L'association MEMORIAL98, qui combat contre le racisme, l'antisémitisme et le négationnisme a été créée en janvier 1998, lors du centenaire de l'affaire Dreyfus.
Son nom fait référence aux premières manifestations organisées en janvier 1898, pendant l'affaire Dreyfus, par des ouvriers socialistes et révolutionnaires parisiens s'opposant à la propagande nationaliste et antisémite.
Ce site en est l'expression dans le combat contre tous les négationnismes
(Arménie, Rwanda, Shoah ...)
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Retrouvez aussi le quotidien de l'info antiraciste sur notre blog d'actus :
C'est une excellente nouvelle: ils ont gagné et avec eux tous ceux et celles qui les ont soutenu dans leur combat contre le racisme et les discriminations.
Victoire définitive de la lutte des cheminots: la SNCF renonce à se pourvoir en cassation. Le jugement de la Cour d'appel s'applique donc. Elle leur accordait des dommages et intérêts pour préjudice moral, de carrière et de retraite pour un montant total estimé à près de 160 millions d'euros
La direction de la SNCF persiste néanmoins à nier ses responsabilités
« Nous ne reconnaissons pas la discrimination, mais souhaitons de l'apaisement vis-à-vis de ces travailleurs marocains »
Après plus de 12 ans de procédure pour certains, la quasi-totalité des plaignants avaient obtenu gain de cause devant les prud'hommes en septembre 2015. Mais l'entreprise avait fait appel de cette décision. Leur avocate a fait part de son « grand soulagement », trouvant cependant « dommage » que la SNCF « soit toujours dans le déni ». « Je comprends ce renoncement comme une reconnaissance des discriminations qui ne dit pas son nom », a-t-elle ajouté
L'avocate a déjà commencé à distribuer des chèques à des clients, dont certains avaient « les larmes aux yeux » en le recevant. Elle en a fait de même auprès de veuves qui « n'osaient pas le toucher », affirmant « c'est mon mari qui aurait dû l'avoir »,
Le Défenseur des droits avait pointé devant la cour d'appel une discrimination « organisée, statutaire », qui n'est pas sans lien avec « notre histoire coloniale ».
La cour d'appel avait rejeté les arguments du groupe public ferroviaire. Elle « a constaté la réalité des différences de traitement alléguées, alors que les salariés réalisaient les mêmes tâches que les cheminots; la SNCF ne démontrait pas que cette différence de traitement était justifiée par des raisons objectives, et qu'en conséquence la discrimination était établie ». La cour d'appel, contrairement aux Prud'hommes, avait aussi reconnu un préjudice moral des salariés discriminés.
Le résultat de cette bataille extraordinaire doivent maintenant s'étendre à d'autres cas de discrimination raciste.
MEMORIAL 98
Mise à jour du 31 janvier 2018:
Nouvelle et grande victoire judiciaire contre le racisme: ce jour condamnation en appel de la SNCF pour discrimination contre 849 cheminots marocains durant 40 ans. Hommage à la détermination de ces salariés et à ceux et celles qui se sont mobilisé.e.s avec eux .
Memorial 98
Pour parler d'eux, la plupart des médias ont choisi le terme de Chibanis, plutôt que celui de « travailleurs immigrés ». Le mot se veut familier et évoque des « vieux », soit une affaire ancienne, détachée des réalités actuelles.
Pourtant, la victoire judiciaire des centaines de travailleurs marocains qui ont tenu bon pendant quinze ans de procédure face à la SNCF, un des fleurons de l'entreprise publique française, s'inscrit bien dans une histoire qui ne passe pas, parce que la discrimination organisée reste au cœur de notre société. Il ne s'agit pas seulement d'ailleurs d'une victoire matérielle, même si la somme globale dont devra s'acquitter la SNCF est importante, mais aussi d'une victoire symbolique immense, tant on pouvait penser perdu d'avance un combat mettant face à faces les travailleurs du bas de l'échelle avec une entreprise de cette puissance.
Il y a bien une continuité entre la lutte de ces salariés, main d'oeuvre amenée en France pour travailler le moins cher possible, et celle de ces milliers de sans-papiers qui ont, cet été dans les Yvelines, mené avec la CGT locale un combat exemplaire , contre les patrons de l'intérim qui connaissent parfaitement leur statut, et profitent pleinement de la précarité qu'il implique.
La part des étrangers dans la main d'oeuvre en France a toujours été importante, mais le montant de leur droit à la retraite reste bien bas comparé à celui des "nationaux". Les médias n'ont pas fini de nous les présenter avec un regard paternaliste, des pauvres vieux qui galèrent avec quelques centaines d'euros par mois.
Dans ce domaine, beaucoup de facteurs discriminatoires interviennent. Les retraites actuelles correspondent en partie aux parcours terribles de ces salariés de la deuxième partie du 20ème siècle. Les Trente Glorieuses et leur cortège d'acquis sociaux n'ont que peu existé pour les travailleurs immigrés, cantonnés aux tâches les plus dures et aux salaires les plus bas. Aux morts précoces aussi, car ces salariés ont travaillé dans tous les secteurs les plus dangereux, les plus polluants , les plus usants, notamment dans les mines et le bâtiment. Lorsque le chômage a frappé, les immigrés en ont été les premières victimes, premières victimes aussi des statuts dérogatoires au Code du Travail et de la précarité montante.
L'affaire des cheminots marocains est d'ailleurs exemplaire à ce titre: ils ont expérimenté les premières formes de déréglementation devenus communs aujourd'hui, à une époque où les autres travailleurs de ce secteur bénéficiaient pleinement des statuts de de l'entreprise publique. Leur passé est ainsi devenu notre présent, celui de la montée en force des statuts privés au sein même de la fonction publique, des contrats précaires et dérogatoires , des privatisations et de la sous-traitance.
Le racisme patronal et étatique des années 60 et 70 a bien été le laboratoire de la destruction du droit du travail survenue ensuite.
Et ce ne serait peut-être pas arrivé, si l'indifférence au racisme n'avait pas été une caractéristique assez répandue dans les organisations du mouvement ouvrier français : si aujourd'hui, tout le monde se réjouit de la « victoire des chibanis », force est de constater que la majorité des syndicats ne l'ont pas accompagnée, seul SUD-Rail était intervenant volontaire au procès.
Pourtant, historiquement, les travailleurs des colonies en métropole ont toujours été très actifs dans les luttes ouvrières : on l'a oublié aujourd'hui, mais dès les années 30, puis dans les années 50 les cortèges de l'"Etoile Nord Africaine" d'Algérie , puis ceux du PPA-MTLD sont toujours présents aux côtés des syndicats et notamment de la CGT; beaucoup de futurs militants du FLN ont commencé à lutter dans ce syndicat.
Le 14 juillet 1951, le cortège du MTLD à Paris regroupe 10 000 travailleurs, deux avant la répression sanglante qui frappera la manifestation de 1953 . Mais très vite après le début de l'insurrection algérienne en 1954, la direction de la CGT prend ses distances avec le mouvement qui va vers l'indépendance. Ses positions alignées sur celles du PCF et pour le moins frileuses, voire hostiles aux mouvements autonomes pour l'indépendance, amènent les travailleurs algériens à voler de leurs propres ailes
Dans les années 1970, après une participation massive des ouvriers immigrés à la grève générale de mai 68 ( à Renault-Billancourt, à l'époque, un tiers des ouvriers étaient des immigrés ), des mouvements éclatent à l'initiative des travailleurs eux même, notamment dans les usines dangereuses , comme celles de Penaroya qui exposent les travailleurs au plomb : elles aboutiront en 1977 à la reconnaissance du saturnisme comme maladie professionnelle.
La première grève générale contre le racisme est appelée en 1973 par le Mouvement des Travailleurs Arabes (MTA) : modestement suivie, elle n'en est pas moins une initiative antiraciste d'importance face aux crimes, aux violences et à une classe politique qui tient des discours féroces annonciateurs des politiques très dures qui vont être menées ensuite en matière d'immigration.
Face à ce racisme qui monte, les travailleurs immigrés ne peuvent pas toujours compter sur leurs syndicats. Les luttes menées dans les usines automobiles Talbot au début des années 80 se feront contre les syndicats patronaux racistes, mais aussi sans le soutien de la CGT. Celle-ci considère que les revendications des ouvriers trop dures et met en garde ( déjà ! ) contre l' « isolement » qui découlerait de pratiques trop autonomes et de la mise en avant de mots d'ordre spécifiques contre le racisme. C'est dans ce contexte que le premier ministre socialiste Pierre Mauroy dénonce les grévistes immigrés comme des "ayatollahs".
Par la suite, dans les années 80 et 90, l'antiracisme devient certes une réalité militante et sociale importante, mais c'est une nouvelle difficulté à laquelle les salariés immigrés et issus de l'immigration doivent faire face. Ils se heurtent à l'effacement progressif de l'analyse antiraciste concrète au profit d'une dénonciation certes vigoureuse mais assez souvent abstraite de l'oppression. Le « racisme » est de plus en plus souvent décrit comme une idéologie ravageuse, émanant de l'extrême-droite ou de la droite dure. En revanche elle de moins en moins perçue comme un rapport social quotidien auxquels sont confrontés les racisés, dans toutes leurs interactions avec la société, et notamment au travail. La montée du chômage de masse, qui frappe en premier lieu les jeunes issus de l'immigration, affaiblit les luttes salariales mais crée aussi une rupture dans les mémoires : les luttes ouvrières sont peu à peu oubliées et s'impose aussi l'image d'Epinal de l'immigré de première génération , qui ne faisait que bosser durement sans piper mot.
Cette représentation est d'autant plus forte qu'elle est partagée par des catégories de population aux intérêts contraires. D'une part, elle est exploitée par les politiques qui développent le discours sécuritaire raciste, celui qui pointe du doigt la jeune génération issue de l'immigration, prétendûment délinquante et désoeuvrée en l'opposant à celle des parents qu'on décrète brusquement respectables, après les avoir traités toute leur vie comme une classe dangereuse, mais « désarmés » et « perdus » face à la violence de leurs enfants.
Mais elle s'impose aussi indirectement dans le cadre de la révolte compréhensible des jeunes des années 70 contre le modèle salarial qui a dominé globalement la période précédente. La formule " ne plus perdre sa vie à la gagner" ne représente pas seulement un slogan étudiant, mais aussi la désafffection culturelle vis à vis de la figure de l'ouvrier qui réussira grâce à son travail et aussi à ses luttes. Le chômage de masse détruit la centralité de l'usine comme lieu de socialisation et aux yeux des jeunes générations l'absence de perspective d'ascension sociale rend encore plus insupportable la condition ouvrière. Dans ce contexte, l'incompréhension du modèle culturel parental amène aussi à l'oubli progressif des combats d'une génération qui n'a certes pas « bossé et fermé sa gueule » .
Bien au contraire, aujourd'hui, ces luttes apparaissent assez incroyablement modernes, au sens où la condition immigrée d'alors est aujourd'hui partagée par une part croissante des salariés, ceux qu'on appelle le précariat. La lutte des cheminots marocains pour obtenir l'égalité avec les cheminots français et la reconnaissance de la discrimination du statut spécial qui leur a été imposé, fait écho à celles des luttes de précaires de l'intérim , des vacataires de la fonction publique, qui aujourd'hui cherchent à sortir de la discrimination qui leur est imposée à travail égal. Et évidemment, il n'y a nul hasard dans le fait que les nouvelles générations issues de l'immigration soient exposées encore plus que les autres à ces formes de précarité.
D'ailleurs, on retrouve dans la politique de l'emploi appliquée aux publics des « quartiers populaires » , notamment les jeunes, et dans sa justification paternaliste, une survivance réactualisée du discours patronal de l'époque sur les travailleurs immigrés, ces gens à qui on « donnait » la chance d'avoir un travail qu'il n'auraient pas eus chez eux, et qui auraient donc été bien ingrats de se plaindre des conditions du contrat.
Aujourd'hui, c'est bien aussi au prétexte d' « offrir » un emploi aux « jeunes des quartiers » que tous les gouvernements ont multiplié les contrats précaires dérogatoires au Code du Travail, aux rémunérations extrêmement basses, aux possibilités de licenciement accrues, aux conditions les plus défavorables qui soient pour les salariés.
La victoire des salariés marocains de la SNCF ne clôt donc pas une période passée, dont les égarements discriminatoires seraient révolus, au contraire , elle ouvre beaucoup d'espoir pour la période actuelle, où le racisme est une réalité très quotidienne dans les entreprises. En premier lieu à la SNCF, où de nombreux salariéEs dénoncent le harcèlement et les humiliations dont ils sont victimes de la part d'autres collègues ou de la hiérarchie, sans que la direction ne réagisse jamais. Ce n'est d'ailleurs pas la seule entreprise dans ce cas : dans cette période de montée de l'extrême-droite, l'égalité entre salariés n'existe pas vraiment. Une fois encore l'indifférence des structures traditionnelles du mouvement ouvrier au racisme quotidien n'est pas exceptionnelle, et se ligue avec la peur de « déplaire » ou de « diviser » . Ceete attitude de déni contraint une nouvelle fois les salariés racisés à entreprendre leurs propres combats. L'affaire des caricatures et propos racistes dans l'entreprise Tango, où les salariés visés n'ont été que très peu soutenus par les syndicats, certains allant même soutenir les salariés racistes en est un bon exemple. Lorsque Memorial 98 a soutenu des syndicalistes de Chilly Mazarin ( 91) qui dénonçaient des caricatures islamophobes et racistes émanant d'une responsable de la CGT du département, nous avons reçu des témoignages de solidarité de militants de base, mais également des réactions plutôt négatives de militantEs syndicalistes ou de gauche nous reprochant d'avoir cautionné une démarche qui rendait public un "linge sale", qui aurait du se laver "en famille".
Quant à la discrimination patronale, elle ne joue pas seulement à l'embauche, et plusieurs décisions récentes des tribunaux en faveur des salariés montrent que de nombreux employeurs continuent à soumettre les racisés à un traitement de défaveur, en matière d'accès à la formation ou d'évolution de carrière.
Certes un changement majeur s'est produit: les combats des générations précédentes pour l'égalité ont conduit à l'émergence dans les nouvelles générations d'issus de l'immigration, de cadres, de membres des professions intellectuelles ou libérales, d'enseignants, de hauts fonctionnaires, de chefs d'entreprises petites ou moyennes,. Il y a bien aujourd'hui, malgré la discrimination , une classe moyenne issue de l'immigration. Le fait est que le racisme la ramène bien souvent à être avant tout « ça », c'est à dire racisée. Elle a développé et popularisé une forme d'antiracisme qui correspond à la situation spécifique d'oppression dont elle est victime, privilégiant la lutte contre la forme culturelle du racisme, qui s'incarne aujourd'hui dans l'islamophobie, et touche absolument toutes les couches sociales... et même les Ministres.
Ce n'est pas un hasard si la forme d'islamophobie la plus visible, celle qui frappe les femmes voilées voit les résistances en retour s'accumuler au niveau du lycée et de l'université. C'est là que se jouent les possibilités de promotion sociale, en tout cas dans l'imaginaire collectif républicain partagé très largement. Les discriminations dans ces lieux de savoir mais aussi d'accès au pouvoir sont donc particulièrement combattues, par celles qui la subissent. Elles sont en effet particulièrement ressenties comme un enjeu clé par l'ensemble des discriminés, et spécifiquement par les membres des classes moyennes supérieures qui ont suivi ce chemin pour en arriver à une position sociale supérieure à celle de leurs parents et grand-parents.
C'est évidemment très positif, dans le sens où ces luttes autour de l'égalité culturelle ont créé des axes de résistance et de reconnaissance, à un moment où l'antiracisme classique semble s'être épuisé.
Mais cela ne suffit pas, tant perdure et s'étend le racisme : pour les couches sociales basses, ouvriers, précaires, chômeurs, employés, celui-ci s'ajoute et se conjugue à une situation sociale de plus en plus dégradée. L'absence de grands mouvements sociaux inter-secteurs rend plus difficiles et plus limités les mouvements sectoriels. Et l'affaiblissement des mouvements sectoriels entraîne à son tour une moindre résistance au racisme comme division entre les salariés. L'extrême-droite aujourd'hui, est aussi une réalité dans l'entreprise, dont les transfuges syndicalistes vers le FN ne sont qu'un des symptômes. Les électeurs et électrices des partis mettant le racisme au cœur de leur idéologie sont aussi des collègues et, pire encore, des supérieurs hiérarchiques.
Avant les attentats de janvier 2015, on notait déjà une utilisation de l'islamophobie et de la peur du terrorisme par les patrons et l'Etat pour se débarasser de salariés un peu trop revendicatifs ou pour décourager la revendication. C'est le cas notamment dans le secteur des aéroports où les « suspicions d'islamisme » ont entraîné sans preuve des licenciements ou des refus d'habilitation par la Préfecture. Après les attentats , on a vu des employeurs tenter de criminaliser leurs salariés par le biais d'accusations d' « apologie du terrorisme », parfois même fondées sur la délation de collègues mal intentionnés.
Dans tous les secteurs de l'économie, particulièrement où la réalité de l'exploitation est forte, celle-ci se trouve doublée par les discriminations légales. Les conditions de travail particulièrement difficiles des sans-papiers en sont un exemple, mais cela va bien au delà. L'importance de la possession d'un contrat de travail pour renouveler son titre de séjour ou demander la nationalité française, est ainsi parfaitement connue par les employeurs. Ils savent dès lors pouvoir imposer plus à celles et ceux qui sont menacés non seulement par le chômage mais aussi par la perte éventuelle du titre de séjour où le danger de ne pouvoir accéder à une carte de résident.
De la même manière, le durcissement des règles pour l'obtention des droits sociaux a lourdement pesé sur la condition salariale. Ainsi l'exclusion du bénéfice des allocations pour les enfants entrés hors regroupement familial, les conditions de séjour régulier pendant plusieurs années nécessaires pour l'obtention des minima sociaux mais aussi l'impossibilité de percevoir les allocations chômage sans titre de séjour même lorsqu'on a cotisé, excluent une partie grandissante des salariés des filets de sécurité qui permettent aussi de mieux résister dans l'entreprise.
Et de manière encore plus vaste, les secteurs les plus durs, nettoyage, bâtiment, restauration, aide à la personne, voient se développer une politique extrêmement brutale qui allie l'utilisation de toutes les formes de précarité avec celle du racisme et des discriminations .
Mais comme dans les années 70 , ce sont aussi dans ces secteurs que se développent des luttes extrêmement combattives et souvent victorieuses, qui détonnent dans un paysage un peu amorphe. AInsi, les luttes des salariéEs de la restauration rapide, du nettoyage dans les hôtels, des télé-opérateurs concernent par la force des choses, énormément de personnes issues de l'immigration qui s'emparent, souvent jeunes, d'un syndicalisme de combat délaissé par d'autres secteurs salariéEs.
La victoire des salariés marocains de la SNCF ne clôt donc nullement une époque révolue. Au contraire, elle s'inscrit dans la continuité d'un antiracisme de combat, conjugué au quotidien avec la lutte pour la défense des droits de tous les salariés, un antiracisme du quotidien, déterminé et autonome, malgré une invisibilisation sociale persistante. Un antiracisme d'avenir.
Après l’émotion suscitée par le drame des réfugiés syriens, les photos du « rapport Cesar » qui documentent les tortures et assassinats du régime Assad jettent une lumière crue sur les causes de l’exil des Syriens et motivent une action de la justice française contre Bachar Al Assad. En toile de fond, les affrontements à la tribune de l’ONU sur les issues du conflit et les opérations militaires de Poutine visant les villes qui aspirent à une Syrie libre. Son projet d’un maintien au pouvoir du tyran de Damas doit être démasqué et combattu.
La carte ci-dessus démontre que les bombardements russe ne s'en prennent pas à Daech mais aux zones de l'opposition à Assad, laquelle combat aussi Daech.
Lors d’un rassemblement de soutien au soulèvement des Syriens, organisé à Paris le 25 juin 2011 devant le Panthéon, les Parisiens venus exprimer leur solidarité aux manifestants déjà massacrés à cette date avaient entendu le récit de la barbarie du régime Al Assad de la bouche de nos amis syriens.
Parmi leurs slogans, celui-ci avait suscité l’étonnement de participants en criant : « Honte à la Russie ! Honte à la Chine ! Honte à l’Iran ! Honte au Hezbollah ! ». Au cours des quatre terribles années de ce conflit, cet axe n’a cessé de montrer sa capacité de nuisance et chacun a vu qu’il faisait bloc avec l’extrême droite française, européenne, étasunienne même avec Donald Trump qui soutient Assad.
Grand fournisseur d’experts et d’armements au régime de Bachar Al-Assad, le gouvernement russe a une responsabilité morale et aussi très concrète dans les crimes commis envers le peuple syrien par sa présence militaire en Syrie avec ses bases à Tartous et à Lattaquié .
« Sauver la Syrie ou sauver Assad »
Une partie de l’opinion française s’inscrit, faute de mieux ou au nom d’une "real politik", dans un faux choix, celui qui exige de « choisir entre Assad et Daech ». C’est faire mine d’ignorer que Daech est la créature d’Assad et qu'il incarne l'alibi mis en avant par la dictature pour jouer les utilités, voire le "rempart contre le terrorisme"... et pour prétendre faire partie de "la solution".
Il en découle un positionnement pro-Assad qui est partagé par la droite dure avec Thierry Mariani, pivot du lobby pro-Poutine en France (Les Républicains), par le Front National avec Florian Philippot qui "préfère les méchants aux très méchants", par le Parti de Gauche qui se range à "la proposition russe faite par le ministre (des affaires étrangères de Poutine) S. Lavrov" ou par le Parti Communiste, quand Pierre Barbancey de l’Humanité ne voit que "de la pure sémantique diplomatique" lorsque F. Hollande écarte un avenir de la Syrie passant par Bachar Al Assad.
Le peuple syrien et ses insurgés existent encore !
Le point commun à ces positionnements est qu’elles traitent par le mépris absolu les acteurs essentiels : la population syrienne – vue comme simple spectatrice – et les Syriens qui avec son soutien continuent de se battre avec héroïsme pour une Syrie libre face à la dictature .
Pour ces politiciens, les opposants "modérés" auraient disparu ou seraient devenus de simples jouets des monarchies du Golfe.
Comme si les aspirations à une société civile dans un État de droit, particulièrement dans la jeunesse, avaient disparu en Syrie. Une double peine pour ceux qui là-bas osent encore en rêver, dans l'indifférence de trop de politiciens occidentaux qui n'en ont cure.
Qu'ont-ils d'autre à leur proposer que de garder sine die leur bourreau sous tutelle russe et iranienne ? La déclaration officielle française devant l’ONU ne s’y résout pas, ce qui est très honorable. Tandis que certains voudraient cacher sous la table les images des villes bombardées par le régime, des enfants coincés sous les décombres et des prisonniers suppliciés, les défenseurs des droits humains ont un rôle capital à jouer. En qualité de citoyens du monde, on ne peut se borner à compter les points, tandis que là-bas on compte les morts, et que de sombres calculs en préparent beaucoup d'autres.
"Union sacrée" pour Assad autour de l’axe russo-iranien
Poutine lui est cohérent et il compte juste sur la naïveté des gogos pour qu'on le laisse atteindre ses objectifs expansionnistes. A-t-on si vite oublié ses atrocités en Tchétchénie, le nettoyage radical de la capitale Grozny et l’installation du pantin-dictateur Kadyrov? Celui-ci a fait assassiner de nombreux Tchétchènes ainsi que des journalistes et des membres d’ONG. Prétendument engagé dans un combat contre l'islamisme, il impose aux femmes le port de tenues dites islamiques et a contraint la population à participer à une manifestation contre Charlie, au lendemain des attentats de janvier dernier.
Si l'engagement militaire russe en Syrie est avéré de longue date, il vient de changer de dimension en se présentant comme une réponse légitime à l’appel au secours du régime syrien. Mieux, il s'inscrit dans le cadre d'une "guerre sainte" contre le terrorisme. Les chasseurs-bombardiers russes en partance pour une mission de frappes en Syrie n’ont-ils pas été bénis avant leur décollage par les chefs de l'Eglise orthodoxe russe ? Comme l’a déclaré son porte-parole : "Le combat contre le terrorisme est une guerre sainte et aujourd'hui, notre pays est peut-être celui qui le combat le plus activement", ajoutant avec aplomb que "cette décision est conforme au droit international, à la mentalité de notre peuple et au rôle particulier que notre pays a toujours joué au Moyen-Orient". Pour le patriarche orthodoxe Kirill, "La Russie a pris une décision responsable en utilisant ses forces armées pour défendre le peuple syrien frappé par le malheur".
Même soutien de la part du grand mufti musulman de Russie, Talgat Tadjouddine. On connaît les convergences nationalistes ainsi que les liens d’intérêt et de corruption entre ces différentes hiérarchies ecclésiastiques et l’État russe.
De fait, on observe, du côté de Lattaquié en Syrie, une arrivée massive de matériels et de troupes russes au sol. Dans le même temps, des centaines de soldats iraniens, regroupés à Téhéran pour une parade devant le mausolée de l’ayatollah Khomeini, ont été acheminés en Syrie. Tout indique l’imminence d’une intervention terrestre à grande échelle, principalement motivée par l’objectif de pérenniser le régime syrien et de garder la main sur son avenir.
Les révélations de César et les premières frappes russes
Les premiers bombardements russes n’ont pas visé les positions de Da’ech, mais des villes acquises à la cause d’une Syrie libre et divers autres groupes rebelles (voir la carte qui figure en haut). Pour qui en aurait douté, l'objectif de Poutine n’est pas de réduire à néant Daech, mais bien de sauver le régime en l’aidant à neutraliser toute l’opposition. C’est un choc pour les gens qui croyaient sincèrement que la Russie jouerait une partition "loyale".
Dans le même temps, suite à une enquête éprouvante et minutieuse, les terribles photos des archives militaires sur la torture en prison, exfiltrées en 2013 de Syrie avec son auteur dit Cesar, ont resurgi avec la parution de l’ouvrage de Garance Le Caisne intitulé : « Opération César – au cœur de la machine de mort syrienne ». Prenant à témoin l’opinion, le Président François Hollande a confirmé le bien-fondé de sa position pour une solution politique ne passant pas par un maintien au pouvoir de Bachar Al Assad.
Dans le même esprit, les dirigeants français ont annoncé le lancement d’une action judiciaire contre les auteurs des crimes contre l’humanité et des crimes de guerre commis sous les ordres du régime syrien. Ces éléments sont de nature à montrer aux Français le vrai visage du despotisme qui pousse la Syrie au fond du gouffre et menace le monde.
L’extrême-droite française vénère Assad et Poutine
Le député du Rassemblement Bleu Marine, l’avocat Gilbert Collard se dit prêt à défendre Bachar al-Assad s'il est un jour traduit devant un tribunal international pour « crimes contre l'humanité ». « Nous avons besoin impérativement de l'aide de Bachar el-Assad sur le plan des renseignements, des informations, de la logistique, et si on veut se débarrasser des nazis d'aujourd'hui, l'Etat islamique, on a besoin de lui», a-t-il déclaré.
Pour la présidente du FN, l'ouverture en France, par le parquet de Paris, d'une enquête préliminaire pour crimes contre l'humanité visant Assad n'est qu'une « opération pour éviter que la Russie prenne la pôle position en matière diplomatique ».
Enfin dernièrement, Nadine Morano et Marion Maréchal-Le Pen se sont rendues à Moscou avec une poignée de parlementaires français pour participer à une conférence de propagande du régime russe intitulée « Forum parlementaire international ». Depuis Moscou, Nadine Morano a réitéré ses propos racistes, salué les bombardements russes en Syrie – qui visent l'opposition et des civils mais pas Da’ech – en voyant dans un retour à la "stabilité" en Syrie le gage d’un retour des réfugiés dans leur pays, et en qualifiant Bachar Al Assad de seul "interlocuteur crédible en Syrie" ! Elle a ainsi officialisé son entrée dans le club des relais de Poutine, y rejoignant le Front National, le député LR et raciste Thierry Mariani et l'ex-premier ministre Fillion.
Porter haut les valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité
Face à une telle offensive des partisans d’un pouvoir musclé et d’une société d’exclusion, il est vital d’en décrypter les ressorts et de lancer des alertes à la hauteur des dangers. Elles peuvent rencontrer un écho tant cette offensive prend un tour caricatural et donne dans l’outrance. Il est temps de développer l’exigence partagée d’une société inclusive et d’un monde affranchi de la loi du plus fort incarnée par les dictateurs en place. Aidons les Syriens à réaliser leur rêve d’une Syrie libre.
Gérard Lauton pour Memorial 98
Articles précédents de Gérard Lauton pour Memorial 98:
Voir aussi, depuis le début de la mobilisation du peuple syrien en mars 2011 , les nombreux articles de Memorial 98 concernant la Syrie ici et sur nôtre blog d'actualités "L'Info Antiraciste", dont :
Dimanche 20 septembre 2015 aura lieu, sur le parvis du Mémorial de la Shoah à Paris, la cérémonie annuelle de commémoration dédiée aux victimes de la Shoah mortes sans sépulture.
Il est indiqué dans l'annonce de cette cérémonie que :" Après une allocution de l’historien Pierre Nora, un kaddish (prière pour les morts) sera récité par le rabbin Mévorah Zerbib."
Le discours commémoratif de ce moment important est ainsi confié à un historien tout à fait particulier et problématique.
En effet, Pierre Nora mène de longue date une bataille acharnée contre la reconnaissance du génocide des Arméniens.
Il a d'abord traité par le mépris l'existence même de ce génocide.
Ainsi, interrogé le 12 octobre 2011 sur France-Inter au micro de Bernard Guetta, et répondant à unequestion initiale portant sur la qualification de génocide pour les Arméniens, l'historien a asséné cette phrase terrible: « ... Si vous écrasez trois mouches, on peut aussi vous parler d’un génocide ». Quelques minutes auparavant, il avait affirmé: « ... Que la Turquie fasse tout pour reconnaître éventuellement son passé, encore qu’historiquement, l’affaire est très, très compliquée, je n’en suis pas spécialiste.Mais elle n’est pas univoque ». Puis : « Les Arméniens ont été à la fois les immenses victimes mais pas seulement les immenses victimes »
Ces propos ont été reproduits et condamnés à l'époque dans deux articles publiés sur le site Internet de la très officielle revue " L’Arche", organe du Fonds social Juif unifié, sous la signature de nos partenaires du Collectif VAN (Vigilance Arménienne contre le négationnisme). En revanche, ils ont été immédiatement utilisés par les relais de la propagande négationniste turque.
Très récemment, le même Pierre Nora a été auditionné le 24 juin 2015 par la Commission de la Culture, de l'Éducation et de la Communication du Sénat, à propos de la réforme du collège.
Et à nouveau, ce jour là, il est revenu à son obsession, consistant à minimiser, voire à jeter le doute sur la place de ce génocide, dont on commémore actuellement le 100e anniversaire.
Il déclare ainsi devant la commission: " ... Choisir de mettre l'accent sur le génocide arménien au sein du programme d'histoire consacré à la Première Guerre mondiale relève d'un choix idéologique et électoraliste..."
Pierre Nora ne peut évidemment plus poursuivre sa ligne précédente des " trois mouches écrasées" car il reconnait lui-même devant la commission sénatoriale que l'existence du génocide des Arméniens constitue un fait avéré, sans toutefois revenir sur ses déclarations de 2011.
Il choisit donc une autre cible, consistant à tenter de faire obstacle à l'enseignement de ce génocide en France. Puis, à la suite de ses arguments spécieux, Pierre Nora expose une fois encore son opposition de longue date à l'existence d'une loi pénalisant la négation du génocide arménien.
Cette loi, maintes fois promise, a été votée non sans difficultés, y compris dans les rangs d'une partie de la gauche, en décembre 2011 à l'Assemblée nationale et en janvier 2012 au Sénat, mais elle a été censurée avant sa promulgation par le Conseil Constitutionnel en février 2012. Une nouvelle loi a été promise par François Hollande, mais elle est sans cesse repoussée aux calendes grecques.
Alors qu'il est supposé commenter devant la Commission la réforme des collèges, Pierre Nora choisit plutôt de se prononcer sur un projet législatif qu'il craint de voir réapparaitre. L'éminent professeur est ainsi totalement totalement hors-sujet.
Par ailleurs, son principal argument contre la loi de pénalisation du génocide arménien est qu'il n'existe pas d'hostilité exprimée contre les Arméniens d'aujourd'hui, à la différence des Juifs. Il déclare ainsi: "La loi Gayssot (qui pénalise la négation de la Shoah) répondait à un antisémitisme ouvertement exprimé. Mais y a-t-il de l'antiarménisme? Je n'en ai jamais vu."
Nora se moque ou représente un monument d'ignorance.
L’État turc mène en permanence, avec les puissants moyens dont dispose un appareil étatique, une campagne négationniste mondiale, à base de manipulations de presse, de procès faits à des universitaires et chercheurs, de répression en Turquie même, afin d'empêcher l'utilisation du terme de "génocide".
Il est prêt à des concessions tactiques et à des ruses de langage pourvu que n'apparaisse pas ce terme de génocide, qui en effet signe l'"intentionnalité" de ceux qui l'ont organisé.
La commémoration du 100e anniversaire a ainsi constitué une leçon de choses, puisque le président turc Erdogan a choisi d'organiser du 23 au 25 avril dernier - et donc le 24 avril, date officielle de commémoration du génocide arménien en souvenir du 24 avril 1915 qui vit le début des arrestations d'Arméniens à Istanbul - une cérémonie internationale, glorifiant la bataille des Dardanelles. Ce faisant, Erdogan avait pour but de faire ombrage au centenaire du génocide arménien commémoré au même moment dans la capitale arménienne, Erevan, en présence de plusieurs chefs d'États.
L’historien Pierre Vidal-Naquet, auquel Nora fait référence en raison de leur opposition convergente aux lois dites "mémorielles" , avait ainsi déclaré à propos de la Turquie, en référence à Faurisson, symbole du négationnisme de la Shoah« ... Le cas le plus douloureux peut-être est, dans ce domaine, le cas de l’historiographie turque du génocide arménien de 1915. (…) Mettons-nous à la place des minorités arméniennes un peu partout dans le monde. Imaginons Faurisson ministre, Faurisson général, Faurisson ambassadeur, Faurisson membre influent des Nations unies, Faurisson répondant dans la presse chaque fois qu’il est question du génocide des Juifs, bref un Faurisson d’État doublé d’un Faurisson international et, avec tout cela, Talaat-Himmler jouissant depuis 1943 d’un mausolée solennel dans la capitale (turque)" Précisons que le mausolée en question se trouve à Istanbul et non dans la capitale Ankara.
Au passage, Nora se lance devant la Commission sénatoriale dans une interprétation toute personnelle de ce qui définit un génocide, et s'en prend au génocide des Tutsi au Rwanda. Il déclare ainsi: "... Car si nous nous référons à la définition qui a été donnée en 1945 (erreur supplémentaire, car la Convention de l'ONU à ce sujet date de 1948 NDLR ) , celle-ci suppose une intentionnalité - or, il y a une quantité de génocides, par exemple au Rwanda, où vous ne retrouvez pas l'ordre initial comme vous pouvez le faire pour d'autres..."
Nora fait ainsi une confusion totale (volontairement ou par ignorance) entre d'une part l'intentionnalité génocidaire, parfaitement documentée et démontrée dans le cas des Tutsi du Rwanda, des Arméniens et de la Shoah et d'autre part l'existence d'un mythique "ordre initial".
Celui-ci n'est d'ailleurs pas plus "retrouvé" dans le cas de la Shoah, car les chefs nazis ont, comme tous les génocidaires, pris la précaution de ne pas formuler par écrit un ordre d'extermination.
A quelques mètres de l'endroit où Pierre Nora prononcera son allocution, si elle est maintenue, se déroule en ce moment même au sein du Mémorial de la Shoah (et jusqu'en janvier 2016) une exposition intitulée " Le génocide des Arméniens de l'Empire ottoman, stigmatiser, détruire, exclure" (voir l'illustration en début de l'article)
Est-il concevable que deux discours aussi contradictoires cohabitent: d'un côté la volonté du Mémorial de la Shoah de faire toute leur place aux différents génocides du 20e siècle et ainsi de tisser des liens de fraternité entre les victimes de ces génocides et, du côté de Pierre Nora, un mépris affiché pour les " trois mouches écrasées" du génocide des Arméniens et le doute jeté sur l'"ordre initial" du génocide des Tutsi au Rwanda en 1994 ?
Il est encore temps pour Pierre Nora de se désister, tant son allocution claquerait comme une gifle infligée aux victimes arméniennes, juives, tutsi, qui ont subi une même volonté de les "stigmatiser, détruire, exclure".
Nous incluons dans ce combat, la mémoire du génocide des Musulmans de Srebrenica, dernier génocide du 20e siècle, dont le 20e anniversaire a eu lieu en juillet dernier.
Nous participons depuis plusieurs années à la journée de sensibilisation aux génocides et de lutte contre les négationnismes à l'initiative de nos partenaires du Collectif VAN.
"Voilà plusieurs jours que l’image d’un enfant syrien mort sur une plage crie vers nous. On sait déjà que la photo du petit Aylan (Kurdi) signera désormais le drame de ces populations qui fuient actuellement leur pays. Et particulièrement les Syriens qui forment le tout premier contingent de ces masses de réfugiés ». Ainsi s’exprime l’association SouriaHouria (« SyrieLiberté ») qui soutient la révolution syrienne depuis son début en mars 2011.
La catastrophe humanitaire propulsée au premier plan
Depuis les quatre terribles années du conflit syrien, on aura rarement autant parlé des Syriens dans les médias qu’en ce mois de septembre 2015. Malgré le lobbying actif des courants pro-Assad en France, notamment celui de Marine Le Pen, osant dire que « les migrants syriens ne sont pas persécutés », malgré aussi le mutisme chronique des grands médias de l’audiovisuel sur la terreur d’État du régime Al Assad, les échos de la catastrophe humanitaire qu’elle a entraînée finissent par être entendus.
C’est ainsi que deux ans après l’attaque chimique du 21 août 2013 (1400 morts), le chef de l’État a déclaré le 7 septembre 2015 : « Bachar Al Assad, est-ce que je dois-je le rappeler, c’est lui qui est responsable de la situation en Syrie. C'est lui, lorsqu'il y a eu des manifestations, qui a tiré sur son peuple, c'est lui qui a bombardé des populations civiles, c'est lui qui a utilisé des armes chimiques. C’est lui qui a refusé toute discussion avec ses opposants, quand ils n’étaient pas enfermés ou tués. La solution ne peut pas passer par le maintien de Bachar Al Assad à la tête de la Syrie. La solution, c’est la constitution d’un gouvernement d’union très large, sans bien sûr les groupes terroristes ».
Après avoir laissé se développer en Syrie la plus grave catastrophe humanitaire depuis le début de ce siècle, l’Union européenne entreprend un accueil organisé malgré le blocage de certains États. Si les pays nordiques et l’Allemagne ouvrent leurs portes avec bienveillance, les chiffres annoncés pour l’accueil de réfugiés en France restent très en deçà des besoins comme des possibilités.
Pourquoi bravent-ils les dangers et les barrages que l’Europe a mis pour se protéger de leur arrivée ? « La grande majorité d’entre eux parlent de leur maison détruite par les bombardements de l’aviation syrienne, par ces barils d’explosifs qui tombent du ciel tuant sans discrimination civils et combattants, faisant largement plus de victimes parmi les premiers. Ils parlent de la dictature et de la terreur des arrestations et des tortures. Ils évoquent un enfant mort, un frère arrêté, un parent tué, les maisons et les vies englouties, les quartiers entiers rasés, les disparus dont on est sans nouvelles, ils disent leur frayeur des snipers » comme l’expose SouriaHouria. C’est ainsi qu’ils quittent leur pays aimé mais devenu méconnaissable et surtout terriblement dangereux.
Réunir les conditions d’un accueil bienveillant
Jusqu’ici, les Syriens arrivés en France étaient exposés à la misère et à des tracasseries administratives. Après des années d’une politique frileuse et restrictive, l’émoi provoqué par les naufragés a conduit l’exécutif français à une ouverture, notamment sur le droit d’asile. Reste à obtenir que les pouvoirs publics aillent jusqu’au bout de la démarche en affectant les moyens d’un accueil digne en lien avec les décisions de l’UE. C’est indispensable pour que les associations, villes, départements et régions puissent mettre en œuvre des mesures concrètes d’un accueil bienveillant : démarches administratives et sociales, logement, scolarisation des enfants, santé, inscription des étudiants, insertion dans des activités professionnelles, lien social …).
Bachar al-Assad et Daesh sont les deux faces du même monstre
On entend souvent dire que les Syriens fuient surtout l’État islamique alors que le nombre prépondérant des victimes imputables au régime syrien est rarement cité. Par un tour de passe-passe incroyable, on en est venu à cette vision qui épargne Bachar Al Assad. Certes, les djihadistes participent largement au chaos du pays et au harcèlement de la population. Mais l’horreur qu’ils nous inspirent ne doit pas nous faire oublier qui est le premier responsable de cette situation : « C’est le régime syrien dirigé par Bachar Al Assad qui a fait plonger le pays dans la guerre en utilisant les armes contre son peuple et qui a largement favorisé et instrumentalisé les djihadistes qui se mettent aujourd’hui en scène sur nos écrans ».
Pour rappel, un "deal" a été conclu depuis 2011 par le régime avec les les djihadistes : libération massive de leurs prisonniers, aide à leur déploiement et engagement (tenu) à ne pas bombarder leurs positions, en échange d’une collaboration pour décimer les opposants aspirant à une Syrie libre, c'est-à-dire les combattants de la "rébellion modérée" dans le langage des médias.
Enfin, le régime syrien s’est allié à plusieurs états autoritaires : la Russie qui fournit avions de guerre, armements, experts et combattants, l’Iran qui agit comme puissance tutélaire et dont des gradés ont même pris le contrôle d’unités de l’armée syrienne, le Hezbollah libanais armé par l’Iran, des brigades chiites irakiennes et des soldats de Corée du Nord !
Pourquoi tant de passion pour la Palestine et d'indifférence pour la Syrie ?
« La différence d'identification aux victimes des conflits israélo-palestinien et syrien s'enracine dans les lignes de fracture qui traversent l'opinion publique française. La propagande du régime syrien n'y est pas étrangère », selon Marie Peltier qui mène une action permanente pour le peuple syrien ; elle ajoute : « Assad a réussi brillamment à brouiller les pistes. En mobilisant à la fois un argumentaire profondément colonial (…) et une posture artificiellement "anti-impérialiste", se présentant comme (…) une victime du "grand complot mondial", Assad a rendu peu lisible un conflit politique dont la "complexité" découle essentiellement de manipulations – relayées abondamment par la gauche comme par la droite – qui ont semé la confusion, le doute et le désintérêt ».
De son côté, le regretté Wladimir Glasman, décédé récemment, animateur du blog « Un œil sur la Syrie », n’a cessé de livrer de précieuses clefs de déchiffrage de la propagande du régime Assad.
Malgré le tour caricatural d’un règne dynastique de 44 ans sans partage, un lobby très actif s’emploie toujours à la rendre respectable voire incontournable, y compris par la voix de Jean-Luc Mélenchon lorsqu’il déclare : « On commence par discuter avec ceux qui font la guerre, c’est-à-dire notamment avec Bachar al-Assad. L’attitude des Russes est beaucoup plus sensée que celle de n’importe qui ».
Un processus de transition sans Bachar Al Assad
Le 16 août 2015, on a déploré au moins 96 morts et des centaines de blessés suite aux raids des forces du régime sur un marché bondé à Douma. Le lendemain, les États-Unis et la Russie se sont entendus sur une « déclaration » au Conseil de Sécurité de l’ONU en vue d’un processus de transition politique aux contours ambigus. Sauf élément nouveau apportant de vraies garanties, cela ressemble au scénario d’août 2013 qui a permis de jeter le voile sur les crimes de Bachar El-Assad qui a utilisé des armes chimiques contre la population de la Ghouta, en faisant miroiter une solution qui n’est pas venue. Ce régime barbare peut ainsi se moquer impunément de la « ligne rouge » et des civils, et continuer d’offrir le meilleur contexte de recrutement pour les djihadistes.
Accueillir les réfugiés syriens, oui bien sûr ! Mais faute de mesures contraignant à un arrêt des bombardements, ce que demandent les Syriens et notamment une "zone d’exclusion aérienne" empêchant l’aviation du régime de semer la mort (no-fly-zone), l'horreur va se poursuivre et l’exode va s’intensifier.
Agir en ce sens relève du devoir d’ingérence pour faire respecter le droit humanitaire international et pour sauver les populations soumises depuis 4 années à des crimes de guerre et à des crimes contre l’humanité.
Mais les bombardements prévus par la Coalition n'ont en fait rien à voir avec une « no-fly zone » : ses avions vont croiser ceux du régime Assad, libres de voler avec leurs cargaisons d’explosifs à larguer sur les quartiers. Quant aux victimes civiles faites par la coalition, elles sont déjà au nombre de 1500, car il est illusoire de prétendre bombarder Daech "chirurgicalement".
L’urgence commande de prendre des mesures permettant vraiment un coup d’arrêt aux massacres, condition pour ouvrir la voie à un processus de transition sous la conduite d’un gouvernement de large union, sans Bachar Al Assad, en vue de la paix et d’une Syrie libre et pluraliste.
Gérard Lauton pour Memorial 98
Articles précédents de Gérard Lauton pour Memorial 98:
"La notoriété sécrète ses parasites; mépriser les parasites sous prétexte qu'on se sent supérieur à eux, ça ne marche simplement pas... Louis-Ferdinand Céline était médecin, et là-dessus il avait la même position que mon dermatologue".
Ces déclarations ont été faites par Michel Houellebecq, dans le cadre d'une attaque de l'écrivain contre le journal Le Monde, et spécifiquement à l'encontre de l'une de ses journalistes, Ariane Chemin, coupable de lui avoir consacré une série d'articles sans son accord.
Bien évidemment, l'appel à l'élimination des journalistes est transparent, comme on le pratique habituellement avec des "parasites".
De plus le fait qu'il se fasse sous couvert d'une métaphore relevant de l'imagerie médicale est déjà en soi connoté politiquement. Y ajouter la référence à Céline, c'est s'assurer que les choses soient encore plus claires et indiquer qu'on se réfère bien aux thèses d'extrême-droite les plus violentes.
D'autres que Houellebecq, moins célèbres, moins adulés, auraient sans doute fait l'objet d'une médiatisation un peu plus grande de leurs propos et de leur signification précise; nul doute que le caractère antisémite de cette déclaration eût au moins été questionné. Mais même dans sa réponse, Le Monde ne prononce pas ce mot là et n'évoque d'ailleurs même pas la référence célinienne.
Or, il n'est pas très compliqué de trouver quelques exemples de la prose de Céline et du contexte dans lequel celui-ci emploie le terme parasite.
Dans "Bagatelles pour un massacre", par exemple, son pamphlet antisémite le plus célèbre, publié en 1937: :« Les Juifs hybrides afro-asiatiques, quart, demi-nègres et proche-orientaux, fornicateurs déchaînés, n'ont rien à faire dans ce pays. Ils doivent foutre le camp. Ce sont nos parasites inassimilables, ruineux, désastreux, à tous égards, biologiquement, moralement, socialement, suçons pourrisseurs. Les Juifs sont ici pour notre malheur. Ils ne nous apporteront que du malheur […] Nous nous débarrasserons des Juifs, ou bien nous crèverons des Juifs, par guerres, hybridations burlesques, négrifications mortelles. Le problème racial domine, efface, oblitère tous les autres. ».
Il est vrai que le terme parasite, marqué par le racisme biologique délirant de Céline, désigne plus globalement ce dont le Juif est pour lui l'émanation la plus dangereuse, le métis: ainsi, dans un autre extrait où il développe l'idée que le cinéma est totalement contrôlé par les Juifs, on trouve ce paragraphe, encore une fois typique de son obsession biologique, qui est aussi celle des nazis:
« Zone Sud, zone peuplée de bâtards méditerranéens, dégénérés, de nervis, félibres gâteux, parasites arabiques que la France aurait eu tout intérêt à jeter par-dessus bord. Au-dessous de la Loire, rien que pourriture, fainéantise, infects métissages négrifiés. ».
Les défenseurs de Houellebecq répondront sans doute que celui-ci ne peut pas être accusé de faire référence à ces textes précis, et qu'apprécier Céline ne signifie pas que l'on cautionne sa prose antisémite. Mais, même s'il n'a jamais été mis en cause pour cela, Michel Houellebecq a bien explicitement cautionné la prose antisémite de Céline. C'était en 2011, dans un entretien aux Inrockuptibles: interrogé sur Bagatelles pour un massacre , Houellebecq répond: " Ca m'avait bien plu. Sans plus".
L'écrivain en profitait au passage pour mettre en doute l'antisémitisme réel de Céline, l'attribuant à un "opportunisme" destiné à s'arroger les bonnes grâces des autorités d'occupation. Ce faisant, il déforme la réalité historique, puisque le pamphlet antisémite "Bagatelles pour un massacre", pour ne citer que celui-ci, est publié en 1937, date à laquelle il n'y avait aucune autorité d'occupation à flatter.
Cette appréciation positive sur les affirmations antisémites et pro-nazies de Céline n'a pas à l'époque embarrassé les journalistes des Inrockuptibles. Il est vrai que Houellebecq est coutumier de ce flirt littéraire avec des écrivains violemment racistes et antisémites.
L'un de ses premiers opus est ainsi consacré à H-P Lovecraft et intitulé " Contre le monde, contre la vie".
Certes, dans cet essai, il ne fait pas l'impasse sur le racisme et l'antisémitisme de l'auteur fantastique, bien au contraire, il le condamne, assez formellement cependant. Car pour lui, Lovecraft est au fond un personnage tout à fait dans la lignée de ceux qu'il créera dans ses propres romans. Déjà il développe les "bonnes" raisons que Lovecraft aurait d'être raciste: une misanthropie globale accentuée par le monde moderne et son ultra-libéralisme. En affirmant dans cet essai que Lovecraft a écrit ses plus belles pages après être devenu raciste, Houellebecq annonçait au fond la couleur de ses ouvrages postérieurs et l'orientation qu'il leur donnerait.
Plus récemment, la plupart des critiques littéraires ont salué la "remise au gôut du jour " par Houellebecq de l'écrivain Joris Karl Huysmans. Dans "Soumission", le héros est en effet un universitaire spécialiste de l'auteur d'"A Rebours". Certes ce n'est pas en lisant ces critiques qu'on reliera cet hommage à un quelconque antisémitisme; la dépêche AFP consacrée à Houellebecq et Huysmans en janvier dernier, dépêche reprise par les rubriques littéraires du Point, de l'Obs ou du Huffington Post, évoque un "dandy sulfureux et provocateur" "décadent et desespéré", "converti au catholicisme".
"Sulfureux" dans le langage de certains commentateurs est décidément devenu l'euphémisme le plus répandu pour "antisémite violent". Huysmans (1) en effet, fut un contributeur régulier de la "Libre Parole", le journal de Drumont voué à la dénonciation des Juifs. Il y pourfend Émile Zola comme un dreyfusard qui se serait incliné devant la puissance juive suite à la publication de "J'accuse" en janvier 1898. Il donnera ensuite de nombreux articles au même journal. Il y développe un racisme biologique marqué, accompagné de thèses très classiques sur les "complots juifs et franc-maçons" qui dirigent la terrible marche du monde vers l'horrible modernité, celle des villes industrielles et des socialistes apatrides, en détruisant la tradition européenne catholique.
Anecdote significative de la parenté effective de Huysmans et de Houellebcq, l'antisémitisme du premier, avant d'être exposé publiquement, se retrouve d'abord dans sa correspondance privée, notamment... contre des directeurs de journaux ou des collègues, qu'il a tôt fait de traiter de "youtres" ou de "youpins ", dès lors qu'ils lui refusent un article ou émettent un jugement qui ne lui plait pas sur ses oeuvres.
La cohérence des références littéraires de Houellebecq est donc sans ambiguïté et se porte vers des auteurs racistes, antisémites, réactionnaires et/ou fascistes et pro-nazis. Que ces références correspondent à une vague culturelle plus large actuellement en France, et donc beaucoup mieux tolérée, ne change rien aux faits. Bien au contraire, c'est cette tolérance et cet engouement qui expliquent aussi le succès de l'écrivain: la trame et les héros de ses romans n'ont en effet rien de très original au regard de ses prédécesseurs.
Ses héros, cyniques, décadents, misogynes, revenus de tout, détestant la modernité font écho à la fois à celui d'"A Rebours", ou à ceux de Drieu La Rochelle. Quant au nihilisme prétendu de Houellebecq, il aboutit, en réalité, comme chez Huysmans, à une réhabilitation nostalgique de la réaction catholique et de la "vieille" Europe. En effet, l'homme sans Dieu et sans tradition est décrit comme faible, en comparaison avec les hommes du passé, et donc à la merci de n'importe quel "conquérant idéologique", ce qui constitue aussi la trame de "Soumission". D'ailleurs Houellebecq lève définitivement les ambiguïtés sur ce sujet, en déclarant en janvier 2015 non seulement qu'il n'est plus athée, mais également en vantant les bienfaits d'une religion forte, avec un clergé fort, ce qui selon lui manque à l'islam.
Houellebecq se situe pleinement dans la tradition réactionnaire et fasciste française, dans la veine littéraire des prédécesseurs dont il se réclame, une veine littéraire où l'antisémitisme est une composante majeure.
Le Juif y est tout à la fois l'apatride, l'envahisseur, le financier sans scrupules, le socialiste ou le libéral destructeur des valeurs sacrées des sociétés traditionnelles. Notons qu'il y est aussi, notamment chez Huysmans, un Oriental de part sa race et de par sa culture, et l'incarnation de l'ennemi de l'intérieur, le germe corrupteur et invasif plus dangereux que les hordes de barbares des temps passés, parce qu'il est présent d'emblée au sein des nations chrétiennes.
Dans l’œuvre de Houellebecq, on retrouve également cet archétype: mais désormais il s'incarne tout simplement dans le musulman né en France, .
Et comme on l'a vu, ceci n'exclut pas la référence décomplexée à l'antisémitisme, dès lors qu'il s'agit d'exprimer les frustrations d'un ego démesuré contre des journalistes qui ont eu le tort de ne pas s'incliner devant le maître.
D'ailleurs si la référence est aussi décomplexée, c'est que Houellebecq sait vivre avec son temps: un temps où une manière de distiller tranquillement le poison de l'antisémitisme européen peut consister à se prétendre "ami des Juifs", cette "amitié" se résumant uniquement au fait de les utiliser pour dénoncer le "nouvel antisémitisme", qui ne serait plus que celui des arabo-musulmans.
Ainsi dans "Soumission", le personnage principal a une liaison avec Myriam, une femme juive qui le quitte pour partir en Israël à cause de la montée de l'antisémitisme, déclenchée par l'arrivée au pouvoir d'un parti musulman. Comme le dit Houellebecq lui même "si Myriam est juive, c’est d’abord pour des raisons dramatiques : j’avais besoin de la faire partir, et dans le roman, c’était une bonne raison pour Myriam de quitter la France, d’être juive".
Les "raisons dramatiques" lui permettent ainsi de laisser libre cours à bon compte à ses fantasmes misogynes et racistes; Myriam est en effet réduite à "sa chatte qui s'étire à volonté", exactement comme les jeunes femmes maghrébines avec qui le narrateur décrit ses rapports sexuels en glosant sur leur "caractère soumis". D'ailleurs là encore, on retrouve un classique du racisme et de l'antisémitisme; la fascination dominatrice pour la femme de la "race ", qu'on honnit par ailleurs, se trouve au centre de nombreuses pages du "Gilles" de Drieu La Rochelle.
Comme Eric Zemmour, mais en mode littéraire, Houellebecq est un bon exemple d'une des fonctions de l'islamophobie la plus décomplexée. La hargne vengeresse et très populaire contre le musulman constitue le moyen le plus sûr de jouir soi-même des turpitudes sociales dont on accuse les autres. AInsi l'islamophobe Houellebecq peut-il, tout comme Zemmour qui réhabilite Pétain, se permettre la pire des misogynies, comme les références sans ambiguité à l'antisémitisme le plus décomplexé, tout en jouissant de la plus totale impunité critique, et en connaissant un succès immense
MEMORIAL 98
(1) A lire Huysmans un antisémite fin de siècle, de Jean Marie Seillan, étude sourcée par de nombreuses citations et dont sont tirées les informations de notre article,
Mise à jour du 2 Novembre 2019
Honte: Houellebecq a été promu chevalierde la Légion d'Honneur par Macron en avril dernier.
Cette cérémonie a été organisée en coopération avec le chef du magazine d'extrême-droite Valeurs Actuelles qui se nomme Geoffroy Lejeune.
Comme le raconte le journal Le Monde : "C’est aussi main dans la main que les deux hommes ( Lejeune et le porte-parole de Macron, Bruno Roger-Petit) ont imaginé puis organisé la remise de décoration à l’écrivain Michel Houellebecq dans les salons de l’Elysée, le 18 avril 2019. Le Prix Goncourt est devenu, avec Eric Zemmour et Marion Maréchal, un des héros de Valeurs actuelles. "
Ainsi est promu un raciste islamophobe qui voulait lancer un appel public à voter Le Pen et conseille à Wauquiez d'être encore plus "identitaire".
Houellebecq puise son inspiration chez les pires dont Céline et réhabilite l'antisémite Huysmans (voir ci-dessus )
Son nouveau livre "Sérotonine" bénéficie d'une intense campagne publicitaire et médiatique qui évacue et dissimule ses nombreuses prises de position racistes et sa vision d'une société française en déliquescence identitaire.
On apprend sans surprise que le parti d'extrême-droite allemand AfD apprécie particulièrement Houellebecq et notamment son livre précédent Soumission dont les références sont analysées ci-dessous
Ils se sont rencontrés le 31 mai dans l'Ouest parisien, pour parler politique. L'auteur de Soumission y aurait donné des conseils au leader de la droite. Lequel lui aurait confié être obnubilé par Marion Maréchal, incarnation du fascisme new-look
Selon des publications de presse, Houellebecq estime que Laurent Wauquiez doit se montrer encore plus «transgressif sur le fond» , c'est à dire encore plus tourné vers le racisme et l’islamophobie. Un conseil auquel Wauquiez se serait montré particulièrement réceptif, allant jusqu'à promettre qu'il assumerait «un peu plus la ligne identitaire».
Actualisation du 8 septembre 2016 :
Double claque pour Houellebecq et démonstration supplémentaire de ses convictions islamophobes et d'extrême-droite.
D'abord une bonne nouvelle judiciaire: il a perdu, ce 8 septembre, le procès qu’il avait intenté au journal Le Monde, à qui il reprochait d’avoir publié un mot écrit qu’il avait fait passer à son avocat lors de son procès en 2002 et dans lequel il avait griffonné : « Ma décision est irrévocable : les médias, pour moi, c’est fini. »
Le 20 août 2015, dans le cadre d’une série d’articles consacrés à l’écrivain, le quotidien était revenu sur son procès en 2002. Houellebecq était alors poursuivi pour avoir déclaré notamment que « la religion la plus con, c’est quand même l’islam ».
A travers ce procès Houellebecq entendait interdire aux journalistes d'écrire librement à son sujet.
Le même jour, l'universitaire écossais Gavin Bowd, ami de longue date de l'écrivain français et traducteur de Soumission, indique dans son dernier livre Mémoire d'outre-France que Michel Houellebecq a déclaré devant lui en 2013 vouloir appeler à voter Marine Le Pen.
Présents ce soir-là dans un appartement du XIIIème arrondissement parisien : une étudiante de la Sorbonne, Michel Houellebecq et Gavin Bowd. Michel Houellebecq aurait lancé : "Je vais donner une interview où j'appellerai à une guerre civile pour éliminer l'islam de France". Avant d'ajouter cette phrase : "Je vais appeler à voter pour Marine Le Pen" Et de poursuivre, devant les protestations de l'étudiante en affirmant que "le Front national n'est pas un parti d'extrême droite."
La mise à mort symbolique de Jean-Marie Le Pen, maintes fois mise en scéne depuis des mois, prend cette fois la forme d'une décision d'exclusion du FN. Mais derrière ces meurtres symboliques à répétition, en mode psychanalyse de bazar prompte à séduire les médias, les enjeux politiques sont-ils vraiment la naissance d'un parti qui aurait rompu avec le "passé fasciste" ?
Au printemps 2015, lorsque Marine Le Pen décide de priver son père du poste de président d'honneur du parti qu’il a fondé, les analystes sont quasi-unanimes : la marginalisation de Jean-Marie Le Pen signe la fin définitive de l' « ancien » FN et parachève la normalisation d'un parti qui aurait enfin accompli sa mue, laissant derrière lui la « vieille » extrême-droite pour devenir « simplement populiste ».
Les médias présentent alors la crise comme réglée d'avance et reprennent ainsi les éléments de langage de la faction de Marine Le Pen, censée incarner la rupture et la modération.
Mais, moins d’un mois après l'entretien à Rivarol de Jean-Marie Le Pen qui a accéléré la confrontation au sein du Front, le défilé frontiste 1er mai fait voler en éclat ces interprétations. Son déroulement heurté, avec journalistes agressés et frappés, tentative de lynchage des Femen par le DPS sous les acclamations et les appels au meurtre de la foule, discours de la présidente centré sur des attaques racistes contre l'immigration et la « cinquième colonne » des musulmans français, font apparaître la réalité immuable du Front National.
Immédiatement après cet épisode, ce sont les notables du FN, installés dans plusieurs mairies qui, tout en s'opposant formellement à Jean-Marie Le Pen, lancent des signaux extrêmement clairs en s'inscrivant comme ses héritiers idéologiques. Robert Ménard affirme ainsi qu'il a constitué un fichier des enfants musulmans dans sa commune. Le ciblage d'enfants, comme la revendication de pratiques extra-légales rompt avec la politique d'affichage gestionnaire pratiquée jusque là par les maires FN. Elle renvoit clairement à la précédente vague de mairies conquises par le FN dans les années 90; les élus se targuent alors de violer la loi et d'instaurer des mesures ouvertement discriminatoires.
Béziers n'est pas la seule commune à connaître une accélération des mesures racistes et anti-sociales, qui sont toutes mises en œuvre très ouvertement et assumées. A Beaucaire le maire prend des arrêtés de fermeture des snacks et commerces après 22H spécifiquement dans des zones où les commerçants issus de l'immigration sont nombreux. A Mantes la Ville, le maire accentue sa communication contre la construction de la mosquée, tandis que le Bloc Identitaire lui prête main forte avec un campagne de « terrain » qui tombe à pic. A Marseille, au mois de juin, le maire FN du 7e arrondissement Ravier envoie de nouveau une circulaire interdisant aux salariés municipaux de parler arabe : dans ce cas précis, l'objectif de propagande pure et de communication est parfaitement clair, puisque cette circulaire avait déjà été éditée l'année précédente. A Hayange, lors des cérémonies du 8 mai, Fabien Engelmann insulte publiquement le représentant de la CGT présent, une manière d'insulter aussi la mémoire de la Résistance, notamment communiste.
Durant tout le printemps et l'été on va également assister à une nette diversification des cibles municipales : dans la première année de leurs mandats, les maires FN s'étaient ainsi concentrés sur des associations connues nationalement comme la LDH , en terme de coupes dans les budgets et de mesures punitives : désormais, les élus multiplient dans leurs nouveaux budgets les suppressions de financements pour les centres sociaux ou d'animation, et s'attaquent également aux artistes, encore une fois de manière volontairement ostensible .
De la même manière, là où les analystes médiatiques évoquaient la disparition du discours antisémite et la rupture des liens avec la mouvance étiquetée comme telle, il apparaît que la mise au ban de Jean Marie Le Pen entraîne au contraire des positions publiques témoignant d'un réajustement et d'une réactivation du logiciel antisémite sous de nouvelles formes. Ainsi certains élus FN, comme Djamel Boumaaz, n° 2 du FN à Montpellier, diffusent-ils des communiqués spéciaux pour annoncer leur participation aux spectacles de Dieudonné. Marion Maréchal Le Pen, en condamnant son grand-père concernant la réitération de ses propos sur le « détail des chambres à gaz », prend le soin de minimiser elle-même l'ampleur des victimes du génocide en France. Dans Valeurs Actuelles, elle déclare " je n’oublie pas que le régime nazi et ses alliés ont mis mon pays à feu et à sang, que des milliers de mes compatriotes sont morts dans des conditions atroces, certains de confession juive victimes d’une politique raciste qui aura fait date dans l’histoire".
Or ce ne sont pas "des milliers " de Juifs qui sont morts dans les camps d'extermination: en réalité, entre le printemps 1942 et la Libération de 1944, 76 000 Juifs sont déportés vers les camps d'extermination, en 79 convois. 2 500 seulement reviendront. Un tiers sont des Juifs français, et deux tiers des Juifs étrangers. 14 % avaient moins de dix-huit ans et 12 % plus de soixante ans.
La mobilisation de la direction du FN autour de l'animateur du site Fdesouche, mis en garde à vue et perquisitionné (enfin ! ) fin juillet pour l'une des multiples plaintes dont il fait l'objet depuis des années, sans avoir jamais été condamné, va révéler indirectement l'unité réelle de l'extrême-droite, autour du racisme ET de l'antisémitisme.
Sautarel, alias « François de Souche » est en effet mis en cause pour avoir relayé le site Panamza. Or Panamza est un site qui prétend entre autres absurdités conspirationnistes que les attentats contre Charlie Hedo sont un « false flag » israélien et va jusqu'à désigner des commerces juifs du 19ème arrondissement comme des annexes du Mossad.
Panamza fait partie des sites ordinairement mis en avant par Egalité et Réconciliation (Soral) depuis des années. Pas très étonnant, puisque Icham Hamza l'animateur du site, est un propagandiste antisémite. Lors du procès de Youssouf Fofana, assassin d’Ilan Halimi, il réalise un « documentaire » qui consiste surtout à laisser Coutant-Peyre ( avocate de Carlos ) et les autres avocats de Fofana se livrer à des discours sur le « lobby » et le « chantage à l'antisémitisme », ou à la défense de Kemi Seba .
Présenté comme un parti qui a tranché avec l'extrême-droite radicale, le FN dans cette affaire s'inscrit pourtant bien dans un front commun à la fois avec Fdesouche, qu ne cache pas sa proximité idéologique directe avec Le Bloc Identitaire et avec la sphère antisémite la plus assumée.
Concernant la mouvance identitaire, celle-ci est officiellement intégrée à la liste de Marion Maréchal Le Pen dès le début de l'été , confirmant ainsi une tendance de fond inaugurée aux départementales où plusieurs militantEs proches de Vardon et de Nissa Rebela avaient déjà été incorporées aux listes FN. A Fréjus, David Rachline le maire soutient l'invitation du groupe néo-nazi In Memoriam aux Arènes de la ville.
Au plan européen, le FN sous l’impulsion de Marine Le Pen s'allie début juin aussi bien avec le très antisémite KNP polonais qu'avec le FPÖ , créé par d'anciens nazis afin de constituer un groupe commun au Parlement européen.
Bref, rien ne ressemble autant à l'ancien FN que le « nouveau » FN. Il ne s'agit pas pour autant d'éluder la réelle confrontation entre des tendances qui se déchirent tout autant pour le partage du pouvoir que sur le fond de la méthode à adopter pour le conquérir.
Sur le fond, et notamment sur l'antisémitisme, celui-ci demeure une matrice essentielle du fascisme. La divergence porte sur la manière de l'exprimer. Ce qui est reproché à Jean-Marie Le Pen, dans toute la communication des marinistes, ce n'est pas tellement le sens de ce qu'il dit, mais la forme utilisée et la « répétition ». Même dans la convocation adressée au président d'honneur pour le bureau du 4 août, parmi ses nombreuses réitérations sur le « détail », seule lui est reprochée celle d'avril 2015. Ceci sur quinze chefs d'accusation, où tous les autres propos, hormis sa déclaration sur l'Europe blanche à Rivarol, sont des propos dirigés contre Marine Le Pen, Florian Philipot ou Marion Maréchal Le Pen. On ne saurait mieux dire que les déclarations antisémites sur le « détail » constituent elles-mêmes un détail dans l'affrontement en cours au FN, malgré la communication médiatique.
Un détail d'expression : Jean Marie Le Pen parle comme un fasciste des années 60, alors que la direction du FN souhaite utiliser le langage du racisme et l'antisémitisme du 21ème siècle, celui qui au fond est parfaitement toléré socialement.
Lorsque Marion Maréchal Le Pen parle de l'Occupation et de Vichy, elle ne relativise pas plus les choses qu'Eric Zemmour, l'omniprésent commentateur raciste. En promouvant les artistes antisémites comme Dieudonné ou "In Mémoriam" au nom de la « liberté d'expression » (Marine Le Pen n'avait-elle pas qualifié son père de « punk » lorsque celui-ci prenait la défense de Dieudonné ? ), les élus FN expriment l'antisémitisme de la manière la plus populaire aujourd'hui.
D'ailleurs, contrairement à ce qui avait été dit un peu partout à l'été 2014 et interprété comme l'avènement d'une ligne « pro-israélienne » et anti-soralienne, la promotion d'Aymeric Chauprade aura fait long feu. Le théoricien violemment islamophobe et en guerre ouverte avec la mouvance Dieudonné-Soral aura été assez rapidement écarté de la direction du FN.
Jean-Marie Le Pen représente donc finalement un obstacle , non pas à l'avènement d'une ligne « modérée, » mais bien au contraire à la perpétuation d'une ligne classique d'extrême-droite au logiciel propagandiste renouvelé en toute tranquillité médiatique.
La meilleure preuve en est sans doute représentée par l’attitude des principaux concurrents du FN, les Républicains et leur président Nicolas Sarkozy. Dans la course à la démagogie raciste brutale , à la dénonciation des étrangers ou des pauvres, à la défense des dictatures de par le monde, la séquence politique actuelle laisse une impression tenace: lorsque Marine Le Pen n'est pas sur les plateaux, Nicolas Sarkozy la remplace parfaitement et il arrive même que les élèves « républicains » dépassent le maître frontiste.
De pétitions contre l'islam qui voudrait s'accaparer nos églises en pétitions contre les menus de substitution à la cantine ( même végétariens ), les Républicains rivalisent avec le Front de campagnes de propagande stigmatisantes. Nombre de ses élus partagent désormais ouvertement des contenus directement repris sur les sites d'extrême-droite.
Tandis que l'ex-président français déplore une non-alliance avec Poutine, ses élus multiplient les voyages à Damas pour lécher les bottes du dictateur syrien, soit exactement la ligne frontiste depuis des années.
Nicolas Sarkozy comme Estrosi et Ciotti ne cachent pas leur course de vitesse assumée pour « prendre ses électeurs au FN ». Ils savent qu'ils ont un avantage, celui de n'avoir pas comme président d'honneur Jean Marie Le Pen, ce symbole d'un demi-siècle d'extrême-droite, et du lien avec les fascismes originels européens,. Ceci leur permet évidemment une liberté d'expression et d'action plus grande sans encourir le risque d'être ramenés à un passé historique précis.
Bien loin d'affaiblir durablement le camp raciste et antisémite, l'affrontement actuel au FN révèle le cadre d'une crise de croissance plus globale, d'une reconfiguration politique historique française. La domination culturelle des thématiques d'extrême-droite atteint en effet un point culminant dans le champ politique ; toute une partie de la droite est désormais acquise aux thématiques et aux stratégies frontistes, tandis que le Front National a construit des bastions municipaux, une représentation importante au Parlement européen, une surface médiatique énorme. L'extrême-droite dans son ensemble dispose d'un vivier activiste et propagandiste très important : nul ne peut plus nier aujourd'hui sa capacité à imposer l'actualité même en partant de faits divers. La violence extra-légale, antisémite, islamophobe, contre les migrants, contre les Roms se banalise au fur et à mesure que des élus locaux n'hésitent pas à prendre des positions volontairement incendiaires.
Comme tout autre espace politique, celui du racisme, de l'antisémitisme et des idéologies de la haine attise les convoitises et les affrontements au fur et à mesure qu'il s'élargit. On se bat plus volontiers pour le pouvoir lorsqu'il est à portée de main que lorsqu'il est un rêve lointain et improbable.
On ne saurait d'ailleurs dans ce domaine ignorer l'importance des convoitises financières. Alors que des grands patrons comme Charles Beigdeber affichent ouvertement leurs sympathies frontistes, alors que les bénéfices des victoires électorales gonflent les caisses du FN, chaque tendance frontiste en veut sa part, tout comme beaucoup de fidèles partisans de Dieudonné ou Soral ont récemment rompu avec eux, en en raison de griefs relatifs à la répartition des revenus de la rente antisémite.
Pour autant, il n’y pas lieu d’en rester à un fatalisme passif : les affrontements internes à un camp politique l'affaiblissent toujours, ne serait-ce que par ses effets sur sa base. La guerre des chefs au FN comme celle qui se mène dans les sphères dieudonnistes affaiblit et désoriente des militanTes fascistes d'autant plus éprouvé(e)s par cette configuration que leur idéologie défend la primauté d'un chef incontesté comme la clef de voûte de la réussite politique.
Au moins 10 % des élus frontistes aux dernières municipales ont déjà quitté le FN ou déserté leur poste. Dieudonné et Soral ne sont plus aussi populaires et incontestés qu'il l'a été , beaucoup de ses fidèles de base ayant échoué à comprendre les affrontements successifs avec d'autres figures historiques du mouvement, de Moualek à Mathias Cardet en passant par Farida Belghoul.
L'avenir de cet affaiblissement dépend aussi de la capacité à créer un contre champ-politique, à reconquérir l'espace. En ce sens, la solidarité émergente avec les migrants, en Europe et en France constitue un bon exemple des transformations profondes du débat politique qui pourraient survenir si la gauche antiraciste osait redevenir elle-même, intransigeante contre chacune et toutes les formes de racisme et d'antisémitisme, même celles qui se font sous couvert d'antisionisme ou de défense de la laïcité.
Il faut surtout être capable de proposer une offensive pour l'égalité réelle qui attaque non seulement l'extrême-droite mais aussi le racisme structurel qui gangrène une société dans laquelle toute une partie de la population subit de plein fouet les effets quotidiens d'e discriminations sans cesse renouvelées.
Le prix Nobel de littérature 2019 pour Peter Handke, soutien du génocidaire Milosevic.
Handke aux obsèques de Slobodan Milosevic, devant le portrait du génocidaire serbe.
14 octobre 2019
Prix Nobel: aberrations et contradictions d'une institution.
Elle récompense cette année le premier ministre éthiopien Abiy Ahmed pour avoir fait la paix avec l'Erythrée, après avoir couronné Peter Handke, soutien des dirigeants serbes responsables de crimes de guerre et du dernier génocide du 20e siècle à Srebrenica en 1995.
De plus les viols de guerre ont été très répandus de la part des troupes serbes durant les guerres qu'elle ont mené contre la population bosniaque, comme l'ont montré de nombreux travaux. C'est lors de cette guerre que ces viols de masse ont été pris en compte pour la première fois par la justiceOr le prix Nobel de la Paix 2018 a été décerné au Dr Mukewege et à Nadia Murad pour leur combat contre ces viols ( voir ici) .
Le médecin congolais et la femme Yezidie (ci-dessus), violée et réduite en esclavage par Daech ont été récompensés pour "leur efforts pour mettre fin à l'emploi des violences sexuelles en tant qu'arme de guerre"
Le prix Nobel de littérature décerné à Handke constitue donc la négation des principes des prix Nobel de la paix et une action de soutien au négationnisme.
Memorial 98
Peter Handke se rend en Serbie en 1995, quelques mois après le génocide de Srebrenica du 12 juillet de la même année et qui a fait 8000 morts.
De ce séjour il rapporte un ouvrage de soutien aux chefs serbes, intitulé « Voyage hivernal vers le Danube, la Save, la Morava et la Drina » qui demandait « justice pour la Serbie ».
Il y explique notamment que les Serbes n’ont fait que répondre à une provocation des Musulmans bosniaques. Handke n’hésite pas à comparer les Serbes aux Juifs pendant le IIIe Reich et, en 1999, à voir dans Belgrade frappé par l’OTAN un « nouvel Auschwitz ». Salman Rushdie le propose pour le titre de « Connard international de l’année ». Susan Sontag, engagée auprès des habitants de Sarajevo bombardés sans relâche par l'artillerie de Milosevic, Mladic et Karadzic , déclare qu’elle ne lira plus un seul livre de l’Autrichien.
L’écrivain aggrave encore son cas. Le 20 mars 2006 il se rend aux obsèques de l’ancien président serbe Slobodan Milosevic, accusé de crimes contre l’humanité et de génocide qui s'est suicidé en prison à La Haye. il y dit : « Je sais ce que je ne sais pas. Je ne sais pas la vérité. Mais je regarde. J’écoute. Je ressens. Je me souviens. Pour cela je suis aujourd’hui présent, près de la Yougoslavie, près de la Serbie, près de Slobodan Milosevic. »
La semaine suivante, dans l’hebdomadaire allemand « Focus », il en rajoute: « Non, Slobodan Milosevic n’était pas un ‘‘dictateur’’ [...] Non, Slobodan Milosevic ne peut être qualifié de ‘‘bourreau de Belgrade’’ [...] Le motif principal de mon voyage, c’était d’être témoin. Témoin ni dans le sens de l’accusation ni dans celui de la défense.
En couronnant Handke, le prix Nobel de littérature cautionne le négationnisme de ce dernier et son appui aux massacres des chefs serbes. Ces derniers ont été enfin condamnés après avoir échappé à la justice internationale.
Leur croisade mortifère inspire les terroristes d'extrême-droite. Ainsi le tueur de Christchurch s'est motivé par la mémoire de leurs exactions ( voir ci-dessous)
Nous protestons contre ce prix et demandons qu'il soit retiré.
11 juillet 2019: Karadzic, condamné définitivement, inspire Brenton Tarrent, le tueur de Christchurch
Ce 24e anniversaire du génocide de Srebrenica, le 11 juillet 1995, suit de quelques mois la condamnation définitive de son ordonnateur, le chef des Serbes de Bosnie Radovan Karadzic, par le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie, le 20 Mars dernier.
Justice est ainsi faite, notamment en raison du génocide de Srebrenica en juillet 1995, qui fut le dernier génocide du 20 siècle.
Une coïncidence terrible rappelle à quel point les actions génocidaires et les crimes de guerre motivent et inspirent la poursuite des actes de violence raciste. Le tueur des mosquées de Christchurch, Brenton Tarrent, est obsédé par la croisade des nationalistes serbes contre les Musulmans de Bosnie.
Voir d'autres actualisations et mises à jour ci-dessous et à la fin de l'article
Memorial 98
Déclaration du 21 novembre 2017:
Mladic (à g.) et Karadzic dans leurs oeuvres.
Enfin! L'ancien chef militaire des Serbes de Bosnie, Ratko Mladic, a été condamné ce 22 novembre à la prison à perpétuité pour génocide (Srebrenica) , crimes de guerre et crimes contre l’humanité (notamment lors du siège de Sarajevo) par le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie. Au total, le « Boucher des Balkans » a été reconnu coupable de dix chefs d’accusation sur onze.
Le tribunal a estimé que Mladic avait contribué « de façon importante » au génocide commis en 1995 à Srebrenica.
La justice a également déclaré qu'il avait « personnellement » dirigé le bombardement de Sarajevo. La capitale de la Bosnie avait subi un siège meurtrier, notamment pour des milliers de civils, de 1992 à 1996. De façon plus générale, l’ancien général a été reconnu coupable d’avoir cherché à chasser les musulmans et les Croates du territoire bosniaque.
Mladic a immédiatement fait appelsa condamnation; il est soutenu par les nationalistes serbes dont certains sont au pouvoir. Ce sont eux qui l'ont abrité pendant ses 16 années de "cavale"
La présidente de l’association des mères des enclaves de Srebrenica et de Zepa, Munira Subasic, s’est, elle, dite « partiellement satisfaite » du verdict. Elle déclare:
« C’est plus que pour (Radovan) Karadzic (condamné à 40 ans de prison en mars 2016 voir ci-dessous). Mais ils ne l’ont pas reconnu coupable de l’accusation de génocide dans plusieurs villages (autres que Srebrenica) . »
Le haut commissaire aux droits de l’homme de l’ONU a salué la condamnation à perpétuité de l’ancien chef militaire des Serbes de Bosnie qu’il a qualifiée de « victoire capitale pour la justice ».
« Ce verdict est un avertissement aux auteurs de tels crimes qu’ils n’échapperont pas à la justice, aussi puissants soient-ils, et quel que soit le temps qu’il faudra. Ils devront rendre des comptes. »
Rappelons que l'ONU est gravement mise en cause dans le génocide de Srebrenica car ses troupes de " Casques Bleus", présentes sur place n'ont pas agi pour empêcher le massacre faute d'ordres dans ce sens (voir ci-dessous)
Il reste à espérer que les autorités et la population serbes acceptent et comprennent le sens de ce verdict et que recule là bas le négationnisme encore si répandu.
Il reste également à agir afin que soient empêchés d'autres massacres et crimes contre l'humanité en cours ou menaçants en Syrie (où sévit Poutine, allié fidèle du nationalisme serbe), au Burundi, en Birmanie contre les Rohingya, en Centrafrique, au Soudan...
Il reste également à imposer que soient enfin reconnus, par les autorités des pays qui les ont commis, le génocide des Arméniens ainsi que celui des Herero et Nama. Dans ce dernier cas il s'agit du premier génocide du 20e siècle alors que Srebrenica en fut l'ultime.
Il reste également à combattre toutes les formes du négationnisme, qui prend le parti des bourreaux contre les victimes. Les négationnistes participent du crime et en assument la responsabilité à travers leur négation. Il est donc légitime de les traquer et de les dénoncer .
Memorial 98 salue la condamnation de Mladic et y puise une volonté renouvelée de combattre contre le racisme et les négationnistes: le combat pour le justice et contre l'impunité se poursuit plus que jamais.
MEMORIAL 98
Voir d'autres actualisations et mises à jour à la fin de l'article ci-dessous
Le 11 juillet 2015, nous commémorions le 20e anniversaire de ce qui a constitué le dernier génocide d'un 20e siècle qui en connut tellement et rappelions son contexte:
Ce génocide est encore mal connu et reconnu, notamment en Serbie où la pression négationniste est forte. Le parallèle avec la position de l’État turc à l'égard du génocide arménien est frappante: les autorités serbes font des déclarations de contrition et de regret, reconnaissant des crimes, mais s'arc-boutent pour nier qu'il y ait eu un génocide commis par les milices serbes. Du coup, la population serbe est encouragée dans sa position de déni, comme c'est aussi le cas pour une grande partie de la population turque. Une réconciliation ne peut avoir lieu sans que soit reconnu le caractère génocidaire, exterminateur du massacre. Il ne s'agit pas d'arguties juridiques mais de la compréhension du processus d'"épuration ethnique" mis en oeuvre à l'égard des musulmans bosniaques et qui a fini par culminer dans le génocide. De ce point de vue on en est encore loin du compte.
Ainsi le Parlement serbe a adopté une déclaration et ses responsables se sont recueillis au mémorial où sont enterrées les victimes de Srebrenica. Mais le gouvernement refuse obstinément de reconnaître qu'un génocide ait été commis à Srebrenica, en Bosnie en 1995.
Le 7 juillet dernier, le Premier ministre serbe Aleksandar Vucic a annoncé qu'il se rendrait le 11 juillet à Srebrenica pour assister à la cérémonie marquant le 20e anniversaire du massacre. Mais le même Vucic, ancien ultra-nationaliste devenu "pro-européen" convaincu, refuse lui aussi de reconnaître qu'un génocide a été perpétré à Srebrenica. Sa visite sera donc vécue comme une provocation par les familles des victimes. Si la brutalité de ce massacre n'est pas remise en question par la population serbe, comme le montre un récent sondage réalisé en Serbie où 54 % des personnes interrogées l'ont condamné, la réalité d'un génocide est en revanche niée par 70 % des interviewés, intoxiqués par le négationnisme officiel.
Encore récemment, le président de l'entité des Serbes de Bosnie, Milorad Dodik, a affirmé que le génocide de Srebrenica était un « mensonge ».
En 2010, le président serbe de l'époque, le "pro-européen" Boris Tadic, plutôt connu comme non-nationaliste et démocrate, s'était déplacé à Srebrenica pour rendre hommage aux victimes et le Parlement avait adopté une déclaration condamnant « le crime commis (...) à Srebrenica » encore une fois sans que le mot-clé de génocide soit employé. « Je m'agenouille et demande que la Serbie soit pardonnée pour le crime commis à Srebrenica », a de nouveau déclaré son successeur Tomislav Nikolic en 2013 toujours sans prononcer le terme, après avoir carrément nié au début de son mandat, qu'un génocide se soit produit à Srebrenica.
Le Conseil de sécurité de l'ONU soumis au veto de Poutine
L'historien serbe Cedomir Antic estime « compréhensible » la position des dirigeants de Belgrade. « Accepter qu'un génocide a eu lieu équivaudrait à accepter l'accusation d'être un peuple génocidaire (position totalement contraire à ce que revendiquent les dirigeants musulmans bosniaques qui rejettent la notion de responsabilité collective comme le montre la déclaration citée plus bas NDLR ) et vous n'êtes plus alors un interlocuteur, personne ne négocie avec vous, la Serbie ne peut donc reconnaître cela. Entre autres, la survie de la Republika Srpska (RS) serait en question », a-t-il déclaré.
La Bosnie a en effet été divisée après la guerre en deux entités, la Republika Srpska (serbe) et la Fédération croato-musulmane. Les musulmans de Bosnie ont demandé à plusieurs reprises le démantèlement de la RS, fondée à la suite d'un génocide.
C'est la que réside le nœud des calculs politiques du régime de Belgrade et de Poutine, qui soutient le gouvernement serbe, quelques semaines après avoir assisté le 19 avril à la commémoration du génocide des Arméniens à Erevan. Le régime russe n'en est pas à une contradiction près, d'autant qu'il soutient aussi la répression par le gouvernement arménien de la grande révolte de la population du pays après l'augmentation brutale des tarifs de l'électricité. Il s'agit en fait toujours de la politique "néo-impériale" de Poutine qui s'étend de l'Ukraine à la Serbie et de la Crimée à la Géorgie. Les dirigeant serbes s'appuient sur Poutine afin de résister aux conséquences de la reconnaissance du génocide.
Vingt ans après cette extermination que les institutions internationales n'ont pas empêché, le régime russse a bloqué par son veto l'adoption par le Conseil de sécurité de l'ONU d'une résolution reconnaissant le massacre de Srebrenica comme un génocide. Le projet de résolution déclarait que l'ONU « condamne le plus fermement possible le génocide commis à Srebrenica » et affirmait que la reconnaissance de ce dernier est « une condition préalable à la réconciliation » en Bosnie. Pour le pouvoir russe, auprès de qui des responsables serbes de Bosnie sont intervenus, la résolution insiste trop lourdement sur les méfaits commis par les Serbes de Bosnie et risque d'aggraver les divisions.
Le veto russe est perçu comme une nouvelle provocation par les victimes du génocide, comme si le sort des populations bosniaques faisait une nouvelle fois les frais des interêts politiques de l'axe Belgrade-Moscou. Le travail de mémoire, qui inclut les visites sur le site, le retour à Srebrenica, la recherche des charniers et des corps manquants afin de pouvoir les inhumer dignement est ainsi bafoué. Mirsada Colakovic, ambassadrice de Bosnie-Herzégovine à l'ONU, dénonce l'insulte aux victimes en déclarant:
« Cette résolution du Conseil de sécurité est une nouvelle trahison envers Srebrenica. Et une nouvelle fois le Conseil de sécurité est désuni. Il y a un an, cette même instance avait adopté à l'unanimité des résolutions similaires sur la prévention des génocides, c'était à propos du Rwanda. Et aujourd'hui, sur le même sujet, nous nous trouvons face à un déni. Le déni est le dernier stade du génocide. Et le déni est une insulte faite aux victimes. Ce que nous voulions dire avec cette résolution, tout comme le Royaume-Uni, c'est que la faute n'est pas collective, ni nationale, mais qu'elle est individuelle. C'est pour cela que nous appelions à cette résolution », rappelle l'ambassadrice.
Pourtant les fait sont clairs. Ils constituent un terrible acte d'accusation contre les dirigeant des Serbes de Bosnie mais aussi contre les gouvernements occidentaux qui ont abandonné la population de Srebrenica.
Les récentes révélations de Florence Hartmann, ancienne porte-parole de la procureure du TPIY, dont nous soutenons depuis 2009 le combat pour la vérité, apportent de preuves éclairantes de cet abandon qui a d'ailleurs déjà été jugé aux Pays-Bas en 2011.
Dès le mois de mars 1995, un ordre est signé par le chef des Serbes de Bosnie Radovan Karadzic à l'intention du chef militaire Mladic. C'est la fameuse "directive n° 7" , qui ordonnait aux soldats bosno-serbes de « créer une situation insupportable d’insécurité totale sans aucun espoir de survie ou de vie pour les habitants de Srebrenica ».
Le 11 juillet 1995, alors que les milices serbes de Bosnie approchent de l'enclave de Srebrenica, des dizaines de milliers de civils musulmans prennent la route de Potocari, à 8 kilomètres de distance de la ville. C'est là qu'est basé le quartier général du bataillon néerlandais de soldats de la (Force de protection des Nations unies (Forpronu). Quatre cent cinquante casques bleus y sont chargés d'assurer la protection des quelque 40 000 habitants de Srebrenica, en majorité des Musulmans
Parmi les réfugiés du camp néerlandais, il y avait le traducteur du bataillon, avec toute sa famille (père, mère et petit frère), et l’électricien. Le 13 juillet, l’électricien et le petit frère du traducteur furent chassés du camp par les militaires néerlandais. Le père du traducteur les suivit. Les trois hommes furent massacrés avec les autres, et à la fin de la guerre, leurs proches déposèrent une plainte contre le gouvernement des Pays-Bas.
Quand les miliciens serbes de Bosnie commencent à séparer les hommes des femmes, les soldats néerlandais le voient et laissent faire. Les hommes sont entassés dans des cars et seront exécutés. 8.000 hommes ont été tués et jetés dans les fosses communes par les forces serbes. Ce massacre a été, à juste titre, qualifié de génocide par la Cour Internationale de Justice et par le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPIY). L'ordre écrit donné en amont plusieurs mois en avance, puis sa réalisation par le tri et la séparation des hommes ainsi que leur extermination massive, "industrielle", portent les caractères du génocide.
Parmi les hommes qui ont choisi de se placer sous la protection des Nations unies, pratiquement aucun n'a survécu. Seuls ceux des habitants de Srebrenica qui se sont réfugiés dans les forêts ont eu un peu plus de chances de survie.
Le mandat de l'ONU en Bosnie prévoyait pourtant clairement un recours à la force en cas de besoin. Le 10 juillet, la veille du massacre, le commandant du bataillon néerlandais avait demandé au général français Bernard Janvier, qui assumait le commandement militaire des Nations unies en ex-Yougoslavie, de lancer des frappes contre les forces serbes de Bosnie. Mais il n'a pas été entendu.
Les Nations unies ont reconnu leur responsabilité dans le massacre de Srebrenica en 1999. Un rapport présenté par son secrétaire général d'alors, Kofi Annan, reconnaissait alors la « faillite de la politique dans des zones de sécurité ».
Le rapport ajoute : « La communauté des nations, en décrétant un embargo sur les armes, a laissé les Serbes dans une position de supériorité militaire écrasante et a, en fait, privé la République de Bosnie-Herzégovine de son droit de légitime défense, consacré dans la Charte des Nations unies ». « La fourniture d'une aide humanitaire n'était pas une initiative suffisante face aux opérations de ´´nettoyage ethnique´´ et de génocide ». « Srebrenica a été le révélateur d'une vérité que l'ONU et le reste du monde ont comprise trop tard, à savoir que la Bosnie était une cause morale autant qu'un conflit militaire. La tragédie de Srebrenica hantera à jamais notre histoire ». Comme au Rwanda mais aussi au Sri-Lanka, autres lieux de faillite de l'ONU.
Nos pensées vont aux victimes du génocide de Srebrenica, à leurs familles marquées à jamais et dont la souffrance est entretenue et intensifiée par le négationnisme. Nous rendons aussi un hommage particulier aux militantEs serbes qui luttent pour la justice et la reconnaissance du génocide, dans des conditions particulièrement difficiles. C'est le cas notamment des "Femmes en noir", une association pacifiste dont la branche serbe fut créée au début des guerres de Yougoslavie et qui organise des rassemblements commémoratifs. C'est le cas aussi de l’association de jeunes "Youth Initiative for Human Rights" (YIHR) qui a mené dès 2005 une première campagne de sensibilisation en occupant la moitié des panneaux d’affichage de Belgrade. On y voyait s’étaler des photographies des victimes de Srebrenica accompagnées des mots : « Pour voir, pour savoir, pour se souvenir. ». Enfin, ces derniers mois, le journaliste et militant Dusan Masic a lancé l’initiative « 7 000 ». Son projet est de rassembler à Belgrade 7 000 personnes et les faire s’allonger symboliquement devant le Parlement serbe. Masic doute de pouvoir atteindre l’objectif. Mais, souligne-t-il, « si nous parvenons à rassembler ne serait-ce que 70 ou 700 personnes, ce sera tout de même le plus grand événement à la mémoire des victimes de Srebrenica jamais organisé en Serbie ». La police de Belgrade a interdit cette manifestation. Des organisations ultranationalistes avaient annoncé qu’elles empêcheraient par la force la tenue du rassemblement. Masic est personnellement la cible quotidienne de messages de menaces et de haine.
Pour faire face au négationnisme et à ses conséquences mortifères, les familles de Srebrenica, les Bosniaques, les combattants contre le négationnisme en Serbie, ont tous besoin de la solidarité de l'opinion internationale, afin de bâtir un autre futur.
MEMORIAL 98
Mise à jour du 13 mars 2018:
Le Parlement serbe refuse de reconnaître le génocide des Arméniens. Le vote sur une résolution présentée par le Nouveau Parti est écrasant: 139 contre et 7 pour. Pour ces députés il s'agit manifestement de refuser toute reconnaissance de génocide, de crainte de devoir prendre en compte celui commis par l'armée et les milices de leur propre pays à Srebrenica
Nous le notions ci-dessous dès 2015: "Ce génocide ( de Srebrenica) est encore mal connu et reconnu, notamment en Serbie où la pression négationniste est forte. Le parallèle avec la position de l’État turc à l'égard du génocide arménien est frappante: les autorités serbes font des déclarations de contrition et de regret, reconnaissant des crimes, mais s'arc-boutent pour nier qu'il y ait eu un génocide commis par les milices serbes. Du coup, la population serbe est encouragée dans sa position de déni, comme c'est aussi le cas pour une grande partie de la population turque. Une réconciliation ne peut avoir lieu sans que soit reconnu le caractère génocidaire, exterminateur du massacre. Il ne s'agit pas d'arguties juridiques mais de la compréhension du processus d'"épuration ethnique" mis en oeuvre à l'égard des musulmans bosniaques et qui a fini par culminer dans le génocide. De ce point de vue on en est encore loin du compte"
En ce vingt-deuxième anniversaire, les médias qui mentionnent Srebrenica rechignent encore à indiquer le caractère génocidaire du massacre, alors qu'il a pourtant été caractérisé comme tel par l'ONU. Les 8000 victimes ont été tuées "en raison de leur naissance" comme Musulmans bosniaques.
Nous rappelons l'engagement de rescapés de Srebrenica avec les habitants d'Alep soumis à un siège:
"Srebrenica solidaire avec Alep
Lors du rassemblement parisien de solidarité avec Alep le 19 décembre 2016, un membre de Memorial 98 a présenté l'appel des " Enfants de Srebrenica " ci-dessous; à voir et à entendre ici .
Le Conseil de sécurité de l'ONU soumis au veto de Poutine
L'historien serbe Cedomir Antic estime « compréhensible » la position des dirigeants de Belgrade. « Accepter qu'un génocide a eu lieu équivaudrait à accepter l'accusation d'être un peuple génocidaire (position totalement contraire à ce que revendiquent les dirigeants musulmans bosniaques qui rejettent la notion de responsabilité collective comme le montre la déclaration citée plus bas NDLR ) et vous n'êtes plus alors un interlocuteur, personne ne négocie avec vous, la Serbie ne peut donc reconnaître cela. Entre autres, la survie de la Republika Srpska (RS) serait en question », a-t-il déclaré.
La Bosnie a en effet été divisée après la guerre en deux entités, la Republika Srpska (serbe) et la Fédération croato-musulmane. Les musulmans de Bosnie ont demandé à plusieurs reprises le démantèlement de la RS, fondée à la suite d'un génocide.
C'est la que réside le nœud des calculs politiques du régime de Belgrade et de Poutine, qui soutient le gouvernement serbe, quelques semaines après avoir assisté le 19 avril à la commémoration du génocide des Arméniens à Erevan. Le régime russe n'en est pas à une contradiction près, d'autant qu'il soutient aussi la répression par le gouvernement arménien de la grande révolte de la population du pays après l'augmentation brutale des tarifs de l'électricité. Il s'agit en fait toujours de la politique "néo-impériale" de Poutine qui s'étend de l'Ukraine à la Serbie et de la Crimée à la Géorgie. Les dirigeant serbes s'appuient sur Poutine afin de résister aux conséquences de la reconnaissance du génocide.
Vingt ans après cette extermination que les institutions internationales n'ont pas empêché, le régime russse a bloqué par son veto l'adoption par le Conseil de sécurité de l'ONU d'une résolution reconnaissant le massacre de Srebrenica comme un génocide. Le projet de résolution déclarait que l'ONU « condamne le plus fermement possible le génocide commis à Srebrenica » et affirmait que la reconnaissance de ce dernier est « une condition préalable à la réconciliation » en Bosnie. Pour le pouvoir russe, auprès de qui des responsables serbes de Bosnie sont intervenus, la résolution insiste trop lourdement sur les méfaits commis par les Serbes de Bosnie et risque d'aggraver les divisions.
Le veto russe est perçu comme une nouvelle provocation par les victimes du génocide, comme si le sort des populations bosniaques faisait une nouvelle fois les frais des interêts politiques de l'axe Belgrade-Moscou. Le travail de mémoire, qui inclut les visites sur le site, le retour à Srebrenica, la recherche des charniers et des corps manquants afin de pouvoir les inhumer dignement est ainsi bafoué. Mirsada Colakovic, ambassadrice de Bosnie-Herzégovine à l'ONU, dénonce l'insulte aux victimes en déclarant:
« Cette résolution du Conseil de sécurité est une nouvelle trahison envers Srebrenica. Et une nouvelle fois le Conseil de sécurité est désuni. Il y a un an, cette même instance avait adopté à l'unanimité des résolutions similaires sur la prévention des génocides, c'était à propos du Rwanda. Et aujourd'hui, sur le même sujet, nous nous trouvons face à un déni. Le déni est le dernier stade du génocide. Et le déni est une insulte faite aux victimes. Ce que nous voulions dire avec cette résolution, tout comme le Royaume-Uni, c'est que la faute n'est pas collective, ni nationale, mais qu'elle est individuelle. C'est pour cela que nous appelions à cette résolution », rappelle l'ambassadrice.
Pourtant les fait sont clairs. Ils constituent un terrible acte d'accusation contre les dirigeant des Serbes de Bosnie mais aussi contre les gouvernements occidentaux qui ont abandonné la population de Srebrenica.
Les récentes révélations de Florence Hartmann, ancienne porte-parole de la procureure du TPIY, dont nous soutenons depuis 2009 le combat pour la vérité, apportent de preuves éclairantes de cet abandon qui a d'ailleurs déjà été jugé aux Pays-Bas en 2011.
Dès le mois de mars 1995, un ordre est signé par le chef des Serbes de Bosnie Radovan Karadzic à l'intention du chef militaire Mladic. C'est la fameuse "directive n° 7" , qui ordonnait aux soldats bosno-serbes de « créer une situation insupportable d’insécurité totale sans aucun espoir de survie ou de vie pour les habitants de Srebrenica ».
Le 11 juillet 1995, alors que les milices serbes de Bosnie approchent de l'enclave de Srebrenica, des dizaines de milliers de civils musulmans prennent la route de Potocari, à 8 kilomètres de distance de la ville. C'est là qu'est basé le quartier général du bataillon néerlandais de soldats de la (Force de protection des Nations unies (Forpronu). Quatre cent cinquante casques bleus y sont chargés d'assurer la protection des quelque 40 000 habitants de Srebrenica, en majorité des Musulmans
Parmi les réfugiés du camp néerlandais, il y avait le traducteur du bataillon, avec toute sa famille (père, mère et petit frère), et l’électricien. Le 13 juillet, l’électricien et le petit frère du traducteur furent chassés du camp par les militaires néerlandais. Le père du traducteur les suivit. Les trois hommes furent massacrés avec les autres, et à la fin de la guerre, leurs proches déposèrent une plainte contre le gouvernement des Pays-Bas.
Quand les miliciens serbes de Bosnie commencent à séparer les hommes des femmes, les soldats néerlandais le voient et laissent faire. Les hommes sont entassés dans des cars et seront exécutés. 8.000 hommes ont été tués et jetés dans les fosses communes par les forces serbes. Ce massacre a été, à juste titre, qualifié de génocide par la Cour Internationale de Justice et par le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPIY). L'ordre écrit donné en amont plusieurs mois en avance, puis sa réalisation par le tri et la séparation des hommes ainsi que leur extermination massive, "industrielle", portent les caractères du génocide.
Parmi les hommes qui ont choisi de se placer sous la protection des Nations unies, pratiquement aucun n'a survécu. Seuls ceux des habitants de Srebrenica qui se sont réfugiés dans les forêts ont eu un peu plus de chances de survie.
Le mandat de l'ONU en Bosnie prévoyait pourtant clairement un recours à la force en cas de besoin. Le 10 juillet, la veille du massacre, le commandant du bataillon néerlandais avait demandé au général français Bernard Janvier, qui assumait le commandement militaire des Nations unies en ex-Yougoslavie, de lancer des frappes contre les forces serbes de Bosnie. Mais il n'a pas été entendu.
Les Nations unies ont reconnu leur responsabilité dans le massacre de Srebrenica en 1999. Un rapport présenté par son secrétaire général d'alors, Kofi Annan, reconnaissait alors la « faillite de la politique dans des zones de sécurité ». Le rapport ajoute : « La communauté des nations, en décrétant un embargo sur les armes, a laissé les Serbes dans une position de supériorité militaire écrasante et a, en fait, privé la République de Bosnie-Herzégovine de son droit de légitime défense, consacré dans la Charte des Nations unies ». « La fourniture d'une aide humanitaire n'était pas une initiative suffisante face aux opérations de ´´nettoyage ethnique´´ et de génocide ». « Srebrenica a été le révélateur d'une vérité que l'ONU et le reste du monde ont comprise trop tard, à savoir que la Bosnie était une cause morale autant qu'un conflit militaire. La tragédie de Srebrenica hantera à jamais notre histoire ». Comme au Rwanda mais aussi au Sri-Lanka, autres lieux de faillite de l'ONU.
Nos pensées vont aux victimes du génocide de Srebrenica, à leurs familles marquées à jamais et dont la souffrance est entretenue et intensifiée par le négationnisme. Nous rendons aussi un hommage particulier aux militantEs serbes qui luttent pour la justice et la reconnaissance du génocide, dans des conditions particulièrement difficiles. C'est le cas notamment des "Femmes en noir", une association pacifiste dont la branche serbe fut créée au début des guerres de Yougoslavie et qui organise des rassemblements commémoratifs. C'est le cas aussi de l’association de jeunes "Youth Initiative for Human Rights" (YIHR) qui a mené dès 2005 une première campagne de sensibilisation en occupant la moitié des panneaux d’affichage de Belgrade. On y voyait s’étaler des photographies des victimes de Srebrenica accompagnées des mots : « Pour voir, pour savoir, pour se souvenir. ». Enfin, ces derniers mois, le journaliste et militant Dusan Masic a lancé l’initiative « 7 000 ». Son projet est de rassembler à Belgrade 7 000 personnes et les faire s’allonger symboliquement devant le Parlement serbe. Masic doute de pouvoir atteindre l’objectif. Mais, souligne-t-il, « si nous parvenons à rassembler ne serait-ce que 70 ou 700 personnes, ce sera tout de même le plus grand événement à la mémoire des victimes de Srebrenica jamais organisé en Serbie ». La police de Belgrade a interdit cette manifestation. Des organisations ultranationalistes avaient annoncé qu’elles empêcheraient par la force la tenue du rassemblement. Masic est personnellement la cible quotidienne de messages de menaces et de haine.
Pour faire face au négationnisme et à ses conséquences mortifères, les familles de Srebrenica, les Bosniaques, les combattants contre le négationnisme en Serbie, ont tous besoin de la solidarité de l'opinion internationale, afin de bâtir un autre futur.
MEMORIAL 98
Mise à jour du 29 novembre 2017
Au Tribunal de La Haye
Quelques jours après la condamnation à perpétuité de Mladic (voir ci-dessous) c'est un dirigeant des Croates de Bosnie, Jadranko Prlic, qui a été condamné en appel à La Haye à 25 ans de prison.
Cette audience en appel concernait six ex-dirigeants et chefs militaires des Croates de Bosnie, accusés notamment de crimes de guerre durant le conflit croato-musulman (1993-1994) qui a éclaté durant la guerre de Bosnie (1992-1995).
Le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie a toutefois été forcé de suspendre l’audience après que l’un des cinq autres accusés s'est suicidé sur place au moment de son verdict. Slobodan Prajak, condamné à 20 ans de prison, rejoint ainsi le geste d'autres auteurs de crimes contre l'humanité et génocides, mettant fin à leur vie afin de ne pas être jugés et condamnés. C'est le cas de Milosevic, initiateur et chef des guerres de l'ex-Yougoslavie ainsi que des dirigeants nazis dont Hitler, Goebbels et Goering ((ce dernier lors du procès de Nuremberg). Ces criminels détestent rendre des comptes.
Auprès des nationalistes de Croatie, l’homme de 72 ans, dont la vidéo du suicide tourne en boucle à la télévision, est considéré comme un héros. La semaine dernière, la présidente Kolinda Grabar-Kitarovic avait rédigé un message d’hommage, lu lors d’une promotion d’un ouvrage en son honneur, «Général Praljak». A l’annonce de son empoisonnement, la cheffe d’Etat a interrompu en urgence une visite en Islande.
Ses faits d’armes ? Avoir dirigé les forces de la république croate de Herceg-Bosna lors de violents combats contre la Bosnie en 1993 et 1994. Mercredi, le TPIY le jugeait lui et cinq autres ex-responsables pour «entreprise criminelle commune». En clair, d’épuration ethnique dans les zones qu’ils contrôlaient.
Cet ingénieur électricien de formation, diplômé de philosophie et de cinéma, et ancien directeur du théâtre de Zagreb est aussi cité pour avoir été à l’origine d’un des actes les plus symboliques de ce conflit dans les Balkans : la destruction du pont de Mostar.
Le pont de Mostar a été reconstruit à l’identique depuis
Construit par les Ottomans au XVIe siècle, l’ouvrage enjambait la Neretva, le fleuve qui traverse la ville de Mostar, partagée entre Bosniaques musulmans et Croates catholiques. Il symbolisait donc la possibilité d'une communication entre ces deux parties de la ville et entre ces deux populations. Le 9 novembre 1993, des tirs de l’artillerie de la république croate de Herceg-Bosna l’envoient s’écraser dans les flots. L’homme accusé d’avoir ordonné les frappes ? Slobodan Praljak. Sa défense ? «C’était juste un vieux pont», lâcha-t-il en 2004.
Une peine de quarante ans de prison avait été requise contre Jadranko Prlic, l’ex-dirigeant des Croates de Bosnie, déjà condamné en 2013 à vingt-cinq ans de prison en première instance pour avoir mené le "transfèrement" de populations musulmanes durant la guerre de Bosnie et pour avoir eu recours à des meurtres, des viols et des destructions de biens civils dans le but de créer une « grande Croatie ».
Durant la guerre, « des dizaines de milliers de Musulmans ont été expulsés de leur maison… des milliers ont été arrêtés et détenus dans d’horribles conditions », avait déclaré la représentante du procureur, Barbara Goy, lors des réquisitions en appel.
« Je ne faisais pas partie de la chaîne de commandement » des forces croates de Bosnie, , a affirmé M. Prlic aux cinq juges du TPIY, assurant que les Croates avaient été « forcés » de se défendre.
Ces actes sont qualifiés par l’accusation de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité, commis lors de la guerre en Bosnie (1992-1995) qui a fait plus de 100 000 morts et 2,2 millions de déplacés.
Siégeant à La Haye, le TPIY devait se prononcer mercredi pour la toute dernière fois avant d’achever ses travaux en décembre, après avoir consacré plus de vingt ans à juger ceux qui ont commis les pires atrocités en Europe depuis la seconde guerre mondiale.
MEMORIAL 98
Mise à jour du 6 juin 2017
Le chef de l’entité serbe de Bosnie, Milorad Dodik, en faveur du négationnisme, à quelques semaines du 22e anniversaire du génocide de Srebrenica.
Il vient de décider que les écoliers serbes de Bosnie ne trouveront pas mention dans leurs livres scolaires de l'acte de génocide commis à Srebrenica ou du siège de Sarajevo (voir ci-dessous)
Pour la justice internationale, le massacre par les forces serbes de Bosnie de quelque 8.000 hommes et adolescents bosniaques musulmans en juillet 1995, constitue un acte de génocide. C'est la pire tuerie commise sur le sol européen depuis la Deuxième Guerre mondiale.
De plus, durant la guerre intercommunautaire de 1992-95, Sarajevo a été soumise à un siège par les forces serbes de Bosnie, durant lequel bombes et snipers ont fait quelque 10.000 morts.
"Ces affirmations ne sont pas vraies et de tels livres ne seront pas étudiés ici, que cela plaise ou non", a prévenu Milorad Dodik, le président de la "Republika Srpska", dans des propos rapportés par la télévision de cette entité des Serbes de Bosnie.
Dodik soutient ainsi son ministre de l'Education Dane Malesevic qui a annoncé l'interdiction de livres scolaires, édités dans la Fédération croato-musulmane, l'autre entité composant la Bosnie. Selon les médias locaux, sont concernés les ouvrages faisant mention d'un génocide commis par des Serbes à Srebrenica ou du siège de Sarajevo.
"Nous avons des critères convenus avec l'OSCE (organisation pour la sécurité en Europe) et qui ne prévoient pas que de telles choses soient étudiées" en Republika Srpska, a insisté Milorad Dodik, qui s'exprimait à Banja Luka, capitale de l'entité serbe.
Il a dénoncé une volonté de tromper les élèves en voulant faire "enseigner dans nos écoles que nous avons commis un génocide". "Qui accepterait une telle chose?", s'est-il interrogé.
"Nous ne le permettrons pas. S'ils veulent étudier ce genre d'histoire qu'ils le fassent dans la Fédération" croato-musulmane, a ajouté le président de l'entité serbe.
Milorad Dodik a nié à plusieurs reprises qu'un acte de génocide ait été commis à Srebrenica. "Je vous le dis, nous ne reconnaîtrons pas le génocide. Le génocide n'a pas eu lieu", avait-il répété en juillet 2016 (voir ci-dessous).
Autrefois favori des Occidentaux qui ont facilité son accession au pouvoir, Milorad Dodik s'en est beaucoup éloigné.
Il estime que les institutions de la Bosnie, qui divisent le pays en deux entités largement autonomes, ne sont pas viables. Par le passé, il a brandi la menace d'un référendum d'autodétermination de son entité.
Plus que jamais, nous exprimons notre solidarité à la population bosniaque de Srebrenica, victime du génocide et du négationnisme ainsi qu'aux Serbes qui travaillent à l’établissement d'une mémoire partagée et respectueuse
MEMORIAL 98
Actualisation du 19 décembre 2016
Srebrenica solidaire avec Alep
Lors du rassemblement parisien de solidarité avec Alep le 19 décembre, un membre de Memorial 98 a présenté l'appel des " Enfants de Srebrenica " ci-dessous; à voir et à entendre ici
Alep/ Srebrenica: appel bouleversant de survivants du génocide de Srebrenica (Bosnie) en 1995 à propos d'Alep:
"Nous regardons avec effroi ce qui se passe à Alep, en Syrie. Des enfants, des femmes, des civils sont victimes d’atrocités. Des enfants, des femmes, des civils sont pris au piège dans un quartier de la ville assiégée, sans eau, sans nourriture, sans médicaments, sans électricité. Chacun de nous peut voir ces appels à l’aide désespérés qui viennent d’Alep, mais ce n’est pas suffisant de cliquer sur Facebook ou Twitter, de regarder, de partager sur nos murs, alors que pas un gouvernement ne bouge le petit doigt pour changer la situation. Il semble que les intérêts économiques et politiques de nos gouvernements sont plus importants que la vie des innocents.
Il y a seulement vingt et un ans, à Srebrenica, en Bosnie-Herzégovine, nous étions comme les gens d’Alep. Nos pères, nos frères, nos enfants étaient horriblement massacrés et d’autres le furent plus loin, dans le silence et nous regardions comme nous regardons Alep aujourd’hui. Nous lancions des appels désespérés à la communauté internationale. Nous imaginions que l’Europe ne permettrait jamais que cela arrive. Nous pensions que nous avions appris depuis l’Holocauste, depuis les camps de concentration et de la mort. Nous avions tort : c’est arrivé de nouveau. Et c’est arrivé sous le drapeau des Nations unies, dans une enclave protégée par les soldats de la paix des Nations unies. 8 329 personnes tuées, leurs corps jetés dans des fosses communes. Ce fut ce qui est connu dans le monde entier sous le nom de génocide de Srebrenica, le pire massacre survenu en Europe depuis la période nazie.
Aujourd’hui, nous ne pouvons plus rester silencieux devant ce qui arrive en Syrie et à Alep. Pendant des années, nous avons répété en chœur « Plus jamais ça » à chaque commémoration du génocide. Pendant des années, des ministres, des représentants de nos gouvernements ont demandé pardon pour leur responsabilité et répété « Plus jamais ça ». Avons-nous appris quelque chose de Srebrenica ? Combien faut-il de Srebrenica pour que nous comprenions quelque chose ? Combien d’innocents doivent-ils mourir pour que nos yeux s’ouvrent ? Combien d’enfants doivent-ils devenir orphelins pour toucher nos cœurs ?
Il est temps que l’humanité montre qu’elle a appris quelque chose. Il est temps de construire des ponts d’espoir entre tous les êtres humains. Il est temps d’abattre les murs des préjugés qui ont été érigés pour nous séparer. Il est temps de démilitariser nos pays. Chacun de nous est victime et responsable de la situation actuelle, chacun de nous a le pouvoir de la changer, de rendre ce monde meilleur. Si ce monde ne change pas maintenant, si ce monde n’ouvre pas ses portes et ses fenêtres, s’il ne construit pas la paix – une paix véritable – pour que nos enfants aient une chance d’y vivre, alors nous sommes incapables d’expliquer pourquoi il y a eu Srebrenica.
Peu d’entre nous ont survécu, et peu d’entre nous ont trouvé le courage de revenir vivre à Srebrenica. Mais aujourd’hui, il est de notre responsabilité d’appeler les gouvernements à nous écouter. Il faut arrêter la guerre en Syrie, il faut prendre en charge tous les civils victimes d’atrocité, il faut commencer un nouveau processus démocratique de construction de la paix. Aujourd’hui, il est de notre responsabilité d’appeler l’humanité entière à nous écouter. De pousser nos gouvernements à commencer la démilitarisation de nos pays. De fermer les usines d’armement. Nous appelons l’humanité toute entière à devenir humaine, sensible, à comprendre les besoins de l’autre et à être solidaire.
Vendredi 23 décembre, nous organiserons une manifestation pacifique au mémorial et au cimetière de Potočari où sont enterrés beaucoup de nos êtres chers tués durant le génocide de Srebrenica. Nous appelons une fois de plus le monde à ouvrir les yeux devant la situation en Syrie. Il y a 21 ans, le monde a fermé les yeux et nous a laissé nous faire massacrer comme des animaux. Nous espérons que tous ont tiré des leçons de cette douloureuse expérience. Nous espérons que le monde ne fermera pas les yeux une nouvelle fois. Nous espérons qu’il n’y aura plus jamais de Srebrenica, pour personne et nulle part au monde.
Les enfants de Srebrenica.
Répondons à cet appel en participant aux mobilisations pour la population d'Alep (voir ici)
MEMORIAL 98
Actualisation du 18 octobre 2016
Le nouveau maire de Srebrenica. Mladen Grujicic, est Serbe et ne reconnaît pas qu’un génocide s’est produit en juillet 1995 contre les musulmans bosniaques.
La ville-martyre de la guerre en Bosnie était dirigée sans interruption par des maires musulmans bosniaques depuis 1999.
Le candidat bosniaque musulman Camil Durakovic ne reconnaît toujours pas sa défaite, dénonçant des irrégularités.
Les Bosniaques de la villes s'étaient inquiétés des conséquences de cette victoire électorale en reprochant au nouveau maire serbe de ne pas reconnaître que le massacre de plus de 8.000 hommes et adolescents bosniaques en juillet 1995, était un acte de génocide comme l'ont décidé la justice internationale et l'ONU (voir ci-dessous)
Le nouveau maire serbe ne nie pas entièrement le crime commis contre les Bosniaques. Mais il rejette la qualification de génocide et affirme "vouloir tourner la page".
L'incitation au négationnisme vient de haut en l’occurrence de Milorad Dodik, chef de la Republika Srpska, l'entité serbe de Bosnie ( ci-dessous)
Nous sommes plus que jamais solidaires de la population bosniaque de Srebrenica, victime du génocide et du négationnisme ainsi que des Serbes qui travaillent à l’établissement d'une mémoire partagée et respectueuse
Memorial 98
Actualisation du 11 juillet 2016 : recueillement et négationnisme maintenu.
Des milliers de personnes ont rendu hommage lundi 11 juillet à Srebrenica aux victimes et particulièrement aux 127 personnes dont les restes y ont été enfin inhumés à l'occasion du 21e anniversaire du génocide.
En tout 8.372 hommes et adolescents ont été assassinés en quelques jours et jetés dans 77 fosses communes, Plus de mille corps sont encore recherchés, selon l'Institut bosnien pour les personnes disparues. Plus de 6.400 victimes sont enterrées à Srebrenica et 230 ailleurs.
Le même jour Milorad Dodik, chef de la Republika Srpska, l'entité serbe de Bosnie, a de nouveau nié ce génocide : "Je vous le dis, nous ne reconnaîtrons pas le génocide. Le génocide n'a pas eu lieu", a-t-il déclaré.
Actualisation du 9 juillet 2016 :
Nous commémorons le 21e anniversaire du dernier génocide du 20e siècle et rendons hommage aux victimes.
L'année 2016 est celle qui a vu enfin la condamnation de Radovan Karadzic (voir ci-dessus).
C'est aussi lors de cette année que la reconnaissance du génocide arménien a connu des avancées, notamment lors du vote du Parlement allemand en mai dernier
En Syrie, en Irak , au Nigeria, l’État Islamique/Daech et ses affiliés, dont Boko Haram, assassinent tous les jours, dans le cadre d'offensives militaires de grande ampleur. Dans certaines zones de Somalie, les attentats commis par les miliciens Chabab sont quasi-quotidiens. Dans ces pays, les groupes armés se revendiquant du djihad ne sont cependant qu'un des aspects de la terreur dans laquelle vivent quotidiennement des millions de gens. Ainsi en Syrie notamment, la guerre menée par le régime Assad contre sa propre population à coup d'armes chimiques et de bombardements ininterrompus, tue depuis 2011 et a produit le plus grand exode de réfugiés depuis bien longtemps.
Les évènements du 24 juin 2015 en Tunisie et en France ont immédiatement suscité dans les médias mais aussi chez les analystes politiques la thèse d'une « attaque concertée » et « mondiale » de l’État Islamique : d'un côté à Sousse, un attentat prémédité et immédiatement revendiqué par l'EI faisait des dizaines de morts, tandis qu'au Koweït, un autre attentat revendiqué ensanglantait une mosquée fréquentée par des chiites. De l'autre dans l'Isère, un homme, connu comme fondamentaliste, assassinait son employeur, le décapitait, prenait une photo de son meurtre et l'envoyait à ses contacts, puis tentait de faire exploser une usine où étaient présents les salariés. Une semaine après ce meurtre et cette tentative d'attentat qui aurait pu couter la vie à bien plus de victimes encore, il s'avère cependant que Daech n'a pas revendiqué et que l'homme en question choisit de mettre en avant d'autres motifs que politiques.
Il est psychologiquement normal que la mort violente, lorsqu'elle frappe à côté de nous ou touche des gens qui nous "ressemblent", comme dans le cas des touristes de Sousse, suscite plus de compassion et d'identification. La peur de mourir et d'être directement impacté par les crimes d'une organisation terroriste lorsqu'elle est supposée frapper dans notre pays est également dans l'ordre des choses.
La configuration chaines d'info en continu/réseaux sociaux incite chacun d'entre nous à réagir émotionnellement et rapidement, à chaque affirmation présentée comme une information: attendre des informations fiables et recoupées devient rare. La parole au conditionnel est souvent délaissée, chacun ayant la tentation de vouloir parler "fort"pour convaincre que son "analyse" est juste et assumée. Pour notre part, plus d'une semaine après les faits, nous sommes cependant conscients de ne pouvoir analyser qu'au travers d'informations partielles et de ne nous fonder sur beaucoup d' hypothèses. Nous ne sommes ni policiers ni juges d'instruction, nous ne sommes pas plus Ministres et nous ne savons donc concrètement que ce qui est dit médiatiquement d' évènements mondiaux. Cela n'empêche pas l'analyse mais la rend forcément partielle.
A partir de là, les discours politiques et médiatiques, eux, peuvent être de différentes natures. Or, ce à quoi l'on a assisté en France, ces derniers jours relève malheureusement du pire, de l'instrumentalisation de la peur et du chagrin à des fins démagogiques, racistes et pathétiques, dans la mesure, où en sus d'être discriminantes, elles ne répondent nullement au danger terroriste sous toutes ses formes.
Malgré les querelles, le premier ministre a fait un pas vers une ligne d'"unité nationale" sur le fond dans le cadre d'une ligne commune aux Républicains et au FN. La déclaration de Manuel Valls sur la "guerre de civilisation" a un sens politique inscrit dans un contexte. Les mots ont un sens précis. La droite s'est d'ailleurs bruyamment réjouie de cette "conversion" tout en se moquant du "retard" de Valls .
Les arguties sur le pluriel mis ou non à civilisation dans l'expression « guerre de civilisation(s) » sont hypocrites. Chacun sait, depuis le 11 septembre 2001, à quelles options sociales, politiques, militaires et policières se rattache l'usage de ce terme, d'ailleurs sans lien direct avec le livre de Samuel Huntington. Quinze ans de guerre en Afghanistan et en Irak en ont été la conséquence, avec les résultats catastrophiques que l'on connaît sur leur objectif affiché, l'éradication des mouvances terroristes se revendiquant du djihad. Alors qu'une partie de la société américaine et de ses dirigeants tire le constat d'échec de cette vision du monde et reconnaît officiellement les nombreuses dérives anti-démocratiques qu'elle a entrainé ( notamment l'usage de la torture et le mensonge d’État sur des éléments essentiels pour apprécier la validité du recours à la guerre) voici un premier Ministre de gauche qui valide sémantiquement cette vision du monde qui a causé tant de dégâts.
Cette déclaration de Valls est d'autant plus injustifiable qu'elle intervient après la publication récente d'un rapport parlementaire dans lequel de nombreux chercheurs et chercheuses ont mis en avant les impasses d'une explication purement religieuse du phénomène des ralliés européens et français à l’État Islamique, qu'ils passent à l'acte ou non. Manuel Valls passe ainsi à la trappe toutes les propositions d'explications fondées sur une analyse du phénomène comme relevant d'une emprise et de stratégies sectaires, toutes les constatations factuelles nombreuses sur un processus de radicalisation qui ne passe pas par les structures religieuses musulmanes. Au contraire la réussite de l'emprise sectaire est souvent conditionnée à la possibilité d'empêcher tout contact entre ces structures religieuses et l'adepte qu'on souhaite recruter. Ne restent donc de ce rapport, dans la bouche du premier Ministre, que les aspects et les thèses les plus sécuritaires et les plus orientées politiquement vers l'islamophobie, ceux également repris par les deux députés qui l'ont coordonné dont Eric Ciotti. Une manipulation assez courante dans la vie démocratique, les démagogues sachant fort bien que peu de gens vont consulter les versions intégrales des rapports parlementaires.
Au niveau national, la rhétorique de la guerre de civilisation ne fait que renforcer la division raciste, et la mise à l'écart des populations musulmanes ou supposées l'être. Bien loin de permettre une identification des dangers, elle renforce le discours confus et totalement incohérent de celles et ceux dont l'objectif est uniquement la stigmatisation islamophobe. Ainsi sur les chaînes d'info en continu, on aura ces derniers jours entendu de prétendus « experts », évoquer parmi les signes de radicalisation, non seulement le port de la barbe mais aussi le fait de la raser ( censé représenter un signe de plongée dans la clandestinité), l'affichage de la religiosité, mais également le fait de ne plus l'afficher. On retrouve là la stratégie classique de l'injonction contradictoire faite à une population qui ne peut qu'être suspecte. Une stratégie qui est aussi d'ailleurs au cœur du discours antisémite, lequel stigmatise le Juif religieux porteur de papillotes, tout en dénonçant comme encore plus dangereux le Juif « caché » et indétectable qui complote en secret.
De la même manière, après des années passées à dénoncer l' « islam des caves » comme terreau propice au terrorisme, désormais l'appel à la fermeture de mosquées s'intensifie, à la suite de l'agitateur néerlandais Gert Wilders, allié du FN au Parlement européen. On a pu ainsi assister à des raccourcis médiatiques assez impressionnants de la part d' « experts » tels que Mohammed Sifaoui, récemment reçu par la direction de la Délégation interministérielle de lutte contre le racisme et l'antisémitisme (DILCRA). Il s'agirait d'interdire non seulement les mosquées « salafistes », mais également celle des « Frères Musulmans », dont l'émanation française irait jusqu'au "Collectif Contre l'Islamophobie en France" (CCIF) . Interdire le CCIF pour combattre Daech ? Dérisoire et même criminel.
Nous sommes bien conscients que Mohamed Sifaoui et tant d'autres sont victimes de menaces réelles, qu'il serait grave de minimiser, particulièrement dans la situation actuelle, et après les assassinats terroristes du mois de janvier. La violence politique est partout. Les menaces quotidiennes que reçoivent les responsables d'associations musulmanes sont aussi une réalité, qui se traduit concrètement par une violence raciste et islamophobe en augmentation. Nous condamnons évidemment ces menaces, mais elles ne doivent en aucun cas conduire à prétendre que la critique de positions politiques constituerait une "complicité" objective avec les auteurs de ces menaces. Ce principe s'applique à tout.e.s celles et ceux qui sont la cible de menaces. Protester contre l'incendie d'une mosquée n'implique nullement de se ranger aux positions de son imam ou de les passer sous silence. Protester contre les menaces visant des intellectuels se revendiquant d'une orientation qu'ils déclarent porteuse d'une forme de laïcité radicale n'implique nullement de cesser de combattre leurs positions lorsque celles-ci sont en contradiction avec l'antiracisme.
En tant qu'universalistes antiracistes, nous n'avons aucune complaisance vis à vis des courants réactionnaires de l'islam politique. Les Frères Musulmans ne nous inspirent pas plus de sympathie que l'Opus Dei catholique. Ceci étant, nous ne rendons pas l'Opus Dei directement responsable des crimes de l'Armée du Seigneur (NRA) en Ouganda, pas plus que le bouddhisme n'est responsable des crimes de ceux qui s'en réclament et assassinent des Rohyngas musulmans en Birmanie ou au Sri-Lanka. Plus près de nous géographiquement nous n'attribuons pas à la religion orthodoxe le génocide des Musulmans de Srebrenica en juillet 1995 dont on va commémorer le 20e anniversaire dans quelque jours. Nous n'avons pas de raisons de le faire pour d'autres courants politico-religieux.
Cette assimilation relève des rhétoriques d'extrême-droite reprises par les Républicains, analysant le passage à l'acte d'individus ou de petits groupes sur notre sol, comme étant le symptôme d'une "cinquième colonne" dont les éléments seraient identifiables de par leur origine ou leur religion, tous membres d'un complot organisé et cohérent. Or ce n'est absolument pas la réalité. Le profil des sympathisants revendiqués de Daech fait ressortir des individus de toutes classes sociales, de toutes localisations géographiques, banlieusardes ou rurales et une proportion importante de "convertis" de fraîche date. Bien évidemment, le caractère isolé et complexe de certains actes comme celui de Yassine Salhi ne suffit pas d'emblée à exclure la qualification de terrorisme ni l'appartenance à une mouvance politique qui n'a plus besoin de recourir aux modes de socialisation physique qui prévalaient autrefois.
Mais le ralliement même purement symbolique à Daech, ne peut être analysé comme relevant de la seule action de ce groupe armé. Les fruits que Daech récolte ont été semés dans un terreau fertile, généré par tous les fauteurs de haine bien de chez nous.
Le rapport parlementaire sur la radicalisation évoque notamment l'imprégnation conspirationniste préalable de beaucoup de jeunes attirés par Daech: conspirationnisme antisémite, anti-scientifique, délires sur le complot Illuminati et franc-maçon qui sont accessibles en ligne sur les grands sites d'extrême-droite, bien plus facilement que sur n'importe quel site "salafiste/djihadiste".
Lorsque les élucubrations islamophobes de l'extrême-droite sont reprises en boucle par d'autres forces politiques, elles aboutissent donc finalement à banaliser l'ensemble du contenu rhétorique néo-fasciste qui alimente lui même le terreau terroriste.
Et ce d'autant plus, quand dans une hiérarchisation absurde et des dangers, d'aucuns répètent en bouche que l'"extrême-droite classique" ne tue plus. Le massacre de 9 personnes à Charleston est venu rappeler le contraire, aux Etats Unis. En Europe, les filières néo-nazies sont actives et meurtrières dans de nombreux pays, notamment en Allemagne. En France, plusieurs tentatives d'attentat contre des mosquées, impliquant des apprentis militaires ou des militaires ont été déjouées depuis deux ans, tandis que les révélations sur les trafics d'armes opérés dans cette mouvance se multiplient... dont certains auraient pu alimenter l'assassin des victimes de l'attentat à l'Hypercacher de VIncennes.
Au niveau international, plutôt que décréter une « guerre de civilisation », attribuant ainsi le statut qu'il souhaite à un groupé armé de 50 000 combattants au plus, condamné par l'immense majorité du milliard et demi de croyants musulmans, il serait grand temps de traduire en actes un universalisme des droits humains qui est bien absent des politiques concrètes. A quand un accueil massif des réfugiés syriens, victimes entre autres de Daech ? A quand l'arrêt des tentatives d'expulsion vers le Soudan des migrants victimes d'Omar El Bechir, dictateur sanguinaire et génocidaire poursuivi à ce titre par le Tribunal pénal international ? A quand des prises de position courageuses concernant les violations perpétuelles des droits humains commises par l'Arabie Saoudite , au lieu de la honte de voir nos dirigeants faire des condoléances flatteuses lorsque meurt un roi saoudien qui a sur les mains le sang des victimes fouettées et condamnées à mort ?
A quand également, la condamnation claire et concrète des régimes autoritaires qui utilisent le prétexte d'une guerre au terrorisme qu'ils ne mènent pas pour torturer, tuer et emprisonner arbitrairement ? Les milliers de condamnations à mort du régime militaire égyptien, qui touchent non seulement tous les sympathisants supposés des Frères musulmans, mais également les militantEs démocrates et révolutionnaires ne suscitent que le silence et les ventes d'avions de guerre Rafale. Au Nigeria, Amnesty International comptabilise au moins 14 000 jeunes hommes emprisonnés et torturés, des exécutions par asphyxie ou par privation de nourriture et d'eau, sous prétexte de lutter contre Boko Haram qui ne s'est jamais aussi bien porté.
On aurait pu donc pu espérer une réaction réfléchie, mesurée, solidaire.
Mais c'est exactement le contraire qui est train de se passer.
Il ne s'agit pas seulement des habituels boute-feu du Front National et des UMP-Reps complètement déchainés et jetant des barils d'huile brûlante en espérant un embrasement mais aussi du gouvernement et de ceux qui courent après les mêmes dangereuses rhétoriques. Souvenons nous qu'en 2012, la gauche critiquait fort justement la tentative de l'UMP d'orienter tout le débat national sur les prétendues questions "identitaires", et qu'il y a encore quelques semaines, beaucoup raillaient le fait que la première réunion de "réflexion" des Républicains soit consacrée à l'islam. Mais aujourd'hui, les mêmes semblent se rallier à l'idée d'une montée en puissance de ces thématiques propices à toutes les dérives racistes, jusqu'à la campagne présidentielle dont elle constituerait l'élément central.
Antiracistes et universalistes, nous soutenons que sont fondamentales la préservation des droits humains, la défense de toutes les minorités opprimées, la lutte sans faille contre tous les États et toutes les factions non-étatiques qui ont fait de la terreur leur mode de gouvernance ou de prise du pouvoir. Ce sont ces orientations qui doivent déterminer les politiques menées, sans s'arrêter à nos frontières.
A l'inverse, les forces qui se prétendent universalistes, tout en cédant aux sirènes du différentialisme, de l'islamophobie et du bouc émissaire fantasmé, ruinent l'universalisme réel.
Ce n'est certes pas cela qui affaiblira Daech, bien au contraire: il faut toujours garder à l'esprit que des vidéos de propagande de l'organisation djihadiste reprennent des captures d'écran du site Fdesouche, tandis que ce plus important site de l'extrême-droite française diffuse quant à lui les images de décapitation, d'assassinat et de torture de l'organisation terroriste. Lorsqu'à leur tour des forces politiques reprennent des thématiques d'extrême-droite, elles rendent donc un fier service à Daech qui ne souhaite rien tant qu'une mise en scène de la "guerre de civilisation", au singulier ou au pluriel.
De plus, celles et ceux qui orientent le débat vers de mauvaises questions auront la responsabilité d'une mauvaise réponse lors des prochaines échéances électorales. Une réponse de haine et de racisme.
Faire face à Daech, c'est défendre partout et toujours l'universalisme des droits humains, et l'ensemble des victimes de la haine et de la terreur. C'est dans ce cadre que nous sommes aujourd'hui solidaires des victimes de Sousse, de l'Isère, du Koweit, de Kobane tués le 24 juin mais aussi entre autres de celles des attentats de Boko Haram contre une léproserie le 27 juin et contre des civils les jours suivants au Nigeria
Nous mettons en débat ces principes, ces analyses et cette approche et appelons tous ceux et celles qui se réclament de l'antiracisme, de la solidarité, de l'universalisme à s'en saisir.
Un débat acharné se déroule depuis des années autour de l'existence même de la notion d'islamophobie.
Il est en train de voler en éclats suite à l'affaire "Marmiton", site de recettes envahi par des propos violents de ce type après avoir publié des recettes pour le Ramadan et avoir souhaité un bon Ramadan à tous. Nous saluons d'ailleurs les responsables de ce site qui réagissent fort dignement.
Rappelons que tout un courant, se drapant dans une laïcité manipulatrice, récuse le terme d'islamophobie, qui ne représenterait à ses yeux qu'une couverture pour des intégristes musulmans désireux d'empêcher tout débat sur l'islam. Plus grave, le délégué interministériel à la lutte contre le racisme et l’antisémitisme, Gilles Clavreul, refusait d'employer ce terme. alors que les dizaines d'attaques contre des lieux de culte musulman en montraient la réalité.
Les justifications de ce déni sont multiples: pour certains, reconnaître ce terme représenterait une atteinte à la laïcité, pour d'autres il ne s'agirait pas de racisme contre les musulmans mais contre les Arabes et les immigrés en général, pour d'autres encore il faudrait lutter contre le racisme en général et ne pas encourager le "communautarisme". Ce sont d'ailleurs parfois les mêmes qui rechignent face à la lutte spécifique nécessaire contre l'antisémitisme. D'ailleurs ce dernier terme est lui aussi souvent soumis à critique alors qu'il représente une entité historique parfaitement définie depuis que le journaliste allemand Marr utilise le terme « Antisemitismus" dans le sens « d'hostilité aux Juifs », à l'occasion de la fondation d'une « Ligue antisémite » en 1879.
En réalité il s'agit d'arguties, dues à la pression des puissantes forces qui ont fait de l'islam leur arme favorite de division et qui veulent empêcher qu'on déconstruise leur argumentation. Il s'agit de ceux qui recyclent le récit de la supériorité coloniale et nationaliste et offrent l'islamophobie comme débouché à la violence sociale qu'ils imposent. Ce sont ceux qui agitent en permanence le spectre de l'intégrisme, en omettant soigneusement de rappeler que ce sont les musulmans eux-mêmes, sunnites et chiites, qui en constituent l'écrasante majorité des victimes.
La liste est trop longue pour les nommer, même partiellement. Notons cependant qu'en sus de la direction du Front National, ils sont très nombreux à droite, prétendus "Républicains", de Sarkozy à Estrosi-la cinquième-colonne, de Copé-pain au chocolat à Guéant-civilisation supérieure et de Ciotti à la nouvelle vedette sarkozyste Lydia Guirous. Mais ils sont aussi nombreux à gauche, de Clavreul déjà nommé, à l'ancien ministre Jean Glavany organisateur d'un énième colloque sur "République et Islam", ainsi qu'à Manuel Valls qui lui aussi rechigne à nommer l'islamophobie et qui a d'ailleurs conforté la démarche de Glavany.
Alors en quoi les commentateurs anonymes et haineux de Marmiton prouvent-ils quoi que ce soit ? Sur Marmiton, il y a toutes sortes de recettes qualifiées d'orientales, et nulle campagne n'a lieu pour faire supprimer la rubrique couscous ou tajine. Le couscous, le raciste en mange volontiers. Mais l'islamophobie est ce racisme qui ne supporte pas que sa victime soit autre chose qu'un être qui mange là où lui dit et quand on le lui dit. L'islamophobe, à travers son discours contre la religion et ceux qui y font référence, rejette toute manifestation de l'égalité culturelle au quotidien, celle qui ferait qu'on parle de toutes les fêtes de la même façon. A travers la religion, c'est le quotidien des personnes qui est visé, et une injonction à la soumission et à l'infériorité qui est prononcée. C'est ce prétexte spécifique de la religion qui permet ensuite d'en revenir à un racisme féroce et "décomplexé".
La preuve en réside dans le traitement spécifique désormais fait à la langue arabe au quotidien. Ces deux dernières semaines, on aura assisté en Corse à une campagne d'intimidation à propos de la chanson Imagine, ayant conduit à ce qu'une chanson avec un couplet en arabe ne puisse être chantée dans une école. A Marseille, le maire d'arrondissement FN Ravier édicte une circulaire interdisant aux salariés territoriaux de parler une "langue étrangère", après qu'il ait bien expliqué dans les médias que celle qui est visée est l'arabe.
Dans les deux cas, le rapport de forces n'a pas permis d'empêcher les racistes d'agir et de parvenir à leurs fins, alors que cela aurait été le cas sans doute il y a quelques années. Mais la banalisation des campagnes d'intimidation racistes faites sous couvert de prétendue critique de l'islam et du "communautarisme" ont entraîné une accoutumance sociale à la persécution, qui se double d'une organisation bien rodée des réseaux racistes.
Petit à petit, la peur se répand, et des entreprises privées comme des représentants d'institutions publiques font le choix de ne pas faire certaines choses pour ne pas avoir de problèmes. Ainsi, de nombreuses chaines de la grande distribution choisissent de ne pas prononcer le mot " Ramadan" mais de parler de "semaine des saveurs orientales", ce qu'ils ne font évidemment pas pour Noël. Et c'est bien cette différence qui est raciste et humiliante. Dans les écoles, après l'affaire Imagine devant l'annulation du spectacle, on peut penser que beaucoup d'enseignantEs choisiront de ne pas se "risquer" à des initiatives similaires. Quant à l'enseignement de l'arabe à l'école, les réseaux islamophobes ont tellement gangrené les esprits que la Ministre de l’Éducation Nationale est amenée à démentir des rumeurs à ce sujet, comme si proposer un enseignement de l'arabe était bien un problème grave.
Pour nôtre part, nous appelons à poursuivre dans la voie d'un anti-racisme réellement universaliste, qui rejette toutes les discriminations, qui n'hésite pas à nommer et à combattre tous les racismes réellement existants, l'antisémitisme, l'islamophobie, l'homophobie, la discrimination envers les Roms et toute autre manifestation de la barbarie raciste.
Nous relayons aujourd'hui un appel à dons et à solidarité financière pour la famille Vutu, dont la petite fille de cinq ans est morte la nuit du 6 au 7 juin dans l'incendie d'un « bidonville » de Carrières sous Poissy dans les Yvelines, qui abritait plusieurs familles mais aussi des hommes seuls.
Nous avons mis en place un compte Pot Commun pour y participer concrètement. Ce compte sécurisé permet de contribuer en ligne , il est accessible en suivant ce lien « Soutien à la famille Vutu ». Bien évidemment, l'intégralité de la somme récoltée sera remise à cette famille.
Nous avons rencontré la famille le 18 juin, car nous connaissions pour certains sa tante et ses neveux et nièces, qui vivent aussi l'errance, de bidonvilles en hôtels , depuis des années.
La question des bidonvilles est une question politique, qui se résoudra par de longs combats pour l'égalité. Certains sont visibles et déclenchent les réactions répressives des pouvoirs publics, mais d'autres sont cachés dans la campagne , dans les bois, dans des zones polluées et/ou isolées.
Le bidonville de la famille Vutu , fait de baraques de tôle, se trouvait au milieu des champs aux confins d'une zone pavillonnaire. Il n'abritait que quelques familles et quelques hommes. Il existait depuis plusieurs mois, la police était venue, avait recensé les occupants, avait même filmé. Les policiers, plutôt courtois et respectueux, avaient informé les résidents qu'ils pouvaient rester, à condition que le camp ne s'étende pas.
Aucune autre autorité n'est jamais passée : on tolère certains bidonvilles, mais cette tolérance se paye par l'exclusion totale de tous les droits fondamentaux. On peut habiter le bidonville, si l'on accepte de ne pas être un habitant de la commune. Pas d'expulsion, mais pas d'eau, pas d'électricité, même pas de prise en compte des bébés et des enfants qui vivaient là. On peut rester si on n'existe pas aux yeux du monde
Ainsi, à Carrières-sous-Poissy, il y avait un bidonville tout court. Où vivaient quelques familles roumaines, mais également des personnes d'origine différente. Parmi elles un homme qui vit en France depuis 43 ans, d'origine serbe, et qui a été expulsé de son logement, suite à des difficultés financières il y a quelques années. Mais les autorités et les médias ont décidé que c'était un « campement Rom » et un « problème Rom », alors pas plus que les autres, cet homme ne s'est vu proposer un logement , seulement un foyer très temporaire. Quant les racistes prétendent que l'on s'occupe des « illégaux » avant de s'occuper des « légitimes », la réalité démontre la fonction du racisme : masquer l'injustice sociale et légitimer l'injustice pour tous.
Aujourd'hui, l'ensemble des habitants du bidonville se trouvent donc dans des hébergements provisoires et précaires. Un mois d'hôtel sans garantie formelle de renouvellement pour les familles.
La perte d'un enfant dans des circonstances atroces n'a même pas amené les autorités à stabiliser la famille Vutu, à lui permettre au moins de n'avoir pas l'angoisse de son devenir dans quelques semaines. Même la question des obsèques de l'enfant est encore incertaine : la mairie a vaguement donné son accord pour que l'enfant soit enterrée dans la commune, mais sans prendre les choses en charge. C'est le voisin de bidonville de Mr Vutu qui a re-contacté le maire et attend qu'on le rappelle.
Quant à l'enquête, 24 heures après les faits, certains médias parlaient déjà d'une « piste accidentelle ». Les habitants, eux, sans accuser personne, témoignent en tout cas d'individus venus les menacer la veille. Mais les menaces racistes sont le quotidien dans les bidonvilles, tout comme le danger représenté par les conditions sanitaires. Dans les deux cas, il n'y a pas d' « accident », il y a la conséquence parfaitement prévisible de la discrimination raciste.
Nous lançons donc un appel aux dons dans ce cas précis. Nous savons bien que ce qu'a vécu la famille Vutu peut très bien arriver demain à l'une ou l'autre de ces dizaines de milliers de personnes essentialisées « Roms », comme aux gens des « jungles » de Calais, des campements de partout. D'ailleurs à Lille, le même jour, un petit garçon perdait la vie dans l'incendie d'un autre camp.
Nous vous appelons à répondre à cet appel aux dons et à le diffuser pour dire à la famille Vutu, mais aussi à l'Etat, mais aussi à la mairie de Carrières-sous-Poissy, que l'indignité ne fera pas loi, dans l'indifférence et le silence. Pour leur dire qu'il y aura de la solidarité et de l'envie d'égalité sur le terrain, et pas seulement de la confrontation raciste entre « riverains » et « Roms.
La famille Vutu qui ne possédait presque rien, n'a plus rien du tout. La perte d'un enfant ne la dispense pas de devoir au jour le jour, trouver les moyens d'au moins survivre. Nous lançons cet appel aux dons en espérant simplement lui permettre de souffler un peu, de faire son deuil un peu plus tranquillement. Vous pouvez vous mettre à la place d'une famille sans ressources dans une situation pareille et mesurer les besoins.
Le compte Pot commun est ici; pour les personnes ne disposant pas de CB ou ne souhaitant pas utiliser le don numérique, vous pouvez nous contacter directement ( memorial98@noos.fr).