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L'association MEMORIAL98, qui combat contre le racisme, l'antisémitisme et le négationnisme a été créée en janvier 1998, lors du centenaire de l'affaire Dreyfus.  

Son nom fait référence aux premières manifestations organisées en janvier 1898, pendant l'affaire Dreyfus, par des ouvriers socialistes et révolutionnaires parisiens s'opposant à la propagande nationaliste et antisémite.

Ce site en est l'expression dans le combat contre tous les négationnismes

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11 novembre 2008 2 11 /11 /novembre /2008 21:47
 

Nous publions un article de Souâd Belhaddad, journaliste, auteure notamment  de deux livres sur le génocide rwandais. Elle a suivi le procès intenté par SOS-Racisme pour diffamation raciale à Pierre Péan, pour son ouvrage « Noires fureurs, blancs menteurs » et dont les thèses sont proches de celles du juge Bruguière.

Livres parus :
Entre deux « je » : Algérienne ? Française ? Comment choisir...  (Mango)
SurVivantes : Rwanda 10 ans après ( ed. de l'Aube)
La fleur de Stéphanie : Rwanda entre déni et réconciliation (Flammarion)
Algérie, le prix de l'oubli (Flammarion)

PEAN N'EST PAS RACISTE, LES TUTSIS RESTENT DES MENTEURS ?

Par Souâd Belhaddad

C'était un procès où l'auditoire pouvait y perdre son latin mais aussi, pour ceux qui le parlaient, son kynyarwanda. Les débats ont  en effet parfois viré au traité de  linguistique. Pierre Péan, à la suite de la publication de son ouvrage « Noires fureurs, Blancs menteurs » ainsi que son éditeur Claude Durand (Fayard) étaient poursuivis par SOS Racisme et Ibuka, association de rescapés du génocide, pour diffamation raciale et provocation à la discrimination raciale. Quatre pages (sur  six cents), dans le premier chapitre, expliquaient, entre autres, que «  le Rwanda est aussi le pays des mille leurres tant la culture du mensonge et de la dissimulation domine toutes les autres chez les Tutsis et, dans une moindre part, par imprégnation, chez les Hutus ». D'autres passages reprennent ce propos, étayé par des citations d'anciens colons allemands ou belges et l'accentuent même.

Pendant trois jours de procès donc, les 24, 25, 26 septembre derniers, on a souvent débattu de l'«ubwenge», concept rwandais qui, selon les défenseurs de Pierre Péan, s'apparente au mensonge systématique mais « pas de façon négative comme chez nous, en France », ou selon ceux de la partie civile, à de l'intelligence. Face à cette querelle d'africanistes, la procureure de la République, Anne de Fontette a, au terme des débats, remis certains points sur les i. : «  Les témoins sont venus dans un drôle de mouvement intellectuel nous dire que le mensonge, au Rwanda, serait une qualité. Pour ma part, je note que le terme a été utilisé en français, sans précision sur les diverses traductions que pouvait revêtir le mot en kinyarwanda, au Rwanda. Or, le terme est ici utilisé à la française, où il n'a pas une connotation positive. » La représentante du ministère public s'est également étonnée du choix de certains auteurs des citations choisies par Pierre Péan, comme Paul Dresse, proche de l'extrême droite et dont le « langage colonial de l'époque », comme le souligne l'auteur, n'hésite pas à qualifier les Tutsis «  de race des plus menteuses sous le soleil ». Et Anne de Fontette de conclure que les deux délits étaient bel et bien constitués.
  Le tribunal, qui a rendu son verdict le 7 novembre, en a décidé autrement. Il a relaxé Pierre Péan et son éditeur, estimant que la formulation «  culture du mensonge et de la dissimulation ", aussi brutale qu'elle puisse apparaître, spécialement pour les victimes d'un génocide, ne peut être considérée comme l'imputation d'un fait précis visant à jeter le discrédit sur l'ensemble des Tutsis ». Des témoins de la partie civile avaient pourtant souligné, avec malaise, que le mot «  Tutsi  » accolé aux qualificatifs de menteur et manipulateur, substitué à celui de «  Juif », restituaient le ton classique du discours antisémite des années 1930. On songeait alors au livre de Daniel Sibony, La haine du désir, qui décrypte l'utilisation de l'article défini pluriel «  les » comme un symptôme du racisme pour désigner l'Autre : Les Juifs, les immigrés, les Tutsis... L'individu n'est alors plus considéré qu'en fonction du groupe dont il est issu. Il n'est plus, tout simplement. C'est bel et bien ce qui s'est joué durant ce procès. Par un syllogisme récurrent, en mettant en cause Paul Kagamé, actuel président du pays et ex-chef des Front patriotique rwandais, considéré par les nombreux témoins de Péan comme menteur et manipulateur, s'en déduisait, parfois explicitement, que les Tutsis l'étaient également, de façon généralisée. Autre emploi dérangeant  du pluriel : celui réservé aux femmes de la diaspora tutsie. Péan écrit (p.44) : «... Les associations de Tutsis hors du Rwanda...ont infiltré les principales organisations internationales et d'aucuns  parmi leurs membres ont su garder de très belles femmes tutsies vers des lits appropriés... » Ce poncif - la femme Tutsie, belle, grande, qui ne déploierait sa séduction que pour mieux manipuler - est particulièrement marquant parce qu'il se (re) trouve dans les documents les plus violents véhiculés par les extrémistes Hutus, avant le génocide.
   Le défilé des témoins rendait bien compte de l'abîme entre la position de de la partie civile et celle de la défense. Les uns étaient  essentiellement dans le vécu, le témoignage de ces cent jours d'apocalypse ;  les autres dans l'analyse de l'Afrique. Les premiers  tenaient à évoquer la souffrance traumatisante causée par les propos de Pierre Péan et l'offense faite à la mémoire de leurs disparus « exterminés parce que nés Tutsis», comme l'a rappelé Esther Mujawayo, psychothérapeute et survivante de ce génocide. Les seconds se disputaient l'expertise d'une « culture Tutsie du mensonge », entre historiens, militaires, journalistes et politiciens. Hubert Védrine, ex-secrétaire général de l’Élysée sous Mitterrand et Bernard Debré, ex-ministre (RPR) de la Coopération en 1994 ont amplement défendu Pierre Péan. « Cela ne me semble pas différent ni plus choquant de ce qu'on dit des chiites », a surenchéri Hubert Védrine. Tous deux ont évoqué le rôle de  Paul Kagamé, accusé d'avoir abattu l'avion du président hutu Habyarimana, le 6 avril 1994, élément déclencheur  du génocide. Thèse que partage le juge Bruguière qui a délivré des mandats d'arrêt contre des proches de Kagamé et qui, souvent, sert à entretenir le  discours d'un « double génocide » au Rwanda. Péan s'y prête dans son ouvrage  lorsqu'il considère que le chiffre des victimes des massacres d'Hutus au lendemain de la victoire du FPR dépasse largement celui des victimes du génocide. « C'est ainsi que Péan tente de réécrire l'histoire du génocide au Rwanda, dit José Kagabo, historien à l'Ecole des Hautes études sociales. Mais ne s'agit-il pas, surtout, de réécrire le rapport de la France à ce génocide ?»
Si les avocats de Pierre Péan concluent à une «  victoire de la liberté d'expression », ceux de la défense envisagent, pour leur part, de faire appel. Marcel Kabanda, président de Ibuka, association des rescapés du génocide des Tutsi, reste très choqué par ce verdict. Ces mots qui rappellent aux rescapés pourquoi on a justifié de pouvoir exterminer les leurs «  ne sont pas sans importance », dit-il sobrement.

 
Mme Rose Kabuye, ancienne députée et maire de Kigali, aujourd'hui responsable du protocole présidentiel rwandais, a été arrêtée dimanche 9 novembre en Allemagne, sur mandat d'arrêt du juge Bruguière, dans le cadre de sa présumée participation en 1994 à l'attentat contre l'ancien président rwandais Habyarimana.
 La porte-parole du gouvernement rwandais a vivement critiqué cette arrestation ainsi que la plainte en diffamation déposée par une dizaine d'officiers français mis en cause dans un rapport rwandais «sur le rôle de la France» dans le génocide de 1994. «Pour nous, c'est aussi une de ces manoeuvres d'intimidation. L'implication de la France est une vérité qui est là: la France a aidé politiquement et militairement un gouvernement qui a commis le génocide» a-t-elle déclaré.
MEMORIAL 98






 

 

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commentaires

T
Vous avez tout dit concernant le génocide ; je n'ai rien à ajouter. Mais il ne faudrait pas qu'un amalgame, forcément stupide comme tous les amalgames, s'établisse entre le génocide des années 90 et la politique actuelle des autorités ruandaises à l'est du Congo. C'est tellement facile d'instrumentaliser les conflits d'aujourd'hui pour nier les crimes d'hier.
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