La communion des antisémites
L'événement est très peu familial et hautement symbolique: Dieudonné fait baptiser sa fille par des curés catholiques intégristes, connus pour leur antisémitisme; le parrain est Jean-Marie Le Pen lui-même.
Démarche à priori ahurissante de la part de Dieudonné qui cherche à se bâtir une image de "militant laïque combattant contre tous les intégrismes".
C'est le dirigeant du FN lui-même qui en livre l'explication :
"J'ai de l'estime pour Dieudonné, déclare-il, nous nous sommes rapprochés car nous avons des points communs. Nous appartenons tous les deux à la communauté des parias...Nous sommes persécutés de la même manière, à cause de notre liberté de pensée et de notre liberté de parole",
Quels sont donc ces fameux "points communs" du dirigeant d'extrême-droite et du pourfendeur de "la pornographie mémorielle de la Shoah" ?
Le négationnisme et l'antisémitisme.
La cérémonie intégriste bordelaise est ainsi liée à la récente déclaration de Le Pen dans le magazine « Bretons » du mois de mai : "J'ai dit que les chambres à gaz étaient un détail de l'histoire de la Seconde Guerre mondiale : ça me paraît tellement évident" (voir notre article précédent Le Pen et le "détail": décryptage )
Face à ce scandale renouvelé, la direction du FN est alors embarrassée; Marine Le Pen prend même publiquement ses distances.
Un des rares dirigeants du FN à se porter à l'aide de Le Pen est Alain Soral. Il surenchérit même en écrivant sur son site:
« ... Monsieur Le Pen a profondément tort, la chambre à gaz est tout sauf un point de détail, c'est même aujourd'hui, plus qu'hier encore, la religion, le dogme autour duquel tourne toute l'époque contemporaine. Dans l'ordre du sacrifice fondateur, la chambre à gaz a remplacé la croix du christ...
Aujourd'hui, dans ce climat de judéomanie délirante - une judéomanie délirante et suspecte qui tient plus de l'esprit de la Collaboration que du combat pour le bien et l'amour des hommes - plus les souffrances de la guerre s'éloignent, plus c'est la seconde guerre mondiale toute entière qui devient un détail de la chambre à gaz !... »
Ce même Soral est aussi le le mentor de Dieudonné, celui qui l'a rapproché du FN et introduit auprès de Le Pen.
C'est cette « communion » qu'ont voulu marquer Le Pen et Dieudonné ; ils en ont soigné la symbolique en choisissant l’Église Saint-Eloi des intégristes antisémites à Bordeaux. L'abbé Laguérie, qui y officie avec la bénédiction du pape Benoît XVI, est l'ancien chef de l'Eglise Saint Nicolas du Chardonnet à Paris; il s'est notamment illustré par la défense du milicien Touvier et possède donc le profil idéal pour célébrer ces effusions antisémites (voir notre précédent article Benoît XVI appuye les intégristes antisémites en France )
De plus, Le Pen et Dieudonné communient aussi dans un " principe éducatif" particulier : ils interdisent à leurs enfants de s'informer librement et de lire sur le génocide juif, dont ils contestent la véracité. Dieudonné se glorifie ainsi d'avoir arraché les pages ayant trait à la Shoah du livre d'histoire de son fils.
Le Pen avait quand à lui interdit à ses enfants de regarder la série télévisée « Holocauste » qui en traitait.
Dieudonné fût aussi un personnage central de la campagne Euro Palestine des européennes de 2004 et du meeting du 6 juin de la même année au cours duquel Soral déjà et Siné s'employèrent à faire siffler et huer des patronymes juifs (voir notre article précédent Antisémitisme: Siné persiste et récidive ). Ce rituel était directement issu des meetings du FN, au cours desquels Le Pen faisait conspuer le nom de journalistes au patronyme juif.
Il y a un mois à peine Dieudonné avait mis en scène dans son théâtre ses retrouvailles avec Elie Seimoun, son ancien camarade de spectacle. Ce dernier doit aujourd'ui amèrement regretter de s'être prêté à cette escroquerie.
Au delà des symboles, une question se profile:
Qu'annonce cette officialisation du rapprochement de deux piliers de l'antisémitisme en France ?
A suivre avec attention.
Memorial 98