Trois jours après que Jean-Marie Le Pen ait à sa manière mis en cause la présence des Roms à Nice le maire de Nice, vice-président de l'UMP et ancien ministre a tenu le 7 juillet des propos d’une violence inouïe contre les gens du voyage en décrivant un prétendu dialogue avec eux : “Je suis allé les voir, je leur ai dit ‘vous allez partir’.
– Non non, on est là pour trois semaines. Et c’est nous, monsieur le maire, qui vous imposerons de rester là pendant trois semaines.
– Bon, on va voir, j’en ai maté d’autres et je vous materai. Et la première chose que je fais c’est de mettre des caméras partout, pour surveiller vos faits et gestes dans les quelques heures qui viennent, on va noter ceux qui rentrent, ceux qui sortent, à quelle minute, à quel moment, et ce que vous allez faire partout dans la ville, dans la métropole, etc. Je sais que vous aimez pas beaucoup ces choses-là, mais on va noter. Je vais relever les plaques d’immatriculation les unes après les autres. Je fais un référé devant le tribunal à titre conservatoire pour pouvoir saisir les véhicules, vous savez ces belles et grosses voitures avec lesquelles ils tirent leurs belles et grosses caravanes pour lesquelles les Français, il faudrait quelquefois toute une vie pour se payer les mêmes...”
La violence du propos de Christian Estrosi est particulièrement évidente quand on visualise l’enregistrement vidéo, car on perçoit alors la gestuelle et la tonalité qui l’accompagnent. On perçoit la volonté de calomnier, de procéder par sous-entendus et langage codé pour insinuer qu'il s'agit d'"envahisseurs" et de voyous http://www.lepoint.fr/video/video-estrosi-veut-mater-les-roms-08-07-2013-1701794_738.php. C’est ainsi qu’avait procédé avant lui Sarkozy lors du fameux discours de Grenoble en juillet 2010 (voir Pourquoi les Roms ? Décryptage )
Estrosi qui se présente volontiers comme un « gaulliste social », a en réalité un passé de compagnonnage avec le Front National et de formation politique dans un cercle marqué par la bataille pour l’Algérie française.
Lors de la grande vague d’alliances entre la droite et le FN dans les conseils régionaux en avril 1998, Estrosi a mené une bataille acharnée pour qu’une une telle alliance voie le jour dans sa région PACA. Son collègue Gaudin avait déjà dirigé cette région avec le FN de 1986 à 1992.
Sa tentative a finalement échoué face à la résistance de dirigeants locaux de la droite, tel François Léotard, ainsi que par la révélation de ces manœuvres secrètes. Dans un entretien à "Minute" en date du 11 mars 1998, Estrosi avait d’ailleurs annoncé la couleur en déclarant :
« Dire "moi je suis là pour empêcher M. Le Pen d'exercer des responsabilités parce qu'il est xénophobe" ne me semble pas la meilleure méthode pour être crédible et efficace».
En effet c’est le chef du FN qui était la tête de liste de son parti dans la région et qui aurait accédé à la présidence régionale Cet épisode, à la recherche d’une alliance avec le dirigeant antisémite et négationniste, n’empêche pas Estrosi de se présenter comme un « grand ami » de la communauté juive; il avait été jusqu’à déclarer en Novembre 2007 que «Sarkozy est le candidat naturel des électeurs juifs».
Il agit en fait dans l’esprit celui qui fut son mentor et initiateur.
L’histoire politique d’Estrosi a débuté sous les auspices de Jacques Médecin, maire de Nice pendant des dizaines d’années. Benjamin du conseil municipal de Nice en 1983, il a été rangé parmi les « bébés Médecin » et a bénéficié de l’appui de ce dernier, y compris après la fuite de Médecin vers l'Uruguay en 1990 pour éviter la justice française qui finira par le faire extrader, puis le juger et le condamner pour corruption.
Ainsi le 24 octobre 1991, M. Médecin envoya un appel de soutien à M. Estrosi depuis son exil : «…Je vous dis: faites confiance à ces hommes et à ces femmes qui se sont rassemblés aujourd'hui autour de M. Estrosi… »
Jacques Médecin a constamment flirté avec le Front National. Lors du débat sur le projet de loi autorisant l'interruption volontaire de grossesse, défendu par Simone Veil en 1974, il déclare notamment que « l'avortement, c'est un meurtre », et que l'autorisation de cet acte pourrait déboucher sur "l'autorisation de l'homicide volontaire". La même année, il projette de jumeler Nice avec Le Cap, en Afrique du Sud, alors sous le régime de l'apartheid. En 1981, il vote contre l'abolition de la peine de mort, et demande par la suite son rétablissement, notamment lors d'une manifestation, en 1985. Estrosi reprendra d’ailleurs cette position 6 ans plus tard. Le 11 décembre 1991, il dépose à l'Assemblée nationale une proposition de loi visant à rétablir la peine de mort : Proposition de loi tendant à rétablir la peine de mort pour certains crimes, n° 243023.
J.Médecin soutenait l’apartheid en Afrique du Sud et se situait à la lisière du Front National dont il avait déclaré, dans l’organe de celui-ci National Hebdo, partager « 99,9 % des idées ».
Avant sa fuite, il avait en 1990 réagi violemment au refus des membres de la communauté juive niçoise de cautionner son rapprochement avec Le Pen, notamment lors de la venue de l’ancien Waffen SS allemand Schoenhuber pour un congrès du FN à Nice. Après la démission de trois conseillers municipaux, il éructa : « Ce sont les juifs qui sont partis» (Le Monde du 5 avril 1990)
Il avait ensuite dénoncé les «Israélites qui ne refusaient jamais un cadeau»; il justifia ainsi cette diatribe :« J'étais de toutes les fêtes de la communauté, de tous leurs défilés, de toutes leurs manifestations. Mes propos ont été déformés, délibérément. En parlant, j'évoquais un problème de politesse. Et l’on m'a lynché dans le monde entier. » C’est le même type de justification qu’ont produit Georges Frêche et Claude Goasguen après des déclarations antisémites
(voir
Connaitra un jour les réels sentiments d'Estrosi à l’égard de ces "autres gens du voyage" que sont les Juifs ? Estrosi symbolise les dirigeants de la droite dure du Midi, tournés vers la glorification de l’Algérie française et qui recyclent massivement les thèmes de l’extrême droite ainsi que les responsables locaux de celle-ci.
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