L'association MEMORIAL98, qui combat contre le racisme, l'antisémitisme et le négationnisme a été créée en janvier 1998, lors du centenaire de l'affaire Dreyfus.
Son nom fait référence aux premières manifestations organisées en janvier 1898, pendant l'affaire Dreyfus, par des ouvriers socialistes et révolutionnaires parisiens s'opposant à la propagande nationaliste et antisémite.
Ce site en est l'expression dans le combat contre tous les négationnismes
(Arménie, Rwanda, Shoah ...)
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Retrouvez aussi le quotidien de l'info antiraciste sur notre blog d'actus :
Des visages de victimes au Mémorial du Génocide (Rwanda)
Génocide des Tutsi
C'est au génocide des Tutsi au Rwanda que revient le triste privilège d'ouvrir les commémorations du mois d'avril, au cours duquel est honorée la mémoire des victimes des trois génocides majeurs du XXe siècle : celui des Tutsi du Rwanda le 7 avril (date du début des massacres en avril 1994) celui de la Shoah le 19 avril (correspondant au début de la révolte du ghetto de Varsovie le 19 avril 1943) celui des Arméniens le 24 avril (correspondant aux premières arrestations des intellectuels arméniens à Constantinople/Istanbul en avril 1915).
Nous y associons les actions génocidaires en Bosnie à Srebrenica dont un des responsables, Radovan Karadzic vient enfin d'être condamné par le tribunal international de La Haye, au Darfour, le génocide nazi des Roms, les actions génocidaires du régime khmer rouge au Cambodge et la récente tentative d’extermination des Yézidis d’Irak par Daech, le premier des génocides du 20e siècle contre les peuples Herero et Nama ...
C'est en effet le le 7 avril 1994 que débutèrent au Rwanda les massacres qui allaient voir la mort d'au moins 900 000 personnes jusqu'à juillet de la même année : des individus définis comme Tutsi, constituant la majorité des victimes, mais aussi des Hutu opposés aux partisans de l'idéologie raciste dite "Hutu Power"
Memorial 98 appelle à participer aux initiatives de commémoration et de solidarité organisées dans différentes villes par nos partenaires de l'association de rescapés Ibuka et notamment à l'inauguration d'un Jardin de la Mémoire au Parc de Choisy (Paris 13ème) le 7 avril à 10h30.
D'une durée de cent jours, ce fut le génocide le plus bref et concentré de l'histoire et celui de la plus grande ampleur quant au nombre de morts par jour de tuerie.
Fruit d'une idéologie raciste mise en œuvre sur des décennies, ce génocide s'est appuyé, pour diffuser la haine, avant et pendant, sur une forme perverse d'humour, notamment à la Radio Télévision des Milles Collines, mais aussi sur les caricatures déshumanisantes de la propagande génocidaire .
Comme pour tous les projets génocidaires, celui-ci s'accompagne de campagnes négationnistes, de difficultés à faire reconnaître les responsabilités entre autres les responsabilités françaises et à faire vivre la mémoire. Il a fallu attendre 20 ans pour qu'enfin une stèle au Père Lachaise à Paris commémore ce génocide et encore 2 ans avant que soit inauguré le 7 avril prochain ce Jardin de la Mémoire .
Des progrès limités ont aussi été réalisés dans le domaine de la justice puisque enfin des génocidaires ont été jugés et condamnés en France. Ces procès doivent beaucoup à l’action de nos amis du Collectif des parties civiles pour le Rwanda qui poursuivent un combat incessant pour que le Parquet et les tribunaux jouent enfin leur rôle. En effet la justice demeure très partielle, lente et laborieuse. Des génocidaires présumés lui échappent.
Les habitants de nôtre pays ont un devoir particulier en ce qui concerne le Rwanda. En effet, une partie du combat est aujourd'hui celui de la pleine reconnaissance par l’État français de ses responsabilités. Cet État qui prétend parler en notre nom, persiste aujourd'hui à garder un silence complice sur l’implication de l’armée française dans le génocide des Tutsi.
Or le pouvoir Hutu extrémiste a reçu de manière continue et appuyée le soutien des autorités françaises tant au plan politique, militaire que financier, avant, pendant et après le génocide. Toute la vérité doit être faite au sujet de cette implication : tous les documents doivent être rendus publics.
Le scandale Charlie Hebdo
En ce 22e anniversaire, la commémoration en France se déroule dans une atmosphère particulière, suite à une très récente couverture scandaleuse de Charlie Hebdo, tournant en dérision le génocide et ses victimes.
Nous partageons l'indignation des membres d'Ibuka-France exprimée dans la lettre ouverte ci-dessous et nous nous associons à leur démarche:
"Lettre ouverte à Charlie Hebdo
Au nom de l’Association, Ibuka France, des rescapés et des victimes du génocide des Tutsi, je voudrais exprimer à la rédaction de Charlie Hebdo, l’indignation et l’écœurement que nous avons ressenti en découvrant la couverture du numéro 1236 daté du 30 mars 2016. Le chanteur Stromae y est représenté entouré de membres d’un corps déchiqueté avec, en haut de la page, le titre de sa chanson vedette, « Papa où t’es » ? Cet artiste est discret sur son histoire et ses origines mais personne n’ignore que celles-ci sont rwandaises et qu’elles ont été traversées par le génocide commis contre les Tutsi dans ce pays. A deux semaines exactement de la 22ème commémoration, une mise en scène qui prétend faire rire en superposant de manière macabre l’histoire du génocide et l’épreuve des attentats qui ont endeuillé la Belgique le 22 mars dernier relève de l’indigence morale que de la création humoristique. Elle est une injure à la mémoire des victimes et une honte pour un média qui, il y a un an, lorsqu’il a été attaqué – le mot est faible-, a reçu le soutien du monde entier. La liberté de penser et de créer que nous avons défendue aux côtés des autres et à laquelle nous demeurons attachés, n’autorise pas de rire de tout, y compris des morts et leurs orphelins. L’art ne peut être séparé du beau. Ce qui produit le dégoût et afflige l’innocent est une honteuse perversion du talent par un prétentieux.
A un moment où les rescapés tentent de préparer dans la douleur mais dans la dignité, la journée d’hommage à celles et ceux qui ont été assassinés dans des conditions effroyables, cette couverture est une ignoble provocation.
Nous exigeons qu’elle soit retirée et que de publiques excuses soient exprimées avant le 7 avril prochain.
Marcel Kabanda
Président d’Ibuka France"
Cette profanation montre à quel point le combat pour la mémoire des génocides et de leurs victimes demeure d'actualité.
Des condamnations historiques et attendues
Les commémorations d'avril se produisent cette année quelques jours après deux événements historiques dans la sphère juridique internationale de lutte contre les génocides et les crimes contre l'Humanité.
Il s'agit d'une part du jugement de Radovan Karadzic le 24 mars. L’ancien chef politique des Serbes de Bosnie est ainsi jugé « pénalement responsable » du génocide à Srebrenica par le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) de La Haye et condamné à quarante ans de prison.
Cette condamnation qui constitue un aboutissement, intervient néanmoins plus de vingt ans après le massacre génocidaire de Srebrenica et le siège sanglant de Sarajevo.
Le 11 juillet 1995, alors que les milices serbes de Bosnie approchent de l'enclave de Srebrenica, des dizaines de milliers de civils musulmans prennent la route de Potocari, à 8 kilomètres de distance de la ville. C'est là qu'est basé le quartier général du bataillon néerlandais de soldats de la Force de protection des Nations unies (Forpronu). Quatre cent cinquante casques bleus y sont chargés d'assurer la protection des quelque 40 000 habitants de Srebrenica, en majorité des Musulmans .
Quand les miliciens serbes de Bosnie commencent à séparer les hommes des femmes, les "Casques bleus" le voient et laissent faire. Les hommes sont entassés dans des cars et seront exécutés. 8.000 hommes sont tués et jetés dans les fosses communes par les forces serbes. Ce massacre a été, à juste titre, qualifié de génocide par la Cour Internationale de Justice et par le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPIY). L'ordre écrit donné en amont plusieurs mois en avance, puis sa réalisation par le tri et la séparation des hommes ainsi que leur extermination massive, "industrielle", portent les caractères du génocide. Srebrenica constitue le dernier génocide du vingtième siècle, qui en connut tant.
Quelques jours auparavant le 21 mars une autre décision historique était rendue par la Cour pénale internationale (CPI) contre le chef de milices Jean-Pierre Bemba. Ses milices ont utilisé le viol comme arme de guerre en Centrafrique (motif de la condamnation) et au Congo. Il s'agit d'un un tournant capital dans la lutte en faveur de la justice et de l'obligation de rendre des comptes pour les victimes de violences sexuelles dans le monde. C'est en effet la première fois que la CPI condamne quelqu'un pour le viol utilisé comme arme de guerre, et la première fois qu'elle prononce une condamnation fondée sur le principe de la responsabilité du commandant. Cette décision de justice comporte un avertissement clair : l'impunité pour violences sexuelles en tant qu'arme de guerre ne doit pas être tolérée. Il reste à voir comment cette condamnation se traduira sur le terrain et comment les instances internationales veilleront à son application.
Génocide des Arméniens: toujours le négationnisme d'Etat.
Les opérations militaires en cours de la part de l'Azerbaïdjan contre la région arménienne du Nagorny-karabakh donnent un aspect dramatique à la situation.
Une année après le centenaire du génocide des Arméniens, qui a donné lieu à d'importantes mobilisations et cérémonies mais aussi à des provocations de la part de Erdogan, nous faisons toujours face au négationnisme de l’État turc. Celui-ci refuse non seulement de reconnaître qu’il y a eu un génocide organisé envers les Arméniens, mais fait aussi pression dans le monde entier afin que cette reconnaissance n’ait pas lieu.
Les gouvernements turcs successifs mènent en effet un négationnisme d'Etat utilisant des moyens humains et financiers considérables, visant à intimider les universitaires, les journalistes et le monde associatif.
En France, les historiens, les journalistes, les responsables associatifs, les hommes politiques, dès lors qu’ils travaillent hors des sentiers balisés par l’historiographie officielle de l’Etat turc, s’attirent des pressions, des menaces, des insultes et des appels à la haine, diffusés à grande échelle sur Internet. Ce négationnisme étatique trouve aussi des relais chez des responsables politiques et des historiens disposant d'un fort pouvoir institutionnel. C'est le cas de l'académicien Pierre Nora, à qui le mémorial de la Shoah à hélas confié en septembre dernier le soin de prononcer l'allocution d'une cérémonie de mémoire.
C'est de Pologne que vient aussi l'alerte. La mémoire de la Shoah est y actuellement confrontée à une offensive du gouvernement ultra réactionnaire du PiS. Celui-ci a déjà renoué avec l'antisémitisme caractéristique du chauvinisme qu'il a déjà mis en œuvre de 2005 à 2007, sous la direction du premier ministre de l'époque Jaroszlaw Kaczynski , chef incontesté du parti PiS. Il a ainsi décidé de retirer la décoration de l'ordre du mérite au Pr Gross, historien spécialiste de la Shoah. Ce dernier a notamment démontré que des Polonais ont participé au massacre des Juifs durant la Seconde Guerre mondiale.
Universalisme de la lutte contre le négationnisme et le racisme
Ces différents génocides ont des liens profonds entre eux car dans tous les cas les populations promises à l’extermination ont été d’abord été discriminées, stigmatisées, accusées de tous les maux, mises en cause comme préparant des plans hostiles aux pouvoirs autoritaires en place. Elles ont désignées comme ennemies, regroupées, marquées et « étiquetées » sous différentes formes et enfin conduites à l’extermination ou massacrées sur place. Le génocide est l’aboutissement de décennies, voire de siècles, de discriminations.
La possibilité de réaliser un génocide et d’échapper à la punition correspondant à l’horreur de cette entreprise a aussi constitué un puissant facteur d’encouragement pour les génocidaires successifs. Les nazis eux-mêmes trouvaient une stimulation dans la manière dont le génocide arménien demeurait impuni : « Mais qui se souvient encore du massacre des Arméniens ? » déclarait ainsi Hitler dans une allocution aux commandants en chef de l'armée allemande le 22 août 1939, quelques jours avant l'invasion de la Pologne.
Un autre point commun à ces 3 génocides est la négation de leur horreur, dans le cadre d’une solidarité avec ceux qui ont perpétré le génocide. Nous luttons contre ce phénomène très organisé, mis en place par les génocidaires eux mêmes et qui constitue avec l’impunité une incitation à de nouveaux massacres. Le but des génocidaires, en tout temps et en tout lieu, ne consiste pas seulement à assassiner les vivants, mais aussi à nier à tout jamais leur existence. C’est pour cette raison que les négationnismes sont consubstantiels aux génocides. En niant, il ne s’agit pas seulement d’une tentative faite par les assassins pour échapper aux conséquences de leurs crimes. Au même titre que les massacres physiques de masse, la négation est au service au service du but final : effacer de l’histoire et de l’humanité une partie des hommes et des femmes qui la constituent
Les combats contre les génocides ainsi que l’impunité de leurs auteurs et le négationnisme sont plus que jamais au cœur de nôtre action. C'est également par la lutte quotidienne contre le racisme et les discriminations que nous construisons le barrage qui doit empêcher d'autres génocides.
MEMORIAL 98
Mise à jour du 6 avril 2017
Le 7 avril marque le début du génocide des Tutsi du Rwanda et des "jours de sang" du mois d'avril:
C'est à ce génocide que revient en effet le triste privilège d'ouvrir les commémorations du mois d'avril, au cours duquel est honorée la mémoire des victimes des 3 génocides majeurs du XXe siècle : celui des Tutsi du Rwanda le 7 avril (date du début des massacres en avril 1994) celui de la Shoah le 19 avril (correspondant au début de la révolte du ghetto de Varsovie le 19 avril 1943) celui des Arméniens le 24 avril (correspondant aux premières arrestations des intellectuels arméniens à Constantinople/Istanbul en avril 1915).
Nous y associons le premier génocide du XXe siècle commis en 1904 par l'Allemagne impériale contre les peuples Herero et Nama en Afrique australe, les actions génocidaires en Bosnie à Srebrenica , au Darfour, le génocide des Roms, les actions génocidaires du régime khmer rouge au Cambodge et la récente tentative d’extermination des Yézidis d’Irak par Daech...
Alors qu'un parti héritier du fascisme et du nazisme se se présente en France comme une alternative crédible, il est plus que jamais déterminant de rappeler ce à quoi mènent les doctrines de l'exclusion et de la haine.
MEMORIAL 98
Actualisation du 4 décembre 2016
Le génocidaire Simbikangwa voit sa condamnation confirmée en appel
La justice française a confirmé samedi 3 décembre en appel la condamnation à 25 ans de réclusion criminelle de Pascal Simbikangwa, premier présumé génocidaire à avoir été jugé en France en lien avec le génocide des Tutsi en 1994. Le procès avait débuté le 3 février 2014
Après six semaines de débats, l’ex-capitaine Simbikangwa, 56 ans, a été reconnu coupable de génocide et complicité de crime contre l’humanité, comme en première instance en 2014 et comme l’avait demandé l’accusation.
Les avocats des cinq associations parties civiles sont sortis de la salle sous les applaudissements des militants présents. Simon Foreman, l’avocat du Collectif des parties civiles pour le Rwanda (CPCR), a salué la « confirmation d’une décision qui est juste » : « ça légitime le combat qu’on mène depuis 20 ans, sans qu’on en tire aucune gloire ».
Nous saluons à nouveau le combat acharné du CPCR afin d'obtenir enfin le jugement de génocidaires réfugiés en France.
MEMORIAL 98
Actualisation du 18 octobre 2016
Succès au Sénat pour la pénalisation du génocide des Tutsi mais pas pour celui des Arméniens.
Le Sénat s'est prononcé en faveur du rétablissement de l'article 38 ter de la Loi "Égalité et Citoyenneté" permettant de poursuivre les négationnistes des génocides - dont le génocide arménien nous dit-on - et crimes contre l'humanité tels que l'esclavage ( voir aussi notre actualisation du 4 juillet dernier) .
Étonnamment, les commentateurs de ce vote se sont focalisés sur le génocide arménien en laissant entendre qu'il s'agissait d'une ouverture contre les négationnistes.
Ils oublient de préciser que seuls seront poursuivis les négationnistes d'un crime jugé par une juridiction française ou internationale. Or il est bien connu que le génocide arménien n'a jamais été jugé par ce type de juridiction.
Pour les crimes qui ne pourront pas entrer dans la la case "jugement français ou international", il faudra alors remplir une autre condition : "la négation, la minoration ou la banalisation de ces crimes" devront être accompagnées d'"une incitation à la violence ou à la haine".
Or, il est tout à fait habituel de nier un génocide ou un crime contre l'humanité sans proférer des "propos violents ou haineux". C'est même la spécialisation des négationnistes les plus pervers qui se présentent avec le masque de l'historien : ce sont les plus prolifiques, les plus influents et les plus dangereux. Ceux-là resteront certainement hors du champ d'application de la loi.
Seule (grande) satisfaction : si le Conseil Constitutionnel n'invalide pas cet article avant sa promulgation, la Loi Égalité et Citoyenneté (qui - en l'occurrence - ne mérite pas son nom) donnera la possibilité de poursuivre les négationnistes du génocide des Tutsi au Rwanda en 1994, génocide qui a fait, pour sa part, l'objet d'un jugement international.
Avec eux nous poursuivons le combat pour la pénalisation du négationnisme, pour la vérité et le justice.
Nous nous retrouverons ensemble le 9 novembre prochain avec le Collectif VAN et Ibuka afin de commémorer pour la 3e année consécutive l’anniversaire du pogrom nazi de la Nuit de Cristal qui a eu lieu le 9 novembre 1938 (Rendez-vous à partir de 18h devant le Gymnase Japy 2 rue Japy 75011 Paris)
Memorial 98
Mise à jour du 6 juillet 2016
Les 2 génocidaires des Tutsi en procès en Paris (voir ci-dessous), Tito BARAHIRA et Octavien NGENZI, sont tous les deux reconnus coupables de génocide et de crime contre l’humanité. Ils sont condamnés à la réclusion criminelle à perpétuité.
Memorial 98 prend acte que justice est ainsi faite et rend hommage à ses partenaires du Collectif des parties civiles pour le Rwanda (CPCR) qui ont joué un rôle-clé pour imposer ces procès. Le combat contre le négationnisme et l'impunité se poursuit.
Memorial 98
Mise à jour du 4 juillet 2016 :
Enfin la pénalisation du négationnisme des Arméniens et des Tutsi?
L'amendement de l'article 38ter du projet de loi Égalité et Citoyenneté, voté à l'unanimité à l'Assemblée nationale le 1er juillet 2016, a suscité l'émotion et la joie dans les rangs des associations défendant la mémoire des victimes du génocide arménien de 1915 et des Tutsi du Rwanda et au-delà, auprès des combattants contre les négationnismes dans le monde entier.
Attendu depuis des décennies pour permettre d'opposer la force de la loi française au puissant négationnisme d'État de la Turquie (voir ci-dessous), ce texte étend en effet la pénalisation du négationnisme au génocide des Arméniens, comme à celui des Tutsi, comme dans le cas de la Shoah, ainsi qu'au déni de l'esclavage.
Nous partageons l'enthousiasme qui prévaut, mais certaines faiblesses du texte nous paraissent inquiétantes selon l'analyse de nos partenaires du collectif VAN.
Elle concernent certaines formulations de cet texte, qui font référence à des génocides jugés et reconnus devant un tribunal français ou une cour internationale
Or le génocide arménien n'a été jugé ni devant un tribunal français ni une cour internationale. Les seuls procès qui se sont tenus en 1919 pour juger les criminels Jeunes-Turcs ont eu lieu à Constantinople (Turquie). En revanche le génocide des Tutsi a déjà été jugé par le Tribunal pénal international pour le Rwanda.
On y retrouve également un délit de négationnisme à deux vitesses : les associations arméniennes ne pourront acter en justice qu'en apportant à chaque fois la preuve que le négationniste du génocide arménien tient un discours incitant à la haine ou à la violence, alors que cela est considéré comme acquis pour la négation des autres crimes contre l'humanité.
Nous demeurons donc vigilants, avec nos partenaires du Collectif VAN et de Ibuka.
Memorial 98
Mise à jour du 16 mai 2016:
Génocide des Tutsi: alors que se poursuit à Paris le procès des 2 présumés génocidaires (voir ci-dessous ), c'est de Suède que vient un jugement qui devrait constituer un exemple. Un Suédois d'origine rwandaise a été condamné lundi 16 mai à la prison à perpétuité pour génocide et crimes de guerre, une peine assortie du versement de dommages et intérêts à une quinzaine de victimes rwandaises. «Même en tenant compte du fait que le génocide s'est déroulé il y a 22 ans, ce type de crime est si grave que la peine doit être la perpétuité», a estimé le tribunal dans un communiqué.
Claver Berinkidi, 61 ans, habite en Suède depuis 2002 et a été naturalisé suédois en 2012. En 2007, il avait été condamné par contumace par un tribunal rwandais à 30 ans de prison.
Memorial 98
Mise à jour du 9 mai 2016:
Rwanda: événement important, à partir du mardi 10 mai et pendant plusieurs semaines, deux présumés génocidaires, Octavien Ngenzi et de Tito Barahira, sont jugés à Paris. Ils sont tous deux accusés de génocide, de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre pour des massacres de Tutsi commis dans la préfecture de Kibungo, dans l’est du Rwanda. ll avait fallu attendre vingt ans avant que la France se décide enfin, l'an dernier, à juger l’un des acteurs du génocide de 1994 au Rwanda, réfugié sur son territoire. Le « capitaine » Pascal Simbikangwa avait alors été condamné à vingt-cinq ans de prison à l’issue d’un procès qualifié d’historique, parce qu’il s’agissait d’une première judiciaire en France. Nos partenaires du Collectif des parties civiles pour le Rwanda (CPCR) ont joué un rôle-clé pour imposer ces procès. Memorial 98 soutient le CPCR .
C’est la ténacité des militants du CPCR qui a conduit Octavien Ngenzi et Tito Barahira devant les juges du pôle génocide et crimes contre l’humanité. Le premier a été localisé et arrêté en 2010 à Mayotte, où il demandait un statut de réfugié politique, sous une fausse identité. Le second a été retrouvé dans la banlieue de Toulouse, où il vivait tranquillement depuis plusieurs années avec sa famille.
A la veille de l’ouverture de ce deuxième procès rwandais, Alain Gauthier, président du CPCR exprime donc une satisfaction mêlée d’une forme « d’impatience » vis-à-vis de la justice française et de ce pôle génocide et crimes contre l’humanité créé en 2012. Ses trois juges sont en effet « submergés de dossiers, une trentaine », selon M. Gauthier. Aucune instruction n’est close, personne n’est actuellement détenu. « Ce n’est pas demain qu’il y aura un troisième procès », regrette-t-il.
La création de ce pôle avait pourtant nourri des espoirs, aujourd’hui déçus « Aujourd’hui, dans un contexte où les moyens budgétaires de la justice sont limités, l’accent est mis sur les affaires de terrorisme, de corruption et de lutte contre l’impunité. Les dossiers rwandais sont démonétisés », analyse l'avocat des droits de l'homme Me Bourdon.
Un procès à suivre avec attention. Il s'ouvre alors que l'ombre du crime contre l'humanité plane sur le Burundi, limitrophe du Rwanda, dans lequel le pouvoir a recours au poison identitaire et ethnique, comme le montre l'arrivée récente d'un personnage inquiétant.
Un nazi auprès du président du Burundi: inquiétude.
Alors que les crimes à composante anti-Tutsi se multiplient dans ce pays limitrophe du Rwanda, on apprend qu'un vétéran néo-nazi belge, Luc Michel, est nommé conseiller du président, élu frauduleusement en juin dernier, Pierre Nkurunziza. Luc Michel a trempé dans bon nombre de groupes fascistes, dont la tristement célèbre FANE, ouvertement nazie. Il a été actif auprès du régime Khadafi.
Son arrivée au Burundi signifie un durcissement du régime déjà impliqué dans de nombreux assassinats, comme Memorial 98 l'avait indiqué en mai dernier. L' intervention de l'ONU et de l'Union africaine deviennent urgentes, avant que réapparaissent les massacres.
Mise à jour 13 Février 2017: nouvelle récompense pour Le Fils de Saul distingué lors du prix britannique du BAFTA
Le film "le fils de Saul" se déroule dans un camp d'extermination; c'est l'histoire d'un « Sonderkommando[1] ». Nous le recommandons vivement.
C'est avec lui que l'on découvre Auschwitz comme on ne l'avait probablement jamais vu au cinéma : une ruche abominable et gigantesque, une usine à fabriquer des cadavres à la chaîne.
Làslo Nemes est un réalisateur hongrois, une partie de sa famille a été déportée en 1944.
Elle est française, spécialiste des littératures d'Europe centrale. Elle explique que Le Fils de Saul est « sorti des tripes » de Nemes, qui a pris le parti radical de ne pas quitter son personnage principal d'une semelle.
Du bruit et de la fureur
L'ampleur des fracas résonne encore à la sortie du cinéma.
Des déflagrations assourdissantes, des claquements de portes, des grincements métalliques, un déchaînement de hurlements, des clameurs, s'entremêlent, s'enchevêtrent comme ces corps en filigrane, eux-mêmes, mêlés, défigurés, estropiés.
Toujours en arrière plan, la blancheur des dépouilles nues, bras et jambes confondus, entrecroisés, sans visage, du sang dans la noirceur des dédales, d'où surgissent des hommes, rien que des hommes…bousculés, ils courent, ils frappent, ils entrent, ils sortent, ils repoussent et puis Saul parmi ces êtres inhumanisés, une croix rouge sur le dos de son vêtement. Cette croix qui le désigne, qui le stigmatise.
Saul au visage impassible.
La caméra le fixe et l'escorte de dos, de face, de profil, debout, courbé, agenouillé, herculéen.
Le même regard intensément noir qui ne dit rien ou qui en dit long.
Silencieux au milieu de toutes ces lamentations, il semble nous interroger.
Que fait-il là ?
Quel destin que de se retrouver parmi les siens pour les envoyer à la mort, un sursis pour la sienne, elle-même inéluctable.
La mort, toujours présente à chaque cri, à chaque injonction, elle peut arriver à tout instant selon le bon vouloir de ces monstres qui n'ont de cesse de hurler.
II accomplit sa tâche consciencieusement avec toute sa force de vie, à la cadence des vociférations : encourager et refouler sous la « douche » de la chambre à gaz ses congénères, les hommes, les femmes et les enfants.
Il lessive le sol rougi, il envoie des pelletées de cendres, il creuse la terre, sans jamais se départir de sa rage.
On reste paralysé face à cette fureur de gesticulations ininterrompues.
Ses gestes mécaniques ne font pas venir les larmes aux yeux.
Un enfant respire à peine. Il le reconnait, il se l'approprie. Il va déployer toute sa hargne pour lui inventer une sépulture et trouver un rabbin pour dire le kaddish.
Cela devient sa raison de rester vivant, lui que la mort guette à chaque injonction, à chaque éclat démoniaque, à chaque chuchotement.
Au milieu de cet effroi des hommes et des femmes survivent. Une société s'organise. Des hommes à qui il reste le courage de fomenter une révolte.
Alors que nous sortions encore abasourdis, assourdis les oreilles fracassées du bruit de ces cris où les langues et les sommations s'interpellent, une spectatrice est venue nous interroger
Elle s'étonnait de ne pas avoir eu d'empathie avec le personnage principal.
Comment interpréter la quête de Saul ?
Je n'ai pas été émue aux larmes, il est vrai.
J'ai pensé, en y réfléchissant, que ce n'était pas « du cinéma » .
Tout cela a existé.
Ce sont ces monstruosités qui nous tétanisent jusqu'à glacer nos émotions.
Le fils de Saul est un film essentiel par son caractère pédagogique.
Il évite les images accablantes.
Il nous fait vivre un enfer sonore, une résonnance en écho qui illustre la brutalité, la barbarie dans toute son horreur.
Evelyne Lévy pour Memorial 98
[1] Signifie groupe spécial. Il s’agit d’un groupe de déportés chargés de convoyer d'autres déportés jusqu'aux portes des chambres à gaz, d'en extraire les cadavres pour les brûler, avant de nettoyer les lieux et de se débarrasser des cendres. Pour ces détenus au statut particulier, ce travail ne représente qu'un sursis avant leur propre extermination
Le prix Nobel de littérature 2019 pour Peter Handke, soutien du génocidaire Milosevic.
Handke aux obsèques de Slobodan Milosevic, devant le portrait du génocidaire serbe.
14 octobre 2019
Prix Nobel: aberrations et contradictions d'une institution.
Elle récompense cette année le premier ministre éthiopien Abiy Ahmed pour avoir fait la paix avec l'Erythrée, après avoir couronné Peter Handke, soutien des dirigeants serbes responsables de crimes de guerre et du dernier génocide du 20e siècle à Srebrenica en 1995.
De plus les viols de guerre ont été très répandus de la part des troupes serbes durant les guerres qu'elle ont mené contre la population bosniaque, comme l'ont montré de nombreux travaux. C'est lors de cette guerre que ces viols de masse ont été pris en compte pour la première fois par la justiceOr le prix Nobel de la Paix 2018 a été décerné au Dr Mukewege et à Nadia Murad pour leur combat contre ces viols ( voir ici) .
Le médecin congolais et la femme Yezidie (ci-dessus), violée et réduite en esclavage par Daech ont été récompensés pour "leur efforts pour mettre fin à l'emploi des violences sexuelles en tant qu'arme de guerre"
Le prix Nobel de littérature décerné à Handke constitue donc la négation des principes des prix Nobel de la paix et une action de soutien au négationnisme.
Memorial 98
Peter Handke se rend en Serbie en 1995, quelques mois après le génocide de Srebrenica du 12 juillet de la même année et qui a fait 8000 morts.
De ce séjour il rapporte un ouvrage de soutien aux chefs serbes, intitulé « Voyage hivernal vers le Danube, la Save, la Morava et la Drina » qui demandait « justice pour la Serbie ».
Il y explique notamment que les Serbes n’ont fait que répondre à une provocation des Musulmans bosniaques. Handke n’hésite pas à comparer les Serbes aux Juifs pendant le IIIe Reich et, en 1999, à voir dans Belgrade frappé par l’OTAN un « nouvel Auschwitz ». Salman Rushdie le propose pour le titre de « Connard international de l’année ». Susan Sontag, engagée auprès des habitants de Sarajevo bombardés sans relâche par l'artillerie de Milosevic, Mladic et Karadzic , déclare qu’elle ne lira plus un seul livre de l’Autrichien.
L’écrivain aggrave encore son cas. Le 20 mars 2006 il se rend aux obsèques de l’ancien président serbe Slobodan Milosevic, accusé de crimes contre l’humanité et de génocide qui s'est suicidé en prison à La Haye. il y dit : « Je sais ce que je ne sais pas. Je ne sais pas la vérité. Mais je regarde. J’écoute. Je ressens. Je me souviens. Pour cela je suis aujourd’hui présent, près de la Yougoslavie, près de la Serbie, près de Slobodan Milosevic. »
La semaine suivante, dans l’hebdomadaire allemand « Focus », il en rajoute: « Non, Slobodan Milosevic n’était pas un ‘‘dictateur’’ [...] Non, Slobodan Milosevic ne peut être qualifié de ‘‘bourreau de Belgrade’’ [...] Le motif principal de mon voyage, c’était d’être témoin. Témoin ni dans le sens de l’accusation ni dans celui de la défense.
En couronnant Handke, le prix Nobel de littérature cautionne le négationnisme de ce dernier et son appui aux massacres des chefs serbes. Ces derniers ont été enfin condamnés après avoir échappé à la justice internationale.
Leur croisade mortifère inspire les terroristes d'extrême-droite. Ainsi le tueur de Christchurch s'est motivé par la mémoire de leurs exactions ( voir ci-dessous)
Nous protestons contre ce prix et demandons qu'il soit retiré.
11 juillet 2019: Karadzic, condamné définitivement, inspire Brenton Tarrent, le tueur de Christchurch
Ce 24e anniversaire du génocide de Srebrenica, le 11 juillet 1995, suit de quelques mois la condamnation définitive de son ordonnateur, le chef des Serbes de Bosnie Radovan Karadzic, par le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie, le 20 Mars dernier.
Justice est ainsi faite, notamment en raison du génocide de Srebrenica en juillet 1995, qui fut le dernier génocide du 20 siècle.
Une coïncidence terrible rappelle à quel point les actions génocidaires et les crimes de guerre motivent et inspirent la poursuite des actes de violence raciste. Le tueur des mosquées de Christchurch, Brenton Tarrent, est obsédé par la croisade des nationalistes serbes contre les Musulmans de Bosnie.
Voir d'autres actualisations et mises à jour ci-dessous et à la fin de l'article
Memorial 98
Déclaration du 21 novembre 2017:
Mladic (à g.) et Karadzic dans leurs oeuvres.
Enfin! L'ancien chef militaire des Serbes de Bosnie, Ratko Mladic, a été condamné ce 22 novembre à la prison à perpétuité pour génocide (Srebrenica) , crimes de guerre et crimes contre l’humanité (notamment lors du siège de Sarajevo) par le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie. Au total, le « Boucher des Balkans » a été reconnu coupable de dix chefs d’accusation sur onze.
Le tribunal a estimé que Mladic avait contribué « de façon importante » au génocide commis en 1995 à Srebrenica.
La justice a également déclaré qu'il avait « personnellement » dirigé le bombardement de Sarajevo. La capitale de la Bosnie avait subi un siège meurtrier, notamment pour des milliers de civils, de 1992 à 1996. De façon plus générale, l’ancien général a été reconnu coupable d’avoir cherché à chasser les musulmans et les Croates du territoire bosniaque.
Mladic a immédiatement fait appelsa condamnation; il est soutenu par les nationalistes serbes dont certains sont au pouvoir. Ce sont eux qui l'ont abrité pendant ses 16 années de "cavale"
La présidente de l’association des mères des enclaves de Srebrenica et de Zepa, Munira Subasic, s’est, elle, dite « partiellement satisfaite » du verdict. Elle déclare:
« C’est plus que pour (Radovan) Karadzic (condamné à 40 ans de prison en mars 2016 voir ci-dessous). Mais ils ne l’ont pas reconnu coupable de l’accusation de génocide dans plusieurs villages (autres que Srebrenica) . »
Le haut commissaire aux droits de l’homme de l’ONU a salué la condamnation à perpétuité de l’ancien chef militaire des Serbes de Bosnie qu’il a qualifiée de « victoire capitale pour la justice ».
« Ce verdict est un avertissement aux auteurs de tels crimes qu’ils n’échapperont pas à la justice, aussi puissants soient-ils, et quel que soit le temps qu’il faudra. Ils devront rendre des comptes. »
Rappelons que l'ONU est gravement mise en cause dans le génocide de Srebrenica car ses troupes de " Casques Bleus", présentes sur place n'ont pas agi pour empêcher le massacre faute d'ordres dans ce sens (voir ci-dessous)
Il reste à espérer que les autorités et la population serbes acceptent et comprennent le sens de ce verdict et que recule là bas le négationnisme encore si répandu.
Il reste également à agir afin que soient empêchés d'autres massacres et crimes contre l'humanité en cours ou menaçants en Syrie (où sévit Poutine, allié fidèle du nationalisme serbe), au Burundi, en Birmanie contre les Rohingya, en Centrafrique, au Soudan...
Il reste également à imposer que soient enfin reconnus, par les autorités des pays qui les ont commis, le génocide des Arméniens ainsi que celui des Herero et Nama. Dans ce dernier cas il s'agit du premier génocide du 20e siècle alors que Srebrenica en fut l'ultime.
Il reste également à combattre toutes les formes du négationnisme, qui prend le parti des bourreaux contre les victimes. Les négationnistes participent du crime et en assument la responsabilité à travers leur négation. Il est donc légitime de les traquer et de les dénoncer .
Memorial 98 salue la condamnation de Mladic et y puise une volonté renouvelée de combattre contre le racisme et les négationnistes: le combat pour le justice et contre l'impunité se poursuit plus que jamais.
MEMORIAL 98
Voir d'autres actualisations et mises à jour à la fin de l'article ci-dessous
Le 11 juillet 2015, nous commémorions le 20e anniversaire de ce qui a constitué le dernier génocide d'un 20e siècle qui en connut tellement et rappelions son contexte:
Ce génocide est encore mal connu et reconnu, notamment en Serbie où la pression négationniste est forte. Le parallèle avec la position de l’État turc à l'égard du génocide arménien est frappante: les autorités serbes font des déclarations de contrition et de regret, reconnaissant des crimes, mais s'arc-boutent pour nier qu'il y ait eu un génocide commis par les milices serbes. Du coup, la population serbe est encouragée dans sa position de déni, comme c'est aussi le cas pour une grande partie de la population turque. Une réconciliation ne peut avoir lieu sans que soit reconnu le caractère génocidaire, exterminateur du massacre. Il ne s'agit pas d'arguties juridiques mais de la compréhension du processus d'"épuration ethnique" mis en oeuvre à l'égard des musulmans bosniaques et qui a fini par culminer dans le génocide. De ce point de vue on en est encore loin du compte.
Ainsi le Parlement serbe a adopté une déclaration et ses responsables se sont recueillis au mémorial où sont enterrées les victimes de Srebrenica. Mais le gouvernement refuse obstinément de reconnaître qu'un génocide ait été commis à Srebrenica, en Bosnie en 1995.
Le 7 juillet dernier, le Premier ministre serbe Aleksandar Vucic a annoncé qu'il se rendrait le 11 juillet à Srebrenica pour assister à la cérémonie marquant le 20e anniversaire du massacre. Mais le même Vucic, ancien ultra-nationaliste devenu "pro-européen" convaincu, refuse lui aussi de reconnaître qu'un génocide a été perpétré à Srebrenica. Sa visite sera donc vécue comme une provocation par les familles des victimes. Si la brutalité de ce massacre n'est pas remise en question par la population serbe, comme le montre un récent sondage réalisé en Serbie où 54 % des personnes interrogées l'ont condamné, la réalité d'un génocide est en revanche niée par 70 % des interviewés, intoxiqués par le négationnisme officiel.
Encore récemment, le président de l'entité des Serbes de Bosnie, Milorad Dodik, a affirmé que le génocide de Srebrenica était un « mensonge ».
En 2010, le président serbe de l'époque, le "pro-européen" Boris Tadic, plutôt connu comme non-nationaliste et démocrate, s'était déplacé à Srebrenica pour rendre hommage aux victimes et le Parlement avait adopté une déclaration condamnant « le crime commis (...) à Srebrenica » encore une fois sans que le mot-clé de génocide soit employé. « Je m'agenouille et demande que la Serbie soit pardonnée pour le crime commis à Srebrenica », a de nouveau déclaré son successeur Tomislav Nikolic en 2013 toujours sans prononcer le terme, après avoir carrément nié au début de son mandat, qu'un génocide se soit produit à Srebrenica.
Le Conseil de sécurité de l'ONU soumis au veto de Poutine
L'historien serbe Cedomir Antic estime « compréhensible » la position des dirigeants de Belgrade. « Accepter qu'un génocide a eu lieu équivaudrait à accepter l'accusation d'être un peuple génocidaire (position totalement contraire à ce que revendiquent les dirigeants musulmans bosniaques qui rejettent la notion de responsabilité collective comme le montre la déclaration citée plus bas NDLR ) et vous n'êtes plus alors un interlocuteur, personne ne négocie avec vous, la Serbie ne peut donc reconnaître cela. Entre autres, la survie de la Republika Srpska (RS) serait en question », a-t-il déclaré.
La Bosnie a en effet été divisée après la guerre en deux entités, la Republika Srpska (serbe) et la Fédération croato-musulmane. Les musulmans de Bosnie ont demandé à plusieurs reprises le démantèlement de la RS, fondée à la suite d'un génocide.
C'est la que réside le nœud des calculs politiques du régime de Belgrade et de Poutine, qui soutient le gouvernement serbe, quelques semaines après avoir assisté le 19 avril à la commémoration du génocide des Arméniens à Erevan. Le régime russe n'en est pas à une contradiction près, d'autant qu'il soutient aussi la répression par le gouvernement arménien de la grande révolte de la population du pays après l'augmentation brutale des tarifs de l'électricité. Il s'agit en fait toujours de la politique "néo-impériale" de Poutine qui s'étend de l'Ukraine à la Serbie et de la Crimée à la Géorgie. Les dirigeant serbes s'appuient sur Poutine afin de résister aux conséquences de la reconnaissance du génocide.
Vingt ans après cette extermination que les institutions internationales n'ont pas empêché, le régime russse a bloqué par son veto l'adoption par le Conseil de sécurité de l'ONU d'une résolution reconnaissant le massacre de Srebrenica comme un génocide. Le projet de résolution déclarait que l'ONU « condamne le plus fermement possible le génocide commis à Srebrenica » et affirmait que la reconnaissance de ce dernier est « une condition préalable à la réconciliation » en Bosnie. Pour le pouvoir russe, auprès de qui des responsables serbes de Bosnie sont intervenus, la résolution insiste trop lourdement sur les méfaits commis par les Serbes de Bosnie et risque d'aggraver les divisions.
Le veto russe est perçu comme une nouvelle provocation par les victimes du génocide, comme si le sort des populations bosniaques faisait une nouvelle fois les frais des interêts politiques de l'axe Belgrade-Moscou. Le travail de mémoire, qui inclut les visites sur le site, le retour à Srebrenica, la recherche des charniers et des corps manquants afin de pouvoir les inhumer dignement est ainsi bafoué. Mirsada Colakovic, ambassadrice de Bosnie-Herzégovine à l'ONU, dénonce l'insulte aux victimes en déclarant:
« Cette résolution du Conseil de sécurité est une nouvelle trahison envers Srebrenica. Et une nouvelle fois le Conseil de sécurité est désuni. Il y a un an, cette même instance avait adopté à l'unanimité des résolutions similaires sur la prévention des génocides, c'était à propos du Rwanda. Et aujourd'hui, sur le même sujet, nous nous trouvons face à un déni. Le déni est le dernier stade du génocide. Et le déni est une insulte faite aux victimes. Ce que nous voulions dire avec cette résolution, tout comme le Royaume-Uni, c'est que la faute n'est pas collective, ni nationale, mais qu'elle est individuelle. C'est pour cela que nous appelions à cette résolution », rappelle l'ambassadrice.
Pourtant les fait sont clairs. Ils constituent un terrible acte d'accusation contre les dirigeant des Serbes de Bosnie mais aussi contre les gouvernements occidentaux qui ont abandonné la population de Srebrenica.
Les récentes révélations de Florence Hartmann, ancienne porte-parole de la procureure du TPIY, dont nous soutenons depuis 2009 le combat pour la vérité, apportent de preuves éclairantes de cet abandon qui a d'ailleurs déjà été jugé aux Pays-Bas en 2011.
Dès le mois de mars 1995, un ordre est signé par le chef des Serbes de Bosnie Radovan Karadzic à l'intention du chef militaire Mladic. C'est la fameuse "directive n° 7" , qui ordonnait aux soldats bosno-serbes de « créer une situation insupportable d’insécurité totale sans aucun espoir de survie ou de vie pour les habitants de Srebrenica ».
Le 11 juillet 1995, alors que les milices serbes de Bosnie approchent de l'enclave de Srebrenica, des dizaines de milliers de civils musulmans prennent la route de Potocari, à 8 kilomètres de distance de la ville. C'est là qu'est basé le quartier général du bataillon néerlandais de soldats de la (Force de protection des Nations unies (Forpronu). Quatre cent cinquante casques bleus y sont chargés d'assurer la protection des quelque 40 000 habitants de Srebrenica, en majorité des Musulmans
Parmi les réfugiés du camp néerlandais, il y avait le traducteur du bataillon, avec toute sa famille (père, mère et petit frère), et l’électricien. Le 13 juillet, l’électricien et le petit frère du traducteur furent chassés du camp par les militaires néerlandais. Le père du traducteur les suivit. Les trois hommes furent massacrés avec les autres, et à la fin de la guerre, leurs proches déposèrent une plainte contre le gouvernement des Pays-Bas.
Quand les miliciens serbes de Bosnie commencent à séparer les hommes des femmes, les soldats néerlandais le voient et laissent faire. Les hommes sont entassés dans des cars et seront exécutés. 8.000 hommes ont été tués et jetés dans les fosses communes par les forces serbes. Ce massacre a été, à juste titre, qualifié de génocide par la Cour Internationale de Justice et par le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPIY). L'ordre écrit donné en amont plusieurs mois en avance, puis sa réalisation par le tri et la séparation des hommes ainsi que leur extermination massive, "industrielle", portent les caractères du génocide.
Parmi les hommes qui ont choisi de se placer sous la protection des Nations unies, pratiquement aucun n'a survécu. Seuls ceux des habitants de Srebrenica qui se sont réfugiés dans les forêts ont eu un peu plus de chances de survie.
Le mandat de l'ONU en Bosnie prévoyait pourtant clairement un recours à la force en cas de besoin. Le 10 juillet, la veille du massacre, le commandant du bataillon néerlandais avait demandé au général français Bernard Janvier, qui assumait le commandement militaire des Nations unies en ex-Yougoslavie, de lancer des frappes contre les forces serbes de Bosnie. Mais il n'a pas été entendu.
Les Nations unies ont reconnu leur responsabilité dans le massacre de Srebrenica en 1999. Un rapport présenté par son secrétaire général d'alors, Kofi Annan, reconnaissait alors la « faillite de la politique dans des zones de sécurité ».
Le rapport ajoute : « La communauté des nations, en décrétant un embargo sur les armes, a laissé les Serbes dans une position de supériorité militaire écrasante et a, en fait, privé la République de Bosnie-Herzégovine de son droit de légitime défense, consacré dans la Charte des Nations unies ». « La fourniture d'une aide humanitaire n'était pas une initiative suffisante face aux opérations de ´´nettoyage ethnique´´ et de génocide ». « Srebrenica a été le révélateur d'une vérité que l'ONU et le reste du monde ont comprise trop tard, à savoir que la Bosnie était une cause morale autant qu'un conflit militaire. La tragédie de Srebrenica hantera à jamais notre histoire ». Comme au Rwanda mais aussi au Sri-Lanka, autres lieux de faillite de l'ONU.
Nos pensées vont aux victimes du génocide de Srebrenica, à leurs familles marquées à jamais et dont la souffrance est entretenue et intensifiée par le négationnisme. Nous rendons aussi un hommage particulier aux militantEs serbes qui luttent pour la justice et la reconnaissance du génocide, dans des conditions particulièrement difficiles. C'est le cas notamment des "Femmes en noir", une association pacifiste dont la branche serbe fut créée au début des guerres de Yougoslavie et qui organise des rassemblements commémoratifs. C'est le cas aussi de l’association de jeunes "Youth Initiative for Human Rights" (YIHR) qui a mené dès 2005 une première campagne de sensibilisation en occupant la moitié des panneaux d’affichage de Belgrade. On y voyait s’étaler des photographies des victimes de Srebrenica accompagnées des mots : « Pour voir, pour savoir, pour se souvenir. ». Enfin, ces derniers mois, le journaliste et militant Dusan Masic a lancé l’initiative « 7 000 ». Son projet est de rassembler à Belgrade 7 000 personnes et les faire s’allonger symboliquement devant le Parlement serbe. Masic doute de pouvoir atteindre l’objectif. Mais, souligne-t-il, « si nous parvenons à rassembler ne serait-ce que 70 ou 700 personnes, ce sera tout de même le plus grand événement à la mémoire des victimes de Srebrenica jamais organisé en Serbie ». La police de Belgrade a interdit cette manifestation. Des organisations ultranationalistes avaient annoncé qu’elles empêcheraient par la force la tenue du rassemblement. Masic est personnellement la cible quotidienne de messages de menaces et de haine.
Pour faire face au négationnisme et à ses conséquences mortifères, les familles de Srebrenica, les Bosniaques, les combattants contre le négationnisme en Serbie, ont tous besoin de la solidarité de l'opinion internationale, afin de bâtir un autre futur.
MEMORIAL 98
Mise à jour du 13 mars 2018:
Le Parlement serbe refuse de reconnaître le génocide des Arméniens. Le vote sur une résolution présentée par le Nouveau Parti est écrasant: 139 contre et 7 pour. Pour ces députés il s'agit manifestement de refuser toute reconnaissance de génocide, de crainte de devoir prendre en compte celui commis par l'armée et les milices de leur propre pays à Srebrenica
Nous le notions ci-dessous dès 2015: "Ce génocide ( de Srebrenica) est encore mal connu et reconnu, notamment en Serbie où la pression négationniste est forte. Le parallèle avec la position de l’État turc à l'égard du génocide arménien est frappante: les autorités serbes font des déclarations de contrition et de regret, reconnaissant des crimes, mais s'arc-boutent pour nier qu'il y ait eu un génocide commis par les milices serbes. Du coup, la population serbe est encouragée dans sa position de déni, comme c'est aussi le cas pour une grande partie de la population turque. Une réconciliation ne peut avoir lieu sans que soit reconnu le caractère génocidaire, exterminateur du massacre. Il ne s'agit pas d'arguties juridiques mais de la compréhension du processus d'"épuration ethnique" mis en oeuvre à l'égard des musulmans bosniaques et qui a fini par culminer dans le génocide. De ce point de vue on en est encore loin du compte"
En ce vingt-deuxième anniversaire, les médias qui mentionnent Srebrenica rechignent encore à indiquer le caractère génocidaire du massacre, alors qu'il a pourtant été caractérisé comme tel par l'ONU. Les 8000 victimes ont été tuées "en raison de leur naissance" comme Musulmans bosniaques.
Nous rappelons l'engagement de rescapés de Srebrenica avec les habitants d'Alep soumis à un siège:
"Srebrenica solidaire avec Alep
Lors du rassemblement parisien de solidarité avec Alep le 19 décembre 2016, un membre de Memorial 98 a présenté l'appel des " Enfants de Srebrenica " ci-dessous; à voir et à entendre ici .
Le Conseil de sécurité de l'ONU soumis au veto de Poutine
L'historien serbe Cedomir Antic estime « compréhensible » la position des dirigeants de Belgrade. « Accepter qu'un génocide a eu lieu équivaudrait à accepter l'accusation d'être un peuple génocidaire (position totalement contraire à ce que revendiquent les dirigeants musulmans bosniaques qui rejettent la notion de responsabilité collective comme le montre la déclaration citée plus bas NDLR ) et vous n'êtes plus alors un interlocuteur, personne ne négocie avec vous, la Serbie ne peut donc reconnaître cela. Entre autres, la survie de la Republika Srpska (RS) serait en question », a-t-il déclaré.
La Bosnie a en effet été divisée après la guerre en deux entités, la Republika Srpska (serbe) et la Fédération croato-musulmane. Les musulmans de Bosnie ont demandé à plusieurs reprises le démantèlement de la RS, fondée à la suite d'un génocide.
C'est la que réside le nœud des calculs politiques du régime de Belgrade et de Poutine, qui soutient le gouvernement serbe, quelques semaines après avoir assisté le 19 avril à la commémoration du génocide des Arméniens à Erevan. Le régime russe n'en est pas à une contradiction près, d'autant qu'il soutient aussi la répression par le gouvernement arménien de la grande révolte de la population du pays après l'augmentation brutale des tarifs de l'électricité. Il s'agit en fait toujours de la politique "néo-impériale" de Poutine qui s'étend de l'Ukraine à la Serbie et de la Crimée à la Géorgie. Les dirigeant serbes s'appuient sur Poutine afin de résister aux conséquences de la reconnaissance du génocide.
Vingt ans après cette extermination que les institutions internationales n'ont pas empêché, le régime russse a bloqué par son veto l'adoption par le Conseil de sécurité de l'ONU d'une résolution reconnaissant le massacre de Srebrenica comme un génocide. Le projet de résolution déclarait que l'ONU « condamne le plus fermement possible le génocide commis à Srebrenica » et affirmait que la reconnaissance de ce dernier est « une condition préalable à la réconciliation » en Bosnie. Pour le pouvoir russe, auprès de qui des responsables serbes de Bosnie sont intervenus, la résolution insiste trop lourdement sur les méfaits commis par les Serbes de Bosnie et risque d'aggraver les divisions.
Le veto russe est perçu comme une nouvelle provocation par les victimes du génocide, comme si le sort des populations bosniaques faisait une nouvelle fois les frais des interêts politiques de l'axe Belgrade-Moscou. Le travail de mémoire, qui inclut les visites sur le site, le retour à Srebrenica, la recherche des charniers et des corps manquants afin de pouvoir les inhumer dignement est ainsi bafoué. Mirsada Colakovic, ambassadrice de Bosnie-Herzégovine à l'ONU, dénonce l'insulte aux victimes en déclarant:
« Cette résolution du Conseil de sécurité est une nouvelle trahison envers Srebrenica. Et une nouvelle fois le Conseil de sécurité est désuni. Il y a un an, cette même instance avait adopté à l'unanimité des résolutions similaires sur la prévention des génocides, c'était à propos du Rwanda. Et aujourd'hui, sur le même sujet, nous nous trouvons face à un déni. Le déni est le dernier stade du génocide. Et le déni est une insulte faite aux victimes. Ce que nous voulions dire avec cette résolution, tout comme le Royaume-Uni, c'est que la faute n'est pas collective, ni nationale, mais qu'elle est individuelle. C'est pour cela que nous appelions à cette résolution », rappelle l'ambassadrice.
Pourtant les fait sont clairs. Ils constituent un terrible acte d'accusation contre les dirigeant des Serbes de Bosnie mais aussi contre les gouvernements occidentaux qui ont abandonné la population de Srebrenica.
Les récentes révélations de Florence Hartmann, ancienne porte-parole de la procureure du TPIY, dont nous soutenons depuis 2009 le combat pour la vérité, apportent de preuves éclairantes de cet abandon qui a d'ailleurs déjà été jugé aux Pays-Bas en 2011.
Dès le mois de mars 1995, un ordre est signé par le chef des Serbes de Bosnie Radovan Karadzic à l'intention du chef militaire Mladic. C'est la fameuse "directive n° 7" , qui ordonnait aux soldats bosno-serbes de « créer une situation insupportable d’insécurité totale sans aucun espoir de survie ou de vie pour les habitants de Srebrenica ».
Le 11 juillet 1995, alors que les milices serbes de Bosnie approchent de l'enclave de Srebrenica, des dizaines de milliers de civils musulmans prennent la route de Potocari, à 8 kilomètres de distance de la ville. C'est là qu'est basé le quartier général du bataillon néerlandais de soldats de la (Force de protection des Nations unies (Forpronu). Quatre cent cinquante casques bleus y sont chargés d'assurer la protection des quelque 40 000 habitants de Srebrenica, en majorité des Musulmans
Parmi les réfugiés du camp néerlandais, il y avait le traducteur du bataillon, avec toute sa famille (père, mère et petit frère), et l’électricien. Le 13 juillet, l’électricien et le petit frère du traducteur furent chassés du camp par les militaires néerlandais. Le père du traducteur les suivit. Les trois hommes furent massacrés avec les autres, et à la fin de la guerre, leurs proches déposèrent une plainte contre le gouvernement des Pays-Bas.
Quand les miliciens serbes de Bosnie commencent à séparer les hommes des femmes, les soldats néerlandais le voient et laissent faire. Les hommes sont entassés dans des cars et seront exécutés. 8.000 hommes ont été tués et jetés dans les fosses communes par les forces serbes. Ce massacre a été, à juste titre, qualifié de génocide par la Cour Internationale de Justice et par le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPIY). L'ordre écrit donné en amont plusieurs mois en avance, puis sa réalisation par le tri et la séparation des hommes ainsi que leur extermination massive, "industrielle", portent les caractères du génocide.
Parmi les hommes qui ont choisi de se placer sous la protection des Nations unies, pratiquement aucun n'a survécu. Seuls ceux des habitants de Srebrenica qui se sont réfugiés dans les forêts ont eu un peu plus de chances de survie.
Le mandat de l'ONU en Bosnie prévoyait pourtant clairement un recours à la force en cas de besoin. Le 10 juillet, la veille du massacre, le commandant du bataillon néerlandais avait demandé au général français Bernard Janvier, qui assumait le commandement militaire des Nations unies en ex-Yougoslavie, de lancer des frappes contre les forces serbes de Bosnie. Mais il n'a pas été entendu.
Les Nations unies ont reconnu leur responsabilité dans le massacre de Srebrenica en 1999. Un rapport présenté par son secrétaire général d'alors, Kofi Annan, reconnaissait alors la « faillite de la politique dans des zones de sécurité ». Le rapport ajoute : « La communauté des nations, en décrétant un embargo sur les armes, a laissé les Serbes dans une position de supériorité militaire écrasante et a, en fait, privé la République de Bosnie-Herzégovine de son droit de légitime défense, consacré dans la Charte des Nations unies ». « La fourniture d'une aide humanitaire n'était pas une initiative suffisante face aux opérations de ´´nettoyage ethnique´´ et de génocide ». « Srebrenica a été le révélateur d'une vérité que l'ONU et le reste du monde ont comprise trop tard, à savoir que la Bosnie était une cause morale autant qu'un conflit militaire. La tragédie de Srebrenica hantera à jamais notre histoire ». Comme au Rwanda mais aussi au Sri-Lanka, autres lieux de faillite de l'ONU.
Nos pensées vont aux victimes du génocide de Srebrenica, à leurs familles marquées à jamais et dont la souffrance est entretenue et intensifiée par le négationnisme. Nous rendons aussi un hommage particulier aux militantEs serbes qui luttent pour la justice et la reconnaissance du génocide, dans des conditions particulièrement difficiles. C'est le cas notamment des "Femmes en noir", une association pacifiste dont la branche serbe fut créée au début des guerres de Yougoslavie et qui organise des rassemblements commémoratifs. C'est le cas aussi de l’association de jeunes "Youth Initiative for Human Rights" (YIHR) qui a mené dès 2005 une première campagne de sensibilisation en occupant la moitié des panneaux d’affichage de Belgrade. On y voyait s’étaler des photographies des victimes de Srebrenica accompagnées des mots : « Pour voir, pour savoir, pour se souvenir. ». Enfin, ces derniers mois, le journaliste et militant Dusan Masic a lancé l’initiative « 7 000 ». Son projet est de rassembler à Belgrade 7 000 personnes et les faire s’allonger symboliquement devant le Parlement serbe. Masic doute de pouvoir atteindre l’objectif. Mais, souligne-t-il, « si nous parvenons à rassembler ne serait-ce que 70 ou 700 personnes, ce sera tout de même le plus grand événement à la mémoire des victimes de Srebrenica jamais organisé en Serbie ». La police de Belgrade a interdit cette manifestation. Des organisations ultranationalistes avaient annoncé qu’elles empêcheraient par la force la tenue du rassemblement. Masic est personnellement la cible quotidienne de messages de menaces et de haine.
Pour faire face au négationnisme et à ses conséquences mortifères, les familles de Srebrenica, les Bosniaques, les combattants contre le négationnisme en Serbie, ont tous besoin de la solidarité de l'opinion internationale, afin de bâtir un autre futur.
MEMORIAL 98
Mise à jour du 29 novembre 2017
Au Tribunal de La Haye
Quelques jours après la condamnation à perpétuité de Mladic (voir ci-dessous) c'est un dirigeant des Croates de Bosnie, Jadranko Prlic, qui a été condamné en appel à La Haye à 25 ans de prison.
Cette audience en appel concernait six ex-dirigeants et chefs militaires des Croates de Bosnie, accusés notamment de crimes de guerre durant le conflit croato-musulman (1993-1994) qui a éclaté durant la guerre de Bosnie (1992-1995).
Le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie a toutefois été forcé de suspendre l’audience après que l’un des cinq autres accusés s'est suicidé sur place au moment de son verdict. Slobodan Prajak, condamné à 20 ans de prison, rejoint ainsi le geste d'autres auteurs de crimes contre l'humanité et génocides, mettant fin à leur vie afin de ne pas être jugés et condamnés. C'est le cas de Milosevic, initiateur et chef des guerres de l'ex-Yougoslavie ainsi que des dirigeants nazis dont Hitler, Goebbels et Goering ((ce dernier lors du procès de Nuremberg). Ces criminels détestent rendre des comptes.
Auprès des nationalistes de Croatie, l’homme de 72 ans, dont la vidéo du suicide tourne en boucle à la télévision, est considéré comme un héros. La semaine dernière, la présidente Kolinda Grabar-Kitarovic avait rédigé un message d’hommage, lu lors d’une promotion d’un ouvrage en son honneur, «Général Praljak». A l’annonce de son empoisonnement, la cheffe d’Etat a interrompu en urgence une visite en Islande.
Ses faits d’armes ? Avoir dirigé les forces de la république croate de Herceg-Bosna lors de violents combats contre la Bosnie en 1993 et 1994. Mercredi, le TPIY le jugeait lui et cinq autres ex-responsables pour «entreprise criminelle commune». En clair, d’épuration ethnique dans les zones qu’ils contrôlaient.
Cet ingénieur électricien de formation, diplômé de philosophie et de cinéma, et ancien directeur du théâtre de Zagreb est aussi cité pour avoir été à l’origine d’un des actes les plus symboliques de ce conflit dans les Balkans : la destruction du pont de Mostar.
Le pont de Mostar a été reconstruit à l’identique depuis
Construit par les Ottomans au XVIe siècle, l’ouvrage enjambait la Neretva, le fleuve qui traverse la ville de Mostar, partagée entre Bosniaques musulmans et Croates catholiques. Il symbolisait donc la possibilité d'une communication entre ces deux parties de la ville et entre ces deux populations. Le 9 novembre 1993, des tirs de l’artillerie de la république croate de Herceg-Bosna l’envoient s’écraser dans les flots. L’homme accusé d’avoir ordonné les frappes ? Slobodan Praljak. Sa défense ? «C’était juste un vieux pont», lâcha-t-il en 2004.
Une peine de quarante ans de prison avait été requise contre Jadranko Prlic, l’ex-dirigeant des Croates de Bosnie, déjà condamné en 2013 à vingt-cinq ans de prison en première instance pour avoir mené le "transfèrement" de populations musulmanes durant la guerre de Bosnie et pour avoir eu recours à des meurtres, des viols et des destructions de biens civils dans le but de créer une « grande Croatie ».
Durant la guerre, « des dizaines de milliers de Musulmans ont été expulsés de leur maison… des milliers ont été arrêtés et détenus dans d’horribles conditions », avait déclaré la représentante du procureur, Barbara Goy, lors des réquisitions en appel.
« Je ne faisais pas partie de la chaîne de commandement » des forces croates de Bosnie, , a affirmé M. Prlic aux cinq juges du TPIY, assurant que les Croates avaient été « forcés » de se défendre.
Ces actes sont qualifiés par l’accusation de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité, commis lors de la guerre en Bosnie (1992-1995) qui a fait plus de 100 000 morts et 2,2 millions de déplacés.
Siégeant à La Haye, le TPIY devait se prononcer mercredi pour la toute dernière fois avant d’achever ses travaux en décembre, après avoir consacré plus de vingt ans à juger ceux qui ont commis les pires atrocités en Europe depuis la seconde guerre mondiale.
MEMORIAL 98
Mise à jour du 6 juin 2017
Le chef de l’entité serbe de Bosnie, Milorad Dodik, en faveur du négationnisme, à quelques semaines du 22e anniversaire du génocide de Srebrenica.
Il vient de décider que les écoliers serbes de Bosnie ne trouveront pas mention dans leurs livres scolaires de l'acte de génocide commis à Srebrenica ou du siège de Sarajevo (voir ci-dessous)
Pour la justice internationale, le massacre par les forces serbes de Bosnie de quelque 8.000 hommes et adolescents bosniaques musulmans en juillet 1995, constitue un acte de génocide. C'est la pire tuerie commise sur le sol européen depuis la Deuxième Guerre mondiale.
De plus, durant la guerre intercommunautaire de 1992-95, Sarajevo a été soumise à un siège par les forces serbes de Bosnie, durant lequel bombes et snipers ont fait quelque 10.000 morts.
"Ces affirmations ne sont pas vraies et de tels livres ne seront pas étudiés ici, que cela plaise ou non", a prévenu Milorad Dodik, le président de la "Republika Srpska", dans des propos rapportés par la télévision de cette entité des Serbes de Bosnie.
Dodik soutient ainsi son ministre de l'Education Dane Malesevic qui a annoncé l'interdiction de livres scolaires, édités dans la Fédération croato-musulmane, l'autre entité composant la Bosnie. Selon les médias locaux, sont concernés les ouvrages faisant mention d'un génocide commis par des Serbes à Srebrenica ou du siège de Sarajevo.
"Nous avons des critères convenus avec l'OSCE (organisation pour la sécurité en Europe) et qui ne prévoient pas que de telles choses soient étudiées" en Republika Srpska, a insisté Milorad Dodik, qui s'exprimait à Banja Luka, capitale de l'entité serbe.
Il a dénoncé une volonté de tromper les élèves en voulant faire "enseigner dans nos écoles que nous avons commis un génocide". "Qui accepterait une telle chose?", s'est-il interrogé.
"Nous ne le permettrons pas. S'ils veulent étudier ce genre d'histoire qu'ils le fassent dans la Fédération" croato-musulmane, a ajouté le président de l'entité serbe.
Milorad Dodik a nié à plusieurs reprises qu'un acte de génocide ait été commis à Srebrenica. "Je vous le dis, nous ne reconnaîtrons pas le génocide. Le génocide n'a pas eu lieu", avait-il répété en juillet 2016 (voir ci-dessous).
Autrefois favori des Occidentaux qui ont facilité son accession au pouvoir, Milorad Dodik s'en est beaucoup éloigné.
Il estime que les institutions de la Bosnie, qui divisent le pays en deux entités largement autonomes, ne sont pas viables. Par le passé, il a brandi la menace d'un référendum d'autodétermination de son entité.
Plus que jamais, nous exprimons notre solidarité à la population bosniaque de Srebrenica, victime du génocide et du négationnisme ainsi qu'aux Serbes qui travaillent à l’établissement d'une mémoire partagée et respectueuse
MEMORIAL 98
Actualisation du 19 décembre 2016
Srebrenica solidaire avec Alep
Lors du rassemblement parisien de solidarité avec Alep le 19 décembre, un membre de Memorial 98 a présenté l'appel des " Enfants de Srebrenica " ci-dessous; à voir et à entendre ici
Alep/ Srebrenica: appel bouleversant de survivants du génocide de Srebrenica (Bosnie) en 1995 à propos d'Alep:
"Nous regardons avec effroi ce qui se passe à Alep, en Syrie. Des enfants, des femmes, des civils sont victimes d’atrocités. Des enfants, des femmes, des civils sont pris au piège dans un quartier de la ville assiégée, sans eau, sans nourriture, sans médicaments, sans électricité. Chacun de nous peut voir ces appels à l’aide désespérés qui viennent d’Alep, mais ce n’est pas suffisant de cliquer sur Facebook ou Twitter, de regarder, de partager sur nos murs, alors que pas un gouvernement ne bouge le petit doigt pour changer la situation. Il semble que les intérêts économiques et politiques de nos gouvernements sont plus importants que la vie des innocents.
Il y a seulement vingt et un ans, à Srebrenica, en Bosnie-Herzégovine, nous étions comme les gens d’Alep. Nos pères, nos frères, nos enfants étaient horriblement massacrés et d’autres le furent plus loin, dans le silence et nous regardions comme nous regardons Alep aujourd’hui. Nous lancions des appels désespérés à la communauté internationale. Nous imaginions que l’Europe ne permettrait jamais que cela arrive. Nous pensions que nous avions appris depuis l’Holocauste, depuis les camps de concentration et de la mort. Nous avions tort : c’est arrivé de nouveau. Et c’est arrivé sous le drapeau des Nations unies, dans une enclave protégée par les soldats de la paix des Nations unies. 8 329 personnes tuées, leurs corps jetés dans des fosses communes. Ce fut ce qui est connu dans le monde entier sous le nom de génocide de Srebrenica, le pire massacre survenu en Europe depuis la période nazie.
Aujourd’hui, nous ne pouvons plus rester silencieux devant ce qui arrive en Syrie et à Alep. Pendant des années, nous avons répété en chœur « Plus jamais ça » à chaque commémoration du génocide. Pendant des années, des ministres, des représentants de nos gouvernements ont demandé pardon pour leur responsabilité et répété « Plus jamais ça ». Avons-nous appris quelque chose de Srebrenica ? Combien faut-il de Srebrenica pour que nous comprenions quelque chose ? Combien d’innocents doivent-ils mourir pour que nos yeux s’ouvrent ? Combien d’enfants doivent-ils devenir orphelins pour toucher nos cœurs ?
Il est temps que l’humanité montre qu’elle a appris quelque chose. Il est temps de construire des ponts d’espoir entre tous les êtres humains. Il est temps d’abattre les murs des préjugés qui ont été érigés pour nous séparer. Il est temps de démilitariser nos pays. Chacun de nous est victime et responsable de la situation actuelle, chacun de nous a le pouvoir de la changer, de rendre ce monde meilleur. Si ce monde ne change pas maintenant, si ce monde n’ouvre pas ses portes et ses fenêtres, s’il ne construit pas la paix – une paix véritable – pour que nos enfants aient une chance d’y vivre, alors nous sommes incapables d’expliquer pourquoi il y a eu Srebrenica.
Peu d’entre nous ont survécu, et peu d’entre nous ont trouvé le courage de revenir vivre à Srebrenica. Mais aujourd’hui, il est de notre responsabilité d’appeler les gouvernements à nous écouter. Il faut arrêter la guerre en Syrie, il faut prendre en charge tous les civils victimes d’atrocité, il faut commencer un nouveau processus démocratique de construction de la paix. Aujourd’hui, il est de notre responsabilité d’appeler l’humanité entière à nous écouter. De pousser nos gouvernements à commencer la démilitarisation de nos pays. De fermer les usines d’armement. Nous appelons l’humanité toute entière à devenir humaine, sensible, à comprendre les besoins de l’autre et à être solidaire.
Vendredi 23 décembre, nous organiserons une manifestation pacifique au mémorial et au cimetière de Potočari où sont enterrés beaucoup de nos êtres chers tués durant le génocide de Srebrenica. Nous appelons une fois de plus le monde à ouvrir les yeux devant la situation en Syrie. Il y a 21 ans, le monde a fermé les yeux et nous a laissé nous faire massacrer comme des animaux. Nous espérons que tous ont tiré des leçons de cette douloureuse expérience. Nous espérons que le monde ne fermera pas les yeux une nouvelle fois. Nous espérons qu’il n’y aura plus jamais de Srebrenica, pour personne et nulle part au monde.
Les enfants de Srebrenica.
Répondons à cet appel en participant aux mobilisations pour la population d'Alep (voir ici)
MEMORIAL 98
Actualisation du 18 octobre 2016
Le nouveau maire de Srebrenica. Mladen Grujicic, est Serbe et ne reconnaît pas qu’un génocide s’est produit en juillet 1995 contre les musulmans bosniaques.
La ville-martyre de la guerre en Bosnie était dirigée sans interruption par des maires musulmans bosniaques depuis 1999.
Le candidat bosniaque musulman Camil Durakovic ne reconnaît toujours pas sa défaite, dénonçant des irrégularités.
Les Bosniaques de la villes s'étaient inquiétés des conséquences de cette victoire électorale en reprochant au nouveau maire serbe de ne pas reconnaître que le massacre de plus de 8.000 hommes et adolescents bosniaques en juillet 1995, était un acte de génocide comme l'ont décidé la justice internationale et l'ONU (voir ci-dessous)
Le nouveau maire serbe ne nie pas entièrement le crime commis contre les Bosniaques. Mais il rejette la qualification de génocide et affirme "vouloir tourner la page".
L'incitation au négationnisme vient de haut en l’occurrence de Milorad Dodik, chef de la Republika Srpska, l'entité serbe de Bosnie ( ci-dessous)
Nous sommes plus que jamais solidaires de la population bosniaque de Srebrenica, victime du génocide et du négationnisme ainsi que des Serbes qui travaillent à l’établissement d'une mémoire partagée et respectueuse
Memorial 98
Actualisation du 11 juillet 2016 : recueillement et négationnisme maintenu.
Des milliers de personnes ont rendu hommage lundi 11 juillet à Srebrenica aux victimes et particulièrement aux 127 personnes dont les restes y ont été enfin inhumés à l'occasion du 21e anniversaire du génocide.
En tout 8.372 hommes et adolescents ont été assassinés en quelques jours et jetés dans 77 fosses communes, Plus de mille corps sont encore recherchés, selon l'Institut bosnien pour les personnes disparues. Plus de 6.400 victimes sont enterrées à Srebrenica et 230 ailleurs.
Le même jour Milorad Dodik, chef de la Republika Srpska, l'entité serbe de Bosnie, a de nouveau nié ce génocide : "Je vous le dis, nous ne reconnaîtrons pas le génocide. Le génocide n'a pas eu lieu", a-t-il déclaré.
Actualisation du 9 juillet 2016 :
Nous commémorons le 21e anniversaire du dernier génocide du 20e siècle et rendons hommage aux victimes.
L'année 2016 est celle qui a vu enfin la condamnation de Radovan Karadzic (voir ci-dessus).
C'est aussi lors de cette année que la reconnaissance du génocide arménien a connu des avancées, notamment lors du vote du Parlement allemand en mai dernier