Portugal: extrême-droite et débats pour l’élection présidentielle du 24 Janvier 2021
Après un premier dossier sur l'émergence de l'extrême-droite dans son pays, Michel Binet décrit ici la campagne électorale présidentielle qui s'y déroule actuellement. Marine Le Pen s’est déplacée au Portugal début janvier afin de soutenir son acolyte André Ventura, chef du parti d'extrême-droite Chega!. Elle espère ainsi établir son image présidentielle et son leadership européen dans sa mouvance.
Le combat anti-fasciste se poursuit dans toute l'Europe.
Memorial 98
Nous sommes en ces premiers jours de janvier 2021, qui marquent le début de la Présidence portugaise de l'Union Européenne, en train d'assister à une intensification de la campagne présidentielle. Celle-ci se déroule sous la forme d'une série de courts débats télévisés (30 minutes) en tête à tête entre tou.te.s les candidat.e.s. Chaque candidat.e a ainsi l'opportunité de débattre une fois avec chacun.e des autres candidat.e.s. dont L'organisation repose sur la collaboration entre les chaînes de télévision nationales, publiques et privées. Cette série de courts débats télévisés a été prolongée par un grand débat télévisé entre tou.te.s les candidat.e.s, le Mardi 12 janvier 2021. Le premier tour de ces élections présidentielles aura lieu le dimanche 24 Janvier 2021.
Ces élections présidentielles sont disputées par un ensemble de sept (7) candidat.e.s.
On peut lister les noms des candidat.e.s selon un ordre politique approximatif, qui reprend l'axe historique Gauche - Droite ( voir ci-dessus les chiffres des sondages) :
- João Ferreira, biologiste, Parti Communiste Portugais (PCP)
- Marisa Matias, sociologue, Bloc de Gauche (BE)
- Ana Gomes, juriste, ex-eurodéputée du Parti Socialiste (PS ; absence de soutien officiel du PS)
- Vitorino Silva, employé municipal, ex-élu local du PS (absence de soutien officiel du PS)
- Marcelo Rebelo de Sousa, juriste, Président sortant, candidat à sa réélection, PSD & CDS/PP (droites ; Soutien semi-officiel du PS)
- Tiago Mayan Gonçalves, avocat, élu local, co-fondateur d'un tout nouveau parti: Initiative Libérale (IL)
- André Ventura, juriste, député, Chega! (Trad.: « Ça suffit ! » ; parti d'extrême-droite, que nous avons présenté dans un premier article ici formellement constitué en avril 2019 [Voir ci-dessous])
Je précise que le Portugal est un régime semi présidentialiste (de type parlementariste : choisi par le Président selon un critère de majorité parlementaire, le Premier-Ministre forme son gouvernement et répond à la fois devant le Président et le parlement).
Réf. : Pinto, A. C. & Rapaz, P. J. C. (eds) (2018) Presidentes e (Semi)Presidencialismo nas Democracias Contemporâneas. Lisboa: Imprensa de Ciências Sociais (ICS). |
Le gouvernement actuellement en place est dirigé par le PS. Le Premier Ministre, António Costa, a appelé au vote en faveur du Président sortant (Marcelo Rebelo de Sousa), le PS ne soutenant officiellement aucun candidat. Le Président sortant bat tous les records de popularité et les sondages prévoient sa réélection dès le premier tour électoral.
La candidate qui avait l'attente la plus légitime d'être soutenue par le PS est Ana Gomes.
Une chose est sûre : en dépit des négations d'André Ventura, il est aujourd'hui clair au Portugal pour la quasi totalité des acteur.e.s politiques que le Chega est un parti d'extrême-droite. Je rappelle que ceci est une donnée nouvelle dans le champ politique du Portugal démocratique, sorti de la dictature salazariste en 1974.
Cette série de mini-débats télévisés en tête en tête sont des documents très instructifs sur le processus en cours d'enracinement d'un parti d'extrême-droite dans le champ politique portugais et sur les positionnements des un.e.s et des autres à son égard.
Pour compléter les données contextuelles, regardons de près le dernier sondage relatif aux intentions de vote. Je vais cette fois-ci ordonner les canditat.e.s selon les scores du dernier sondage (date: 7 Janvier 2021) :
- 67,9% | Marcelo Rebelo de Sousa, Président sortant, PSD & CDS/PP (droites ; Soutien semi-officiel du PS)
- 11,4% | André Ventura, Chega ! (extrême-droite)
- 11,4% | Ana Gomes, PS (sans soutien officiel)
- 4,3% | Maris Matias, BE (gauche)
- 2,6% | João Ferreira, PCP (gauche)
- 2.1% | Tiago Mayan Gonçalves, IL (droite)
- 0,4% | Vitorino Silva, ? PS ? (sans soutien officiel du PS)
Comme vous pouvez le constater, André Ventura (AV - Chega, parti d'extrême-droite), dispute la seconde place avec Ana Gomes, liée au PS. C'est donc une très mauvaise nouvelle : un parti d'extrême-droite est en train de devenir la troisième ou deuxième force politique, en mois de deux ans d'existence.
AV s'est engagé à démissionner de la présidence de son parti s'il n'obtient pas un résultat électoral supérieur à celui d'Ana Gomes. Cette dramatisation des enjeux électoraux est une simple stratégie de captation attentionnelle : questionné, AV ne nie pas que dans un tel cas, il reposera aussitôt sa candidature à sa propre succession à la tête de son parti.
Revenons maintenant aux mini-débats en tête à tête :
João Ferreira (PCP) v/s AV [Samedi 2 Janvier 2021] - Le débat a été très violent, AV violant systématiquement les règles d'alternance des tours de parole qui ont pour fonction d'éviter le chevauchement des tours de parole ou leur interruption répétée. La journaliste n'a pas réussi à modérer le débat. João Ferreira a tenu le choc de l'affrontement. AV a gagné des points en attaquant son adversaire sur la question des positionnements politiques en matière de relations internationales du Parti Communiste Portugais (PCP). Il est clair pour moi qu'il s'agit d'un point faible du PCP, qui le fragilise pour affronter l'extrême-droite.
Il existe un anticommunisme primaire qui continue à constituer un trait identificatoire de l'extrême-droite. On peut parler en bon droit de discours haineux, dirigé contre les « communistes » ou les « socialistes » (mots prononcés avec un rictus de haine et un ton de voix méprisant).
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Vitorino Silva v/s André Ventura [Lundi 4 Janvier 2021] - Le débat a été beaucoup plus pacifique. Les règles d'alternance des tours de parole ont été, cette fois-ci, très largement respectées. L'enjeu du débat est faible, étant donné le niveau très bas d'intentions de vote qu'obtient Vitorino Silva dans les sondages électoraux. Vitorino Silva est l'unique candidat dépourvu d'un capital scolaire de niveau supérieur. Son style de communication est marqué comme « populaire » (sociolinguistique variationniste). J'hésite toutefois à le qualifier de « populiste », contrairement à AV. Multipliant les métaphores, Vitorino Silva a adressé des critiques, en douceur, sourire aux lèvres, qui ont consisté à associer son adversaire au régime dictatorial antérieur. La douceur affichée a affaibli la portée des critiques formulées.
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Tiago Mayan Gonçalves (IL) v/s AV [Mardi 5 Janvier 2021] - Quelques mots d'abord pour positionner Tiago Mayan Gonçalves (TMG) sur l'échiquier politique : il est co-fondateur d'un tout nouveau parti se revendiquant du libéralisme, qui a réussi à élire un député lors des élections parlementaires antérieures. Les interventions de ce député sont très néolibérales : attaque sur de nombreux fronts de l'action régulatrice de l'État. Il faut par ailleurs rappeler qu'AV est entré en politique par le parti de droite PSD, alors dirigé par Pedro Passos Coelho, très néolibéral.
Lors d'élections régionales dans les Îles des Açores, l'actuel président du PSD, Rui Rio, a signé une alliance électorale avec AV, qui a permis au PSD de former un gouvernement régional.
Le programme du parti Chega est lui-même très néolibéral : privatisation du système national de santé, des écoles publiques, limitation des politiques redistributives par suppression de la progressivité du taux d'imposition des revenus (15% pour tous les contribuables, ce qui se traduirait par une forte augmentation des impôts sur les revenus els plus pauvres et une forte réduction des impôts sur les plus riches). TMG a traité AV d'irresponsable, faisant valoir que l'État a un rôle à jouer dans la crise pandémique actuelle, qui correspond à une obligation que l'État a souscrit envers ses contribuables. Se posant en théoricien du libéralisme, TMG a rejeté tout rapprochement théorico-idéologique avec AV, mettant l'accent sur la protection des droits politiques qui est au corps du libéralisme, à l'opposé du fascisme. Il y a eu une dureté de ton et d'expression mimique-faciale, qui a constitué en soi un signe de rejet de l'extrême-droite.
Une note : Dans le cadre de la campagne, TMG a déclaré qu’il considère quasi identiques les candidatures d’AV et celle du communiste João Ferreira.
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Marcelo Rebelo de Sousa (droite, Président sortant) v/s AV [Mercredi 6 Janvier 2021] - Le débat entre le Président sortant, candidat à sa réélection, soutenu par les partis de droite et par le Premier-Ministre socialiste (qui lui reconnaît des qualités humaines et politiques dans l'exercice de la fonction présidentielle), et AV a été très clair et clarificateur : Marcelo Rebelo de Sousa s'est réclamé d'une droite, je cite, « sociale, qui se reconnaît dans la doctrine sociale de l'église, dans le Pape Francisco, dans la préférence pour les pauvres, les exploités, les opprimés, les dépendants », présentée, de manière soulignée, comme différente de la droite, qu'il a qualifiée de « sécuritaire, de la peur, qui divise les uns contre les autres », représentée par AV.
En réaction, AV a recyclé tout le fonds de commerce de l'extrême-droite : rétablissement de la peine de mort, prison à perpétuité, empêcher les sorties sous conditions des détenus durant le confinement obligatoire, anti-immigrés et anti-réfugiés, etc.
Sur tous ces points, MRS a affiché avec assertivité son désaccord total. Sur la sortie conditionnelle des détenus durant le confinement, par exemple, MRS répond: « c'est un problème humain ». Son langage corporel a été très éloquent, pour répudier l’extrême-droite.
Contrairement aux candidat.e.s de gauche, MRS ne soutient pas l'idée de rendre illégal le parti Chega, par respect pour la démocratie. Il considère que c'est une force de la démocratie que de ne pas procéder à l'élimination des opposants, par contraste avec la dictature. Et à ce point précis du lancement du débat, il a mis en relief la générosité, l'acceptation, la diversité et l'intégration, comme traits définitoires de la démocratie.
«Cette photographie montre toute ce que ma droite n'est pas», a déclaré AV, en montrant au Président sortant, MRS, une photographie prise lors d'une visite à un quartier sensible, sur laquelle l'on peut voir le Président, souriant, en compagnie de personnes issues de l'immigration.
En réponse, le MRS a réaffirmé qu'il est d'une droite sociale et a répliqué, qu'en tant que Président, il se rend sur des quartiers Roms, africains, européens, et qu'il ne discrimine personne.
Il y avait eu des conflits opposant des habitants et des agents de police. AV a critiqué MRS pour ne pas avoir visité le poste de police. MRS a répliqué que le quartier en question n'est pas un cas de police, mais bien plutôt un cas social, un cas d'injustice sociale (sic). Et il a ajouté : « c'est un cas d'injustice sociale dont le Président ne peut pas se divorcer ».
MRS a défini le Portugal comme pays d'immigration en provenance des quatre coins du monde, précisant, je cite, qu' « il n'y a pas de portugais purs. Un Président de la République ne peut pas faire une distinction entre "portugais purs" et portugais impurs". Il ne peut pas faire ça. Ça donne des votes, en provenance d'une minorité très minoritaire [les électeurs d'extrême-droite], mais il ne peut pas faire ça ».
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MRS s'est appuyé sur une référence à la constitution de la République, à la rédaction de laquelle il a participé, après la chute de la dictature, pour rejeter comme inacceptable la restauration de la peine de mort ou de la prison à perpétuité. Il a aussi invoqué la religion catholique et le principe qui consacre la possibilité de « la conversion jusqu’à la dernière seconde » comme fondement religieux de sa position politique : « Jusqu'à la dernière seconde, personne n'est condamné définitivement ».
En parallèle, AV se revendiquait aussi de la religion catholique, mais n'a à aucun moment forgé un argument de nature religieuse pour tenter de justifier ses prises de position face à MRS. Toutefois, hors du cadre de ce débat, AV s’est fait filmer et prendre en photographie en train de prier dans des églises. Il a même déclare avoir reçu un « signal de Dieu ». On assiste donc à une rivalité des candidatures de droite et d’extrême-droite pour la captation des votes de l’électorat catholiqueAV a été très clair : ce sont les bulletins de vote déposés dans les urnes électorales qui sont à la source et qui légitiment son pouvoir et celui de son parti. Vérité terrible à ne jamais oublier.
En clôture de débat, MRS réaffirme et renforce : « Je suis de la droite sociale. Je n'ai rien à voir avec votre droite ».
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Marisa Matias (BE - Gauche) v/s AV [Jeudi 7 Janvier 2021] - « Deux candidats qui ont des visions opposées du monde et de la fonction présidentielle » : c'est en ces termes que la journaliste a ouvert le débat. Nous verrons que cette catégorisation antagonique va être substituée par cette même journaliste, en clôture de débat, par une autre, qu'il nous faudra commenter et déconstruire.
Le premier thème abordé par AV est la volonté de rendre hors la loi le parti Chega, assumée publiquement par Marisa Matias (et Ana Gomes). Nous sommes au lendemain de l'attaque au Capitole. La réplique de Marisa Matias consiste à se référer à cet événement politique, qui établit la dangerosité de l'extrême-droite, et à montrer aux téléspectateurs une capture d'écran d'un post d'AV sur les réseaux sociaux, qui établit l'alliance des extrême-droites, ici, d'AV et de Donald Trump.
La journaliste retourna la question de savoir si le Chega est ou non un parti d'extrême-droite, en posant la question à AV si, selon lui, le Bloc de Gauche est de gauche ou d'extrême-gauche, question journalistique qui projette une étrange relation d'équivalence entre les deux questions, qui va stigmatisant l'extrême-gauche, comme le confirmera la fin inattendue du débat.
La théorie politique implicite projetée comme présupposé non questionné est en effet la suivante : le BE maintiendrait à l'égard de l'étiquette « extrême-gauche » une relation en tous points identique à la relation que le Chega maintient avec l'étiquette « extrême-droite ». La journaliste, dans la reformulation de sa question, a attribué au BE un prétendu sentiment d’être insulté par le fait d'être étiqueté comme étant d' « extrême-gauche ». Cette théorie ne résiste pas à son explicitation et examen critique.
L'étiquette « extrême-droite » fait peser sur le Chega un stigmate qui menace de conduire à une mise en question de sa légitimité éthico politique à participer au jeu et aux joutes démocratiques. D'où les discours de négation de AV, contre toutes les évidences et en totale mauvaise foi (en interne, AV et militants du Chega assument leur véritable identité politique..). Être étiqueté de « nazis » est considérablement plus disqualifiant, stigmatisant que d'être étiqueté de « socialiste ».
Du côté du BE, rien de tel : les étiquettes de « gauchiste », « socialiste » ou d'« extrême-gauche » ne sont pas senties comme de telles menaces de disqualification démocratique. Les valeurs de la gauche sont en effet le noyau de valeurs fondatrices de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme et de la Constitution de la démocratie portugaise.
À la fin du débat, la journaliste posa à Marisa Matias la question de savoir avec quelle légitimité celle-ci questionne l'invitation adressée par AV à Marine Le Pen, de visiter le Portugal, alors qu'elle-même s'est rendue à une date récente en Grèce ? Cette question, posée en fin de débat, sans temps disponible pour répondre, confirme que cette journaliste défend la thèse, hautement contestable, d'une équivalence éthico-politique entre « extrême-gauche » et « extrême-droite ».
L'une des accusations adressées par AV à Marisa Matias est de celle-ci être contre le secteur privé et à faveur de l'État. La valeur accusatrice conférée à cette description des prises de position du BE est révélatrice des liens qu'AV, et à travers lui, l'extrême-droite, maintiennent avec le néolibéralisme.
La réplique de Marisa Matias a consisté à rappeler les liens entre AV et des affaires de corruption (faux emplois, aide à la fuite aux impôts de grands capitaux), puis à dénoncer la proposition de fixation d'une taxe unique de 15% sur tous les revenus du travail (voir ci-dessus).
AV dénonce la soi-disant corruption des plus faibles qu'il traite, avec mépris, d " assistés (subsidiodépendants en portugais)". Il les accuse de mentir à la Sécurité sociale afin de bénéficier abusivement de prestations sociales, mais se garde bien, souligna Marisa Matias, de s'en prendre à la corruption de ceux qui détiennent le pouvoir économique.
Sur le plan des politiques éducatives, AV a déclaré ne pas vouloir de « cette éducation à la Bloc de gauche, trotskyste, type Venezuela et Cuba », pour justifier son programme de privatisation des écoles publiques. AV attribue la défense de l'école publique à une volonté de contrôle et de manipulation de l'éducation par les forces de gauche.
Marisa Matias s'est opposée à AV en s'identifiant à António Guterres, ex-Premier-Ministre élu par le PS, aujourd'hui Secrétaire Général de l'ONU.
Lien https://www.awesomescreenshot.com/video/2323538?key=cdba3bca9356cd16fa9bb46284aced9d |
Sur l'extrait du débat qui a opposé Marisa Matias e AV (Voir lien ci-dessus reproduit), il est possible d'observer et analyser un moment-clé, ayant trait à l'accueil de réfugiés.
La journaliste a confronté AV au contraste qui sépare ses prises de position à l'égard des réfugiés en 2015, date très antérieure à la concrétisation de son projet de création d'un parti d'extrême-droite au Portugal qui fait de la xénophobie un tremplin électoral, qu'elle cite et qualifie, avec raison, d' « humanistes », avec ses prises de position actuelles, en tant que leader et porte-parole d'un parti d'extrême-droite, qui déshumanise les réfugiés et les migrants.
AV, mal à l'aise, nie, contre toutes les évidences, tout contraste et toute contradiction. La journaliste commente, par sa communication corporelle, bien visible dans l'extrait vidéo du débat, l'absurdité de cette tentative de négation d'une contradiction criante.
Recourant à l'AC, j'attire votre attention sur un énoncé d'AV à la limite de la non-expression, par l'adoption d'un faible volume vocal, qui termine sur une quasi auto-interruption par abandon, produit par AV juste après la lecture par la journaliste de ses propos datant de 2015, énoncé doté d'une valeur d'auto-affiliation à ses propres paroles, affaiblie, annulée, abandonnée dans le cours même de sa réalisation : « *não tenho dúvid-* » (Trad.: « *je n'ai aucun doute-* »).
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Ana Gomes (liée au PS) v/s AV [Vendredi 8 Janvier 2021] - Ana Gomes, qui dispute dans les sondages, contre AV, la seconde position en termes de résultats électoraux, a déclaré, avant le débat, que de par sa profession de diplomate, elle a été amenée et est préparée à « parler avec le diable », faisant référence à des dictateurs et, indirectement, à son adversaire. Elle a rappelé, en ouverture du débat, qu'elle a elle-même combattu la dictature au nom de la démocratie et de la liberté, et qu'elle combat et combattra ceux et celles qui, aujourd'hui, veulent restaurer un régime dictatorial au Portugal.
Je rappelle, comme je l'ai déjà précisé, qu'Ana Gomes est elle aussi en faveur de la mise hors la loi du Chega et de toute autre formation d'extrême-droite.
AV a enchaîné disant qu'il était là pour en finir avec cette gauche qu'il accuse de détruire l'État au long des 46 dernières années, et le prestige du Portugal, de corruption en corruption. AV a désigné Ana Gomes comme sa principale adversaire, qui représente, je cite, tout ce en quoi il ne croit pas.
Ana Gomes a elle aussi fait référence à l'attaque du Capitole, aux discours d'incitation à la haine et à la division du pays, comme représentant tout ce qu'elle ne veut pas voir arriver au Portugal. AV a répliqué que lui-même désapprouve cette attaque contre les institutions démocratiques, tout en s'abstenant d'éclaircir comment ce positionnement est compatible avec son soutien enthousiaste à Donald Trump. Ana Gomes a relevé la contradiction, commentant qu'« il est extraordinaire de voir des personnes défendre tout et son contraire, comme ce monsieur député, qui maintenant dit ce qu'il dit contre son idole, Donald Trump ».
AV a confronté Ana Gomes avec son passé de militante du MRPP, parti maoïste. Ana Gomes a rappelé que ce parti a été l'un des principaux acteurs de la lutte contre la dictature, et qu'elle s'en est éloignée, en 1976, sans renier la lutte qu'elle avait mené grâce à ce parti.
À un autre moment du débat, après AV avoir fait l'éloge de la possibilité de reformulation de la Constitution prévue et consacrée par celle-ci, Ana Gomes a précisé qu'elle est contre les propositions de son adversaire, relatives notamment à la prison à perpétuité, pour, je cite, une question de civilisation, une question de faire obstacle à toute régression au moyen-âge.
Ana Gomes a mobilisé des arguments contre son adversaire que nous avons déjà mentionné et que je ne reprendrai pas ici, en dépit de l'intérêt intrinsèque de savoir que ceux-ci ont été validés et repris par Ana Gomes. L'une des critiques adressée à AV par Ana Gomes porte sur l'offensive contre les droits du travail que souhaite lancer le Chega.
Après avoir dénoncé la dangerosité du projet de réforme constitutionnelle de AV en faveur d'un régime présidentialiste, Ana Gomes a déclaré : « La démocratie doit se défendre : elle doit être intolérante avec les intolérants » ; « Ce parti a été légalisé avec de fausses signatures » (voir mon texte antérieure) ; « Ce parti viole la Constitution de par son programme et de par sa pratique, sa pratique réitérée d'incitation à la haine raciale, à la discrimination, au confinement [forcé] de groupes ethniques de notre pays ».
Ana Gomes a réaffirmé son respect et son soutien à l'exercice des fonctions policières et militaires, mais a précisé, je cite, qu'elle est exigeante quant à la non acceptation de l'infiltration par des racistes des forces militaires et de sécurité, qui mine l'autorité et la crédibilité de ces forces de sécurité. Ce sont les autorités nationales et européennes qui alertent contre ce processus en cours, non seulement au Portugal mais aussi dans d'autres pays, a-t-elle précisé. Ce monsieur, a-t-elle ajouté, ne dit rien sur ce sujet car, de fait, il est lié à ces forces d'infiltration qui veulent détruire la démocratie. Fin de citation.
Ana Gomes, vers la fin du débat : «Je veux seulement rappeler que ce monsieur a réuni aujourd'hui même avec Madame Le Pen, cette fasciste de renom, qui veut détruire l'Europe et l'ONU. Le programme du Chega est justement de retirer le Portugal de l'ONU. Cette madame a toute une pratique envers les immigrés. Je demande : qu'est-ce qu'il arriverait à nos émigrés, à nos émigrés qui ont du sortir du pays pour gagner leur vie, s'ils étaient reçus par des forces ayant des discours racistes, xénophobes, anti-immigrés, comme ceux que le parti de ce monsieur dédie aux immigrés ?!, si peu catholiques pour qui se dit catholique » ; « Ils nous faut vaincre ces forces, qui veulent semer le désordre, l'insécurité, comme on l'a vu au Capitole, comme on l'a vu dans le Brésil de Bolsonaro !
Réplique d'Ana Gomes à l’attaque contre son directeur de campagne : « Ce monsieur a des trucs pour attirer dans la boue celui ou celle qui vient débattre ici avec lui, pour finir par lui ressembler ».
Ana Gomes a rappelé les liaisons dangereuses d'AV avec des pouvoirs économiques agissant dans l'ombre et avec des groupuscules de l'extrême-droite ultraviolente.
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Réponse solidaire à des attaques personnelles donnant voix et corps au sexisme et à la discrimination basée sur l’âge
Une fois terminé ce cycle de débats, AV s’est lancé dans des attaques personnelles : Marisa Matias et son rouge à lèvres ; le secrétaire du PCP associé à la figure d’un grand-oncle alcoolique, etc.
J’ai assisté (et participé) à une réponse solidaire sur les réseaux sociaux, qui a rassemblé les diverses forces de gauche. Durant quelques heures, la gauche a su occuper les réseaux sociaux, territoire d’expression très colonisé par l’extrême-droite.
Fin octobre 2020, Marine Le Pen a donné un entretien à l’hebdomadaire portugais l’Expresso, qui a repris en titre des propos très choquants : « Je réserve mon humanisme aux français », a déclaré Marine Le Pen en cours d’entretien ( ci-dessous avec Ventura)
Voici le texte du post que j’ai publié sur Facebook, sur mon propre mur, traduit en français : « Réserver l’humanisme à son groupe de co-appartenance nationale n’est pas un humanisme mais un antihumanisme, un concentré d’horreur qui légitime le nazisme.
Ces paroles, qui humanisent les français et déshumanisent le reste de la population européenne et mondiale, sont une formulation théorique pure et dure du nazisme, dans toute son horreur.
C’est avec des gens comme ça, horribles, dangereusement antidémocratiques, qu’AV construit des alliances...».
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En guise de dernières notes : positionnements des partis face à l’extrême-droite
-Paulo Portas, hier, et aujourd’hui Nuno Melo (CDS-PP) : Disputer le même électorat, rivalisant avec AV sur le terrain du racisme (Romaphobe, notamment) et de la xénophobie ;
-Passos Coelho (PSD ; Ex-Premier-Ministre) : Une relation de proximité, revendiquée ces derniers jours par AV ? ;
-Rui Rio (PSD ; Actuel président du parti) : Célébrer des accords et des alliances ;
-Marcelo Rebelo de Sousa ("droite sociale") : tracer et maintenir une séparation claire et nette entre "droite dite sociale et humaniste" et extrême-droite ;
-João Ferreira (PCP) : Opposition forte mais sans prendre position en faveur ou contre un éventuel procès d’illégalisation du parti d’extrême-droite Chega ;
-Ana Gomes (liée au PS) : mettre hors la loi le Chega ;
-Marisa Matias (BE) : mettre hors la loi le Chega.
Michel Binet
16 Janvier 2021