A l'occasion de cette commémoration, nous publions deux articles, l'un consacré à l'Autriche (ci-dessous) et l'autre retraçant le déroulement et la planification de ces violences antijuives Nuit de cristal : 70 ans après(II) Un acte prémédité .
Terrible Autriche
La vague de violences anti-juives organisée par les nazis le 9 et 10 décembre 1938 et connue sous le nom de Nuit de Cristal (Kristallnacht), fut particulièrement meurtrière en Autriche, alors intégrée au Reich allemand.
C'est à Vienne, où s'étaient déjà produites des émeutes anti-juives lors de l'Anschluss en Mars 1938, que le pogrom prit ses formes les plus violentes et les plus meurtrières, avec 42 synagogues incendiées, 27 personnes juives tuées et 88 grièvement blessées.
En ce 70eme anniversaire, c'est aussi là que son souvenir résonne dans l'actualité récente.
Lors des législatives du 28 Septembre 2008 l'extrême-droite a, malgré ses divisions, rassemblé 30% des voix.
Environ 40 % des moins de 18 ans ont voté pour le FPÖ de Heinz-Christian Strache, concurrent de Haider.
Strache, entouré de néo-nazis, s'est illustré au printemps dernier par une très violente campagne contre les immigrés et une éventuelle adhésion de la Turquie à l'Europe, sous le slogan «Autriche, reste libre!»
Près de 10 % de ces jeunes de 16 à 18 ans à qui le vote était ouvert pour la première fois ont opté pour le BZÖ de Haider
Mais dans cette Autriche vieillissante, il ne faut par surestimer le poids des 16-18 ans, ils représentent moins de 3 % de l'électorat Les résultats de l'extrême droite sont dus en majeure partie à des gens de plus de 50 ans.
La mort de Haider le 11 Octobre 2008 a ensuite donné lieu à une immense célébration.
Jamais en Autriche, un homme politique n'avait été l'objet de tels honneurs. A Klagenfurt, la capitale régionale de la Carinthie dont il était le gouverneur , des milliers de bougies ont été allumées devant le palais du gouvernorat, tandis que des banderoles accrochées par des ribambelles d'écoliers pleurent « Jörg, le roi des cœurs carinthiens». Une messe célébrée en la cathédrale de Vienne a rassemblé des milliers de personnes, mêlant anciens ministres, conservateurs comme sociaux-démocrates, et néo-nazis discrets, identifiables seulement à leur crâne rasé et à la boucle de leur ceinturon affichant un double «s».
Dans les écoles de Carinthie, une minute de silence a été observée durant la semaine à la mémoire de Jörg Haider. Les enfants ont été invités à chanter pour lui.
Lors de ses obsèques plusieurs orateurs se sont succédé à côté du cercueil veillé par six soldats, s'adressant à un parterre où la plupart des élites politiques autrichiennes avait pris place.
Le président de la république Heinz Fischer, le chancelier social-démocrate Alfred Gusenbauer, le chef du parti social-démocrate Werner Faymann, chargé de former le futur gouvernement à l'issue des dernières législatives, ses homologues des autres partis, à l'exception des écologistes, lui rendirent hommage
Cet emballement institutionnel et populaire, qui, pour le quotidien de droite à grand tirage Kurier, rappelle celui «autour de Lady Di et de Mère Teresa», vit célébrer en grande pompe la disparition d'«un homme politique de grand talent», selon les termes du président de la République, Heinz Fischer (SPÖ, gauche).
C'est le même Haider qui se réclamait «la politique de l'emploi réussie» du IIIe Reich et célébrait les Waffen SS, ces «hommes honnêtes restés fidèles à leurs convictions»
Au même moment, l'élection à la co-présidence du Parlement autrichien de Martin Graf, député du parti d'extrême-droite FPÖ de Strache et membre de l'association antisémite et négationniste Olympia amplifie le malaise.
Olympia compte à son actif l'organisation de conférences du négationniste David Irving (voir notre article précédent Oxford: négationnistes en vedette? ), et la prestation du chanteur-compositeur antisémite Michael Müller qui, sur scène, entonnait: "Avec 6 millions de Juifs, la fête ne fait que commencer Jusqu'à 6 millions, le four reste allumé (...) Nous avons plein de Zyklon B (...) Avec 6 millions de Juifs, c'est encore loin d'être terminé".
Les partis de Jörg Haider et Strache s'inscrivent dans la tradition antisémite sans doute la plus forte d'Europe occidentale. Dès 1895, Karl Luger, dirigeant du parti "social-chrétien", se fait élire maire de Vienne sur un programme explicitement antisémite. La thématique estl'envahissement de la ville par les Juifs de l'Est et l'atteinte à la nation autrichienne/allemande.
L'année 1938 a débuté par l'annexion de l'Autriche par Hitler, l'Anschlüss. L'armée allemande fait une entrée triomphale en Autriche le 12 mars 1938. A la fin cette journée les bureaux des organisations juives sont déjà saisis par les Nazis.
Dans les jours et les mois qui suivent presque tous les Juifs autrichiens ont perdu leurs moyens de subsistance et dans la majorité des cas leur domicile. Les mesures antisémites du Reich s'appliquent immédiatement.
Au lendemain de l'Anschluss, les Juifs sont forcés de revêtir leurs habits de fête et de nettoyer les rues de Vienne, accroupis sous le regard des Viennois goguenards et ravis.
Les jeunesses hitlériennes paradent en tirant des Juifs orthodoxes par leur barbe, d'autres Juifs sont obligés de brouter l'herbe au parc du Prater.
Ces actes sont rarement commis par des Nazis allemands mais plutôt par des Nazis autrichiens. A Vienne, les « parties de frottage », sont quotidiennes. Des groupes de S.A. sortent les Juifs de leur maison ou de leur magasin, leur mettent dans les mains un seau et une brosse et les obligent, sous les huées et les injures des gens qui font cercle autour d'eux, à effacer sur le macadam ou sur les murs des maisons les slogans appelant à s'opposer à l'Anschluss ou de barbouiller de peinture jaune des magasins juifs.
Lors de la Nuit de Cristal, la plupart des synagogues de Vienne furent détruites. Les commerces juifs furent vandalisés et saccagés. Des milliers de Juifs furent arrêtés et déportés vers les camps de concentration de Dachau ou de Buchenwald.
Les nazis autrichiens occupèrent une place centrale au sein de la galaxie nationale-socialiste,suivant l'exemple d'Hitler, lui même d'origine autrichienne.Adolf Eichmann symbolise cette implantation au cœur de la mise en œuvre du génocide.
Après guerre, la réintégration rapide des nazis dans l'espace politique se fait sous la protection des Alliés et du mythe d'une Autriche "victime" du nazisme. La présidence de Kurt Waldheim (1986-1992) fortement antisémite et qui a participé à des crimes de guerre nazis dans les Balkans, poursuit cette voie, aggravée en 1999 par la première victoire électorale de Haider avec 27% des voix.
MEMORIAL 98