Une rupture réelle avec cette histoire demeure un objectif crucial dans ce pays qui a vu l’extermination de la quasi-totalité de sa population juive.
Le Premier ministre polonais Jaroslaw Kaczynski et ses adjoints ont participé ensemble dimanche 8 juillet à une messe organisée par la station de radio ultra-catholique Radio Maryja qui fêtait son quinzième anniversaire et a réuni 150.000 participants au sanctuaire de Czestochowa.
Les vice-Premiers ministres Roman Giertych, chef du parti d'extrême droite LPR, et Andrzej Lepper, président de la formation « populiste » Samoobrona (Autodéfense), alliés des conservateurs au pouvoir, ont aussi assisté à l'office concélébré par plusieurs évêques.
Après la messe, le Premier ministre a pris la parole et déclaré "Aujourd'hui, la Pologne est ici. Je peux le dire avec ma conviction et ma foi, c'est grâce à des gens comme vous que la Pologne perdure et continuera à durer, malgré toutes les difficultés, malgré tous ceux qui ne croient pas encore, ceux qui souvent ne veulent pas croire".
Lors des élections législatives et présidentielle de 2005, remportées par les jumeaux Jaroslaw et Lech Kaczynski, Radio Maryja avait ouvertement soutenu leur parti conservateur Droit et Justice (PiS). Depuis, la station de radio a été promue au rang d'un correspondant officiel du pouvoir. Les membres du gouvernement lui donnent régulièrement des interviews et des informations privilégiées.
Des années durant, le Vatican et les évêques polonais avaient vu « Radio Maria » d'un œil complaisant. Même si le pape polonais n'était pas d'accord avec toutes les opinions émises par la station, celle-ci propageait ses propres conceptions morales conservatrices parmi quatre millions d'auditeurs.
La station possède aussi un quotidien national, Nasz Dziennik (Notre Journal), et une télévision, Trwam (Je Perdure). Pour assurer le fonctionnement de ces médias, le père Rydzyk avait fondé, il y deux ans, sa propre école de journalisme, pour laquelle il a sollicité une aide de l'UE
Scandalisé par une recrudescence des contenus xénophobes et antisémites sur les ondes de la radio, le dernier survivant du commandement de l’insurrection du Ghetto de Varsovie en 1943, Marek Edelman, 83 ans, avait déjà pressé le gouvernement polonais d’envisager la fermeture de Radio Maryja, qu’il a comparée à l' hebdomadaire de propagande nazie Der Stürmer.
«J’appelle le premier ministre et le président de la Diète (chambre basse du Parlement) à prendre des mesures afin d’éliminer l’idéologie diffusée par Radio Maryja dans ses émissions politiques, et même, s’il le faut, à fermer cette station», avait il écrit dans une lettre ouverte à l’ancien premier ministre conservateur Kazimierz.
Au lendemain même de la messe du 8 juillet l'hebdomadaire Wprost, a révélé que le directeur de la radio Maryja, le père Tadeusz Rydzyk, avait accusé le président conservateur polonais Lech Kaczynski, frère jumeau du premier ministre, d' « être favorable aux revendications des juifs envers la Pologne », "Vous savez, il est question que la Pologne donne (aux juifs) 65 milliards de dollars. Ils viendront vous voir et diront rendez-moi ce manteau. Enlève ce pantalon! Donne les chaussures!", avait déclaré le père Rydzyk en évoquant sa rencontre avec le président, lors de cette conférence, fermée au public, prononcée en avril dernier dans son école de journalisme.
Lors de cette conférence, Rydzyk s'en est également pris à l'épouse du président Maria Kaczynska.
Il lui reproche notamment de s'être opposé à un amendement à la Constitution, proposé par l'extrême droite destiné à interdire totalement l'avortement en Pologne et barrer la route à une éventuelle légalisation de l'avortement.
L'amendement a été finalement été rejeté par le parlement polonais en avril.
"Madame la présidente et l'euthanasie? Sorcière!, Tu va voir ce que tu va voir! Si tu veux tuer les gens, commence par toi-même", a déclaré le père Rydzyk, selon Wprost qui doit publier l'intégralité de l'enregistrement.
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Brochure antisémite polonaise au Parlement européen.
Quelques éléments sur l’histoire du parti du vice-premier ministre Giertych
La Ligue des familles polonaises (LPR) plonge ses racines dans la tradition historique du nationalisme antisémite polonais.
Elle est sortie, tout comme le parti Droit et Justice (PiS), des ruines de l'Action électorale Solidarité (AWS) qui a été, entre 1997 et 2001, le parti du chef du gouvernement et qui a perdu ensuite tout soutien dans la population en raison de sa désastreuse politique sociale. Les fondateurs de la LPR se concentrent sur les cercles antisémites et d'extrême-droite. Le président de la LPR, Roman Giertych, est issu d'une dynastie politique. Son grand-père était un étroit collaborateur du « national-démocrate » Roman Dmowski ; son père, Maciej Giertych, a contribué en 1989 à refonder le Parti national-démocrate et joue encore un rôle actif. C'est lui qui a publié récemment une brochure antisémite sous le logo du Parlement européen. Dmowski, né en 1864, passe pour le rival, dans la période entre les deux guerres, de Josef Pilsudski qui organisa un coup d'Etat et établit une dictature en 1926. Tous deux étaient des nationalistes de droite. Mais Pilsudski avait en vue une extension du territoire polonais et concevait par conséquent que des gens ayant une autre langue, une autre culture et une autre religion avaient une place dans l'Etat polonais, à l'inverse pour Dmowski, la langue polonaise et la religion catholique étaient les critères déterminants définissant la nation polonaise.
Dmowski, antisémite forcené, voyait partout un complot international juif. Il considérait toutes les minorités nationales comme des ennemis potentiels de la nation polonaise. Dans son livre « Pensées d'un Polonais moderne » il avait écrit en 1902 : « Dans le caractère de cette race [juive] se sont rassemblées tant de valeurs étrangères à notre constitution morale et nusibles à notre vie que l'assimilation d'une grande quantité de juifs nous détruirait, nous remplaçant par des élements décadents, plutôt que par les fondations jeunes et créatrices sur lesquelles nous puissions construire notre avenir ».
C'est surtout après la Révolution russe de 1905, dans laquelle Dmowski combattit dans le camp du Tsar et contre la rébellion polonaise, que l'antisémitisme joua un rôle important dans son programme. Dès 1912, il revendiquait le boycott des magasins juifs en Pologne et préconisait la confiscation de la propriété juive et l'émigration hors de Pologne de l'ensemble de la population juive.
On retrouve dans le programme de la LPR de nombreux éléments issus de la tradition de Dmowski : le chauvinisme, la xénophobie, l'antisémitisme et l'intégrisme catholique. La LPR s'oppose ainsi strictement au droit à l'avortement, aux relations homosexuelles et à toute législation en contradiction avec la doctrine morale du catholicisme.
Roman Giertych a relancé en 1989, à l'âge de 18 ans, les Jeunesses de la Grande Pologne, qui dans les années 1930 avaient fait fonction d'organisation de jeunesse du Parti national (SN) de Dmowski et se caractérisaient par des actions militantes nationalistes et antisémites. Elles se servaient à l'époque de symboles nationaux-socialistes tels que le salut hitlérien; dans plusieurs universités elle avait imposé l'exclusion totale d'étudiants juifs.
La nouvelle édition des Jeunesses de la Grande Pologne de Giertych a elle aussi repris l'usage des symboles fascistes. C'est ainsi que deux députés LPR se sont fait photographier faisant le salut hitlérien, ce qui a provoqué un scandale. Les Jeunesses polonaises de Giertych se sont aussi fait une réputation par leurs troupes au crâne rasé qui attaquent les manifestations d'homosexuels La LPR a bénéficié d'un soutien considérable en fait de propagande de la part de « Radio Maria" ainsi que la chaîne de télévision du groupe, Trwam (Je persiste) .
MEMORIAL 98