Nadine Morano est une sarkozyste fervente. Ses propos sur « le jeune musulman » qui porte la casquette à l’envers et parle le verlan ne constituent pas un dérapage et encore moins un lapsus ; ils représentent en fait l’essence même de son discours politique (voir notre article précédent Hortefeux : le retour du refoulé )
Elle a d’ailleurs choisi de s’exprimer dans le cadre du débat sur l’Identité Nationale à Charmes, dans le département des Vosges. Cette commune a été sélectionnée par l’organisateur de la soirée, le député (UMP) Jean-Jacques Gaultier, parce qu’elle est la ville natale de l’écrivain Maurice Barrès, symbole du nationalisme d’extrême-droite, antisémite et antidreyfusard enragé.
Lors de ce débat, le président de l’association locale Mémoire de Barrès avait d’ailleurs été invité à s’exprimer comme “grand témoin”. Il a défendu le “nationalisme de Barrès” par opposition au “cosmopolitisme “. Barrès affirma notamment en 1902, après que la justice ait reconnu que les « preuves » contre Dreyfus étaient fausses : "Je n'ai pas besoin qu'on me dise pourquoi Dreyfus a trahi. En psychologie, il me suffit de savoir qu'il est capable de trahir et il me suffit de savoir qu'il a trahi. L'intervalle est rempli. Que Dreyfus est capable de trahir, je le conclus de sa race…Quant à ceux qui disent que Dreyfus n'est pas un traître, le tout, c'est de s'entendre. Soit ! Ils ont raison : Dreyfus n'appartient pas à notre nation et, dès lors, comment la trahirait-il ? Les Juifs sont de la patrie où ils trouvent leur plus grand intérêt. Et par là on peut dire qu'un Juif n'est jamais un traître » In Maurice Barrès "Ce que j'ai vu à Rennes", Scènes et doctrines du nationalisme.
Lors de sa campagne électorale de 2007 Sarkozy a plusieurs fois fait référence à Barrès. Ainsi dans son discours de Metz le 17 Avril 2007, il commence par invoquer sa mémoire: « et sur la colline inspirée de Sion, Barrès priait d’un même élan du coeur la Vierge, la Lorraine et la France et écrivait pour la jeunesse française le roman de l’énergie nationale ».
Barrés est de nouveau appelé à la rescousse lors du meeting de Rouen le 24 Avril (voir notre article précédent Sarkozy et le Front National: une liaison dangereuse)
Lors de cette campagne présidentielle, Mme Morano a elle-même collecté des signatures d’élus pour permettre à Le Pen de se présenter à l’élection. La consigne de Sarkozy était de manifester ainsi sa bonne volonté à l’égard du dirigeant du FN et de ses électeurs. Le Canard enchaîné, jamais démenti depuis, l’indique explicitement dans son édition du 11 Avril 2007 : "En Meurthe-et-Moselle, par exemple, Nadine Morano, en bon petit soldat, réunit des maires ruraux début mars…nous étions cinq ou six à être désignés pour signer en faveur de Le Pen. Nadine nous a demandé d’envoyer nos parrainages non pas directement au Conseil constitutionnel, mais au siège du comité de soutien départemental de l’UMP. C’est elle, ensuite, qui les a emmenés à Paris raconte l’un d’eux"… » (voir notre article précédent N.Morano au gouvernement:appel à l'extrême droite)
Ce qui se joue actuellement autour de la campagne sur l’Identité Nationale ne se résume pas à une succession de dérapages et de scandales dérisoires, mais constitue une tentative de replacer la nationalisme et la xénophobie au cœur des affrontements politiques.
MEMORIAL 98