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L'association MEMORIAL98, qui combat contre le racisme, l'antisémitisme et le négationnisme a été créée en janvier 1998, lors du centenaire de l'affaire Dreyfus.  

Son nom fait référence aux premières manifestations organisées en janvier 1898, pendant l'affaire Dreyfus, par des ouvriers socialistes et révolutionnaires parisiens s'opposant à la propagande nationaliste et antisémite.

Ce site en est l'expression dans le combat contre tous les négationnismes

(Arménie, Rwanda, Shoah ...)

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Retrouvez aussi le quotidien de l'info antiraciste sur notre blog d'actus :

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12 mai 2018 6 12 /05 /mai /2018 01:22

Dans la foulée du 8 mai qui marque l'anniversaire de la défaite nazie de 1945, nous présentons le travail exemplaire d'un enseignant documentaliste et sa pédagogie originale pour éduquer et lutter contre l'intolérance, les préjugés et l'oubli.

Ce soixante-treizième anniversaire de la chute du nazisme est marqué par les succès de l'extrême-droite dans de nombreux pays d'Europe et aux USA. En Allemagne, en Autriche, en Hongrie, en Pologne, en Italie, les nostalgiques du fascisme et du nazisme, les nostalgiques et racistes de tout poil sont à l'offensive. 
Nous en appelons plus que jamais au combat contre les idéologies et actes racistes et antisémites quels que soient leur prétextes, ainsi que pour la mémoire des génocides et crimes contre l'humanité ( comme on peut le voir ici et ici ). 

La date du 8 mai rappelle à nouveau que le fascisme et le nazisme seront vaincus, mais que si on les laisse prospérer, ils auront auparavant provoqué d'effroyables catastrophes. 

MEMORIAL 98


 

 

Stéphane Amelineau, professeur documentaliste, avec un groupe de  lycéens à Auschwitz

 

La mission des professeurs documentalistes est  de rendre les élèves autonomes dans leur accès au savoir, à l'aide des ressources pédagogiques et documentaires de l'établissement.

 

Ces enseignants sont chargés d’animer les  CDI (Centre de Documentation et d'Information) en collège ou en lycée

 

Un combat contre l'intolérance et les préjugés

 

Stéphane Amelineau exerce cette profession dans la région de Soissons. Après un parcours atypique d’employé de bureau puis comptable, il obtient une licence d'histoire et un Capes de documentaliste.

Dès l'âge de dix ans, il entend parler des deux guerres. "Tranchées, poilu", c'est "Pépé Jules", son arrière-grand-père paternel, blessé aux Chemin des Dames, dont il garde soigneusement une photo.

Son grand-père maternel est quant à lui enrôlé dans le service du travail obligatoire (STO) contre son gré, à Berlin,où il assiste à des scènes effroyables. Il lui enseigne pourtant la tolérance vis-à-vis des jeunes Allemands afin de construire une Europe meilleure.

A cette même époque, il entrevoit sur l'écran de télévision des scènes effrayantes de la série américaine : "Holocauste". Quatre épisodes pour décrire la destruction des Juifs d’Europe à travers deux familles, l'une juive et l'autre nazie.

Plus tard complétée par des lectures, cette expérience précoce va déterminer son combat et sa pédagogie auprès de la jeunesse pour éduquer et lutter contre l'intolérance, les préjugés et l'oubli.

 

"La question de la Shoah m'intéresse par humanisme. Ce qui me taraude c'est la question du lien paradoxal entre Auschwitz et l'humanité."          

 

Lutter contre l'oubli :

De collèges en lycées, il raconte l’histoire du « convoi n°67 » . Grâce à des documents d'archives, il a retrouvé la liste des personnes déportées dans le département de l'Aisne et qui faisaient partie de ce convoi qui mit trois jours pour arriver à Auschwitz. Il raconte les bourreaux et les victimes d’Auschwitz-Birkenau.

Fort de sa propre expérience, il est convaincu que confronter les jeunes à des témoignages vivants, des vidéos ou des photos est la meilleure façon de transmettre l'histoire de la Shoah.  

Itinéraire de mémoire

Entre 2003 et 2016, il organise six voyages pour Auschwitz, en passant par Cracovie.

Yvette Lévy, une des dernières rescapées d'Auschwitz-Birkenau, accompagnera un de ces voyages.

 

Qui participe à ces voyages ?

Ce sont des élèves volontaires de son lycée Saint-Rémy de Soissons. 1/3 de garçons, 2/3 de filles qui préparent un STSS (Science et technique sanitaire et sociale). Environ 35 élèves et des collègues accompagnateurs à chaque voyage.

 

Préparation au voyage :

Un atelier pédagogique organisé pour les recherches sous forme d'enquête.

Pendant trois ou quatre mois, Stéphane et ses élèves accomplissent un travail de fourmis, en dehors du temps scolaire. Cet effort est soutenu par l'Éducation Nationale et le Mémorial de la Shoah.

 

Tous les élèves volontaires ont pu participer aux voyages.

 

La déportation des Juifs du Soissonnais

Au cours de leur enquête, les élèves découvrent que à Soissons, il y a eu deux grandes rafles: la première les 19 et 20 juillet 1942, opérée par la gendarmerie locale et la seconde le 4 janvier 1944 organisée par la police allemande. 31 Juifs de la région ont été déportés, 4 sont revenus en 1945.

 

Grâce aux recherches dans les archives, ils retrouvent les noms d'enfants, d'adolescents, d'adultes, témoins ou acteurs de cette époque et qui acceptent de témoigner. A 70 et même 90 ans, au soir de leur vie, toutes ces personnes portent les traces du traumatisme de ce qu'ils ont vécu.

Les révélations du destin de leurs parents ou grands-parents déportés sont consignées dans des registres : Gazés, pas gazés, sélection pour le travail, date du décès. Des révélations traumatisantes et libératrices. C'est comme redonner vie à ceux qui n’étaient pour les protagonistes que des noms inscrits sur des listes interminables.

 

Des familles de victimes ont fait le voyage jusqu'à Auschwitz pour la première fois

Ils ont pu aller se recueillir derrière le bois de bouleaux, là où se trouvait l'une des deux chambres à gaz provisoire (Bunker 1) ˝La maison blanche˝, (l’autre, Bunker 2, appelé aussi ˝ Maison rouge ˝). Deux sites de mise à mort, dans les chaumières de paysans polonais, réquisitionnées en 42, aménagées en chambre à gaz, tandis, que non loin, s'élaboraient les futures  complexes de chambres à gaz-crématoires  destinées à l'extermination de masse (Krematorium II, III, IV et V)

Peu de guides emmènent les visiteurs jusque là.

Les bougies du souvenir, en face des anciennes fosses de crémations où furent incinérer des milliers et des milliers de corps de Juifs assassinés entre l’été 1942 et le printemps 1943, puis réutilisées durant l’été 1944. La photo au pied d’une des pierres noires, le portrait de Rose Lewkowicz, la mère de Nathan Lewkowicz (voir ci-dessous).

 

Durée du voyage

Le voyage se déroule sur trois ou quatre jours avec un arrêt à Cracovie, ville de Pologne située à 65 km d'Auschwitz-Birkenau, dont l'ancien quartier juif de Kazimierz est classé au patrimoine de l'UNESCO.

 

 

Une nouvelle expérience vers des plus jeunes 

Après avoir rencontré des centaines de collégiens, lycéens, étudiant et adultes, Stéphane décide de se lancer dans une nouvelle expérience quant à la transmission de l'Histoire de la Shoah vers les plus jeunes. Comment adapter la manière d'aborder la persécution des Juifs de Soissons, avec des élèves de 10 et 11 ans ? Il s'appuie pour cela sur les programmes scolaires d'Histoire et les conseils préconisés par le Mémorial de la Shoah.

 

Raconter la Shoah à des enfants d'une classe de CM1- CM2

Une enseignante de l'école primaire de Noyant, village près de Soissons avait lu le livre de Stéphane A. :" La Shoah en Soissonnais".

Elle l'invite à venir en parler aux élèves de sa classe. C'est l'occasion pour Stéphane d'adapter sa pédagogie.

L'enseignante et lui-même se rencontrent à plusieurs reprises pour bien préparer cette intervention.

Le jour de sa venue dans la classe, les élèves sont déjà sensibilisés à un certains nombre de notions : Qu'est-ce que la Shoah ? Qui sont le Maréchal Pétain et Hitler ? Qu'est-ce qu'une chambre à gaz ?  Pourquoi, des enfants ont été cachés, comme Armand, un enfant juif de Noyant. ?  Chacun a une représentation de ces événements : "Les Juifs sont partis dans les trains. Il y avait plein d'étoiles."

 

Pendant deux heures et demie, Stéphane A. raconte…

Stéphane conte l'histoire de Maurice Wajsfelner. Ce petit garçon de 10 ans, est arrêté avec sa tante Chaja, le 4 janvier 1944 dans son appartement à Soissons. Ses parents et son grand-frère Charles avaient déjà été arrêtés pendant la rafle de 1942.  

D'autres enfants ont subi le même sort à Soissons, comme Nelly (4 ans) et Albert Gochperg (9 ans). D’autres, comme Lisette Ehrenkranz, Viviane Bich ou encore les enfants Lewkowicz ont pu être cachés par "des messieurs et des dames au grand cœur". (Des justes parmi les Nations de France).  

 

Le vocabulaire est choisi, les prénoms, noms et adresses (à Soissons) accompagnent des photos comme celles de Maurice et de sa famille.

Stéphane a rassemblé des jouets anciens, patins à roulettes, guignol, carabine qui ont été volés aux enfants. Autant, de preuves visibles et palpables. Les enfants sont autorisés à poser des questions au fil du récit.

Ils sont interloqués, suffoqués, touchés de ce qu'ils entendent, entièrement à l'écoute.

 

Les prolongements pédagogiques dans la classe

Un travail d'écriture va se faire avec l'enseignante en prolongement de la présentation. Un texte à trous, des dessins, des productions écrites. Suzanne, la cousine de Maurice plus jeune que lui, a échappé à l'arrestation du 4 janvier 1944. Elle est partie vivre au Brésil après la guerre.

Désormais, les élèves de la classe de CM1-CM2, ont pour mission de retrouver la cousine de Maurice. Stéphane a proposé aux enfants d'écrire un mot pour l'envoyer à cette cousine au cas où elle serait encore en vie.

Tous ces écrits lui ont été remis. "Ces messages, dans une capsule numérique envoyés dans l'océan Internet, comme une bouteille à la mer " dit-il.

 

 

 

Conclusion

Quels ont été les objectifs de ce travail ?

Sensibiliser les élèves à l’histoire de la Shoah en général et sur le destin de familles en particulier. Décrypter des destins au travers de documents d’archives et de témoignages. Les éclairer sur l’organisation de la déportation en France et la mécanique de déshumanisation et de destruction des Juifs dans les camps d’extermination. Rechercher, sélectionner, analyser et traiter des sources historiques afin de confronter les élèves au travail de l’historien et développer leur esprit critique. De manière cognitive, souligner l’importance de la solidarité et de la tolérance pour ne jamais laisser quelqu’un au bord de la route.

 

L'éducation précoce pour lutter contre les "métastases du nazisme" pourrait-elle semer une graine de tolérance contre les préjugés, comme ce fut le cas pour Stéphane ?

 

Cette expérience très pointue auprès de jeunes adultes et de jeunes enfants a attiré l'attention de Memorial 98. La mémoire des génocides et des crimes contre l'humanité ne résume pas à des commémorations mais nourrit les combats actuels 

 

EL

 

MEMORIAL 98



Bibliographie

Stéphane Amelineau décrit son parcours dans un livre : "La Shoah en Soissonnais, journal de bord d'un itinéraire de mémoire", paru aux éditions Fondation pour la Mémoire de la Shoah/Le Manuscrit, Paris, 2017.

http://www.fondationshoah.org/memoire/la-shoah-en-soissonnais-journal-de-bord-dun-itineraire-de-memoire-stephane-amelineau

 

 Son site rend compte de son travail https://itinerairesdememoire.com/

 

 

 

 

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