Le scandale médiatique fut provoqué en mars 2010 par les déclarations de celui qui en répond aujourd’hui devant la justice. Sur le plateau de l'émission de Canal+ "Salut les Terriens", le 6 mars 2010, Zemmour, avait déclaré lors d'un débat sur les contrôles de police au faciès : "Mais pourquoi on est contrôlé dix-sept fois ? Pourquoi ? Parce que la plupart des trafiquants sont noirs et arabes ! C'est comme ça, c'est un fait..." Lors de l'émission "L'hebdo", diffusée le même jour sur la chaîne France Ô, il avait répondu à une question concernant la discrimination à l'embauche que les employeurs "ont le droit" de refuser des Arabes ou des Noirs. Il est condamné pour incitation à la discrimination raciale à une amende de 2000 euros avec sursis.
Depuis, Zemmour a radicalisé son propos, plaide pour une alliance entre la droite et le Front National, défend la personne et les propos de Marine Le Pen, y compris lorsqu’elle trace un parallèle entre l’Occupation nazie et les prières de musulmans (voir Qui veut se faire piéger par Marine Le Pen ? )
Il est ravi : il se trouve au cœur d’une tempête médiatique et il renforce ainsi sa posture de porte-parole de la droite musclée, celui qui « dit tout haut ce que les autres pensent tout bas ».
Ce slogan vous rappelle quelque chose ? C’est bien le Pen qui l’a largement fait connaître. Les supporters de Zemmour, et au premier rang les incontournables croisés de « Riposte Laïque », utilisent beaucoup cette formule pour le défendre.
Zemmour se présente comme un esprit rebelle, à la parole libre, mais il est en fait installé au cœur du système médiatique ( France 2, RTL, Le Figaro…)
De plus ,loin d'être un néophyte en politique, il a derrière lui une longue carrière à la droite de la droite; il a beaucoup fréquenté Charles Pasqua et ses acolytes.
Il fut particulièrement proche de William Abitbol, conseiller politique de Pasqua et rédacteur de ses discours et aussi ancien militant du groupe fasciste Occident (comme Gérard Longuet, Devedjian, Hervé Novelli...)
La judéité des deux compères Zemmour et Abitbol ne le a jamais empêché de nager dans les eaux de la droite la plus radicale, celle qui brandit la xénophobie et l'antisémitisme comme étendards.
Zemmour dit il autre chose que Copé, Besson, Hortefeux, Morano, Longuet, Gaudin et tant d’autres dirigeants de la droite ?
Le cœur de cette argumentation est qu’il y a en France des populations non intégrables, dont l’origine étrangère, voire la « race », les propulse vers la criminalité. La police a donc ainsi tout à fait raison de pratiquer des contrôles au faciès et les employeurs ont raison de ne pas les embaucher.
( voir
Hortefeux : le retour du refoulé
De Villiers et son faux témoin
Morano : récidive d’une collaboratrice du Front National
Identité nationale : comment l’idée vint à Eric Besson
Vieilles théories recyclées.
Les propos de Zemmour, qui se présentent comme iconoclastes et novateurs, recyclent en fait les vieilles théories du Front National, installées dans la panoplie de la droite au milieu des années 80, par l’intermédiaire du Club de l’Horloge.
Ce club, qui se positionnait comme une des passerelles idéologiques entre le FN et la droite, écrivait alors : « Aujourd'hui le code de la nationalité est une machine à fabriquer des "Français de papier", qui n'ont ni assimilé ni notre culture ni affirmé leur attachement à la patrie. Pour maintenir notre identité nationale, il est urgent de réformer cette législation. Le Club de l'Horloge, qui a lancé ce débat dans l'opinion, décrit ici la réforme qu'il faudra réaliser tôt ou tard… »
La mise en pratique de ces théories se fit en 1986, lors du retour de la droite aux affaires. Elle fut symbolisée par la tentative de supprimer le traditionnel droit du sol et le droit à la nationalité française pour les enfants nés en France et issus de parents étrangers. "Être Français, ça se mérite" disait Pasqua, « La carte nationale d'identité n'est pas la Carte orange (carte Ratp de l’époque) », écrivait Le Pen dans l'exposé des motifs de sa proposition de loi n 82 « tendant à modifier le code de la nationalité française ».
Dans cette bataille du code de nationalité, le gouvernement Chirac-Pasqua fut contraint de reculer fin 1986, en raison des grandes mobilisations étudiantes et de la mort du jeune Malik Oussekine, battu à mort par la police le 6 décembre de cette année.
Cela n’empêcha pas Pasqua de faire référence à des « valeurs communes » de la droite et de l’extrême droite lors de la campagne présidentielle de 1988.
(voir Balladur et Sarkozy: de la préférence nationale à l'Identité nationale
Sarkozy et le Front National: une liaison dangereuse )
La lamentation réactionnaire de Zemmour, sa haine du féminisme et de l’universalité n’ont de moderne que leur adaptation à la forme télévisuelle dominante.
Mais les dégâts en sont ainsi démultipliés, dans un contexte de renforcement du Front National (voir Succès du Front National: quelles conséquences? )
MEMORIAL 98