financé par le SAC après 1968, pour contrer la « subversion gauchiste » dans le milieu universitaire que le ministre de l’Intérieur a révélé ses profondes et opportunes méditations.
Niant la notion élémentaire de civilisation universelle, Guéant s’est une nouvelle fois attaqué à l’Islam et aux immigrés en proclamant :
« Contrairement à ce que dit l'idéologie relativiste de gauche, pour nous, toutes les civilisations ne se valent pas. Celles qui défendent l'humanité nous paraissent plus avancées que celles qui la nient. »
Son explication de texte est venue 24 Heures après sur France-Inter.
Bien que prétendant ne viser "aucune culture en particulier", il a fourni deux exemples se rapportant à un islam réduit à sa version la plus extrémiste en expliquant : "…Se pose la question de l'interdiction du voile intégral à l'Assemblée nationale. Eh bien, la majorité vote l'interdiction du voile intégral et le Parti socialiste ne participe pas au vote".
"Autre exemple, les prières de rue, a poursuivi le ministre. J'ai entendu un responsable socialiste très important dire que ça ne gêne personne ; mais si, ça gêne beaucoup de Français. Mais ça gêne surtout un principe, celui de la laïcité. Et nous, nous avons interdit la prière de rue" qui "est une expression de civilisation".
C’est le même Guéant qui s’était engagé dans Le Monde du 3 janvier à ne pas polémiquer à nouveau sur ce sujet :
Q. Ces polémiques sur l’islam en France ne risquent-elles pas de ressurgir lors de la campagne pour l’élection présidentielle, alors que le Front national en fait l’un de ses thèmes de prédilection ?
R. Je ne le souhaite pas. Très clairement. Dès avant l’été, j’ai marqué mon souci que les problèmes se posant à propos de l’islam, comme les prières de rue, soient réglés bien en amont des élections présidentielle et législatives. Je ne veux pas que ce thème soit un sujet d’empoignades. Et, si ce devait être le cas, cela ne viendra certainement pas de notre formation politique.
Sur le fond des comparaisons entre « civilisations » Georges Clemenceau a répondu, il y a plus de 125 ans le 30 juillet 1885 à un Jules Ferry prétendant justifier la colonisation par la supériorité de la civilisation occidentale, en ces termes:
: «… Regardez l'histoire de la conquête de ces peuples que vous dites barbares et vous y verrez la violence, tous les crimes déchaînés, l'oppression, le sang coulant à flots, le faible opprimé, tyrannisé par le vainqueur ! Voilà l'histoire de votre civilisation ! (...) Combien de crimes atroces, effroyables ont été commis au nom de la justice et de la civilisation. Je ne dis rien des vices que l'Européen apporte avec lui : de l'alcool, de l'opium qu'il répand, qu'il impose s'il lui plaît. Et c'est un pareil système que vous essayez de justifier en France dans la patrie des droits de l'Homme !... »
Sarkozy désire transformer la campagne en un champ de bataille dans lequel la xénophobie et la haine constitueraient les thèmes principaux. Il veut ramener le débat dans le camp de la droite, imposer son vocabulaire et ses thématiques. Il procède ainsi comme la droite allemande qui a introduit le concept de "Leitkultur" allemande (culture principale ou dominante) comme instrument de campagne politique et de discrimination.
Dans les semaines à venir, les provocations venues de la droite et de l’extrême-droite vont se multiplier. La vigilance est de mise.
(voir aussi Quand N.Morano collectait des signatures pour Le Pen Nationalité : Copé et l’UMP en embuscade.
Eva Joly : un triomphe lepéniste ?
Sarkozy et Copé aux côtés du Front National.
Qui veut se faire piéger par Marine Le Pen ?
Sarkozy : jusqu’où l'escalade ?
MEMORIAL 98