Sur Facebook suivez l'actualité quotidienne de la lutte contre le racisme, l'antisémitisme et le négationnisme de Memorial 98.
Cet article inaugure une nouvelle rubrique du site et un nouvel axe de travail de Memorial 98. Il s’agit d’analyser les politiques menées par les nouvelles municipalités d’extrême-droite. Au-delà des mesures spectaculaires et des gadgets, nous étudions en profondeur les conséquences sociales de l’orientation mise en œuvre.
Béziers est sans doute la commune dirigée par l’extrême-droite qui fait le plus parler d’elle. La liste conduite par Robert Ménard n’était pas officiellement FN, mais juste « soutenue » par le parti des Le Pen. Le cabinet de Robert Ménard compte deux membres du très radical Bloc identitaire, dont un proche du très droitier maire d'Orange, Jacques Bompard. Robert Ménard compte aussi dans son cabinet un ancien socialiste. Il s’est allié à l’UMP pour diriger l’agglomération et a fait appel à un ancien membre du PC communiste (et présentateur météo) pour organiser un festival du vin.
Mais la politique menée à Béziers ne laisse aucun doute sur l’orientation de l’équipe municipale.
En quelques mois, plusieurs arrêtés municipaux ont été pris dont le couvre-feu pour les mineurs après 23h, interdiction d’étendre du linge aux fenêtre dans le centre ville. Les effectifs de la police municipale vont êtres augmentés, et ses agents devraient prochainement être armés. En attendant, les policiers municipaux ont pour consigne d’être particulièrement présents en centre-ville. Un centre-ville où l’habitat s’est dégradé, et où vivent donc des populations à bas revenus, et notamment les populations d’origine immigrée qui doivent faire face aux discriminations à l’emploi et au logement...
Une situation proche du centre-ville de Toulon, ville gagnée par le FN en 1996. Là aussi, une politique avait été entreprise en matière d’urbanisme dans le centre-ville, en imposant par exemple un « nuancier de couleurs provençales » pour les bâtiments. Même si aujourd’hui la ville de Toulon est dirigée par l’UMP, la politique de reconquête du centre-ville s’est poursuivie, de manière similaire à d’autres communes: les bâtiments dégradés sont vidés de leurs habitants, détruits ou réhabilités, et évidemment, ce ne sont plus les mêmes populations qui y vivent après réhabilitation ou reconstruction, ni les mêmes loyers.
Signalons une autre mesure visant les précaires : la garderie périscolaire est réservée aux enfants dont les deux parents travaillent.
La mesure la plus récente, la suppression des allocations du CCAS (centre communal d’action sociale) en cas d’absence à un "rappel à l’ordre", montre qu’il y a une vraie logique dans les mesures prises par la mairie de Béziers.
Regardons déjà d’un peu plus près en quoi consiste cette mesure de « rappel à l’ordre » (Voirpour les détails http://www.prevention-delinquance.interieur.gouv.fr/fileadmin/user_upload/00-Page_d_accueil/guide_rappel_ordre_2.pdf)
Voici ce que dit la fiche du ministère de l’Intérieur sur cette mesure créée en 2007 : « En agissant sur les comportements individuels et le plus en amont possible, le maire doit avoir pour objectif de mettre un terme à des faits qui, s’ils neconstituent pas des crimes ou des délits, peuvent y conduire…A titre indicatif, peuvent notamment être concernés : l’absentéisme scolaire, la présence constatée de mineurs non accompagnés dans des lieux publics à des heures tardives, les incivilités commises par des mineurs, les incidents aux abords des établissements scolaires, les conflits de voisinage, les bruits ou tapages injurieux ou nocturnes, certaines atteintes légères à la propriété publique, l’abandon d’ordures, déchets, matériaux ou autres objets, la divagation d’animaux dangereux, etc. » Sont également visés les faits passibles de contravention, notamment en cas de non-respect des arrêtés municipaux.
Le maire de Béziers, par ses arrêtés, crée lui-même des occasions de verbaliser, il renforce aussi la police municipale qui ne va pas manquer de constater des incidents et contraventions, alimentant ainsi les rappels à l’ordre. Le cercle est ainsi bouclé et la machine bureaucratique s'alimente elle-même.
Dans le guide offciel du rappel à l’ordre, rien n’évoque la possibilité de « sanction » pécuniaire prise par le maire. Ce qui est préconisé constitue une optique sécuritaire classique : lien avec le parquet, pour le tenir informé, pour vérifier que les faits n’ont pas déjà donné lieu à une procédure judiciaire ; ainsi que l’orientation vers des dispositifs comme le signalement à des structures partenaires comme l’aide sociale à l’enfance, pour d’éventuelles mesures de suivi.
Les familles convoquées à un rappel à l’ordre se verront donc privées des aides facultatives du CCAS. Cela tombe bien car, tout comme la précédente municipalité, Ménard baisse de 5 % le budget du CCAS.
On a vu des critiques minimiser les effets de cette mesure (tout en critiquant le fond), en avançant deux arguments : elle ne concernerait que des aides facultatives, pas les allocations familiales ou le RSA; de plus sa mise en oeuvre nécessiterait de créer un fichier qui pourrait être retoqué par la CNIL.
Ainsi Jean-Michel Du Plaa, chef de l'opposition municipale de gauche, cité dans le quotidien local, (http://www.midilibre.fr/2014/06/13/crottes-de-chiens-et-linge-au-balcon,1006916.php) déclare: "Il s'agit souvent d'aides d'urgence, versées de façon ponctuelle. Pour sanctionner les bénéficiaires, il faudrait qu'ils ne se présentent pas à un rappel à l'ordre au moment où ils demandent l'aide. Ou alors, il faut ouvrir un fichier pour garder les noms de ceux qui ne se sont pas présentés et les sanctionner a posteriori, lorsqu'ils font une demande. Mais la légalité d'un tel fichier me semble hasardeuse",
Ce commentaire témoigne d’une mauvaise connaissance du fonctionnement réel du monde de l’action sociale et néglige le manque de moyens de la CNIL bien incapable de contrôler tous les fichiers informatiques,
De plus le maire de la commune d’implantation, en l'ocurrence Béziers, peut siéger ou se faire représenter dans les commissions d’attribution des logements sociaux: on en trouve confirmation sur le site du bailleur Hérault Habitat (http://www.herault-habitat.com/traitement_du_dossier.html) ou d’ICF (http://www.icfhabitat.fr/commissions-d-attribution). Sans compter qu’il existe un Office HLM Béziers Méditerranée.
De même, deux infirmières travaillant pour le CCAS de Béziers sont conventionnées pour le suivi santé des allocataires du RSA (http://www.ville-beziers.fr/solidarite-et-sante/actions-sociales/accompagnement-social-de-proximite), et le CCAS est partie prenante du dispositif RSA.
Le CCAS est également habilité à instruire les demandes du Fonds de Solidarité Logement, du Fonds de Solidarité Energie, du Fonds d’Aide aux Jeunes. Instruire les demandes ne signifie pas simplement remplir le dossier et le transmettre: un avis est généralement exprimé, par le travailleur social ou le responsable de la structure, par écrit dans le dossier même et/ou par oral dans la commission d’attribution.
Évidemment, l’argument de l’absence à une convocation pour un rappel à l’ordre ne manquera pas d’être invoqué, le cas échéant. Même sans cela, l’avis du CCAS, qui reflète les orientations de la municipalité (la suppression des aides facultatives a été votée à l’unanimité par le CCAS !) se fait entendre dans de multiples structures, et a donc des conséquences sur la vie des habitants précaires de Béziers.
Robert Ménard sait jouer sur la haine des minorités: les mesures qu’il a prises n’améliorent pas concrètement la situation sociale et économique des Biterrois, à part une baisse des impôts locaux, dont la moitié des habitants étaient déjà exonérés. Mais stigmatiser les minorités et les précaires, mettre en oeuvre une politique sécuritaire jusque dans le social, voilà qui suffit à réjouir les racistes, tous ceux qui ont adopté le discours sur la fraude et le « parasitisme » social, quand bien ils sont eux aussi bénéficiaires de telle aide ou de tel dispositif. Robert Ménard se paie même le luxe de jouer la carte de la proximité et de l’accessibilité, en recevant tous les mercredis après-midi des habitants de la ville. Cela dit, si le compte-rendu du conseil municipal du 16 avril fait 85 pages, celui du 27 mai n’en fait plus que 8 et ne reprend que l’intitulé des décisions et les votes, sans le moindre détail.
De quoi compliquer le travail antifasciste d’analyse de la politique concrète menée par la mairie de Béziers. Les informations disponibles proviennent de la communication officielle de la municipalité, comme pour le « rappel à l’ordre », diffusé dans la presse à partir du communiqué du maire, ou du travail de l’opposition, à condition que celle-ci soit active. Reste évidemment la mobilisation de chacun : les conseils municipaux sont publics. Et au-delà, s’exprimer sur la réalité des politiques menées, sur le quotidien, est important.
Les informations rassemblées ici sont mises à la disposition des associations locales et des habitants (e) s de la ville.
Nous invitons aussi les structures antifascistes locales et les habitants à nous faire part de leurs informations et de leurs mobilisations.
Memorial 98
P.S: Michel Cardoze, ancien membre du PC, ancien présentateur de la météo, vient de renoncer à sa nouvelle fonction, mercredi 18 juin.