103e anniversaire du génocide des Arméniens de 1915: nous alertons sur la situation en Turquie aujourd'hui.
La répression du régime Erdogan touche particulièrement les démocrates et les minorités. Le parti HDP, qui représente notamment la population kurde mais aussi Arménienne, subit durement les mesures gouvernementales. Des dizaines d'élus, maires et députés du Parti démocratique des peuples ( HDP), dont ses deux co-présidents, Selahattin Demirtaš et Figen Yüksekdağ, sont emprisonnés sous prétexte de complicité avec des terroristes.
Garo Paylan, député Arménien du HDP pour la ville d’Istanbul, subit des violences et menaces continues de la part du parti présidentiel de l'AKP ainsi que du parti d'extrême-droite MHP. La situation risque d'ailleurs de s'aggraver si Erdogan parvient à obtenir au cours des élections anticipées du 24 juin prochain un nouveau mandat présidentiel aux pouvoirs renforcés.
La reconnaissance du génocide arménien se poursuit dans différents pays, malgré les énormes pressions de la Turquie.
A l'occasion de la commémoration du génocide arménien, un projet important nommé " Les racines du mal " voit le jour afin d'enquêter sur la continuité entre ce génocide et la Shoah, à travers un film documentaire.
Avec nos partenaires du Collectif VAN et de Ibuka France, nous soutenons ce projet, présenté ci-dessous.
Il correspond à nos engagements autour de la mémoire des génocides qui nourrit nos combats .
Cette mémoire commune est particulièrement perceptible lors commémorations du mois d'avril, au cours duquel est honorée la mémoire des victimes des trois génocides majeurs du XXe siècle : celui des Tutsi du Rwanda le 7 avril, celui de la Shoah le 19 avril correspondant au début du soulèvement du ghetto de Varsovie le 19 avril 1943) celui des Arméniens le 24 avril correspondant aux premières arrestations des intellectuels arméniens à Constantinople/Istanbul en avril 1915.
Nous appelons à participer à la réalisation du projet " Les racines du mal " en contribuant au financement collaboratif (crowfunding) qui doit permettre sa réalisation, en suivant ce lien:
https://www.kisskissbankbank.com/les-racines-du-mal
Et comme le demandent les responsables de ce projet, dont nous saluons l'engagement,
"Aidez-nous à donner de l’élan à la campagne ! En faisant suivre ce lien à vos amis et contacts qui peuvent être intéressés, ou en partageant le lien de la collecte autour de vous. Si chacun d'entre vous réussit à convaincre 2 amis, nous franchirons vite le 1er objectif, qui nous permettra de démarrer le tournage du film cet été.
Merci encore de tout coeur pour votre soutien !
Nous remercions également, pour leur précieux soutien, les organisations qui ont choisi de nous accompagner dans cette aventure "
Nous considérons que les différents génocides ont des liens profonds entre eux car dans tous les cas les populations promises à l’extermination ont été d’abord été discriminées, stigmatisées, accusées de tous les maux, puis désignées comme ennemies, regroupées, marquées et « étiquetées » sous différentes formes et enfin conduites à l’extermination ou massacrées sur place. Le génocide est l’aboutissement de décennies, voire de siècles, de discriminations.
Un autre point commun à ces génocides est qu'ils font face à des entreprises de négation, dans le cadre d’une solidarité avec ceux qui ont perpétré le génocide. Nous luttons contre ce phénomène très organisé, mis en place par les génocidaires eux mêmes et qui constitue avec l’impunité une incitation à de nouveaux massacres.
Le but des génocidaires, en tout temps et en tout lieu, ne consiste pas seulement à assassiner les vivants, mais aussi à nier à tout jamais leur existence.
C’est pour cette raison que les négationnismes sont consubstantiels aux génocides. En niant, il ne s’agit pas seulement d’une tentative faite par les assassins pour échapper aux conséquences de leurs crimes. Au même titre que les massacres physiques de masse, la négation est au service au service du but final : effacer de l’histoire et de l’humanité une partie des hommes et des femmes qui la constituent.
Hitler lui–même trouvait un encouragement dans la manière dont le génocide arménien était nié :
« Mais qui se souvient encore du massacre des Arméniens ? » déclarait-il dans une allocution aux commandants en chef de l'armée allemande le 22 août 1939, quelques jours avant l'invasion de la Pologne.
« Les racines du mal » ( voir le site ici ) est un projet de film documentaire mêlant enquête historique, film d’animation et rencontres avec les acteurs du travail de mémoire pour comprendre comment le génocide des Arméniens a pu contribuer à rendre possible la Shoah.
Du génocide des Arméniens à Auschwitz
Lors d’une visite de l’ancien camp d’extermination d’Auschwitz-Birkenau, Anna et Mathieu apprennent que des officiers allemands - qui avaient été en poste dans l’Empire ottoman durant la première Guerre mondiale, alors que se déroulait le génocide des Arméniens - se sont ensuite retrouvés dans la garde rapprochée d’Hitler. Tel Rudolf Höss qui deviendra commandant du camp d’Auschwitz. En creusant un peu, ils découvrent que des historiens soutiennent maintenant que les nazis ont été influencés par l’extermination des Arméniens, qui a pu servir de modèle pour la « solution finale ». Alors, décidés à en savoir plus sur les liens entre ces deux génocides, ce couple de documentaristes mène une enquête historique et de terrain, qui plonge ses racines avant 1915 pour remonter jusqu’à nos jours, afin d’apporter un éclairage nouveau sur l’impact qu’à eu l’extermination des Arméniens sur l’histoire européenne, et comprendre pourquoi le fantôme du génocide des Arméniens ressurgit à intervalles réguliers en Europe...
Des organisations et associations dont Memorial 98 sont partenaires du projet et le soutiennent .
Le 2 juin 2016, le parlement allemand adopte une résolution reconnaissant le génocide des Arméniens. Mais, la résolution votée au Bundestag va plus loin, puisqu’elle reconnaît que l’Allemagne, alliée historique de la Turquie, porte une part de responsabilité dans les évènements de 1915. On sait à présent que l’Empire allemand masqua les politiques de violence envers les Arméniens, que les officiers allemands en poste dans l’Empire ottoman furent les témoins de leur martyre et qu’ils fermèrent les yeux. Ce que l’on sait moins, c’est que certains d’entre eux sont ensuite devenus des officiers nazis et furent proches d’Hitler.
Des historiens soutiennent même qu’ils ont été influencés par cette expérience qui a pu servir de modèle pour la « solution finale ». Ainsi, le travail de mémoire entamé par l’Allemagne nous amène à porter un nouveau regard sur le rôle qu’a joué l’extermination des Arméniens dans l’idéologie nationale-socialiste et dans la décision d’éliminer les Juifs d’Europe, 25 ans plus tard.
Le modèle turc
Dans une interview qu'il accorda en 1931 à Richard Breiting, le rédacteur en chef du journal Leipziger Neueste Nachrichten, Hitler évoquait la destruction des Arméniens, et parlait de la déportation, des déplacements et du massacre comme des moyens de fournir de « l'espace vital » à l'Allemagne et à la race aryenne. « Pensez aux déportations bibliques, aux massacres du Moyen Âge… et rappelez-vous de l'extermination des Arméniens… on tire finalement la conclusion que des masses d'hommes ne sont rien d'autre que de la pâte à modeler biologique ». La Turquie post-génocidaire avait fasciné les nationalistes et l'extrême droite d’Allemagne. La Turquie était un État moderne et florissant qui avait réglé ses problèmes de minorités de façon définitive, et en toute impunité. Elle avait fourni la preuve que la purification d’une nation de ses éléments indésirables à une grande échelle était possible et que c’était le fondement préalable à la mise en place du rêve nationaliste. Elle devint un modèle à suivre pour le national-socialisme allemand qui aspirait à un nouveau type d'Etat.
Une enquête historique et actuelle.
En retraçant le destin de Rudolf Höss - jeune soldat allemand affecté à une division turque pendant la Première Guerre mondiale et qui deviendra commandant du camp d’Auschwitz 25 ans plus tard - ou celui de Max Erwin von Scheubner-Richter - consul à Erzurum en 1915 et ami proche d’Hitler par la suite - nous voulons suivre la trace laissée par le génocide des Arméniens dans l’histoire allemande et européenne. Une enquête historique qui offrira une relecture des implications allemandes dans l’extermination des Arméniens.
MEMORIAL 98