Quand on écoute attentivement les portes-parole du gouvernement et de l’UMP tenter de justifier l'offensive anti-Rom en cours, on est frappé par un constat : ils ne formulent aucune argumentation spécifique à la campagne d’expulsions mise en oeuvre.
Leurs discours et « éléments de langage » font référence aux événements de Grenoble et aux « exactions » des gens du voyage, de nationalité française, suite à la mort de l’un d’entre eux, tué par la police en juillet dernier ; ils dissertent sur le « climat d’insécurité » et les « nouvelles formes de délinquance » mais rien de particulier concernant les Roms.
Pourtant ce sont bien eux qui subissent directement le poids de la répression en cours.
Il est d’ailleurs surprenant qu’aucun journaliste n’interroge les dirigeants de la droite sur ce décalage entre l’argumentation et les mesures mises en œuvre.
Pourquoi mettent-ils donc au pilori précisément cette population ? Pourquoi Sarkozy a-il d’emblée amalgamé les Roms aux événements alors en cours en organisant le 28 juillet une réunion élyséenne sur les "problèmes que posent les comportements de certains parmi les gens du voyage et les Roms"?
La réponse tient dans la recherche de cibles faciles à toucher.
Le pouvoir craint les réactions des gens du voyage qui ont souvent montré une certaine pugnacité. Leur citoyenneté, bien que soumise à des restrictions, les protège aussi.
Les mesures de déchéance de nationalité brandies lors du discours de Sarkozy à Grenoble sont juridiquement difficiles à mettre en œuvre; elles nécessitent des mesures législatives
(voir Sarkozy : jusqu’où l'escalade ?
Déchéance de la nationalité : quand Pétain sévissait )
Par contre les Roms sont les plus faciles à frapper.
Ils ne disposent d’aucune institution protectrice, pas d’Etat qui se porte à leur secours ; au contraire leur pays d’origine les discriminent et les abandonnent (voir Danger négationniste à l'Est de l'Europe
Europe de l’Est : Kaczynski, Hongrie. ).
S’attaquer aux Roms permet à Hortefeux d’utiliser le vocabulaire et la mise en scène guerriers qu’il affectionne, tel le « démantèlement de camps illégaux » à propos de caravanes hors d’usage. Il se console ainsi d’avoir du abandonner le terme de « brigades spéciales » qui rappelait trop le vocabulaire de la police française durant l’Occupation.
D’autres ministres surenchérissent ; Pierre Lellouche notamment agite le discours de l’envahissement et de la panique ; il clame : «… Depuis l’élargissement à l’Est on a découvert qu’il y a en Europe 11 millions de Roms dont 9 sont détenteurs de passeports… le taux de délinquance augmente de 140% tous les ans depuis 2007… »
Comment ne pas se souvenir que ce genre de propos était l’apanage des antisémites européens, qui dénonçaient l’arrivée de hordes de Juifs venus des ghettos de l’Est, apportant avec eux criminalité et maladies?
Eric Besson, occupé à se dresser contre les amalgames entre la situation actuelle et celle de la 2eme guerre, devrait d'abord corriger le vocabulaire utilisé par son gouvernement, y compris dans l'énoncé de son propre ministère de l'"Identité nationale" (voir Identité nationale : comment l’idée vint à Eric Besson)
Voir aussi sur ce site:
Estrosi: quand il voulait s’allier avec le Front National.
Hortefeux : la honte de la République
Europe : vague de racisme, les gouvernements responsables
MEMORIAL 98