Casques bleus à Srebrenica face à la foule en juillet 1995
Mise à jour du 27 juin 2017: nouvelle et importante décision judiciaire contre l'impunité des autorités néerlandaises.
Six ans après ses premiers verdicts (voir ci-dessous) la justice néerlandaise prend en appel une décision importante et positive, bien qu'incomplète.
Elle juge que les autorités néerlandaises ont laissé se dérouler le génocide de Srebrenica, sans permettre le sauvetage des personnes qui tentaient de se réfugier dans l'enclave des Casques Bleus. C'est le résultat d'une longue bataille des victimes et de leurs avocats avec le soutien d'ONG néerlandaises et internationales, mobilisées pour la justice et contre l'impunité.
Cette reconnaissance est importante car elle trace la responsabilité des gouvernements qui laissent se dérouler des génocides et crimes contre l'humanité et n'interviennent pas pour sauver des vies humaines.
Le jugement résonne d'une part avec l'actualité immédiate face aux crimes du régime Assad et de Poutine en Syrie. D'ailleurs, en décembre dernier (2016), lors du siège et des massacres d'Alep, des enfants des victimes de Srebrenica avaient lancé un appel de solidarité avec les habitants d'Alep. Memorial 98 avait diffusé cet appel ( à écouter ici et à lire ici)
La condamnation des autorités néerlandaises concerne aussi le débat sur les responsabilités des autorités et de l'armée française dans le déroulement du génocide des Tutsi au Rwanda en 1994, un an à peine avant le génocide de Srebrenica. Des révélations confirment l'implication des pouvoirs publics et de hauts personnages de l'Etat dans sa mise en oeuvre. Toute la vérité doit être faite et les coupables éventuels doivent être jugés.
Enfin, la décision du tribunal d'appel représente un soutien aux victimes, rescapés et familles de victimes du génocide. Elles sont encore la cible du négationnisme des chefs serbes, soutenus par Poutine. La condamnation récente du génocidaire Karadzic a représenté un début de justice pour ce dernier génocide d'un 20e siècle qui en a tant connu . La décision du tribunal d'appel représente une étape supplémentaire, mais elle reste frappée par une absurdité évidente. Le jugement exonère en effet les autorités néerlandaises de 70% de leurs responsabilités, sous le prétexte pervers que même réfugiées dans l'enclave ONU, les victimes auraient été tuées. Ce calcul macabre représente une incitation à la non-prise de responsabilité de la part de ceux qui peuvent au moins tenter de sauver des vies en s'opposant aux génocidaires.
L'impunité des auteurs de ces tueries et massacres représente un facteur évident de récidive et de perpétuation des actes génocidaires. C'est pourquoi, plus que jamais, la mémoire des génocides nourrit nos combats.
La décision judiciaire:
L'Etat néerlandais est tenu "partiellement responsable" du décès de 350 musulmans lors du massacre de Srebrenica en 1995, selon un jugement de la Cour d'appel de La Haye rendu mardi."
La Cour juge que l'Etat néerlandais a agi illégalement" et "condamne l'Etat à verser une compensation partielle" aux familles des victimes, a déclaré la juge . Les Casques bleus néerlandais ont "facilité la séparation des hommes et des garçons musulmans tout en sachant qu'il y avait un risque réel qu'ils subissent un traitement inhumain ou qu'ils soient exécutés par les Serbes de Bosnie", a-t-elle expliqué.
Environ 8.000 hommes et garçons musulmans ont perdu la vie en 1995 lors du génocide de Srebrenica, théâtre des pires atrocités commises en Europe depuis la Seconde Guerre mondiale.
Les troupes néerlandaises, connues sous le nom de "Dutchbat", retranchées dans leur base, avaient recueilli des milliers de réfugiés dans l'enclave des Nations unies.
Mais elles avaient d'abord fermé les portes aux nouveaux arrivants, puis permis aux troupes serbes de Bosnie d'évacuer les réfugiés. Les hommes et les garçons avaient alors été séparés et mis dans des bus puis massacrés.
"Dutchbat aurait dû prévenir ces hommes des risques qu'ils couraient et aurait dû leur laisser le choix de rester dans l'enclave pendant que leur famille était évacuée", a poursuivi la juge.
Toutefois, la Cour d'appel condamne l'Etat néerlandais à verser seulement 30% des dommages et intérêts réclamés par les familles des victimes car elle "n'est pas certaine que ces personnes n'auraient pas été tuées plus tard même si elles étaient restées dans l'enclave."
Une cour inférieure avait déjà statué en 2014 que l'Etat néerlandais était responsable du décès de ces 350 hommes et garçons bosniaques.
L'Etat néerlandais avait fait appel du verdict, en disant que personne n'aurait pu prévoir un génocide. Plus de 200 Casques Bleus demandent également des dommages et intérêts au gouvernement pour les avoir envoyé à Srebrenica remplir "une mission irréaliste, dans des circonstances impossibles", selon les mots prononcés l'année dernière par la ministre de la Défense.
MEMORIAL 98
20.000 personnes se sont rassemblées ce lundi 11 juillet au mémorial Potočari, dans le contexte de l’arrestation récente et fort tardive du commandant du massacre, Ratko Mladic. (voir Mladic: un génocidaire enfin arrêté.)
Cette année, 613 victimes identifiées ont été enterrées dans le cimetière où reposent déjà plus de 4.500 victimes.. En juillet 1995, environ 8.000 hommes Musulmans, adultes et adolescents, ont été tués en à peine quelques jours par les forces serbes de Bosnie. Un génocide selon la justice internationale.
Le 5 juillet, 16 ans jour pour jour après les faits, le gouvernement des Pays-Bas a été pour la première fois jugé coupable de la mort de trois Musulmans en juillet 1995 à Srebrenica. En 2008, lors du jugement en première instance, les Pays-Bas avaient été jugés non coupables.
Le bataillon des casques bleus néerlandais était chargé de protéger, face aux menaces serbes, l’enclave musulmane déclarée zone protégée par l’Onu.
Le 11 juillet 1995, les forces des Serbes de Bosnie qui encerclaient Srebrenica, sous les ordres de Mladic ont pénétré dans la ville.
Les casques bleus néerlandais se sont alors retirés dans leur base, où presque 5.000 réfugiés trouvèrent protection. Mais 27.000 autres restèrent à la merci des Serbes.
8.000 hommes ont été tués et jetés dans les fosses communes par les forces serbes.Parmi les réfugiés du camp néerlandais,il y avait le traducteur du bataillon, avec toute sa famille (père, mère et petit frère),et l’électricien. Le 13 juillet, l’électricien et le petit frère du traducteur furent chassés du camp par les militaires néerlandais. Le père du traducteur les suivit. Les trois hommes furent massacrés avec les autres, et à la fin de la guerre, leurs proches déposèrent une plainte contre le gouvernement des Pays-Bas.
L’Etat néerlandais s’est défendu en soutenant que le bataillon n’était pas sous son contrôle, mais qu’il était commandé par l’ONU. Le tribunal a rejeté cette thèse, jugeant qu’« à cause de la situation extrêmement difficile et périlleuse », le gouvernement néerlandais avait progressivement repris le contrôle de ses hommes. Le tribunal a également estimé que le bataillon connaissait les risques et les dangers de la situation. En conséquence, les militaires néerlandais savaient qu’en excluant les trois hommes, ils les condamnaient à une mort certaine.
Sur cette base, les Pays-Bas ont été reconnus responsables de la mort des trois Bosniaques.
L’État a décidé de se pourvoir en cassation. Ce jugement pourrait en tout cas faire jurisprudence pour les 6.000 survivants et les proches des victimes.
Mais la plaie est encore ouverte, d’autant qu’aucun représentant serbe ne participait cette année aux cérémonies commémoratives
(voir Srebrenica : l’impunité jusqu’à quand ?
Halte au massacre du peuple syrien !
Rwanda : faire la lumière sur le génocide.
Bosnie:les parias de la solidarité
L'étrange procès de Florence Hartmann
Sri Lanka : ONU silencieuse, régime impuni.)
MEMORIAL 98