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L'association MEMORIAL98, qui combat contre le racisme, l'antisémitisme et le négationnisme a été créée en janvier 1998, lors du centenaire de l'affaire Dreyfus.  

Son nom fait référence aux premières manifestations organisées en janvier 1898, pendant l'affaire Dreyfus, par des ouvriers socialistes et révolutionnaires parisiens s'opposant à la propagande nationaliste et antisémite.

Ce site en est l'expression dans le combat contre tous les négationnismes

(Arménie, Rwanda, Shoah ...)

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Retrouvez aussi le quotidien de l'info antiraciste sur notre blog d'actus :

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8 décembre 2016 4 08 /12 /décembre /2016 21:53

 

 

 

 

 

 

 

Des femmes Herero contraintes au travail forcé, transportant des marchandises dans le camp de concentration de Swakopmu

 

Mise à jour du 29 aout 2018 ( d'autres mises à jour figurent à la fin de l'article): cérémonie à Berlin, sans avancées sur les réparations et les excuses officielles.  

Manifestation à Berlin le 29 aout 2018

L'Allemagne a remis mercredi 29 aout à la Namibie des ossements de membres des tribus Herero et Nama massacrés durant le génocide. Ce  geste est jugé insuffisant par leurs descendants, qui exigent des excuses officielles et des réparations.

Après les précédents de 2011 et 2016, c'est la troisième fois que l'Allemagne restitue des ossements de ces populations  à la Namibie.

Dix-neuf crânes, des ossements divers et un scalp, pris par les forces coloniales allemandes il y a plus d'un siècle, ont été remis lors d'une cérémonie religieuse à Berlin, à une délégation namibienne conduite par la ministre de la Culture de ce pays. 

Ces restes étaient jusqu'ici en possession d'universités et de musées, notamment de la clinique universitaire berlinoise Charité.

Cette manifestation est loin de satisfaire les représentants des deux peuples victimes du génocide. Le comportement de l'Allemagne est "choquant", a dénoncé à Berlin Esther Utjiua Muinjangue, présidente de la fondation Ova Herero Genocide, pour qui cette restitution aurait dû être l'occasion pour le pays de présenter enfin officiellement des excuses, à même de "guérir les blessures émotionnelles". 

A l'extérieur de l'édifice religieux à Berlin où a eu lieu la cérémonie, une vingtaine de personnes ont protesté en brandissant des bannières où l'on lisait "Des réparations tout de suite !".

"Nous sommes ici pour honorer nos héros et héroïnes qui ont été brutalement tués uniquement parce qu'ils ont refusé d'être colonisés et qu'ils ont osé résister à l'occupation de leurs terres ancestrales", a également expliqué un chef Herero, Vekuii Rukoro.

Il a regretté que la cérémonie ait eu lieu dans une église plutôt que dans un bâtiment public, où le gouvernement allemand aurait pu présenter des excuses officielles. Un geste auquel Berlin n'est pas encore prêt car il pourrait ouvrir la voie à des demandes de réparations.

Le chef Herero a reproché au gouvernement allemand de commettre de "graves erreurs" en n'assumant pas pleinement son passé.

Le gouvernement allemand a déjà reconnu sa responsabilité dans les massacres et indiqué en 2016 qu'il prévoyait des excuses officielles dans le cadre de négociations avec la Namibie.

Mais les discussions sont toujours en cours, et les excuses en suspens.

"Des réparations, une reconnaissance et des excuses" sont les conditions d'une normalisation des relations diplomatiques entre l'Allemagne et la Namibie a rappelé  la ministre namibienne Katrina Hanse-Himarwa.

 

Pas encore d'excuses officielles

L'Allemagne a "encore fort à faire" pour assumer son passé colonial sur ce territoire africain (1884-1915), a reconnu cette semaine la secrétaire d'État au ministère des Affaires étrangères, Michelle Müntefering. Lors de la cérémonie du 28 aout il s'agssait uniquement d'une remise d'ossements mais pas le cadre adéquat pour des excuses, a-t-elle argumenté

Berlin considère ne pas devoir payer de dédommagements aux descendants des victimes, arguant de l'aide "généreuse" au développement versée à la Namibie depuis son indépendance de l'Afrique du Sud en 1990.

Des représentants d'Herero et de Nama estiment au contraire que la restitution d'ossements constituait une occasion pour que l'Allemagne présente enfin des excuses officielles.

Faute d'être associés aux négociations entre les deux pays, les représentants des Herrero et des Nama ont déposé une plainte pour génocide contre l'Allemagne devant un tribunal de New York, afin de réclamer réparation. Berlin a tenté fin juillet 2018 de faire annuler cette procédure, requête sur laquelle la juge n'a pas encore statué.

Alors que le Parlement allemand a reconnu officiellement le génocide des Arméniens en mai 2016, il est largement temps que soit également reconnu et réparé ce génocide perpétré par l'Allemagne impériale. A l'heure ou l'ONU alerte contre un nouveau génocide, celui des Rohingya de Birmanie, il s'agirait d'une mesure de justice et de prévention de tels massacres. 

MEMORIAL 98

 

 

 

Le continent africain a déjà connu à la fin du 20e siècle le génocide des Tutsi du Rwanda; il reste menacé par d'autres risques génocidaires, notamment au Burundi voisin (voir ici) et au Soudan du Sud. Mais un génocide mis en oeuvre au début du siècle reste encore relativement peu connu.

Il est d'autant plus important qu'il soit reconnu, que le général Lothar Von Trotha qui l'exécuta à l'encontre des populations Herero et Nama, avait auparavant sévi dans les autres colonies allemandes de l'époque, le Rwanda et le Burundi.

 

Herero et Nama dans le Sud -Ouest africain allemand (1904-1908)

L'ouverture d'une exposition au Memorial de la Shoah à Paris permet de se pencher sur ce qui constitua une extermination planifiée.  

A travers l'exposition riche de nombreux documents d'archives, d'objets et de photographies, le Mémorial de la Shoah se propose d'aborder cet épisode méconnu de l'histoire du colonialisme allemand.

A la fin du 19e siècle, les envahisseurs allemands s'emparent des terres et du bétail des Nama qui menaient une vie pastorale.

Herero et Nama vivaient dans la partie Sud-ouest du continent africain, devenu depuis la Namibie.

Dans le cade de l'expansion de la colonisation allemande menée par Bismarck, alors chancelier de l'empereur Guillaume Ier, l'Allemagne s'octroie ce territoire en 1884 et le colonise.

 

Une extermination pour créer  ˝ un territoire blanc˝ 

Vingt ans plus tard, en 1904, des guerriers Herero, soutenus par leurs voisins Nama se soulèvent et tuent des colons allemands.

En juin 1904, le général Lothar Von Trotha, nommé commandant en chef des troupes de la colonie allemande du Sud-ouest africain, débarque dans la possession du Reich avec pour mission d'en finir avec la révolte des Herero et des Nama.

Von Trotha est déjà connu pour ses méthodes de répression coloniale  en Chine et dans l’Est africain allemand (Tanzanie, Burundi et Rwanda).

La guerre qu'il va mener, sur ordre de l’empereur Guillaume II, est féroce. Il planifie l’extermination des deux peuples en vue de constituer un territoire « blanc ».

Ce crime de masse suscite depuis un important travail de mémoire, en Namibie même, parmi les  historiens, ainsi qu’en Allemagne .

De plus un documentaire de la réalisatrice Anne Poiret  (voir ci-dessous) ainsi que d'autres travaux, soulèvent la question du lien entre la politique raciale de l’Allemagne coloniale des années 1900 et celle de l’Allemagne nazie.

Notons que le premier gouverneur de la colonie (Südwest-Afrika en allemand) de 1885 à 1890, est un certain Heinrich Goering, dont le fils Hermann Goering sera l'un des plus importants dirigeants nazis.

 

Massacre planifié des Herero lors de la bataille de Waterberg

En août 1904, des milliers de Herero perdent la vie durant cette bataille. Ceux qui parviennent à s’échapper sont traqués et contraints de fuir dans le désert Omaheke, où les puits d'eau ont été empoisonnés par les militaires.

Peu survivront. Von Trotha s’en prit ensuite aux Nama avec la même cruauté.

Il va mener durant trois ans une politique d’extermination systématique contre ces deux peuples, préfigurant ainsi le génocide qui débute quelques mois plus tard, suite à l’ordre émis par Von Trotha le 2 octobre 1904 .

Cet ordre proclame : "Dans les frontières allemandes, chaque Herero, armé ou non, en possession de bétail ou non, sera abattu." et précise: "Je crois que cette nation, en tant que telle, doit être annihilée ",

Des camps de concentration.

Par la suite, une fois les rebelles vaincus, la levée de l’ordre d’extermination ne signifie pas pour autant la fin de l’horreur.

Dans les « Konzentrationslagern » (camps de concentration) de Lüderitz, Karibib, Swakopmund, où les conditions de vie sont atroces, Nama et Herero vont être éliminés par le travail. Le décompte des morts « par épuisement » y est tenu très scrupuleusement, laissant à la postérité une litanie de preuves bureaucratiques macabres.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Shark Island (l'île aux requins) : un enfer de pierre

Cornélius Frédériks, chef des Namas a  dirigé la révolte contre l'occupant allemand. Une photo le montre enchaîné. Les allemands avaient promis à Cornélius et à ses hommes qu'ils auraient la vie sauve s'ils déposaient leurs armes.

Lors d'une embuscade, ils furent arrêtés, faits prisonniers dans le camp de Shark Island, un immense îlot de pierres où étaient internés des hommes, des femmes et des enfants sans distinction.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le « médecin » de ce camp pratiquait des expérimentations médicales sur des cobayes humains. Il faisait  également des recherches sur les crânes des cadavres. Les femmes prisonnières étaient contraintes de faire bouillir ces têtes qui pouvaient être celles de leur famille ou de leurs amis. Elles devaient gratter la chair avec des morceaux de verre afin que les crânes puissent être envoyés à Berlin pour y démontrer ˝scientifiquement˝ la supériorité de la race blanche.

Ces crânes ont donné lieu à une exhibition macabre : ils ont été exposés dans des cages en verre à l'hôpital Universitaire de La Charité à Berlin.


 

˝Nous voulons des excuses˝

La mémoire du génocide ne fut jamais perdue parmi les descendant.e.s des victimes.

Ainsi près de cents ans plus tard, en 2011, après l’indépendance de la Namibie (qui survint fort tard en 1990), une délégation Herero et Nama se rend  à Berlin pour une cérémonie organisée par le gouvernement allemand,  afin  de demander que leur soient restitués vingt crânes de leurs ancêtres. Aucun nom ne figurait sur les crânes. Ceux-ci, répertoriés à l'aide de numéros dans des registres, ne garantissaient donc pas l'identité du défunt.

Tous sont venus à Berlin avec l'espoir d'une reconnaissance du génocide par l'Allemagne. Tous brandissent des pancartes et scandent : ˝des excuses, nous voulons des excuses˝.

David Frédéricks, descendant du dirigeant de la révolte Cornélius  Frédéricks, ainsi que son épouse, particulièrement active,  font partie de la délégation.

Leur peuple a été massacré, ils ont perdu leur culture et leur droit sur les terres.

Tout deux mènent un combat sans relâche pour que soit reconnu le génocide.

La ministre allemande des affaires étrangères de cette époque présente des regrets lors de son discours, mais sans envisager une reconnaissance  officielle du génocide.

Suite à cette cérémonie, des négociations en vue de réparations furent envisagées.

En 2012, le parlement allemand se rétracte et refuse de qualifier l’extermination des Herero de "génocide". 

Aujourd’hui, l’Allemagne et la Namibie négocient une déclaration commune dans laquelle l’Allemagne doit s’excuser pour ce premier génocide du XXe siècle. Mais alors qu’en juillet 2015, le président de la chambre allemande des députés (Bundestag) a reconnu que le pays avait mené "une guerre raciale" dans son ex-colonie, le gouvernement actuel ne veut toujours pas entendre parler de compensations financières pour les victimes.

L’Allemagne ne semble pas prête à débourser les sommes qui pourraient lui être demandées  et qui se montent à 4 milliards de dollars

˝Tout génocide secrète son négationnisme ˝

Le silence ou le déni: il y a encore des négationnistes qui prétendent que  les points d’eau n’étaient pas empoisonnés, que le désert Omaheke n’était pas si désertique, que l’ordre de Von Trotha n’avait pour but que d’effrayer l’ennemi. Pourtant les preuves  d’une extermination planifiée sont là, tangibles.

Au total, le peuple Herero a été décimé à 80 % et le peuple Nama à 50 %

 

L'Allemagne reconnait le génocide des Herero et des Nama mais reste au milieu du gué.

Les demandes des victimes  sont simples : une reconnaissance du génocide, des excuses officielles, le rapatriement des restes humains volés à des fins pseudo-scientifiques et, enfin, des négociations avec les autorités allemandes autour de la question des réparations.

Le 10 juillet 2015, pour la première fois, l'Allemagne a officiellement qualifié de "génocide" le massacre des peuples Herero et Nama perpétré sous ses ordres en Namibie en 1904 et 1905  ( voir ici ).

Ce terme est ainsi employé de manière officielle au plus haut sommet de l’État pour qualifier le comportement de la « Schutztruppe » (troupe de protection) emmenée par le général Lothar Von Trotha.

Un comportement dont les plus atroces détails sont consignés depuis 1918 dans le « Blue Book » (livre bleu), rapport à charge commandé par le Parlement anglais et dont une copie est toujours conservée à Westminster. Dans ce livre, Thomas O'Reilly, jeune major d'origine irlandaise, ami des Herero., a rassemblé des témoignages et des récits accablants.

Le « Report on the Natives of South-West Africa and their Treatment by Germany », rédigé en 1918 pour le Parlement du Royaume-Uni, contient plus de détails qu’il n’en faut pour démontrer que, sous les ordres du Kaiser, le général Lothar Von Trotha entendait bien exterminer les deux peuples qui lui résistaient.

Ainsi deux Vernichtungsbefehl (« ordres d’annihilation »), émis le 2 octobre 1904 et le 22 avril 1905, prouvent la volonté de génocide. Ils furent malheureusement suivis d’effets, la population Herero ayant été éliminée à 80 % tandis que la moitié des Nama étaient tués.

Le 9 juillet 2015, cent ans après la fin de la domination allemande sur la Namibie, deux délégations de Herero et Nama seront reçues à Westminster pour une rencontre et des discussions. À cette occasion seront lus des extraits du Blue Book 

 

Une répétition générale ?

En 2015, L'écrivain française Élise Fontenaille-N'Diaye publie des extraits du rapport. Elle a baptisé son roman historique du même nom. En 200 pages, elle ranime le souvenir d'un génocide lui aussi tombé dans l'oubli. Elle y livre son point de vue d’écrivain. ˝Quelque part entre le désert du Kalahari et la presqu’île de Shark Island, au large de Lüderitz, s’est déroulée une macabre répétition générale, préfiguration des génocides à venir." 

Cette problématique est aussi abordée dans un documentaire réalisé par Anne Poiret, diffusé sur France 5 en mai 2012 Namibie : le génocide du IIe Reich

« Il y a des pistes, des concordances, des hommes que l’on retrouve », souligne Anne Poiret dans son travail. Parmi ces hommes, il y a Theodore Molison et Eugen Fischer, le père de l’anthropologie génétique allemande. Ils seront tous les deux les maîtres de Josef Mengele,˝ l’ange de la mort ˝ des camps nazis.

Tous deux ont effectué des recherches dans le Sud-ouest africain au début du XXe siècle dans l’idée de prouver la supériorité de la˝ race blanche ˝, notamment par la mesure des crânes. 

Ce documentaire montre également des photos d'archives, des images d'aujourd'hui, des témoignages de descendants Nama et d'historiens rendant compte de la réalité de cet épisode tragique.

Un descendant du peuple Nama nous fait vivre son émotion et l'injustice qu'il éprouve en foulant la terre qui a appartenu à ses ancêtres et qui demeure encore de nos jours la propriété des descendants allemands. Il commente avec tristesse ce passage où des habitants traversent une étendue de sable sans se soucier qu'à cet endroit ont été enterrés des cadavres sans sépulture.

Des Allemands, installés en Namibie, accoudés au bar de leur pub, y perpétuent le déni de l'histoire.

Des extraits de ce documentaire font partie de l'exposition

Nous recommandons vivement cette exposition qui sensibilise et attire l'attention, parce que le danger est toujours à nos portes, comme ne cesse de le démontrer l'actualité.

 

L' exposition est ouverte jusqu'au 12 mars 2017.

Le dimanche 26 et le lundi 27 février 2017 se tiendra au Mémorial un colloque sur ce même thème.

 

Mise à jour du 16 avril 2018

 

 

Bonne nouvelle dans le combat pour la mémoire des génocides: la ville de Berlin va rebaptiser plusieurs rues rappelant la colonisation allemande en Afrique et honorer à la place des militants africains de l’indépendance.

Après plus de dix ans de débats, les partis de gauche de l’arrondissement de Mitte (sociaux-démocrates, Verts et gauche radicale) ont adopté le 11 avril, un texte préconisant de changer les noms de quatre rues du secteur surnommé le « quartier africain »

Le texte préconise notamment de débaptiser les rues portant les noms de plusieurs personnalités liées à l’occupation de la Namibie (1884-1918), où les Allemands ont tué entre 1904 et 1908 plusieurs dizaines de milliers de membres des tribus herero et nama (voir ci-dessous) 

Les noms de combattants

« Le quartier africain glorifie toujours le colonialisme allemand et ses crimes. Ce n’est pas compatible avec notre conception de la démocratie et porte atteinte de façon durable à la réputation de la ville de Berlin », souligne le texte.

 

Les rues visées sont la Petersallee, hommage à Carl Peters, le fondateur de l’Afrique allemande de l’Est, l’actuelle Tanzanie ; la place Nachtigal, du nom de Gustav Nachtigal, qui avait notamment annexé en 1884 le Cameroun et le Togo ; et la rue Lüderitz, d’après Adolf Lüderitz, fondateur de l’Afrique allemande du Sud-Ouest.

 

A leur place, les plaques porteront les noms de combattants contre l’occupation coloniale allemande : Rudolf Manga Bell, héros de l’indépendance camerounaise ; Anna Mungunda, une Herero résistante aux Allemands ; Cornelius Frederiks, chef des Nama ; ou encore Maji-Maji, nom donné au soulèvement de tribus d’Afrique orientale contre les autorités coloniales allemandes (1905-1907).

 

MEMORIAL 98

 

Mise à jour du 2 avril 2018:  Exposition en hommage aux Herero à Paris

Le photographe français Stephan Gladieu leur rend hommage à travers des clichés  de leurs descendants, exposés à Paris à la School Gallery jusqu’au 28 avril 2018 ( à voir ici

Dans sa présentation il rappelle que gouvernement allemand a rejeté une demande en réparation pour génocide, émanant des tribus namibiennes qui poursuivent l'Allemagne devant un tribunal de New York.

 

Des représentants des tribus des Héréro et Nama ont déposé cette plainte pour obtenir des dédommagements pour la guerre «raciale» menées contre ces peuples indigènes dans le Sud-Ouest africain colonisé par l’Allemagne (1884-1915). Même si les autorités allemandes ont mis longtemps à reconnaître la gravité des faits, plusieurs de ses représentants utilisent désormais le terme de «génocide» pour décrire les faits. Un processus politico-diplomatique est également en cours avec la Namibie et doit aboutir à une déclaration commune sur ces crimes. L'Allemagne considère ne pas avoir à payer de dédommagements individuels aux descendants des victimes, prétextant notamment de l'aide «généreuse» au développement avec des montants «records» versés à la Namibie depuis son indépendance en 1990.

Nous soutenons leurs revendications.  

 

Memorial 98

 

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23 octobre 2016 7 23 /10 /octobre /2016 14:03

Le 9 novembre, Memorial 98, avec ses partenaires du Collectif VAN (Vigilance Arménienne contre le négationnisme) et de l'association Ibuka-France (Justice et soutien aux rescapés du génocide perpétré contre les Tutsi au Rwanda)  vous invite à participer à la  commémoration de la « Nuit de Cristal », pogrom d’État commis par les nazis le 9 novembre 1938 contre les Juifs d’Allemagne et d’Autriche.

Pour la 3e année consécutive, nous nous rassemblerons à Paris, à partir de 18h, devant le gymnase Japy, lieu symbolique dans lequel furent parqués en 1942, les Juifs raflés par la police française au service des nazis.

Dans la montée du nazisme et du fascisme en Europe, la Nuit de Cristal représente un jalon important: les nazis, au pouvoir depuis 1933 franchissent alors une nouvelle étape dans la violence, celle de massacres antisémites commis au vu et au su de toute l'Europe. Les images des synagogues incendiées, des enfants, des femmes et des hommes assassinés, arrêtés en masse, frappés et humiliés en public ne pouvaient pas être ignorées. 

Pourtant en France elles ne changèrent pas la situation: ni à la politique de refoulement des Juifs qui tentaient de fuir l'Allemagne, ni à la politique de laissez faire face à Hitler.

Quelques mois plus tôt, en juillet 1938, s’était tenue la conférence internationale sur les réfugiés d'Évian de juillet 1938, dont le but  était de de trouver des lieux d'asile notamment pour les réfugiés juifs, et qui se termina par un échec. Le gouvernement français y avait exposé sa position: la France n’accueillerait plus de réfugiés.

Deux mois plus tard, lors des accords de Munich le 30 septembre de la même année, le gouvernement français cède aux exigences nazies. Une partie de la Tchécoslovaquie (la région des Sudètes) est annexée au Reich nazi et le premier ministre français Daladier ose déclarer que  la " paix est  sauvée "

La France tournait ainsi ouvertement le dos à ses principes de pays de droits de l'homme, car le gouvernement recherchait à tout prix l'apaisement avec son voisin allemand, notamment à travers  des négociations secrètes menées par Georges Bonnet, ministre des affaires étrangères, depuis le 10 avril 1938.

Bonnet ne veut pas que les évènements de la Nuit de Cristal compromettent sa politique. Il choisit d'ignorer le rapport de George Von, ambassadeur de France à Berlin, qui lui écrit ainsi au lendemain des évènements : "Le traitement infligé aux Juifs en Allemagne que les nazis tentent d'extirper complètement comme des bêtes malveillantes, éclaire la grande distance qui sépare la conception hitlérienne du monde du patrimoine spirituel des nations démocratiques". Bonnet sera ensuite pétainiste, membre du Conseil national de Vichy et mettra en œuvre la collaboration


La France est ainsi la seule grande démocratie à ne pas avoir dénoncé officiellement les massacres perpétrés dans la nuit du 9 au 10 novembre 1938.


De plus, le 12 novembre 1938, deux jours seulement après la Nuit de Cristal, une loi autorisait en France l'internement des "indésirables" dans des camps de concentration dont ceux des Milles et de Rivesaltes. Les réfugiés juifs allemands et autrichiens entrés non légalement en France étaient désormais directement menacés et seront internés, puis plus tard livrés aux nazis.

 

Les vieux démons à l'oeuvre aujourd'hui en Europe

Soixante et onze ans après la défaite du nazisme, rappeler que l'Europe est de nouveau en proie à « ses vieux démons » peut apparaître comme un cliché,  mais rend compte d’une réalité.

Ainsi, l'antisémitisme, que d'aucuns disaient « disparu », est bien là: il y a quelques jours, un candidat à la primaire de la droite, Jean-Frédéric Poisson, s'est livré à une diatribe antisémite; ses maigres "excuses" suffisent à ses concurrents de la primaire pour le réintégrer en leur sein.

Laurent Wauquiez,  président du parti LR et de la région ARA, a choisi de diminuer la subvention du Mémorial d'Izieu dédié aux enfants juifs déportés par Klaus Barbie.Son acolyte Christophe Boudot, responsable du FN dans la même région, déclare carrément que ce mémorial est trop "politisé". C'est le même Wauquiez qui a lancé une croisade contre l'accueil des migrants et invite ouvertement les maires à les rejeter. Il démontre ainsi à quel point racisme et antisémitisme sont liés.

Dieudonné, Soral, Boris Le Lay, Vincent Reynouard, Faurisson et tant d'autres poursuivent impunément leur propagande antisémite, négationniste et complotiste. Leur dénonciation permanente  d'un "complot juif" porte une lourde responsabilité dans le développement de courants qui poussent la logique du complotisme et de l'antisémitisme jusqu'au meurtre de masse. Par deux fois en quelques années, des femmes, des enfants, des hommes ont été assassinés par les membres de Daech, parce que Juifs. Que la haine s'exprime sous couvert de religion ou de "lutte anti-système", elle produit ses effets : la peur quotidienne et spécifique d'une partie de la population, lorsqu'elle porte une kippa, lorsqu'elle va à la synagogue.

En Pologne, le gouvernement ultra-réactionnaire du PiS  veut intimider les historiens qui travaillent honnêtement sur cette période.

Partout en Europe, la terreur d'extrême-droite est minimisée.

La violence touche toutes les minorités: l'année 2016 aura aussi été symbolisée en France et en Europe par la campagne xénophobe qui préparé le Brexit britannique et entraîné une vague sans précédent de violence contre les étrangers et les antiracistes. Il s'agit aussi des attaques en Allemagne contre les centres d'accueil des réfugiés et de la violence d’État contre les migrants du gouvernement hongrois de Orban, alors que celui-ci vient de subir un revers lors de son référendum de la haine.

En France les attaques se multiplient contre les centres d'accueil pour migrants. Le Front National mais aussi le président du parti LR, Laurent Wauquiez , lancent de véritables croisades contre les migrants.

Le gouvernement actuel a choisi lui aussi une politique de fermeture des frontières aux migrants qui fuient pour beaucoup des guerres atroces et la mort à brève échéance. A Calais, à Paris et ailleurs, l'année 2016 a été marquée par l'explosion des bidonvilles et la chasse à ceux qui y vivent. La France, qui par la voix de Manuel Valls s'est attaquée directement à la politique d'accueil de l'Allemagne, préconisant au contraire la méthode dure, porte une très lourde responsabilité dans la politique européenne actuelle qui maintient les réfugiés ayant survécu à leur voyage d'exil dans des camps insalubres et dangereux, partout aux portes de l'Europe

Dans une France soumise à l'état d'urgence, législation d'exception héritée de la guerre d'Algérie, une atmosphère de surenchère islamophobe, à laquelle participent des voix venues de tout le champ politique, conduit à des violences qui ressemblent en tout point à des ratonnades.

 

Face à cette marée, de nombreuses mobilisations continuent à porter la solidarité avec les migrants, les réfugiés, les Roms. Face aux manifestations anti-migrants du FN, des rassemblements beaucoup plus nombreux s'organisent . Partout, des gens ordinaires  s'engagent au quotidien, multipliant les initiatives, du simple don à l'accompagnement administratif en passant par les défenses collectives contre la répression malheureusement quotidienne des migrants à toutes les frontières européennes.

 

Une autre Europe continue à se mobiliser, une Europe qui rêve d'égalité, d'ouverture, de coexistence. Une autre opinion publique a donné de la voix par les actes, ensemble des gens de cultures, de religions, de sensibilités différentes, ont répondu ensemble au fascisme montant, et commencé à construire enfin, l'idée d'un autre monde possible.

 

Nous ne sommes pas dans les années 30, mais il n'est jamais trop tôt pour dire « Plus jamais ça » aux héritiers nombreux des auteurs de pogroms de ces années-là.

Dans nos combats d’aujourd’hui, il n’est jamais trop tard pour faire de nos mémoires une arme contre l'oubli et l'impunité.

 

Dans la dernière période, des progrès ont été enregistrés dans la lutte contre l'impunité des génocidaires et auteurs de crimes contre l'humanité, grâce au combat acharné des familles de victimes et des associations.

Le Parlement allemand a reconnu le génocide arménien, malgré les lourdes pressions et les menaces de Erdogan.

En France, le projet de loi "Égalité et Citoyenneté"  devrait  permettre de poursuivre les négationnistes du génocide des Tutsi au Rwanda en 1994, qui a fait l'objet d'un jugement international. Mais cette loi ne s'applique pas au génocide des Arméniens qui n'a jamais été par une juridiction française ou internationale. Dans ce dernier cas, seuls  seront poursuivis  les négationnistes qui "incitent ouvertement à la haine ou à la violence", ce qui limite fortement la possibilité de poursuites.

Les justices nationales et internationales demeurent toujours très lentes à juger les auteurs de génocides et de crimes contre l'humanité.  Ainsi c'est plus de vingt ans après le massacre génocidaire de Srebrenica que l’ancien chef politique des Serbes de Bosnie, Radovan Karadzic, a été jugé, le  24 mars 2016 , « pénalement responsable » du génocide à Srebrenica par le Tribunal pénal international de La Haye et condamné à quarante ans de prison. 

Quelque jours auparavant, le 21 mars, la Cour pénale internationale (CPI) avait rendu un verdict novateur de culpabilité contre Jean-Pierre Bemba  pour des viols utilisés comme arme de guerre. Cette décision représente un tournant historique positif.

En France, deux génocidaires des Tutsi de 1994 en procès en Paris  Tito Barahira  et Octavien Ngenzi, ont été tous les deux reconnus coupables de génocide et de crime contre l’humanité et condamnés le 6 juillet dernier  à la réclusion criminelle à perpétuité.

Nous sommes toujours aux côtés des Arméniens qui exigent la pénalisation de la négation du génocide de 1915. Nous sommes aux côtés des Rwandais qui se battent pour que les génocidaires ne restent pas impunis et pour que la responsabilité de l’État français soit enfin reconnue.

 

Contre l'oubli et l'indifférence

Il y a 78 ans, les gouvernements européens, pourtant dument avertis, refusaient de regarder la réalité nazie en face. Ils fermaient leur frontière à ceux qui fuyaient Hitler, et laissaient commencer le massacre des Juifs, qui allait finir en génocide. Aujourd'hui, on laisse Bachar Al Assad et Poutine massacrer la population syrienne  et bombarder sans répit la ville-martyr d'Alep.

Il faut regarder l'Histoire en face: celle du 20ème siècle nous a montré que les violences, les massacres, voire les génocides dirigés contre une partie de la population et considérés ailleurs avec indifférence aboutissent toujours à l'extension de la guerre et de la haine au niveau mondial.

Nous serons ces Européens qui n'oublient aucune victime de la violence fasciste du passé, parce que l'oubli est la meilleure arme des héritiers des bourreaux.

 

Retrouvons nous le 9 Novembre 2016 à 18 H devant le gymnase Japy (2 rue Japy 75011, métro Voltaire ou Charonne) afin de rendre hommage aux victimes de la Nuit de Cristal et de tous les génocides.

 

Vous êtes aussi invités à aider à financer les frais liés à l'organisation de la commémoration, en participant à la souscription "Pot Commun" ci-dessous

https://www.lepotcommun.fr/pot/hkegfjbc

9 novembre 2016 Commémoration de la Nuit de Cristal nazie
~ Organisé par : Memorial 98 ~

 

Le 9 novembre 2016, Memorial 98 organise, pour la 3ème année consécutive, une commémoration de la Nuit de Cristal, pogrom d’État perpétré par les nazis le 9 Novembre 1938 contre les Juifs d’Allemagne et d’Autriche

Nous nous rassemblerons comme chaque année à Paris devant le gymnase Japy dans le 11e arrondissement , où furent parqués, sous le régime de Vichy, les victimes des rafles de la police française, avant d'être envoyées dans les camps d'extermination nazis.

Nous aurons la chance d'avoir à nos côtés, les combattants infatigables de la mémoire des génocides arméniens de 1915 et tutsi du Rwanda de 1994 que sont nos amis du Collectif Van et d'Ibuka-France. Ainsi se concrétisera l'esprit de dialogue des mémoires qui est pour nous le seul moyen de faire vivre un antiracisme efficace

Comme chaque année, des gerbes de fleurs seront déposées lors de la cérémonie d’hommage aux victimes de la Nuit de Cristal. Les jours précédant la commémoration, des collages d'affiches auront lieu dans le quartier, afin de faire vivre une histoire que beaucoup ignorent.

Memorial 98 est un collectif indépendant, nous ne bénéficions d'aucun financement autre que celui de nos soutiens.

Si vous souhaitez et pouvez contribuer financièrement à l'organisation de cette commémoration, nous vous en remercions.

 

 

 

Memorial 98

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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9 octobre 2016 7 09 /10 /octobre /2016 11:55

On craint et à raison, beaucoup de choses lorsqu'on ouvre aujourd'hui un nouvel ouvrage sur le « complotisme ».

L' « anti-conspirationnisme » est à la mode en ce moment, et le terme est banalisé, neutralisé, quand dans le même temps l'antifascisme et l'antiracisme sont connotés négativement, dénoncés comme dépassés, signes d'une vision du monde surannée, dans une Europe où les extrême-droites ne seraient plus que « populistes ».

Le « complotisme » serait  essentiellement l'apanage des imbéciles dangereux, les jeunes d'origine évidemment étrangère, de religion forcément musulmane. Il serait un antisémitisme « nouveau » propagé par les « islamistes », et par ceux que l'on décrit bien souvent comme des « alliés des islamistes », dont Dieudonné, pourtant catholique .

 

Alors que l'électeur d'extrême-droite classique est devenu dans le discours médiatique et politique avant tout une victime, de la mondialisation, de la perte de repères, de la « crise », le jeune complotiste musulman reste la seule figure du fasciste qu'on a le droit de haïr sans réserves, le seul avec lequel on soit immédiatement soupçonné de complicité lorsqu'on cherche à analyser son cheminement.

 

L'ouvrage de Marie Peltier  justement, analyse. Dans la ligne de l'universalisme bien compris, celui qui n'essentialise pas sur la base d'une identité, mais ne nie pas non plus la spécificité des parcours que certaines catégories de la population sont seules à faire, parce qu'elles sont les seules à subir certaines discriminations.

 

Si les ruptures historiques interviennent dans la vie de tous, elles ne produisent évidemment pas les mêmes effets. Un livre sur le conspirationnisme du temps présent ne pouvait pas s'ouvrir sur autre chose que les attentats du 11 septembre 2001. Mais celui-ci ne se contente pas comme tant d'autres de passer directement du rappel de la date à l'exposé des théories du complot qui se développèrent à une vitesse exponentielle juste après.

Il rappelle l'histoire, tout simplement : celle du déluge de feu et de sang qui s'abattit sur les populations afghanes et irakiennes, le nom de ces lieux qui désormais sont forcément et pour très longtemps associés dans la mémoire collective aux photos de familles en pleurs, de morts par milliers , de villes en ruine, de torture aussi. Kaboul, Bagdad, Guantanamo, Abou Graïb, tous ces noms qui jalonnent les textes conspirationnistes parce qu'ils provoquent forcément la colère et le dégoût chez une partie des populations occidentales, et la méfiance évidemment envers des démocraties qui sont bien parties à la dérive.

 

Et dont chacun ne peut qu'admettre que leurs dirigeants ont bien menti pour justifier la guerre, notamment en ce qui concerne la fable des « armes de destruction massive » en Irak. Le premier chapitre s'ouvre aussi sur une réalité que seuls les racistes peuvent nier, le volet intérieur de cette « guerre de civilisations » à laquelle le premier Ministre français a lui aussi déclaré croire , il y a peu, la discrimination structurelle des issus de l'immigration, fussent-ils de la troisième ou quatrième génération.

 

Ce triste tableau dressé, on aurait pu penser que le livre de Marie Peltier tomberait dans l'autre écueil, le frère ennemi du raisonnement raciste : l'invention d'une révolte dont le conspirationnisme serait le nouveau bréviaire subversif, révolte qui serait simplement « détournée » par quelques fascistes. Bien au contraire ce qui sera dessiné, c'est le contour d'une idéologie et d'une pratique organisée au service de la domination la plus bestiale.

 

Ce qui est déconstruit ici, c'est d'abord la fausse horizontalité du conspirationnisme antisémite: bien au contraire, si les théories du complots sont répétitives, toutes issues des mêmes références, celle du pré-fascisme français de la fin du 19ème qui s'incarne notamment chez Edouard Drumont, puis du fascisme à la Léon Degrelle, c'est bien parce qu'elles émanent d'acteurs parfaitement organisés, structurellement inscrits dans l'extrême-droite européenne, et au service de dirigeants parfaitement identifiés, dictateurs de toute la planète à commencer par Vladimir Poutine.

 

C'est là la force de l'ouvrage, déconstruire simultanément deux visions conspirationnistes et racistes jumelles : celle qui prétend que le monde tel qu'il est, n'est que l’œuvre de complots ourdis par des forces puissantes et obscures, qui finalement sont toujours les Juifs, et celle qui prétend qu'il y a bien un complot, le conspirationnisme lui-même qui serait le symptôme de la guerre de la civilisation en cours, l'arme des Ennemis Intérieurs dans nos sociétés, les Musulmans, en dernier ressort.

 

Il y a des résumés politiques qui ne sont qu'un fade bouillon, où surnagent quelques légumes sans goût , tant on en a épuré , pour les besoins d'un « grand public » fantasmé comme forcément ignare et peu curieux, toute la force politique.Et puis il y a ceux, qui réellement, sont la synthèse d'expériences de lutte et de combat.

 

C'est le cas de l'ouvrage de Marie Peltier, qui dresse un tableau jusqu'ici fort peu présent dans les analyses médiatiques : le conspirationnisme y est analysé pour ce qu'il est, une propagande mortifère fondée , non pas, sur une culture « étrangère », non pas sur l'islam, mais bien sur le corpus idéologique et méthodologique qui fut celui de l'antisémitisme et des fascismes originels en Europe, une propagande qui fait son effet sur toutes les couches de la population.  .

 

Dans un autre contexte historique, cette thèse là, qui pointe la parenté profonde de l'antisémitisme et de l'islamophobie européennes, aurait semblé une évidence. Mais parce qu'une société fracturée n'existe pas sans entrepreneurs de fracture, bien évidemment, l'ouvrage , à peine sorti déclenche à la fois les foudres de la propagande antisémite et celle de la propagande islamophobe.

 

Leurs tenanciers ont le même besoin absolu : celui du fantasme de l'Ennemi Intérieur , le Juif ou le Musulman, peu importe , tant que sa dénonciation permet de perpétuer le statu quo actuel. Celui de la guerre de tous contre tous, et d'abord des victimes entre elles.

 

On parle, dans l'ouvrage de Marie Peltier, des révolutions qu'on a dites « arabes » , et l'on en parle en termes d'espoir et de progrès. C'est là quelque chose qui est justement l'inverse absolu des théories antisémites et islamophobes : quand les unes les présentent, notamment en Syrie comme l’œuvre du Deus ex machina sioniste et impérialiste, les autres les décrivent comme la première phase du chaos organisé par les islamistes..

C'est d'ailleurs grâce à cet espoir partagé , celui de la révolution syrienne, que nos chemins d'antiracistes ont croisé celui de Marie Peltier. Jusqu'en Europe, la révolution syrienne a fait des vagues, des vaguelettes, plutôt puisque la force de l'antisémitisme et de l'islamophobie, la force des réseaux pro-Assad et pro-Poutine, comme celle de l'extrême-droite raciste ont empêché que cette révolution soit massivement vue comme un espoir. Mais tout de même, ici et là se sont justement croisés des gens venus d'horizons politiques différents, tous persuadés que quelque chose se jouait en Syrie, quelque chose d'inédit et de formidable, contre une dictature impitoyable.

 

Il faut un espoir pour lutter contre les marchands de désespoir. Il faut bien que la solidarité s'incarne quelque part, pour que partout, émerge la force de créer des fronts communs contre la haine.

 

Une ligne de front, et pas seulement un triste constat, c'est ce que dessine l'ouvrage de Marie Peltier, et tout ce qui cherche le chemin non pas de la négation des fractures à l’œuvre, mais celle de leur réparation est précieux.

 

L'ère du complotisme, maladie d'une société fracturée, Marie Peltier aux éditions Les Petits Matins.

 

 

 

 

 

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Published by memorial98 - dans Racisme et antisémitisme
12 juillet 2016 2 12 /07 /juillet /2016 12:27

Hitler ouvre les JO de Berlin en août 1936

 

voir les mises à jour en fin d'article

Les Jeux Olympiques de Berlin ouverts par Hitler le 1er aout 1936 restent ceux de la honte. Avec la complicité des dirigeants du Comité International Olympique (CIO) et de nombreux diplomates, ils permirent au régime nazi de mener une opération de propagande et de se jouer des tentatives de boycott.

Le CIO n'a à ce jour pas présenté d'excuses pour la tenue de ces Jeux de 1936, malgré les nombreuses demandes dans ce sens.

Il reste donc marqué par sa collaboration avec le régime nazi.

 

L'opération nazie pour contrecarrer le boycott.

Le 4 août 1935, Pierre de Coubertin, fondateur de l'olympisme moderne, président d’honneur à vie du CIO, qui admirait « intensément » Hitler déclare à la radio française:

"J'ai l'impression que toute l'Allemagne, depuis son chef jusqu'au plus humble de ses écoliers, souhaite ardemment que la célébration de 1936 soit l'une des plus belles que le monde ait vu. Dans une année, les cloches de Pâques auront annoncé la prochaine entrée dans le stade de Berlin des athlètes venus de tous les coins du monde."

Mais à ce moment, un an avant la date prévue  des J.O. tout ne se présente pas aussi bien que Pierre de Coubertin le dit. Les appels au boycott se multiplient notamment aux États-Unis et au Royaume-Uni. Pour Hitler comme pour le CIO, ces jeux doivent être une réussite. Il faut pour cela qu’Hitler accepte d’intégrer des Juifs dans l’équipe olympique allemande. La Charte olympique, qui interdit l’éviction d’athlètes pour des raisons raciales, religieuses ou d’opinion, doit être respectée.

Or le 15 septembre 1935, les lois anti-juives de Nuremberg sont adoptées, les Jeux sont donc en péril. Charles Sherrill, un ancien ambassadeur américain et soutien d’Hitler, rencontre le chef nazi et lui explique comment procéder:

"Ne prenez ne serait-ce qu’un seul Juif, un demi-juif suffirait…"

Coup de théâtre, le lendemain, le 21 septembre, Hans von Tschammer und Osten, responsable des Sports du Reich, envoie une lettre à la fleurettiste Hélène Mayer, championne olympique et double championne du monde. Seul son père est juif mais selon les lois raciales de Nuremberg  elle est  considérée comme juive. Il s’agit de la convoquer pour les J.O. de Berlin. Hélène Mayer accepte. Sans se rendre compte de la portée de son geste, elle offre à Hitler les jeux dont ils rêvait.

Les appels au boycott continuent mais ils sont dorénavant balayés d’un revers de la main par Baillet-Latour, président du CIO :

"La campagne du boycottage n’est donc que politique, basée sur des affirmations gratuites"

Dès lors les JO d'hiver puis d'été peuvent se dérouler sans encombre et  le 1er août 1936, Adolf Hitler ouvre les Jeux de Berlin.

 

La complaisance envers le nazisme trouve une expression particulière dès les Jeux Olympiques d’hiver de 1936, qui eurent lieu du 6 au 16 février de cette année, dans la ville allemande de Garmisch-Partenkirchen.

Ces Jeux, désirés par Hitler, arrivé au pouvoir trois ans auparavant (1933), furent organisés afin de lui servir de vitrine par Goebbels, Ministre de la Propagande du Troisième Reich. C'est le belge Henri de Baillet-Latour, antisémite notoire, qui était alors le président, depuis 1925, du Comité international olympique (CIO).

Un célèbre cliché photographique le montre entouré, lors de la cérémonie d’ouverture de ces Jeux d’hiver de 1936, de Adolf Hitler et de Rudolf Hess, dauphin du Führer. Lorsque Baillet-Latour mourut en 1942, Hitler lui fit envoyer, portées par une garde d’honneur composée de soldats allemands, plusieurs couronnes de fleurs, dont une en son nom personnel et une aux couleurs du Troisième Reich, le tout assorti de rubans à croix gammées.

 

Et puis il y eut à Berlin 1936, du 1er au 16 août les "Jeux de la honte".

 

Le fondateur de l'olympisme moderne, président d’honneur à vie du CIO, Pierre de Coubertin, qui comme nous l'avons indiqué, admirait « intensément » Hitler, fut plus dithyrambique encore à leur égard en déclarant: « Que le peuple allemand et son chef soient remerciés pour ce qu’ils viennent d’accomplir. (…). Cette glorification du régime nazi a été le choc émotionnel qui a permis le développement qu’elles (les Olympiades) ont connu ! »

Hitler, qui n’en demandait pas tant pour vanter son régime aux yeux du monde, le proposa, pour le remercier, comme lauréat du prix Nobel de la paix, ce que à quoi l’Académie d’Oslo se refusa d’acquiescer.

Il existe aussi, à ce sujet, une photo, tout aussi compromettante, reproduite ci-dessus, de la cérémonie d’ouverture des JO de Berlin en 1936, où l’on voit Hitler, arborant la croix gammée, saluer le drapeau olympique en faisant le salut nazi.

C'est lors de la même année 1936 que les premières persécutions antisémites apparaîtront au grand jour  en Allemagne.

Pas moins de 114 lois anti-juives y seront édictées pendant le seule période s’étalant entre les Jeux Olympiques d’hiver, à Garmisch-Partenkirchen, et ceux d’été, à Berlin, tandis que tous les athlètes juifs de l’équipe nationale allemande en seront exclus, sauf dans le cas de l'escrimeuse qui servit de caution malgré elle.

Le 16 juillet 1936, deux semaines avant l’ouverture de ces JO d’été, 800 Tziganes et Roms résidant à Berlin furent arrêtés lors d’une rafle orchestrée par la police allemande, puis internés dans un camp sous la garde des SS de Himmler.

Ce fut là le premier camp de concentration de l’histoire nazie ,spécialement aménagé à cet effet, celui de Marzahn, quartier situé dans l’est de Berlin. La plupart de ces prisonniers n’en sortirent plus jamais et beaucoup y furent exécutés sommairement, .

Sur ce premier massacre racial commis par le Troisième Reich, en plein Jeux Olympiques, ni le président du CIO, Henri de Baillet-Latour, ni son président d’honneur, Pierre de Coubertin, ne pipèrent mot, le couvrant ainsi du haut de leur prestige international

 

Pire encore, le président du Comité National Olympique Américain d’alors, Avery Brundage, antisémite chevronné, nazi convaincu et membre actif de deux associations ultra racistes outre-Atlantique, toutes deux proches du « Ku Klux Klan », convainquit les États-Unis d’Amérique de ne pas boycotter ces Jeux de Berlin, sous prétexte que « les Juifs étaient bien traités par le Reich »,

Brundage, disciple d’Hitler et que Göring recevait régulièrement en grande pompe, fut nommé, en 1952, président du CIO, puis, en 1972, « président d’honneur à vie » lui aussi.

Il existe là encore une photo de l’entrée triomphale d’Adolf Hitler, entouré des principaux membres du CIO, lors de la cérémonie d’ouverture des JO de Berlin.

Une autre date marquante est le 18 novembre 1936, à peine trois mois après la clôture des Jeux de Berlin.

C’est ce jour-là, en effet, qu’eut lieu le départ des aviateurs allemands de la légion « Condor », unité de la « Luftwaffe » alors placée sous les ordres de Göring, pour aller combattre en Espagne, contre les républicains, aux côtés des fascistes de Franco.

Au premier rang de ceux-ci émergeait alors, un certain Juan Antonio Samaranch, qui militait déjà, en ce temps-là, dans les rangs des pro-hitlériennes « Phalange Espagnole Traditionnaliste » (FET) et autres « Juntes Offensives National-Syndicalistes (JONS). Après avoir été nommé par Franco lui-même, en 1967, « Secrétaire aux Sports » dans le gouvernement espagnol (lequel favorisa de grands criminels nazis) il deviendra de 1980 à 2001, le nouvel et inamovible président du même CIO.

 

Les JO de 1936 ne constituent pas le seul scandale de ce type. Beaucoup d'autres compétitions  se sont tenues alors que résonnaient les cris des victimes d'une dictature qui les organisaient et en en tiraient profit. Cela montre à quel point les structures de direction du sport-spectacle et du sport-business s’accommodent et de la collaboration avec les pires régimes et  de la présence à leur tête de fascistes et de racistes connus Le sport, transformé en exaltation du nationalisme et source de profit, devient ainsi un rouage de la barbarie.

 

Memorial 98

25 mars 2020: une non-annulation oubliée. 

L'annulation des Jeux Olympiques de Tokyo en raison de la pandémie du coronavirus rappelle les précédents en la matière. On insiste sur les suspensions en temps de guerre, dont 1940 et 1944. En revanche le maintien de 1936 à Berlin sous le régime nazi est "oubliée" . La tâche indélébile demeure pourtant pour le CIO et tous ceux qui ont fait pression dans ce sens dont Pierre de Coubertin.

Memorial 98

Mise à jour du 1er août 2017

 

Alors que s'annonce la tenue des Jeux Olympiques de 2024 à Paris, la mémoire de ceux de 1936 ouverts par Hitler à Berlin le 1er août est toujours présente. Leur organisation  fut le fruit des manoeuvres de Pierre de Coubertin, qui admirait "intensément " Hitler (voir ci-dessous) et du Comité Olympique (CIO). Ce dernier n'a jamais présenté d'excuses pour ces Jeux offerts aux nazis; l'exigence en demeure donc, pleine et entière. 

MEMORIAL 98

 

 

Actualisation du 23 aout 2016

 

Des moments forts dans le documentaire d'Arte ci-dessous, notamment: L'omniprésence de la propagande visuelle nazie par la répétition du salut hitlérien et la saturation de l'espace par les bannières et drapeaux  frappés de la croix gammée

La mise en avant par les nazis de la délégation de Grèce et d'un vainqueur grec du marathon, afin d'imposer une continuité avec la Grèce antique. Quelques années plus tard les nazis dévasteront littéralement ce même pays et y feront des centaines de milliers de morts  

L'attitude plus que douteuse de la délégation française:  à la minute 53' on voit distinctement qu'elle défile au pas, bras tendu, en faisant le salut dit "romain", c'est à dire le salut fasciste. Elle est la seule dans ce cas, avec évidemment les délégations allemandes et italiennes.

A voir sur Arte Pluzz

 

Actualisation du 22 août 2016

 

Arte: Les jeux d'Hitler

Berlin 1936

mardi 23 août à 20h55 (87 min)

Présentation par Arte:

"Lors de l'été 1936, les Jeux Olympiques de Berlin offrent au monde l'image d'une Allemagne ouverte et pacifique. . Et le maître de ce pays de cocagne, Adolf Hitler, n'était finalement qu'un despote éclairé, pacifique... Pendant les quinze jours qu'ont duré les Jeux olympiques de Berlin, l'Allemagne nazie a tout fait pour présenter cette image au monde. Elle y est parvenue. CIO, gouvernants, public : tous sont tombés sous le charme maléfique de ces Jeux. Aujourd'hui, le triomphe de l'athlète noir Jesse Owens (quatre médailles d'or) semble consacrer la victoire du sport et de l'idéal olympique. Mais cette belle histoire n'est qu'un arrangement avec la réalité... Les Jeux de Berlin ne furent qu'un instrument décisif dans la prise de contrôle de la société par le parti national-socialiste, offrant en même temps une vitrine grandiose pour la reconnaissance internationale de l'Allemagne nazie.

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29 juin 2016 3 29 /06 /juin /2016 14:15

 

 

 

 

                    Manifestation d'un millon de personnes à Londres le 23 mars pour un nouveau vote

24 décembre 2020: l'accord entre l'Union européenne et le gouvernement britannique se réalise avec un an de retard sur la date prévue initialement.

Entre-temps, Trump, grand soutien du Brexit, a été battu lors de la présidentielle étasunienne. Le départ britannique, imposé par une campagne mensongère et raciste, provoque des soubresauts en son sein. Ainsi, le gouvernement semi-autonome écossais relance un combat justifié pour l'indépendance du pays. La situation en Irlande du Nord se dirige vers d'importantes tensions. L'entrée en vigueur des nouvelles règles provoque déjà le chaos aux frontières maritimes et terrestres. Le bilan est déjà lourd et ne manquera pas de s'aggraver dans les prochaines années. 

MEMORIAL 98

31 janvier 2020: Black Friday.

Les vainqueurs du Brexit, qui entre en vigueur aujourd'hui ( entre temps, plusieurs reports ont eu lieu NDLR), sont ceux qui l'ont promu et manipulé, comme nous le retraçons ci-dessous : Trump, #Poutine, Nigel Farage, Boris Johnson, la presse raciste britannique, toute l'extrême-droite; pensées pour la députée travailliste Jo Cox assassinée par un militant d'extrême-droite le 16 juin 2016. De son côté le parti travailliste( Labour) et son dirigeant Corbyn n'ont jamais rompu avec leurs hésitations et calculs à court terme. Ils n'ont pas mené campagne pour un nouveau scrutin.

Il est dramatique de voir des courants de gauche minimiser les composantes racistes de la campagne pour le Brexit et de son résultat.

La gauche française en particulier est traversée par cette dérive qui pactise avec le nationalisme et le rejet des minorités, au nom d'un combat contre le "système". 

MEMORIAL 98

 

La nomination de Theresa May comme nouvelle chef du gouvernement britannique constitue un symbole de la situation créée par la campagne du Brexit et ses conséquences.

Celle qui a été été six années d'affilée au poste de ministre de l'Intérieur a déjà annoncé qu'elle allait réduire drastiquement le nombre de visas d'entrée au Royaume-Uni. Elle veut aussi remettre en cause la convention européenne des droits de l'homme qui offre des garanties aux migrants. Elle poursuit ainsi la ligne qu'elle a mis en oeuvre dans son ministère et celle de David Cameron qui n'a jamais hésité à reprendre le thème de l"identité nationale".

Nigel Farage, chef du parti d'extrême-droite Ukip, a donc pu se retirer avec la satisfaction d'avoir gagné. Il a réussi a diffuser le poison du racisme dans de nombreux secteurs de la société britannique et à renforcer la xénophobie organisée dans toute l'Europe.

Le premier ministre hongrois Orban s'est immédiatement engouffré dans la brèche et a annoncé l'organisation d'un référendum anti-immigration le 2 octobre prochain. Le même jour se tiendra aussi l'élection présidentielle en Autriche, avec à nouveau un risque de victoire du parti d'extrême-droite FpÖ.

L'explosion de joie de toute l'extrême-droite européenne et mondiale après le vote britannique  montre bien l'ampleur des défis de la situation actuelle;  des chefs du FN  à Orban, de Trump au gouvernment ultra-réactionnaire polonais, de l'AfD allemande à Wilders aux Pays-Bas, ils ont tous exulté. 

En Grande-Bretagne même, la multiplication des paroles et discours xénophobes durant la campagne a conduit à une explosion des actes de violence durant celle-ci et au lendemain du scrutin.

 

Violences racistes et assassinat politique

Durant les semaines qui ont précédé le scrutin, la haine a été attisée en permanence  et une députée a été assassinée par un fasciste criant «la Grande-Bretagne d’abord!» (Britain First), soit l’un des principaux thèmes de la campagne dominante pour la sortie de l’UE.

L’assassinat de Jo Cox est le le résultat direct du climat provoqué par la campagne du référendum.

Jo Cox défendait les réfugiés et était partisane de la campagne pour rester au sein de l’UE. 

L'atmosphère et la tension créés par la campagne de Nigel Frage et  Boris Johnson ont  non seulement renvoyé la Grande-Bretagne des décennies en arrière en termes de racisme et de xénophobie, mais ont aussi créé les conditions pour qu’un fanatique d’extrême droite, qui était en lien avec des néos-nazis et suprémacistes blancs, abatte Jo Cox

Dans les quatre jours suivant le scrutin, la police a enregistré une hausse de 57 % des plaintes pour des délits liés à la haine xénophobe ou raciale. A Huntingdon, dans le centre de l'Angleterre, quelque deux cents Polonais ont reçu un message glaçant : « Halte à la vermine polonaise. ».

La façade du centre culturel polonais de Hammersmith, à Londres, était barbouillée d’un grand « Go home ! » à la peinture jaune. « Ce centre existe depuis les années 1960. Pourquoi maintenant ?, s’interroge Elzbieta Pagor, la bibliothécaire. Le référendum a tout simplement fait exploser les gens. »

Les services de police eux-même alertent : « Les procès-verbaux qui nous remontent témoignent d’une recrudescence des tensions locales visant directement des communautés de migrants depuis le référendum », a confirmé Sara Thornton, chef du Conseil national des responsables policiers.

 

 

Les ressorts de la  campagne

 

Le « non » britannique représente un motif d'inquiétude pour les antiracistes, car il signe une victoire des forces xénophobes à l’œuvre aujourd’hui en Europe.

Le débarquement des « hordes de migrants » a représenté un argument déterminanat des tenants du Brexit, comme le montre l'affiche ci-dessus du parti Ukip dirigé par Nigel Farage.

La droite conservatrice et l’extrême droite ont réussi à convaincre une majorité de votants que leurs difficultés sociales étaient provoquées par les immigrés plutôt que par leur propres classes dominantes.

C'est une nouvelle mouture de la propagande classique du nationalisme. Celui-ci désigne les étrangers et les habitants des autres pays comme responsables des maux d'une société déchirée par les inégalités . 

Ainsi, selon ces démagogues, les bas salaires et la précarité imposée ne relèveraient- ils pas de la responsabilité du patronat mais de celle de ceux et celles, souvent étrangers, qui sont contraints de les accepter.

Ainsi la crise du système de santé britanique (NHS) ne relèverait pas des choix du gouvernement Cameron qui a taillé dans les dépenses publiques mais d'un prétendu afflux d'Européens de l'Est venus se soigner, voire apportant des maladies. On retrouvait dans ce cas un thème mis en avant par le Front National.

Des millions de personnes qui ont voté pour le Brexit l’ont fait parce qu’elles ont intégré  l’argument selon lequel la détérioration des niveaux de vie et des services publics étaient provoqués par l’immigration et non par l’austérité imposée par le gouvernement.

A ce titre on peut considérer que la campagne nationale du Brexit a été la plus réactionnaire de l’histoire politique britannique.

Le référendum a rendu légitimes le racisme et la xénophobie comme jamais auparavant.

En d’autres termes, des millions de travailleurs souffrant de la pauvreté et des inégalités croissantes ont été amenés lors de la campagne à une conclusion entièrement fausse: sévir contre les immigrants leur permettrait de «reprendre le contrôle»  et de résoudre leurs problèmes.

Le slogan phare pro-« Brexit » se résumait à deux mots : « Take Control » c'est à dire « Reprenons le contrôle de notre pays » en l'occurence des frontières.
 
La presse dite "populaire", a joué un rôle énorme dans ce sens. Les tabloïds qui s'adressent aux couches populaires mènent depuis des années une campagne nationaliste et xénophobe. 
Ainsi par exemple Le Daily Express, qui tire à plus de 430000 exemplaires par jour, a titré en une pendant 17 jours successifs sur le «thème» de l'envahissement par la migration.

Il est dramatique de voir des courants de gauche minimiser les composantes racistes de la campagne pour le Brexit et de son résultat. On retrouve ici l'aveuglement qui a parfois conduit certains à gauche à confondre l'antisémitisme avec un sentiment anticapitaliste.

La gauche française en particulier est traversée par cette dérive qui pactise avec le nationalisme et le rejet des minorités, au nom d'un combat contre le "système". 

Face aux résultats du référendum, d'importantes mobilisations de solidarité antiraciste se mettent en place en Grande-Bretagne, afin notamment de protéger les 3 millions de personnes issues d'Europe de l'Est et qui sont menacées.

Dans d'autres pays, il semble que se fasse jour une prise de conscience des dangers d'une vague raciste. Ainsi en Allemagne, le parti d'extrême-droite AfD retombe sous la barre des 10% dans les sondages alors qu'il se trouvait en développement constant. 

Néanmoins, faute d'une rupture et d'une réorientation européenne vers des solutions de solidarité, de justice sociale, de démocratie, d'accueil des migrants, les nationalistes et les fascistes (faussement baptisés "populistes") continueront à prospérer.

La catastrophe deviendrait alors possible.

 

Memorial 98

24 septembre 2019

 Bonne nouvelle et défaite supplémentaire pour Boris Johnson: la Cour suprême britannique vient de trancher: la suspension du Parlement est illégale

MEMORIAL 98

28 août 2019

Boris Johnson, premier ministre non-élu mais désigné, suspend le Parlement jusqu'au 14 octobre avec l'appui de la reine. C' est un coup autoritaire pour imposer le silence aux députés qui s’opposent à son #NoDeal

Le Brexit représentait déjà le nationalisme, la xénophobie et l’ultralibéralisme. C'est aussi l'autoritarisme rejeté par les manifestants qui se sont rassemblé.e. s dès l'annonce de la suspension #StopTheCoup.

Une pétition contre la suspension a déjà recueilli plus d' un million de signataires en quelques heures.

 Memorial 98  

Au moment ou Boris Johnson claque la porte du gouvernement, rappelons que  le Brexit a été acquis par une campagne raciste et xénophobe dans laquelle il a joué un rôle prépondérant. Les Britanniques peuvent se libérer de ce piège qui a été soutenu par Trump, Poutine et toute l'extrême-droite

MEMORIAL 98

 

23 juillet 2019: Boris Johnson, nouveau premier ministre, symbole du racisme

En 2002, dans une de ses tribunes pour le Daily Telegraph*, celui qui était alors député employait les termes racistes "négrillons" au sujet d'enfants noirs et "sourires de pastèque" en parlant de chefs tribaux africains. Plus récemment, il a aussi comparé les femmes en burqa à des "boîtes aux lettres"*.

En 2015, il déclarait dans une interview au Sun que les jihadistes étaient "des branleurs qui pratiquent la masturbation intensive".  Il a également fait réagir en établissant un parallèle entre les desseins de l'Union européenne et ceux des nazis dans une interview au Sunday Telegraph* en mai 2016.

 

23 mai 2019

En cette journée de vote européen en Grande Bretagne nos pensées pour la députée britannique Jo Cox, assassinée par un militant d'extrême-droite le 16 juin 2016, en raison de son opposition au Brexit et de son soutien aux migrants, diabolisés lors de cette campagne basée sur le racisme

 

 12 mars 2019:  à quelques jours de la catastrophe

A quelques jours du 29 mars, date officielle du Brexit, la catastrophe prévisible se révèle dans toute son ampleur. La campagne xénophobe et manipulatrice qui a conduit à la victoire entraîne la Grande-Bretagne et toute l'Europe dans une spirale destructrice, voulue par Trump et Poutine qui ont contribué à ce résultat. Il est encore temps de stopper ce danger en par un nouveau scrutin ouvert et transparent, sans manipulations du type Cambridge Analytica. Pour cela il faut que le parti travailliste( Labour) et son dirigeant Corbyn se décident enfin à rompre avec leurs hésitations et calculs à court terme. L'urgence est là.

Memorial 98   

 

Mise à jour du 13 juin 2018

Un néo-nazi britannique avoue  avoir planifié le meurtre d'une députée. 

Jack Renshaw, accusé d'appartenance à un groupe néo-nazi, a reconnu le 12 juin devant le tribunal d'Old Bailey avoir acheté une machette avec l'intention de tuer une députée travailliste du Parlement.

Il est l'un des six membres présumés du groupe d'extrême droite National Action qui comparaissait devant la cour criminelle londonienne. Ce groupe a été dissous en 2016 à la suite de l'assassinat de Jo Cox, une autre élue travailliste, tuée dans la rue par un homme aux sympathies néo-nazies ( voir ci-dessous) . Jack Renshaw a plaidé coupable de préparation d'un acte terroriste par l'achat d'une machette en vue de l'assassinat de Rosie Cooper, une autre députée du Labour. Renshaw a été enregistré lors d'une réunion d'extrême-droite alors qu'il déclarait qu'il reprochait à Hitler d'avoir montré trop de miséricorde à l'égard des Juifs  

                                  Renshaw et des néos-nazis britanniques

Ce projet terroriste d'extrême-droite s'inscrit dans la vague de violence que les fascistes développent à travers le monde, comme le montre notamment l'attaque meurtrière de Charlottesville  

MEMORIAL 98

 

 

Mise à jour du 30 avril 2018

La ministre britannique de l'Intérieur Amber Rudd contrainte de démissionner après différents scandales liés à des traitements discriminatoires des migrants.
 
Il s'agit d'une part de la révélation que ses services avaient des objectifs chiffrés pour expulser les immigrés clandestins. Elle avait nié être au courant de l'existence de tels objectifs et s'est vu accusée d'avoir trompé les députés.
 
Elle paye également les révélations du scandale Windrush
Des centaines milliers d'immigrés des pays du Commonwealth ont été amenés pour reconstruire le pays après la Seconde guerre mondiale. Cela a duré de 1948, quand le Windrush, premier bateau avec à bord des immigrants des Caraïbes, a débarqué près de Londres, au début des années 1970. Ces travailleurs disposaient du droit de rester indéfiniment en Grande-Bretagne. D'autant que certains d'entre eux avaient la nationalité britannique car nés pendant la période coloniale.
Mais ceux qui n'ont jamais réclamé de papiers d'identité en bonne et due forme se sont retrouvés traités comme des immigrés illégaux, courant le risque d'être expulsés s'ils ne fournissaient pas de preuve pour chaque année de présence au Royaume-Uni.
 
Face au tollé soulevé par ces menaces d'expulsion, Theresa May avait été contrainte de s'excuser auprès des dirigeants de ces pays lors d'un sommet du Commonwealth à Londres il y a deux semaines.
 
Il s'agit à nouveau de la gangrène raciste lié à la campagne du Brexit, voir ci-dessous les déclarations de Theresa May en octobre 2016 en faveur de la "préférence nationale"
 
MEMORIAL 98

 

 

 

 

Mise à jour du 30 avril 2018

La ministre britannique de l'Intérieur Amber Rudd contrainte de démissionner après différents scandales liés à des traitements discriminatoires des migrants.
 
Il s'agit d'une part de la révélation que ses services avaient des objectifs chiffrés pour expulser les immigrés clandestins. Elle avait nié être au courant de l'existence de tels objectifs et s'est vu accusée d'avoir trompé les députés.
 
Elle paye également les révélations du scandale Windrush
Des centaines milliers d'immigrés des pays du Commonwealth ont été amenés pour reconstruire le pays après la Seconde guerre mondiale. Cela a duré de 1948, quand le Windrush, premier bateau avec à bord des immigrants des Caraïbes, a débarqué près de Londres, au début des années 1970. Ces travailleurs disposaient du droit de rester indéfiniment en Grande-Bretagne. D'autant que certains d'entre eux avaient la nationalité britannique car nés pendant la période coloniale.
Mais ceux qui n'ont jamais réclamé de papiers d'identité en bonne et due forme se sont retrouvés traités comme des immigrés illégaux, courant le risque d'être expulsés s'ils ne fournissaient pas de preuve pour chaque année de présence au Royaume-Uni.
 
Face au tollé soulevé par ces menaces d'expulsion, Theresa May avait été contrainte de s'excuser auprès des dirigeants de ces pays lors d'un sommet du Commonwealth à Londres il y a deux semaines.
 
Il s'agit à nouveau de la gangrène raciste lié à la campagne du Brexit, voir ci-dessous les déclarations de Theresa May en octobre 2016 en faveur de la "préférence nationale"
 
MEMORIAL 98

 

 

Actualisation du 27 décembre 2016: Les fascistes aiment le Brexit

 

Le maire Front National de Beaucaire, Julien Sanchez, veut faire baptiser "rue du Brexit" une des voies de sa commune.

Au delà de la recherche du "buzz" de publicité, le fasciste municipal revendique la campagne raciste britannique du Brexit. Il y trouve une inspiration pour ses actions discriminatoires, notamment à l'encontre des commerçants maghrébins de sa ville (voir ici )

Notons que Sanchez, vieil apparatchik FN, a embauché Damien Rieu, dirigeant du groupe violent d'extrême droite Génération identitaire, qu'il a nommé directeur adjoint de la communication de la ville.

MEMORIAL 98

 

Actualisation du 2 décembre 2016

 

Nigel Farage chef britannique du parti Ukip et très proche de Trump prévoit un soutien à Marine Le Pen, dans le cas où celle-ci figurerait au second tour de la présidentielle en France.

Il n'est donc plus gêné comme auparavant par le passé antisémite du FN, qui constituait pour lui un motif de non-collaboration avec le parti frontiste. L'Ukip pourrait même adhérer au groupe parlementaire européen du FN.

C'est une nouvelle manifestation de l'Internationale "noire" qui se construit autour de Trump et Farage avec Poutine en toile de fond.

MEMORIAL 98

 

Actualisation du 14 novembre 2016

 

 

 

 

 

 

Trump et Farage le 12 novembre devant la Trump Tower

 

Brexit puissance 3 (dixit Trump tout au long de sa campagne)

 

Nigel Farage, dirigeant ultra-raciste du parti Ukip et vainqueur du Brexit, est le premier responsable politique étranger reçu par Trump le 12 novembre dans sa tour.

 

Cette rencontre a eu lieu quatre jours avant le début du procès du meurtrier de la députée britannique Jo Cox.
Thomas Mair, en lien de longue date avec l’extrême droite violente de par le monde et  notamment les néo-nazis américains, a assassiné la députée travailliste le 16 juin, alors que la rhétorique anti-immigrés de la campagne du Brexit était à son paroxysme. Nigel Farage l'acolyte de Trump et Boris Johnson, actuel ministre des Affaires étrangères, sont responsables du climat à l'origine de ce meurtre.

 

Au lendemain de la victoire de Donald Trump, Farage s'était dit «absolument heureux» à la radio britannique. Il avait invité Trump  à défaire les mesures «répugnantes» de Barack Obama.

Il a aussi tourné en dérision les accusations d'agression sexuelle qui visent Donald Trump, lui recommandant d'«amadouer» tant qu'il voudrait Theresa May, mais de ne pas la toucher. Farage a confié à la BBC qu'il était désireux d'aider le gouvernement de Theresa May à créer des liens avec le nouveau président des Etats-Unis.

Donald Trump comme Nigel Farage ont souligné les similitudes entre l'électoral américain et britannique, marqués selon eux par un fort mécontentement à l'égard de la classe politique et demandeurs de changement. En termes clairs cela signifie qu'ils ont tout deux mené une campagne dominée par le racisme.

Ils  ont réussi à convaincre nombre  de votants que leurs difficultés sociales étaient provoquées par les "étrangers" plutôt que par leur propres classes dominantes.

C'est une nouvelle mouture de la propagande classique du nationalisme. Celui-ci désigne les minorités opprimées, les étrangers et les habitants des autres pays comme responsables des maux d'une société déchirée par les inégalités . 

Ainsi, selon ces démagogues, les bas salaires et la précarité imposée ne relèveraient- ils pas de la responsabilité du patronat mais de celle de ceux et celles, souvent étrangers, qui sont contraints de les accepter.

L'élection aux Etats-Unis d'un candidat raciste, sexiste, antisémite complotiste, démagogue fascisant soutenu par l'extrême-droite dans le monde entier, représente un coup sévère supplémentaire, après le Brexit et dans sa continuité.

Les forces racistes se trouvent encouragées, comme le symbolise la satisfaction du Ku Klux Klan et des néo-nazis, qui ont fait campagne pour lui.  D'ores et déjà les actes et paroles racistes sont en forte augmentation aux USA, comme lors du Brexit

En France ce sont sans surprise les  Le Pen et le FN qui exultent ainsi que les "Trumpistes" de la droite, dont Sarkozy et le président des LR, Laurent Wauquiez
 
Bien d'autres vont maintenant trouver des vertus au prétendu "candidat du peuple", comme lors du Brexit. Il s'agit en effet d'un mécanisme semblable: des millions de votes se sont portés sur voté sur un milliardaire raciste parce qu'il a promis de taper sur les Noirs, les Latinos, les musulmans, les immigrés. Parce qu'il a promis des armes, des morts, le pouvoir d'opprimer en toute liberté.
 
Il est temps de comprendre qu'en répétant que finalement l'extrême-droite représenterait un vote de résistance à l'injustice sociale, on encourage ceux qui savent très bien ce qu'ils font.
 
La vague de manifestations anti-Trump qui a débuté dès le lendemain aux USA de l'élection montre une volonté de s'opposer aux mauvais coups que préparent déjà Trump et ceux qui le soutiennent.  
 
 
 
Memorial 98

 

Mise à jour du 1er juin 2017

 

 

A quelques jours des élections législatives en Grande-Bretagne, Farage rattrapé par le scandale des élections présidentielles US.

 

Nigel Farage est désormais considéré comme « person of interest » (personne d’intérêt dans le cadre d’une enquête) par le FBI américain dans son enquête sur d’éventuels liens entre la campagne de Donald Trump et la Russie, révèle le  journal britannique de gauche Guardian. A ce stade, M. Farage n’est pas considéré comme suspect, mais ce statut signifie que les enquêteurs américains considèrent qu’il détient, au minimum, des informations pouvant les intéresser.

 

Les enquêteurs étudient notamment les relations entre  Farage, plusieurs membres de l’entourage de Donald Trump, et Julian Assange, le fondateur de WikiLeaks, qui avait publié les documents piratés au comité national démocrate pendant la campagne. « Si vous triangulez la Russie, WikiLeaks, Assange et les proches de Trump, la personne qui est au centre du schéma est Nigel Farage », a révélé une source anonyme proche de l’enquête au Guardian.

 

Nigel Farage avait rendu visite le 9 mars à Julian Assange de Wikileaks, qui vit toujours dans l’ambassade d’Equateur à Londres. La visite devait être secrète, mais le fondateur du UKIP avait été reconnu par un passant qui avait diffusé sa photographie à l’entrée de l’ambassade. 

Des liens avec tous les proches conseillers de Trump

Farage avait aussi été l’un des tout premiers élus étrangers à rendre visite à Donald Trump après son élection (voir ci-dessous). Il est également proche de Roger Stone, l’un des conseillers de Donald Trump qui a reconnu avoir été en contact avec "Guccifer 2.0," le hackeur qui a revendiqué le piratage des documents du Parti démocrate, et que les services américains considèrent comme un faux nez des services de renseignement russes. M. Stone avait annoncé, avant qu’elle ait lieu, la publication par WikiLeaks des courriels volés à l’équipe démocrate durant la campagne. Enfin, Farage connaît bien Steve Bannon, l’ancien directeur de la campagne de Donald Trump: il écrit régulièrement pour son site Breitbart, spécialisé dans les "fake news" et les campagnes racistes.

L'internationale facho se dévoile.

 

MEMORIAL 98

 

Actualisation du 27 décembre 2016: Les fascistes français aiment le Brexit

 

 

Le maire Front National de Beaucaire, Julien Sanchez, veut faire baptiser "rue du Brexit" une des voies de sa commune.

Au delà de la recherche du "buzz" de publicité, le fasciste municipal revendique la campagne raciste britannique du Brexit. Il y trouve une inspiration pour ses actions discriminatoires, notamment à l'encontre des commerçants maghrébins de sa ville (voir ici )

Notons que Sanchez, vieil apparatchik FN, a embauché Damien Rieu, dirigeant du groupe violent d'extrême droite Génération identitaire, qu'il a nommé directeur adjoint de la communication de la ville.

MEMORIAL 98

 

Actualisation du 2 décembre 2016

 

Nigel Farage chef britannique du parti Ukip et très proche de Trump prévoit un soutien à Marine Le Pen, dans le cas où celle-ci figurerait au second tour de la présidentielle en France.

Il n'est donc plus gêné comme auparavant par le passé antisémite du FN, qui constituait pour lui un motif de non-collaboration avec le parti frontiste. L'Ukip pourrait même adhérer au groupe parlementaire européen du FN.

C'est une nouvelle manifestation de l'Internationale "noire" qui se construit autour de Trump et Farage avec Poutine en toile de fond.

MEMORIAL 98

 

Actualisation du 14 novembre 2016

 

 

 

 

 

 

Trump et Farage le 12 novembre devant la Trump Tower

 

Brexit puissance 3 (dixit Trump tout au long de sa campagne)

 

Nigel Farage, dirigeant ultra-raciste du parti Ukip et vainqueur du Brexit, est le premier responsable politique étranger reçu par Trump le 12 novembre dans sa tour.

 

Cette rencontre a eu lieu quatre jours avant le début du procès du meurtrier de la députée britannique Jo Cox.
Thomas Mair, en lien de longue date avec l’extrême droite violente de par le monde et  notamment les néo-nazis américains, a assassiné la députée travailliste le 16 juin, alors que la rhétorique anti-immigrés de la campagne du Brexit était à son paroxysme. Nigel Farage l'acolyte de Trump et Boris Johnson, actuel ministre des Affaires étrangères, sont responsables du climat à l'origine de ce meurtre.

 

Au lendemain de la victoire de Donald Trump, Farage s'était dit «absolument heureux» à la radio britannique. Il avait invité Trump  à défaire les mesures «répugnantes» de Barack Obama.

Il a aussi tourné en dérision les accusations d'agression sexuelle qui visent Donald Trump, lui recommandant d'«amadouer» tant qu'il voudrait Theresa May, mais de ne pas la toucher. Farage a confié à la BBC qu'il était désireux d'aider le gouvernement de Theresa May à créer des liens avec le nouveau président des Etats-Unis.

Donald Trump comme Nigel Farage ont souligné les similitudes entre l'électoral américain et britannique, marqués selon eux par un fort mécontentement à l'égard de la classe politique et demandeurs de changement. En termes clairs cela signifie qu'ils ont tout deux mené une campagne dominée par le racisme.

Ils  ont réussi à convaincre nombre  de votants que leurs difficultés sociales étaient provoquées par les "étrangers" plutôt que par leur propres classes dominantes.

C'est une nouvelle mouture de la propagande classique du nationalisme. Celui-ci désigne les minorités opprimées, les étrangers et les habitants des autres pays comme responsables des maux d'une société déchirée par les inégalités . 

Ainsi, selon ces démagogues, les bas salaires et la précarité imposée ne relèveraient- ils pas de la responsabilité du patronat mais de celle de ceux et celles, souvent étrangers, qui sont contraints de les accepter.

L'élection aux Etats-Unis d'un candidat raciste, sexiste, antisémite complotiste, démagogue fascisant soutenu par l'extrême-droite dans le monde entier, représente un coup sévère supplémentaire, après le Brexit et dans sa continuité.

Les forces racistes se trouvent encouragées, comme le symbolise la satisfaction du Ku Klux Klan et des néo-nazis, qui ont fait campagne pour lui.  D'ores et déjà les actes et paroles racistes sont en forte augmentation aux USA, comme lors du Brexit

En France ce sont sans surprise les  Le Pen et le FN qui exultent ainsi que les "Trumpistes" de la droite, dont Sarkozy et le président des LR, Laurent Wauquiez
 
Bien d'autres vont maintenant trouver des vertus au prétendu "candidat du peuple", comme lors du Brexit. Il s'agit en effet d'un mécanisme semblable: des millions de votes se sont portés sur voté sur un milliardaire raciste parce qu'il a promis de taper sur les Noirs, les Latinos, les musulmans, les immigrés. Parce qu'il a promis des armes, des morts, le pouvoir d'opprimer en toute liberté.
 
Il est temps de comprendre qu'en répétant que finalement l'extrême-droite représenterait un vote de résistance à l'injustice sociale, on encourage ceux qui savent très bien ce qu'ils font.
 
La vague de manifestations anti-Trump qui a débuté dès le lendemain aux USA de l'élection montre une volonté de s'opposer aux mauvais coups que préparent déjà Trump et ceux qui le soutiennent.  
 
Memorial 98
 

Actualisation du 23 octobre 2016

Les statistiques policières confirment le développement des violences xénophobes

En Juillet 2016, 41% d'augmentation des attaques racistes signalées par des victimes, en septembre 2016, 58% d'augmentation, par rapport à l'année précédente.
Plusieurs meurtres, mais aussi des milliers d'agressions contre les personnes et les biens, avec par exemple une journée du 1er juillet où 200 victimes ont subi une violence raciste.

La violence homophobe, lesbophobe et transphobe a également fortement augmenté dans le sillage des agressions xénophobes.

Memorial 98

Actualisation du 6 octobre 2016

Nouvelle escalade xénophobe de Theresa May qui veut mettre en place une "préférence nationale"

 

Le gouvernement de Theresa May veut inciter les entreprises à publier la liste de leurs employés étrangers. Que cherche à obtenir la Première ministre britannique avec cette mesure ?

Il s'agit de  réduire par trois le nombre de travailleurs immigrés entrants  et de les faire passer de 330 000 à seulement 100 000 par an.

 

La ministre de l'Intérieur, Amber Rudd, a dévoilé ce nouveau plan de restrictions pour les entreprises qui seront poussées à publier une liste de leurs employés non-britanniques et à privilégier la main d'oeuvre nationale.

 "Ce n'est pas parce que je suggère que les étrangers prennent les emplois des britanniques que je suis raciste", s'est-elle défendue (sic!). 

Quant au ministre de Commerce international, Liam Fox, il a souligné qu'il était hors de question à ce stade de garantir les futurs droits des trois millions de citoyens européens déjà établis au Royaume-Uni. "C'est l'une des nos principales cartes lors des négociations à venir sur le Brexit. On ne va pas l'abattre dès maintenant", a-t-il indiqué avec cynisme. 

Comme nous l'avions indiqué au lendemain de la campagne du Brexit, la désignation de May annonçait cette vague de mesures xénophobes inspirées également par les positions du parti d'extrême-droite Ukip (voir ci-dessous)

Le gouvernement britannique encourage ainsi la vague raciste qui traverse le pays.

 

 

Memorial 98

 

Actualisation du 4 septembre 2016

 

 

Violences xénophobes à proximité de Londres

Deux Polonais ont été agressés dans la nuit du 3 au 4 septembre dans la ville de Harlow, au nord-est de Londres.

 

Cette nouvelle attaque intervient quelques heures après une veillée organisée dans cette ville en hommage à un de leurs compatriotes, Arek Jozwik, tué par une bande de jeunes. Le motif xénophobe est l’une des pistes poursuivies, avait affirmé la police

 

Les deux dernières victimes, âgées d’une trentaine d’années, ont été attaquées et blessées à la tête et au nez dans la nuit par un groupe de cinq à six hommes, selon la police de l’Essex. Il s’agit potentiellement d’un « crime de haine », a annoncé Trevor Roe, un responsable local de la police.

 

Memorial 98

 

 

 

Actualisation du 18 août 2016:

Quand Brexit rime avec discrimination ethnique

La Grande-Bretagne  doit prendre des mesures "urgentes" face à l'augmentation des agressions racistes depuis le vote sur le Brexit et la persistance des discriminations touchant les minorités ethniques, a estimé le 18 août une commission gouvernementale britannique.

La "Commission sur l'égalité et les droits de l'homme" a publié un rapport présenté comme le plus vaste jamais réalisé sur les minorités ethniques au Royaume-Uni.

Si leur situation s'est parfois améliorée au cours des cinq dernières années, la vie est pour beaucoup devenue plus dure, en particulier pour les jeunes Noirs, souligne la commission.

De manière générale, les "Noirs sont bien plus susceptibles d'être victimes de crimes ou d'être traités plus durement par le système judiciaire", écrit-elle ajoutant ...'' vous avez plus de deux fois plus de chance d'être tué si vous êtes noir".

Les délits xénophobes ont en outre connu un "pic sans précédent" en Angleterre et au pays de Galles après le vote des Britanniques en faveur d'une sortie de l'Union européenne, le 23 juin, et une campagne référendaire dont la limitation de l'immigration a été le thème central.

Inégalités dans les salaires

"La réputation durement gagnée de notre pays pour la tolérance fait très certainement face à la plus grande menace qu'elle ait connue depuis des décennies, avec des partisans de la sortie (de l'UE) qui se servent du résultat du référendum pour légitimer leurs points de vue", met en garde le rapport. Les inégalités concernent également le milieu du travail, les chercheurs d'emploi diplômés venant des minorités ayant deux fois et demi moins de chance d'en trouver un qu'un Blanc, selon le rapport.Quant aux salaires, les Noirs diplômés sont en moyenne payés 23,1 % de moins que les Blancs. "La combinaison de la hausse des crimes de haine post-Brexit et d'une profonde inégalité ethnique au Royaume-Uni est très préoccupante et doit être traitée de toute urgence", déclare le président de la commission, David Isaac, dans un communiqué. "Si vous êtes Noir ou issu d'une minorité ethnique (...), vous avez souvent la sensation de vivre dans un autre monde", regrette-t-il, appelant le gouvernement conservateur de Theresa May à "redoubler d'efforts".

Ces constats officiels confirment l'analyse de Memorial 98 concernant la campagne du Brexit et ses conséquences.

 

Memorial 98

 

 

 

Actualisation du 21 juillet 2016:

Nigel Farage prétendument "retiré de la politique" est néanmoins présent à la convention républicaine de Cleveland afin de soutenir Trump, dont la campagne raciste converge avec celle qu'il a lui-même mené.

Le dirigeant xénophobe néerlandais Geert Wilders (allié du Front National)  est également présent et se félicite de ses convergences avec Trump.

Une internationale raciste s'organise ouvertement.

Memorial 98

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31 mai 2016 2 31 /05 /mai /2016 18:03

 

La reconnaissance du génocide arménien de 1915 par un vote quasi-unanime du Bundestag allemand constitue une avancée importante. Nous nous félicitons de cette décision, qui survient quelques semaines après le 101e anniversaire du génocide et qui porte à 30 le nombre de Parlements qui ont reconnu ce génocide.

 

Ce vote représente aussi une défaite historique pour le négationnisme d’État turc. Celui-ci refuse non seulement de reconnaître qu’il y a eu un génocide organisé envers les Arméniens, mais fait aussi pression dans le monde entier afin que cette reconnaissance n’ait pas lieu.

Les gouvernements turcs successifs utilisent des moyens humains et financiers considérables, visant à intimider les élus, les universitaires, les journalistes et le monde associatif. 

Cela a été le cas aussi en Allemagne.

Les représentants du gouvernement turc, notamment l'ambassade de Turquie  et la branche internationale de l'AKP, le parti d'Erdogan,  ont tenté  de faire pression sur les élus allemands et de les intimider. Cem Özdemir, président d'origine turque des Verts allemands, a fait l'objet de menaces sur les réseaux sociaux en raison de son soutien au texte. «Ce sont toujours les mêmes expressions: traître, cochon d'Arménien, fils de pute, terroriste et même nazi», a-t-il raconté.

Le gouvernement turc et ses relais ont aussi organisé des manifestations nationalistes et négationnistes en Allemagne.

Un autre aspects des pressions a consisté en un jeu cynique à propos des réfugiés. L’accord scandaleux conclu en mars dernier et  qui prévoit notamment le renvoi en Turquie des réfugiés se rendant en Grèce représente un outil de chantage aux mains du gouvernement turc. C'est pour cette raison que le vote de la résolution a été repoussée de février à juin.

L'Allemagne devrait "être attentive à ses relations avec la Turquie", avait déclaré avant le vote  le vice-Premier ministre turc Numan Kurtulmus "Ce n'est pas le rôle des parlements" de se prononcer sur ces questions, a estimé M. Kurtulmus. "Le devoir d'un Parlement, c'est de donner ses documents s'il en a aux historiens et donner son soutien à l'éclaircissement des événements", a-t-il poursuivi. Il s'agit là d'une des ruses utilisées par les autorités turques qui prétendent éviter la reconnaissance en la remplaçant par un "débat d'historiens".

Dès le vote connu, la Turquie a qualifié l’adoption du texte d’« erreur historique » de l’Allemagne, considérant cette résolution comme « nulle et non avenue » tandis que l’Arménie saluait « un apport appréciable de l’Allemagne à la reconnaissance et à la condamnation internationale du génocide arménien ». La Turquie a aussitôt décidé de rappeler son ambassadeur en Allemagne.

Une alliance chauvine et négationniste s'y met en place entre le parti d'Erdogan, l'extrême-droite et les républicains laïques dits "kemalistes".

La pression turque a d'ailleurs obtenu certains résultats. Ainsi le ministre des Affaires étrangères, Frank-Walter Steinmeier, a déclaré que l'Allemagne n'avait pas à s'immiscer dans ce débat historique.

 

 

Reconnaissance historique des responsabilités allemandes

 

Un autre aspect important du texte voté réside dans la reconnaissance des responsabilités allemandes dans ce génocide.

Dans son texte la chambre basse du Parlement allemand «déplore les actes commis par le gouvernement Jeune Turc de l'époque, qui ont conduit à l'extermination quasi-totale des Arméniens». Le Bundestag regrette aussi «le rôle déplorable du Reich allemand qui, en tant que principal allié militaire de l'empire ottoman (...) n'a rien entrepris pour stopper ce crime contre l'Humanité». Pendant la première guerre mondiale, l’Allemagne était alliée à l’empire ottoman. Sa connaissance des massacres, voire sa participation aux côtés de l’armée ottomane, apparaît peu à peu au grand jour.
 

En juin 1915, l’attaché naval allemand à Constantinople  Humann avait écrit : « En raison de leur complot avec les Russes, les Arméniens sont plus ou moins exterminés. C’est dur mais nécessaire. »  Ce rôle, longtemps sous-estimé, de Berlin dans le génocide explique en partie que l’Allemagne ait tardé à le reconnaître officiellement.

Les nazis eux-mêmes trouvaient une stimulation dans l'impunité des responsables de ce génocide : « Mais qui se souvient encore du massacre des Arméniens ? » déclarait ainsi Hitler dans une allocution aux commandants en chef de l'armée allemande le 22 août 1939, quelques jours avant l'invasion de la Pologne.

 

Une conséquence positive supplémentaire du débat entamé sur le génocide arménien est la reconnaissance par les pouvoirs publics allemands de la qualification de génocide pour les massacres commis entre 1904 et 1908 par son armée de l'époque dans l’actuelle Namibie.

Cette extermination était « un crime de guerre et un génocide », avait reconnu  le ministère des affaires étrangères, dès le 10 juillet 2015,

L’actuelle Namibie, dénommée à l’époque « Sud-Ouest africain », a été une colonie allemande de 1884 à 1915. Lorsque, en 1904, les populations Herero et  Nama résistèrent aux troupes coloniales, le général Lothar von Trotha donna l’ordre de les exterminer. Repoussées dans le désert, sans eau et sans nourriture, environ 80 000 personnes moururent en quelques semaines. Les quelques milliers qui survécurent furent par la suite condamnées aux travaux forcés dans six camps où la plupart périrent.

Cette première reconnaissance de principe doit maintenant s'accompagner d'une reconnaissance pleine et entière au plan juridique et aborder la question des réparations. C'est ce que de nombreuses voix ont à juste titre réclamé lors du débat sur la reconnaissance par le Bundestag du génocide arménien.

1,5 million de victimes

L'an dernier, à l'occasion du centenaire , le président allemand Joachim Gauck avait, le premier, utilisé le terme de «génocide» pour qualifier ces massacres qui ont fait 1,5 million de victimes entre 1915 et 1917. Cette première reconnaissance officielle du génocide en Allemagne avait provoqué la colère d'Ankara, le président turc  Erdogan accusant M. Gauck «de soutenir les revendications basées sur les mensonges arméniens».

La Turquie affirme en effet  qu'il ne s'agissait que d'une "guerre civile", doublée d'une famine, dans laquelle 300 à 500.000 Arméniens et "autant de Turcs" ont trouvé la mort au moment où les forces ottomanes et la Russie se disputaient le contrôle de l'Anatolie.

Un combat à poursuivre.

 

La reconnaissance du génocide des Arméniens est encore trop limitée. De nombreux pays tergiversent et hésitent. C'est notamment le cas des autorités israéliennes dont la position revêt un aspect historique et symbolique crucial. Le combat y est engagé depuis des dizaines d'années et progresse très lentement, au gré des rapports de force et des relations avec la Turquie et l'Azerbaïdjan qui font pression.

En France où le génocide a été reconnu dès 2001, le combat porte sur la loi de pénalisation de la négation du génocide des Arméniens. Cette loi, maintes fois promise, a été votée non sans difficultés, y compris dans les rangs d'une partie de la gauche, en décembre  2011 à l'Assemblée nationale et en janvier 2012 au Sénat. Elle a ensuite été censurée avant sa promulgation par le Conseil Constitutionnel en février 2012. Une nouvelle loi a été promise par François Hollande, mais elle est sans cesse repoussée aux calendes grecques. Elle doit faire face à l'opposition d'hommes politiques et d'historiens institutionnels et puissants, dont  Pierre Nora et Robert Badinter

Dans la dernière période, quelques progrès ont été enregistrés dans la lutte contre l'impunité des génocidaires et auteurs de crimes contre l'humanité.

Ainsi plus de vingt ans après le massacre génocidaire de Srebrenica et le siège sanglant de Sarajevo, l’ancien chef politique des Serbes de Bosnie, Radovan Karadzic, a été jugé, le  24 mars 2016 , « pénalement responsable » du génocide à Srebrenica par le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) de La Haye et condamné à quarante ans de prison.

Quelque jours auparavant, le 21 mars, la Cour pénale internationale (CPI) avait rendu un verdict novateur de culpabilité contre Jean-Pierre Bemba  pour des viols utilisés comme arme de guerre. Cette décision représente elle aussi un tournant historique car elle reconnaït l'obligation de rendre des comptes pour les victimes de violences sexuelles dans le monde. C'est en effet la première fois que la CPI condamne quelqu'un pour le viol utilisé comme arme de guerre.

Il y a quelques jours, le 30 mai, Les Chambres africaines extraordinaires ont condamné à la prison à vie le dictateur tchadien Hissène Habré. Il a été reconnu coupable de viols, mais également de crimes contre l'humanité et crimes de guerre. Il aura fallu 25 ans et une immense détermination des victimes pour parvenir à ce résultat.

 

Plus que jamais, le combat contre les génocides ainsi que l’impunité de leurs auteurs et le négationnisme sont cruciaux. C'est pourquoi la reconnaissance du génocide arménien est importante, pour prévenir d'autres génocides dans le futur.

 

Memorial 98

Actualisations et mises à jour du dossier

 

Mise à jour du 24 avril 2017

102e anniversaire du génocide des Arméniens:  nous alertons particulièrement sur la situation en Turquie même. La répression du régime Erdogan touche particulièrement les démocrates et les minorités. Le parti HDP, qui représente notamment la population kurde mais aussi Arménienne, subit durement les mesures gouvernementales. Des dizaines d'élus, maires et députés de Parti démocratique des peuples, dont ses deux co-présidents, Selahattin Demirtaš et Figen Yüksekdağ, sont emprisonnés sous prétexte de complicité avec des terroristes.

Garo Paylan, député Arménien du HDP pour la ville d’Istanbul, subit des violences et menaces continues. Ainsi lorsqu'il a prononcé un discours  dans le cadre des débats sur les amendements constitutionnels le 14 janvier 2017.

 

 

 

 

 

Garo Paylan s'adresse au Parlement et montre la photo de Krikor Odian, dirigeant Arménien de Turquie qui participa à la rédaction de la Constitution à l'époque ottomane.

 

Dans son discours, Garo Paylan a souligné l’importance du pluralisme dans l’élaboration des constitutions. Il a rappelé la période terrible qui a vu le génocide :

. « Une période de 10 ans de chaos a commencé et pendant cette période, entre 1913-1923, nous avons perdu quatre peuples: Arméniens, Grecs, Assyriens et Juifs. Ils ont été déportés parmi les massacres et génocides à grande échelle. « 

Suite à cette phrase, les députés de l’AKP (parti de Erdogan) et du MHP (nationalistes fascisants) ont agressé verbalement et menacé Garo Paylan pour avoir utilisé le mot «génocide», et l’ont contraint à s’excuser.

Le combat pour les droits démocratiques, pour les droits des minorités nationales et pour la reconnaissance du génocide sont ainsi étroitement liées.

 

MEMORIAL 98

 

Actualisation du 18 octobre 2016

Succès au Sénat français pour la pénalisation du génocide des Tutsi mais pas pour celui des Arméniens.

 

Le Sénat s'est prononcé en faveur du rétablissement de l'article 38 ter de la Loi "Égalité et Citoyenneté" permettant de poursuivre les négationnistes des génocides - dont le génocide arménien nous dit-on - et crimes contre l'humanité tels que l'esclavage ( voir aussi notre actualisation du 4 juillet dernier) .

Étonnamment, les commentateurs de ce vote se sont focalisés sur le génocide arménien en laissant entendre qu'il s'agissait d'une ouverture contre les négationnistes.

Ils oublient de préciser que seuls seront poursuivis les négationnistes d'un crime jugé par une juridiction française ou internationale. Or il est bien connu que le génocide arménien n'a jamais été jugé par ce type de juridiction.

Pour les crimes qui ne pourront pas entrer dans la la case "jugement français ou international", il faudra alors remplir une autre condition : "la négation, la minoration ou la banalisation de ces crimes" devront être accompagnées d'"une incitation à la violence ou à la haine".

Or, il est tout à fait habituel  de nier un génocide ou un crime contre l'humanité sans proférer des "propos violents ou haineux". C'est même la spécialisation des négationnistes les plus pervers qui se présentent avec le masque de l'historien : ce sont les plus prolifiques, les plus influents et les plus dangereux. Ceux-là resteront certainement hors du champ d'application de la loi.

Seule (grande) satisfaction : si le Conseil Constitutionnel n'invalide pas cet article avant sa promulgation, la Loi Égalité et Citoyenneté (qui - en l'occurrence - ne mérite pas son nom) donnera la possibilité de poursuivre les négationnistes du génocide des Tutsi au Rwanda en 1994, génocide qui a fait, pour sa part, l'objet d'un jugement international.

Nos partenaires du  Collectif VAN analysent ci-dessous le vote du 14 octobre 2016.

Avec eux nous poursuivons le combat pour la pénalisation du négationnisme, pour la vérité et le justice.

Nous nous retrouverons ensemble le 9 novembre prochain avec le Collectif VAN et Ibuka afin de commémorer pour la 3e année consécutive l’anniversaire du pogrom nazi de la Nuit de Cristal qui a eu lieu le 9 novembre 1938 (Rendez-vous à partir de 18h devant le Gymnase Japy 2 rue Japy 75011 Paris) 

Memorial 98

 

 

 

 

Mise à jour du 23 septembre 2016

 

 

L'Agence France-Presse (AFP) contrainte de  préciser ses positions concernant le génocide arménien, suite à une mobilisation des associations à laquelle Memorial 98 participe. Elle déclare incorporer une note dans ce sens au sein de sa charte des bonnes pratiques éditoriales

 

Depuis longtemps, dès lors qu’il s’agit des meurtres de masse de 1915, l’AFP se distingue en affublant souvent de guillemets le mot « génocide », y compris lorsque cela ne correspond à aucune citation dans le texte, reprenant ainsi les thèses négationnistes de l’État turc.

 

Suite à un nouveau et grave dérapage dans ce sens, une mobilisation d'associations antiracistes et luttant contre le négationnisme, dont Memorial 98, s'est organisée, à l'initiative de nos partenaires du Collectif VAN ( Vigilance arménienne contre le négationnisme),

Il s'agissait de réagir à une dépêche  AFP du 21 juin, traitant de la visite du Pape François en Arménie, ainsi formulée :

« La Turquie n’accepte pas que des États étrangers reprennent la thèse des Arméniens, selon lesquels 1,5 million des leurs ont été tués entre 1915 et 1917, dans un « génocide » à la fin de l’Empire ottoman. Elle affirme qu’il s’agissait d’une guerre civile dans laquelle 300 à 500.000 Arméniens et autant de Turcs ont trouvé la mort. »

Ainsi  alors qu’elle pourrait se contenter de souligner que la Turquie persiste dans son déni, l’AFP choisit de relayer, en détail et sans mise en garde, l’histoire falsifiée, âprement défendue par l’État turc.

Suite à plusieurs tribunes de presse collectives et échange de courriers avec la direction de l'AFP, celle-ci déclare prendre en compte la demande des associations.

Elle s'engage donc  à diffuser une note aux journalistes de l'agence, intégrée à sa Charte des bonnes pratiques éditoriales, pour leur indiquer qu'il ne faut pas utiliser la formule  : "thèse des Arméniens"...

Il reste bien sûr à vérifier que cet engagement sera tenu et que l'AFP cessera de favoriser les positions négationnistes de l’État turc.

Nous y veillerons collectivement avec les associations mobilisées. 

 

Memorial 98

Mise à jour du 4 juillet 2016 :

 

Enfin la pénalisation en France du négationnisme des Arméniens et des Tutsi?

 

L'amendement de l'article 38ter du projet de loi Egalité et Citoyenneté, voté à l'unanimité à l'Assemblée nationale le 1er juillet 2016, a suscité l'émotion et la joie dans les rangs des associations défendant la mémoire des victimes du génocide arménien de 1915 et des Tutsi du Rawanda et au-delà, auprès des  combattants contre les négationnismes dans le monde entier.

Attendu depuis des décennies pour permettre d'opposer la force de la loi française au puissant négationnisme d'État de la Turquie (voir ci-dessous), ce texte étend en effet la pénalisation du négationnisme au génocide des Arméniens, comme à celui des Tutsi, comme dans le cas de la Shoah, ainsi qu'au déni de l'esclavage. Nous partageons l'enthousiasme qui prévaut, mais certaines faiblesses du texte adopté nous paraissent inquiétantes, selon l'analyse de nos partenaires du collectif VAN.

Elle concernent certaines formulations de cet texte, qui font référence à des génocides reconnus devant un tribunal français ou une cour internationale

Or le génocide arménien de 1915 n'a jamais été jugé ni devant un tribunal français ni une cour internationale. Les seuls procès qui se sont tenus en 1919 pour juger les criminels Jeunes-Turcs ont eu lieu à Constantinople (Turquie). En revanche le génocide des Tutsi a déjà été jugé par le  Tribunal pénal international pour le Rwanda.


2° Un délit de négationnisme à deux vitesses: les associations arméniennes ne pourront acter en justice qu'en apportant à chaque fois la preuve que le négationniste du génocide arménien tient un discours incitant à la haine ou à la violence, alors que cela est considéré comme acquis pour la négation des autres crimes contre l'humanité.

Nous demeurons donc vigilants, avec nos partenaires du Collectif VAN et de Ibuka.

 

Memorial 98

 

Mise à jour du 24 juin 2016:

Nouvelle défaite du négationnisme d’État turc: dans la capitale arménienne Erevan, le pape François a dénoncé, vendredi 24 juin, le "génocide" des Arméniens en 1915/1916  sous l’Empire Ottoman, prononçant pour la deuxième fois ce mot jugé inacceptable par la Turquie.
 

« Cette tragédie, ce génocide a marqué malheureusement le début de la triste série des catastrophes immenses du siècle dernier », s’est exclamé au palais présidentiel le pape.
 

Le mot « génocide » ne figurait pas dans son texte distribué à l’avance. Le pape l’avait déjà prononcé une première fois au Vatican en avril 2015, déclenchant la colère du pouvoir turc . 
 
L'engagement du pape doit logiquement être suivi d'une démarche similaire à l'égard de la Shoah car, comme le dit  lui-même François, le génocide arménien a inauguré la série des "catastrophes".
Toute la lumière doit donc être faite sur ce qu'a été réellement l'attitude du Vatican et de Pie XII face à ce génocide. Depuis des dizaines d'années, le Vatican refuse d'ouvrir les archives et multiplie les obstacles à la recherche historique. Ces blocages doivent cesser.


Memorial 98

 

 

Actualisation du 9 juin 2016

 

Erdogan poursuit sa campagne d'intimidation et cible les députés allemands d'origine turque.

Il a estimé après le vote du Bundestag que les députés allemands d'origine turque avaient le "sang corrompu",
"De temps en temps, des personnes au sang corrompu n'apparaissent-elles pas ? Si, bien sûr", a déclaré M. Erdogan le 8 juin . "Parfois, ce sont des terroristes qui tirent sur leur État ou leur peuple (...) Parfois, ce sont des députés du Parlement allemand qui accusent leur propre pays de génocide", a-t-il poursuivi.
Il désigne ainsi les 11 élus allemands d'origine turque qui ont voté la résolution reconnaissant le génocide arménien sous l'Empire ottoman. Le chef de l’État turc avait déjà estimé le week-end dernier qu'"il faut analyser dans un laboratoire le sang des députés allemands d'origine turque" qui ont voté en faveur de la reconnaissance du génocide arménien.
Ces propos sont très graves car ils peuvent conduire à une mise en danger de la vie de ces députés. Nous nous souvenons de l'assassinat à Istanbul du militant arménien Hrant Dink, tué en 2007 ainsi que de l’assassinat des trois dirigeantes kurdes à Paris en janvier 2013

Memorial 98

 

 

 

 

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3 avril 2016 7 03 /04 /avril /2016 18:57

 

Des visages de victimes au Mémorial du Génocide (Rwanda)

 


 

 

Génocide des Tutsi

 

C'est au génocide des Tutsi au Rwanda que revient le triste privilège d'ouvrir les commémorations du mois d'avril, au cours duquel est honorée la mémoire des victimes des trois génocides majeurs du XXe siècle : celui des Tutsi du Rwanda le 7 avril (date du début des massacres en avril 1994) celui de la Shoah le 19 avril (correspondant au début de la révolte du ghetto de Varsovie le 19 avril 1943) celui des Arméniens le 24 avril (correspondant aux premières arrestations des intellectuels arméniens à Constantinople/Istanbul en avril 1915).

Nous y associons les actions génocidaires en Bosnie à Srebrenica dont un des responsables, Radovan Karadzic vient enfin d'être condamné par le tribunal international de La Haye, au Darfour, le génocide nazi des Roms, les actions génocidaires du régime khmer rouge au Cambodge et la récente tentative d’extermination des Yézidis d’Irak par Daech, le premier des génocides du 20e siècle contre les peuples Herero et Nama ...

 

C'est en effet le le 7 avril 1994 que débutèrent au Rwanda les massacres qui allaient voir la mort d'au moins 900 000 personnes jusqu'à juillet de la même année : des individus définis comme Tutsi, constituant la majorité des victimes, mais aussi des Hutu opposés aux partisans de l'idéologie raciste dite "Hutu Power"

Memorial 98 appelle à participer aux initiatives de commémoration et de solidarité organisées dans différentes villes par nos partenaires de l'association de rescapés Ibuka et notamment à l'inauguration d'un Jardin de la Mémoire au Parc de Choisy (Paris 13ème) le 7 avril à 10h30.

D'une durée de cent jours, ce fut le génocide le plus bref et concentré de l'histoire et celui de la plus grande ampleur quant au nombre de morts par jour de tuerie.

Fruit d'une idéologie raciste mise en œuvre sur des décennies, ce génocide s'est appuyé, pour diffuser la haine, avant et pendant, sur une forme perverse d'humour, notamment à la Radio Télévision des Milles Collines, mais aussi sur les caricatures déshumanisantes de la propagande génocidaire .

Comme pour tous les projets génocidaires, celui-ci s'accompagne de campagnes négationnistes, de difficultés à faire reconnaître les responsabilités entre autres les responsabilités françaises et à faire vivre la mémoire. Il a fallu attendre 20 ans pour qu'enfin une stèle au Père Lachaise à Paris commémore ce génocide et encore 2 ans avant que soit inauguré le 7 avril prochain ce Jardin de la Mémoire .

Des progrès limités ont aussi été réalisés dans le domaine de la justice puisque enfin des génocidaires ont été jugés et condamnés en France. Ces procès doivent beaucoup à l’action de nos amis du Collectif des parties civiles pour le Rwanda qui poursuivent un combat incessant pour que le Parquet et les tribunaux jouent enfin leur rôle. En effet la justice demeure très partielle, lente et laborieuse. Des génocidaires présumés lui échappent.

Les habitants de nôtre pays ont un devoir particulier en ce qui concerne le Rwanda. En effet, une partie du combat est aujourd'hui celui de la pleine reconnaissance par l’État français de ses responsabilités. Cet État qui prétend parler en notre nom, persiste aujourd'hui à garder un silence complice sur l’implication de l’armée française dans le génocide des Tutsi.

Or le pouvoir Hutu extrémiste a reçu de manière continue et appuyée le soutien des autorités françaises tant au plan politique, militaire que financier, avant, pendant et après le génocide. Toute la vérité doit être faite au sujet de cette implication : tous les documents doivent être rendus publics.

 

 

Le scandale Charlie Hebdo

En ce 22e anniversaire, la commémoration en France se déroule dans une atmosphère particulière, suite à une très récente couverture scandaleuse de Charlie Hebdo, tournant en dérision le génocide et ses victimes.

Nous partageons l'indignation des membres d'Ibuka-France exprimée dans la lettre ouverte ci-dessous et nous nous associons à leur démarche:

 

"Lettre ouverte à Charlie Hebdo

Au nom de l’Association, Ibuka France, des rescapés et des victimes du génocide des Tutsi, je voudrais exprimer à la rédaction de Charlie Hebdo, l’indignation et l’écœurement que nous avons ressenti en découvrant la couverture du numéro 1236 daté du 30 mars 2016. Le chanteur Stromae y est représenté entouré de membres d’un corps déchiqueté avec, en haut de la page, le titre de sa chanson vedette, « Papa où t’es » ? Cet artiste est discret sur son histoire et ses origines mais personne n’ignore que celles-ci sont rwandaises et qu’elles ont été traversées par le génocide commis contre les Tutsi dans ce pays. A deux semaines exactement de la 22ème commémoration, une mise en scène qui prétend faire rire en superposant de manière macabre l’histoire du génocide et l’épreuve des attentats qui ont endeuillé la Belgique le 22 mars dernier relève de l’indigence morale que de la création humoristique. Elle est une injure à la mémoire des victimes et une honte pour un média qui, il y a un an, lorsqu’il a été attaqué – le mot est faible-, a reçu le soutien du monde entier. La liberté de penser et de créer que nous avons défendue aux côtés des autres et à laquelle nous demeurons attachés, n’autorise pas de rire de tout, y compris des morts et leurs orphelins. L’art ne peut être séparé du beau. Ce qui produit le dégoût et afflige l’innocent est une honteuse perversion du talent par un prétentieux.
A un moment où les rescapés tentent de préparer dans la douleur mais dans la dignité, la journée d’hommage à celles et ceux qui ont été assassinés dans des conditions effroyables, cette couverture est une ignoble provocation.

Nous exigeons qu’elle soit retirée et que de publiques excuses soient exprimées avant le 7 avril prochain.

Marcel Kabanda
Président d’Ibuka France"

Cette profanation montre à quel point le combat pour la mémoire des génocides et de leurs victimes demeure d'actualité.

 

Des condamnations historiques et attendues

Les commémorations d'avril se produisent cette année quelques jours après deux événements historiques dans la sphère juridique internationale de lutte contre les génocides et les crimes contre l'Humanité.

Il s'agit d'une part du jugement de Radovan Karadzic le 24 mars. L’ancien chef politique des Serbes de Bosnie est ainsi jugé « pénalement responsable » du génocide à Srebrenica par le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) de La Haye et condamné à quarante ans de prison.

Cette condamnation qui constitue un aboutissement, intervient néanmoins plus de vingt ans après le massacre génocidaire de Srebrenica et le siège sanglant de Sarajevo.

Le 11 juillet 1995, alors que les milices serbes de Bosnie approchent de l'enclave de Srebrenica, des dizaines de milliers de civils musulmans prennent la route de Potocari, à 8 kilomètres de distance de la ville. C'est là qu'est basé le quartier général du bataillon néerlandais de soldats de la Force de protection des Nations unies (Forpronu). Quatre cent cinquante casques bleus y sont chargés d'assurer la protection des quelque 40 000 habitants de Srebrenica, en majorité des Musulmans .

Quand les miliciens serbes de Bosnie commencent à séparer les hommes des femmes, les "Casques bleus" le voient et laissent faire. Les hommes sont entassés dans des cars et seront exécutés. 8.000 hommes sont tués et jetés dans les fosses communes par les forces serbes. Ce massacre a été, à juste titre, qualifié de génocide par la Cour Internationale de Justice et par le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPIY). L'ordre écrit donné en amont plusieurs mois en avance, puis sa réalisation par le tri et la séparation des hommes ainsi que leur extermination massive, "industrielle", portent les caractères du génocide. Srebrenica constitue le dernier génocide du vingtième siècle, qui en connut tant.

Quelques jours auparavant le 21 mars une autre décision historique était rendue par la Cour pénale internationale (CPI) contre le chef de milices Jean-Pierre Bemba. Ses milices ont utilisé le viol comme arme de guerre en Centrafrique (motif de la condamnation) et au Congo. Il s'agit d'un un tournant capital dans la lutte en faveur de la justice et de l'obligation de rendre des comptes pour les victimes de violences sexuelles dans le monde. C'est en effet la première fois que la CPI condamne quelqu'un pour le viol utilisé comme arme de guerre, et la première fois qu'elle prononce une condamnation fondée sur le principe de la responsabilité du commandant. Cette décision de justice comporte un avertissement clair : l'impunité pour violences sexuelles en tant qu'arme de guerre ne doit pas être tolérée. Il reste à voir comment cette condamnation se traduira sur le terrain et comment les instances internationales veilleront à son application.

 

 

Génocide des Arméniens: toujours le négationnisme d'Etat.

 

Les opérations militaires en cours de la part de l'Azerbaïdjan contre la région arménienne du Nagorny-karabakh donnent un aspect dramatique à la situation. 

Une année après le centenaire du génocide des Arméniens, qui a donné lieu à d'importantes mobilisations et cérémonies mais aussi à des provocations de la part de Erdogan, nous faisons toujours face au négationnisme de l’État turc. Celui-ci  refuse non seulement de reconnaître qu’il y a eu un génocide organisé envers les Arméniens, mais fait aussi pression dans le monde entier afin que cette reconnaissance n’ait pas lieu.

Les gouvernements turcs successifs mènent en effet un négationnisme d'Etat utilisant des moyens humains et financiers considérables, visant à intimider les universitaires, les journalistes et le monde associatif.

En France, les historiens, les journalistes, les responsables associatifs, les hommes politiques, dès lors qu’ils travaillent hors des sentiers balisés par l’historiographie officielle de l’Etat turc, s’attirent des pressions, des menaces, des insultes et des appels à la haine, diffusés à grande échelle sur Internet. Ce négationnisme étatique trouve aussi des relais chez des responsables politiques et des historiens disposant d'un fort pouvoir institutionnel. C'est le cas de l'académicien Pierre Nora, à qui le mémorial de la Shoah à hélas confié en septembre dernier le soin de prononcer l'allocution d'une cérémonie de mémoire.

 

 

Attaques contre la mémoire de la Shoah 

La mémoire de la Shoah est en butte en permanence aux offensives des antisémites et négationnistes dont les plus actifs dans le pays sont Dieudonné, officiellement caractérisé par la justice belge comme diffuseur de thèses nazies et son compère Soral. Ce dernier sera d'ailleurs jugé le 6 avril pour avoir appelé à "finir le boulot" de l'extermination des Juifs, à l'occasion d'une remise de décoration à Beate et Serge Klarsfeld. Il retrouvait ainsi les accents de Dieudonné souhaitant que le journaliste Patrick Cohen soit exterminé dans une chambre à gaz.

C'est de Pologne que vient aussi l'alerte. La mémoire de la Shoah est y actuellement confrontée  à une offensive du gouvernement ultra réactionnaire du PiS. Celui-ci a déjà  renoué  avec l'antisémitisme caractéristique du  chauvinisme qu'il a déjà mis en œuvre de 2005 à 2007, sous la direction du premier ministre de l'époque Jaroszlaw Kaczynski , chef incontesté du parti PiS. Il  a ainsi décidé de retirer la décoration de l'ordre du mérite au Pr Gross, historien  spécialiste de la Shoah. Ce dernier a notamment démontré que des Polonais ont participé au massacre des Juifs durant la Seconde Guerre mondiale.

 

 

Universalisme de la lutte contre le négationnisme et le racisme

Ces différents génocides ont des liens profonds entre eux car dans tous les cas les populations promises à l’extermination ont été d’abord été discriminées, stigmatisées, accusées de tous les maux, mises en cause comme préparant des plans hostiles aux pouvoirs autoritaires en place. Elles ont désignées comme ennemies, regroupées, marquées et « étiquetées » sous différentes formes et enfin conduites à l’extermination ou massacrées sur place. Le génocide est l’aboutissement de décennies, voire de siècles, de discriminations.

La possibilité de réaliser un génocide et d’échapper à la punition correspondant à l’horreur de cette entreprise a aussi constitué un puissant facteur d’encouragement pour les génocidaires successifs. Les nazis eux-mêmes trouvaient une stimulation dans la manière dont le génocide arménien demeurait impuni : « Mais qui se souvient encore du massacre des Arméniens ? » déclarait ainsi Hitler dans une allocution aux commandants en chef de l'armée allemande le 22 août 1939, quelques jours avant l'invasion de la Pologne.

Un autre point commun à ces 3 génocides est la négation de leur horreur, dans le cadre d’une solidarité avec ceux qui ont perpétré le génocide. Nous luttons contre ce phénomène très organisé, mis en place par les génocidaires eux mêmes et qui constitue avec l’impunité une incitation à de nouveaux massacres. Le but des génocidaires, en tout temps et en tout lieu, ne consiste pas seulement à assassiner les vivants, mais aussi à nier à tout jamais leur existence. C’est pour cette raison que les négationnismes sont consubstantiels aux génocides. En niant, il ne s’agit pas seulement d’une tentative faite par les assassins pour échapper aux conséquences de leurs crimes. Au même titre que les massacres physiques de masse, la négation est au service au service du but final : effacer de l’histoire et de l’humanité une partie des hommes et des femmes qui la constituent

Les combats contre les génocides ainsi que l’impunité de leurs auteurs et le négationnisme sont plus que jamais au cœur de nôtre action. C'est également par la lutte quotidienne contre le racisme et les discriminations que nous construisons le barrage qui doit empêcher d'autres génocides.

MEMORIAL 98

Mise à jour du 6 avril 2017

 

Le 7 avril marque le début du génocide des Tutsi du Rwanda et des "jours de sang" du mois d'avril:

C'est à ce génocide que revient en effet le triste privilège d'ouvrir les commémorations du mois d'avril, au cours duquel est honorée la mémoire des victimes des 3 génocides majeurs du XXe siècle : celui des Tutsi du Rwanda le 7 avril (date du début des massacres en avril 1994) celui de la Shoah le 19 avril (correspondant au début de la révolte du ghetto de Varsovie le 19 avril 1943) celui des Arméniens le 24 avril (correspondant aux premières arrestations des intellectuels arméniens à Constantinople/Istanbul en avril 1915).

Nous y associons le premier génocide du XXe siècle commis en 1904 par l'Allemagne impériale  contre les peuples Herero et Nama en Afrique australe,  les actions génocidaires en Bosnie à Srebrenica , au Darfour, le génocide des Roms, les actions génocidaires du régime khmer rouge au Cambodge et la récente tentative d’extermination des Yézidis d’Irak par Daech...

Alors qu'un parti héritier du fascisme et du nazisme se se présente en France comme une alternative crédible, il est plus que jamais déterminant de rappeler ce à quoi mènent les doctrines de l'exclusion et de la haine.

 

MEMORIAL 98

 

 

 

Actualisation du 4 décembre 2016

 

 

 

Le génocidaire Simbikangwa  voit sa condamnation confirmée en appel

La justice française a confirmé samedi 3 décembre en appel la condamnation à 25 ans de réclusion criminelle de Pascal Simbikangwa, premier présumé génocidaire à avoir été jugé en France en lien avec le génocide des Tutsi en 1994. Le procès avait débuté le 3 février 2014

Après six semaines de débats, l’ex-capitaine Simbikangwa, 56 ans, a été reconnu coupable de génocide et complicité de crime contre l’humanité, comme en première instance en 2014 et comme l’avait demandé l’accusation.

Les avocats des cinq associations parties civiles sont sortis de la salle sous les applaudissements des militants présents. Simon Foreman, l’avocat du Collectif des parties civiles pour le Rwanda (CPCR), a salué la « confirmation d’une décision qui est juste » : « ça légitime le combat qu’on mène depuis 20 ans, sans qu’on en tire aucune gloire ».

Nous saluons à nouveau le combat acharné du CPCR  afin d'obtenir enfin le jugement de génocidaires réfugiés en France.

 

MEMORIAL 98

 

 

 

 

Actualisation du 18 octobre 2016

Succès au Sénat pour la pénalisation du génocide des Tutsi mais pas pour celui des Arméniens.

 

Le Sénat s'est prononcé en faveur du rétablissement de l'article 38 ter de la Loi "Égalité et Citoyenneté" permettant de poursuivre les négationnistes des génocides - dont le génocide arménien nous dit-on - et crimes contre l'humanité tels que l'esclavage ( voir aussi notre actualisation du 4 juillet dernier) .

Étonnamment, les commentateurs de ce vote se sont focalisés sur le génocide arménien en laissant entendre qu'il s'agissait d'une ouverture contre les négationnistes.

Ils oublient de préciser que seuls seront poursuivis les négationnistes d'un crime jugé par une juridiction française ou internationale. Or il est bien connu que le génocide arménien n'a jamais été jugé par ce type de juridiction.

Pour les crimes qui ne pourront pas entrer dans la la case "jugement français ou international", il faudra alors remplir une autre condition : "la négation, la minoration ou la banalisation de ces crimes" devront être accompagnées d'"une incitation à la violence ou à la haine".

Or, il est tout à fait habituel  de nier un génocide ou un crime contre l'humanité sans proférer des "propos violents ou haineux". C'est même la spécialisation des négationnistes les plus pervers qui se présentent avec le masque de l'historien : ce sont les plus prolifiques, les plus influents et les plus dangereux. Ceux-là resteront certainement hors du champ d'application de la loi.

Seule (grande) satisfaction : si le Conseil Constitutionnel n'invalide pas cet article avant sa promulgation, la Loi Égalité et Citoyenneté (qui - en l'occurrence - ne mérite pas son nom) donnera la possibilité de poursuivre les négationnistes du génocide des Tutsi au Rwanda en 1994, génocide qui a fait, pour sa part, l'objet d'un jugement international.

Nos partenaires du  Collectif VAN analysent ci-dessous le vote du 14 octobre 2016.

Avec eux nous poursuivons le combat pour la pénalisation du négationnisme, pour la vérité et le justice.

Nous nous retrouverons ensemble le 9 novembre prochain avec le Collectif VAN et Ibuka afin de commémorer pour la 3e année consécutive l’anniversaire du pogrom nazi de la Nuit de Cristal qui a eu lieu le 9 novembre 1938 (Rendez-vous à partir de 18h devant le Gymnase Japy 2 rue Japy 75011 Paris) 

Memorial 98

 

Mise à jour du 6 juillet 2016

Les 2 génocidaires des Tutsi en procès en Paris (voir ci-dessous), Tito BARAHIRA et Octavien NGENZI, sont tous les deux reconnus coupables de génocide et de crime contre l’humanité. Ils sont condamnés à la réclusion criminelle à perpétuité.

Memorial 98 prend acte que justice est ainsi faite et rend hommage à ses partenaires du Collectif des parties civiles pour le Rwanda (CPCR) qui ont joué un rôle-clé pour imposer ces procès. Le combat contre le négationnisme et l'impunité se poursuit.

 

Memorial 98

 

 

Mise à jour du 4 juillet 2016 :

 

Enfin la pénalisation du négationnisme des Arméniens et des Tutsi?

 

L'amendement de l'article 38ter du projet de loi Égalité et Citoyenneté, voté à l'unanimité à l'Assemblée nationale le 1er juillet 2016, a suscité l'émotion et la joie dans les rangs des associations défendant la mémoire des victimes du génocide arménien de 1915 et des Tutsi du Rwanda et au-delà, auprès des  combattants contre les négationnismes dans le monde entier.

Attendu depuis des décennies pour permettre d'opposer la force de la loi française au puissant négationnisme d'État de la Turquie (voir ci-dessous), ce texte étend en effet la pénalisation du négationnisme au génocide des Arméniens, comme à celui des Tutsi, comme dans le cas de la Shoah, ainsi qu'au déni de l'esclavage.

Nous partageons l'enthousiasme qui prévaut, mais certaines faiblesses du texte nous paraissent inquiétantes selon l'analyse de nos partenaires du collectif VAN.

Elle concernent certaines formulations de cet texte, qui font référence à des génocides jugés et reconnus devant un tribunal français ou une cour internationale

Or le génocide arménien n'a été jugé ni devant un tribunal français ni une cour internationale. Les seuls procès qui se sont tenus en 1919 pour juger les criminels Jeunes-Turcs ont eu lieu à Constantinople (Turquie). En revanche le génocide des Tutsi a déjà été jugé par le  Tribunal pénal international pour le Rwanda.

 


On y retrouve également un délit de négationnisme à deux vitesses : les associations arméniennes ne pourront acter en justice qu'en apportant à chaque fois la preuve que le négationniste du génocide arménien tient un discours incitant à la haine ou à la violence, alors que cela est considéré comme acquis pour la négation des autres crimes contre l'humanité.

Nous demeurons donc vigilants, avec nos partenaires du Collectif VAN et de Ibuka.

 

Memorial 98

 

Mise à jour du 16 mai 2016:

 

Génocide des Tutsi: alors que se poursuit à Paris le procès des 2 présumés génocidaires (voir ci-dessous ), c'est de Suède que vient un jugement qui devrait constituer un exemple. Un Suédois d'origine rwandaise a été condamné lundi 16 mai à la prison à perpétuité pour génocide et crimes de guerre, une peine assortie du versement de dommages et intérêts à une quinzaine de victimes rwandaises. «Même en tenant compte du fait que le génocide s'est déroulé il y a 22 ans, ce type de crime est si grave que la peine doit être la perpétuité», a estimé le tribunal dans un communiqué.
Claver Berinkidi, 61 ans, habite en Suède depuis 2002 et a été naturalisé suédois en 2012. En 2007, il avait été condamné par contumace par un tribunal rwandais à 30 ans de prison.

 

Memorial 98

 

Mise à jour du 9 mai 2016:

 

Rwanda: événement important, à partir du mardi 10 mai et pendant plusieurs semaines, deux présumés génocidaires, Octavien Ngenzi et de Tito Barahira, sont jugés à Paris. Ils sont tous deux accusés de génocide, de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre pour des massacres de Tutsi commis dans la préfecture de Kibungo, dans l’est du Rwanda. ll avait fallu attendre vingt ans avant que la France se décide enfin, l'an dernier, à juger l’un des acteurs du génocide de 1994 au Rwanda, réfugié sur son territoire. Le « capitaine » Pascal Simbikangwa avait alors été condamné à vingt-cinq ans de prison à l’issue d’un procès qualifié d’historique, parce qu’il s’agissait d’une première judiciaire en France. Nos partenaires du Collectif des parties civiles pour le Rwanda (CPCR) ont  joué un rôle-clé pour imposer ces procès. Memorial 98 soutient le CPCR .

 


C’est la ténacité des militants du CPCR qui a conduit Octavien Ngenzi et Tito Barahira devant les juges du pôle génocide et crimes contre l’humanité. Le premier a été localisé et arrêté en 2010 à Mayotte, où il demandait un statut de réfugié politique, sous une fausse identité. Le second a été retrouvé dans la banlieue de Toulouse, où il vivait tranquillement depuis plusieurs années avec sa famille.
 

A la veille de l’ouverture de ce deuxième procès rwandais, Alain Gauthier, président du CPCR exprime donc une satisfaction mêlée d’une forme « d’impatience » vis-à-vis de la justice française et de ce pôle génocide et crimes contre l’humanité créé en 2012. Ses trois juges sont en effet « submergés de dossiers, une trentaine », selon M. Gauthier. Aucune instruction n’est close, personne n’est actuellement détenu. « Ce n’est pas demain qu’il y aura un troisième procès », regrette-t-il.
La création de ce pôle avait pourtant nourri des espoirs, aujourd’hui déçus « Aujourd’hui, dans un contexte où les moyens budgétaires de la justice sont limités, l’accent est mis sur les affaires de terrorisme, de corruption et de lutte contre l’impunité. Les dossiers rwandais sont démonétisés », analyse l'avocat des droits de l'homme Me Bourdon.

 

Un procès à suivre avec attention. Il s'ouvre alors que l'ombre du crime contre l'humanité plane sur le Burundi, limitrophe du Rwanda, dans lequel le pouvoir a recours au poison identitaire et ethnique, comme le montre l'arrivée récente d'un personnage inquiétant.

 

Un nazi auprès du président du Burundi: inquiétude.

Alors que les crimes à composante anti-Tutsi se multiplient dans ce pays limitrophe du Rwanda, on apprend qu'un vétéran néo-nazi belge, Luc Michel, est nommé conseiller du président, élu frauduleusement en juin dernier, Pierre Nkurunziza. Luc Michel a trempé dans bon nombre de groupes fascistes, dont la tristement célèbre FANE, ouvertement nazie. Il a été actif auprès du régime Khadafi.

Son arrivée au Burundi signifie un durcissement du régime déjà impliqué dans de nombreux assassinats, comme Memorial 98 l'avait indiqué en mai dernier. L' intervention de l'ONU et de l'Union africaine deviennent urgentes, avant que réapparaissent les massacres.

 

 

 

MEMORIAL 98

 

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17 mars 2016 4 17 /03 /mars /2016 20:20

 

Mise à jour du 18 septembre

Au soir des élections régionales dans l'Etat ( Land) de Berlin on retrouve à nouveau une grille de lecture médiatique biaisée, notamment dans la presse française. Les commentaires sont exclusivement concentrés sur le recul de la CDU et la progression du parti d'extrême-droite AfD.

La petite musique habituelle résonne qui entend prouver ainsi que la population allemande rejette l'accueil des migrants en sanctionnant Merkel. Il s'agit ainsi de marteler l'idée que toute politique d'accueil est vouée à l'échec et que c'est la fermeture étanche des frontières de l'Europe qui doit prévaloir.

 

La poussée de l'AfD est évidemment inquiétante et ne doit pas être sous-estimée,  car elle se produit après une campagne centrée sur les thèmes de l'immigration et de l'opposition à la politique d'accueil.

Mais elle s'accompagne d'un autre bouleversement du rapport de forces dans ce Land.

En effet la gauche est largement majoritaire à Berlin avec plus de 55% des voix et cela sonne le glas de la coalition précédente entre le SPD et les démocrates-chrétiens.

On se dirige ainsi une coalition comprenant à la fois le SPD, les Verts et le parti de gauche Die Linke. Ces deux dernières formations font à peu près jeu égal, environ 16 %, chacun avec une progression de 4% pour Die Linke, soit un total de 55%.

Ce scrutin traduit donc également une volonté de permettre la poursuite de l'immense effort populaire en faveur des réfugiés et migrants.

Les très nombreuses mobilisations à Berlin pour l'accueil des réfugiés et les actions concrètes dans ce sens, ainsi que le combat contre l'AfD,  vont se poursuivre. La majorité de gauche qui va diriger Berlin devra prendre ses responsabilités.

Memorial 98

 

Mise à jour du 4 septembre 2016:

 

Nouvelle poussée de l'AfD lors d'élections régionales du Land de Mecklembourg-Poméranie occidentale, largement dominées par la gauche.

 

Le principal fait marquant est le recul du parti d'Angela Merkel. La CDU obtiendrait un peu plus de 19 % des voix, deux points derrière le parti d’extrême-droite Alternative pour l’Allemagne (AfD), qui recueillerait un peu plus de 21 % des suffrages, et plus de dix points derrière le parti social-démocrate (SPD), qui dépasserait  la barre des 30 %.

 

L'AfD a mené une campagne très dure sur les thèmes de l'immigration et de l'opposition à la politique d'accueil, dans cette petite région en difficulté qui connait un très faible nombre de réfugiés.

Elle a fortement ciblé Angela Merkel, jugée reponsable de l'ouverture au million de migrants accueillis dans le pays. Merkel est personnellement mise en cause par ceux qui s'opposent à l’accueil des réfugiés et qui la caricaturent en islamiste ou en Juive (voir ci-dessous)

Les candidats locaux de la CDU et du SPD ont cru bon de durcir leurs discours sur ces sujets sécuritaires et xénophobes, facilitant ainsi la progression de l'AfD.

Ainsi à la mi-août, Lorenz Caffier, le candidat de la CDU, avait  réclamé l’interdiction de la burqa et de la suppression de la double nationalité, deux mesures rejetées par  le gouvernement fédéral.

L'AfD s'est aussi appuyée sur la campagne xénophobe britannique dans le cadre du Brexit ainsi que sur la campagne anti-burkini en France

Selon les sondages récents, l'AfD serait en mesure d’obtenir 12 % des voix aux prochaines élections législatives, ce qui en ferait  la troisième force politique du pays, derrière la CDU/CSU (34 %) et le SPD (23 %), mais devant les Verts (11 %) et le le parti de gauche  Die Linke (9 %).


Il est à noter que le président du Conseil central des Juifs d’Allemagne Josef Schuster a jugé « effrayante » la montée des intentions de vote pour le parti de droite populiste AfD

« Je trouve ça effrayant », a-t-il dit dans un entretien à l’AFP, « les électeurs ne réalisent pas qu’ils vont voter pour un parti qui ne veut pas se différencier de l’extrême-droite ».

 

Memorial 98

 

Mise à jour du 22 juin:
 

Négationnisme de la Shoah au sein de l'AfD.

Le groupe parlementaire d'Alternative pour l'Allemagne (AfD) au parlement du Bade-Wurtemberg refus d'exclure un de ses membres accusé d'antisémitisme

Wolfgang Gedeon, l'élu mis en cause, a estimé au nom de la liberté d'expression que rien n'interdisait de nier l'extermination des Juifs pendant la Seconde Guerre mondiale.

Jörg Meuthen, vice-président d'AfD, a réclamé son exclusion, mais le groupe parlementaire du Bade-Wurtemberg s'est prononcé pour sa mise à l'écart provisoire en attendant un examen de ses écrits par une "commission indépendante".

Memorial 98

 

Mise à jour 5 juin:

L'extrême-droite s'attaque à des joueurs de l'équipe de foot nationale allemande.

Malgré les condamnations de la fédération allemande de football (DFB) et même du gouvernement,  les dirigeants du parti anti-islam ont fait des champions du monde en titre leur cible favorite depuis une semaine, avec une nouvelle charge samedi contre le milieu de terrain germano-turc Mesut Özil.

 

 

Mise à jour du 14 mai:

Attaque à la tête de porc contre Angela Merkel: la police allemande a annoncé samedi 14 mai avoir découvert devant la permanence de la chancelière Angela Merkel dans sa circonscription du nord-est de l'Allemagne une tête de cochon et "une inscription insultante" dont elle a refusé de livrer le contenu.
 

 

Une patrouille de police a découvert la tête d'animal vers 5h40 du matin devant le local de députée d'Angela Merkel à Stralsund, au bord de la mer Baltique, où elle est élue depuis 26 ans.

 

Merkel est personnellement mise en cause par ceux qui s'opposent à l’accueil des réfugiés et qui la caricaturent en islamiste ou en Juive. C'est le cas en Allemagne même, particulièrement devant la poussée électorale de l'AfD. Sa mise en cause provient aussi de responsables de gouvernements européens, dont Manuel Valls à Munich le 13 février.

En même temps le nombre d'incendies criminels en Allemagne contre des centres d'hébergement de réfugiés a fortement augmenté depuis le début de l'année 2016, a indiqué le président de la police criminelle allemande (BKA), Holger Münch, dans un entretien à la presse  le même samedi 14 mai .
«Ce qui nous inquiète tout particulièrement c'est que l'ampleur de la violence croît», a-t-il souligné . «Cette année, il y a déjà eu 45 incendies criminels».
Sur l'ensemble de 2015, année où l'Allemagne a vu arriver quelque 1,1 million de migrants, 92 incendies criminels contre des foyers de demandeurs d'asile ont été répertoriés, contre 6 seulement en 2014, selon des statistiques publiées par le BKA fin janvier.
«Les auteurs de ces actes criminels sont en majorité des hommes et près de 80% viennent du lieu où l'acte criminel est commis».

 

Memorial 98
 

 

Les élections régionales en Allemagne le 13 mars ont résonné comme un coup de tonnerre, même si les sondages annonçaient déjà une poussée du parti d'extrême-droite AfD. Memorial 98 a plusieurs fois analysé la situation en Allemagne et aussi condamné les propos honteux de Manuel Valls à ce sujet. A Munich le 13 février, ce dernier a ainsi déclaré vouloir « faire passer un message d’efficacité et de fermeté : l’Europe ne peut accueillir davantage de réfugiés ». Auparavant il avait même ironisé grassement devant les journalistes : « Il y a quelques mois, les médias français demandaient : “Où est la Merkel française ?’’ ou voulaient donner le prix Nobel à la chancelière. Aujourd’hui, je constate les résultats…" Valls et les autres dirigeants européens, de Cameron à Orban en passant par le danois Rasmussen et le "social-démocrate" Fico en Slovaquie qui gouverne avec l'extrême-droite, ont tout fait pour empêcher un accueil cohérent et équilibré des réfugiés. Ils ont ainsi encouragé les campagnes xénophobes de l'extrême-droite allemande et portent la responsabilité de son succès électoral. 

Bernard Schmid, militant anti-raciste allemand, analyse la situation et revient sur ses racines. 

Memorial 98

 

L'AfD se positionne résolument à l’extrême droite de l’échiquier politique. Parti nationaliste, doté de courants chrétiens-intégristes – protestants et catholiques – et d’une idéologie homophobe, il a réussi à s’ancrer dans le paysage politique allemand depuis trois ans. Désormais il ne semble pas près d'en disparaitre.

 

La vague brune aux régionales

 

Dimanche 13 mars 2016, le parti AfD apparaît comme le grand vainqueur du scrutin tenu dans trois Etats-régions allemands, dont deux situés à l’Ouest et un en ex-Allemagne de l'Est.

 

En  Saxe-Anhalt – dont la capitale est Magdebourg, située au sud-ouest de Berlin -, le parti d’extrême droite s’assure un triomphe avec 24,3 % des voix exprimées. Alors qu’il se présentait pour la première fois au scrutin régional dans ce Land, il devient d’emblée la deuxième force politique derrière la droite classique de la CDU (Union chrétienne-démocrate) dirigée par Angela Merkel. Si on ajoute les autres candidatures situées à l’extrême droite – affiliées au parti néonazi NPD, qui perd beaucoup de voix au profit du nouveau concurrent AfD -, celle-ci dépasse globalement les 26 % dans la région.

 

La Saxe-Anhalt est une région plongée dans la crise industrielle, comparable en partie à la Picardie ou la Lorraine. A l’inverse, à l’Ouest, les deux régions qui ont également voté dimanche dernier – la Rhénanie-Palatinat (en partie agricole) et, le Bade-Wurtemberg plus industriel -, sont globalement des Länder prospères. Le Bade-Wurtemberg qui concentre l’industrie automobile et une partie de la métallurgie allemande, de nombreuses PME et des technologies dites avancées n’a pas la même structure qu’une région « de crise ».

 

Or, dans cette dernière région, l’extrême droite (avec les trois partis AfD, NPD et « Die Republikaner ») réunit là aussi 15,8 % des suffrages exprimés, dont 15,1 % pour le seul résultat du parti AfD. Ce dernier dépasse, à l’échelle de la région, le parti social-démocrate SPD – longtemps la deuxième force politique – qui tombe à 12,7 %, un symbole lourd. Néanmoins, le parti d’extrême droite finit à la troisième place. L’ancien électorat de la droite classique (CDU), qui réunissait longtemps presque 50 % de l’électorat, s’est reporté en partie sur les Verts – au profil local très centriste et n’apparaissant pas comme un parti de gauche.

 

Dans deux grandes villes du Bade-Wurtemberg, Pforzheim – l’un des centres urbains les plus riches – et Mannheim, qui est à l’inverse une vieille ville ouvrière, le parti AfD a réussi à passer en tête.

 

Dans la Rhénanie-Palatinat, plus agricole et plus stable politiquement, l’extrême droite réunit 13,4 % des voix au total (AfD, NPD, « Die Republikaner »), dont 12,6 % pour le parti AfD.

 

 

Transfert de voix et motivations du vote

 

La question la plus intéressante est la suivante : d’où viennent les électeurs et électrices de l’AfD ? Les réponses à cette question réservent quelques surprises. On s'appuyera ici sur les travaux d'un institut sérieux : " Forschungsgruppe Wahlen " qui a procédé à de nombreux recoupements et études ainsi qu'à des sondages en sortie des urnes. 


Dans les trois régions, au profil sociologique et économique bien différent, le plus important contingent d’électeurs du parti AfD vient des ancien-ne-s abstentionnistes : 104.000 voix en Saxe-Anhalt, 207.000 voix dans le Bade-Wurtemberg (plus peuplé) et 77.000 voix en Rhénanie-Palatinat migrent ainsi du camp des abstentionnistes vers le parti AfD. Cette mobilisation d’anciens abstentionnistes s’expliquerait, selon les instituts de sondage en large partie par un « réveil » électoral dans les milieux ouvriers et parmi les chômeurs, moins enclins à voter que d’autres classes sociales.

 

Un transfert non négligeable de voix provient aussi de partis non représentés aux parlements, appelés « Divers ». On y trouve des partis d’extrême droite dont le NPD, mais aussi des petites forces « indépendantes » et protestataires. 52.000 voix dans le Saxe-Anhalt 151.000 voix dans le Bade-Wurtemberg et 43.000 en Rhénanie-Palatinat proviennent ainsi des « Divers ». Une bonne partie de ces voix avaient déjà été exprimées pour des formations d’extrême droite, avant de se retrouver au parti AfD.

 

Reste à savoir parmi les grands partis politiques, qui aurait fourni le plus de voix au parti AfD. On pouvait s’attendre à ce que ses nouveaux électeurs et nouvelles électrices viennent de la droite classique. C’est souvent le cas, mais pas exclusivement.

 

En Saxe-Anhalt, le flux de voix en provenance de la CDU vers le parti AfD est de l’ordre de 38.000, mais il est doublé d’un flux au moins aussi important venant de la gauche, au sens large. Si on met sous ce terme  le parti Die Linke – une formation comparable au Front de gauche par son profil à l’échelle nationale, mais avec de fortes particularités régionales surtout en ex-Allemagne de l’Est – et le Parti social-démocrate (SPD), on pourra ainsi tenir compte d’un champ politique qu’on appellerait « la gauche » de ce côté-ci du Rhin. Sachant qu’en Allemagne, les conservateurs rechignent à être appelés de « droite » (ce terme, Rechte, est réservé à l’extrême droite), et les sociaux-démocrates rechignent à être appelés de « gauche » : la politique allemande n’aime pas les termes « polarisants ».

Si applique donc le terme de « gauche » ensemble au SPD et à Die Linke, le transfert des voix en provenance de ce camp dépasse celui venant de la CDU, en ce qui concerne la région de Saxe-Anhalt. En effet, dans ce Land, 29.000 voix passent du parti Die Linke au parti AfD ; pour le parti social-démocrate, le transfert se chiffre à 21.000 voix. Ces deux partis politiques chutent d’ailleurs fortement, le SPD perdant 10,9 points (il tombe ainsi à 10,6 %) et Die Linke perdant 7,4 pour cent (à 16,3 %).

L’explication réside dans un vote de crise sociale qui a été surplombé par un débat public, faisant de l’immigration (et de l’afflux de réfugié-e-s) le prétendu problème numéro un de l’Allemagne.

 

La particularité des régions situées à l’Est, par rapport à l’ancienne Allemagne de l’Ouest est que Die Linke représente ici un parti à l’électorat large – alors qu’à l’Ouest, il est davantage un parti de « niche », entre gauche et extrême gauche, avec un électorat fortement politisé.

Alors qu’à l’Ouest, cette formation est surtout proche des mouvements sociaux et d’une partie des syndicats, elle constitue à l’Est l’héritier d’un ancien parti d’Etat… du temps de la République démocratique d’Allemagne (RDA), disparue en 1989. Le parti unique se l’époque, nommé SED, s’est transformé par plusieurs étapes en fusionnant en 2007 avec un mouvement issu de l’Allemagne de l’Ouest et entré en scission avec la social-démocratie. A l’échelle fédérale (nationale), le profil de ce parti est nettement antiraciste, et il se réclame de valeurs démocratiques et liées à la lutte des classes. Or, en ex-Allemagne de l’Est,le profil de ce parti sur le terrain est souvent différent. Ancien parti d’Etat, il est vécu par certain-e-s comme un rempart des Allemands de l’Est à « l’arrogance de ceux de l’Ouest venus tout prendre à partir de la chute du Mur » . Mais il se construit sur un mode bien davantage « Est/Ouest » que sur un clivage gauche/droite -, il n’y est pas perçu comme un parti de la lutte des classes. Petits patrons, retraités, salarié-e-s : à peu près toutes les couches de la société y sont représentées. En ce qui concerne l’antiracisme, il peut être parfois assez « relativisé » sur le terrain,.

Dans ce contexte, on s’étonnera moins d’assister à des transferts de voix depuis Die Linke vers des formations d’extrême droite, en période de crise. Déjà en avril 1996, lors d’une élection régionale dans cette même région de Saxe-Anhalt, un telle dérive s’était produite. A l’époque, c’était la DVU (« Union du peuple allemand ») – un parti d’extrême droite qui a disparu depuis – qui avait réalisé une percée surprenante à l’époque, avec 13 % des voix. Or, pour les votes préférentiels (ceux qui, dans le système électoral allemand, peuvent être exprimés pour des personnes en plus du choix d’une liste), on avait pu observer que 25 % des électeurs de la DVU avaient choisi de donner leur « vote préférentiel » à un/e candidat/e local/e bien implanté/e du PDS, ancêtre du parti Die Linke. Cette proximité relative entre une partie de chacun des électorats, alors observée, semble toujours exister.

 

Au Bade-Wurtemberg et en Rhénanie-Palatinat, les transferts de voix de Die Linke vers l’ AfD revêtent moins d’importance, dans la mesure où ce parti de gauche y est bien plus faible.

Au Bade-Wurtemberg, 88.000 voix viennent ainsi du SPD. Mais 22.000 viennent aussi du parti DIE LINKE, alors que ce parti y est très faible (2,8 % des voix en 2011 et 2,9 % cette année), et qu’en plus il se maintient au même pourcentage que la dernière fois. Au jeu d’échange d’électeurs, il a donc dû en gagner de nouveaux, mais perdre une proportion au profit du parti AfD.

Dans la Rhénanie-Palatinat, le transfert de voix des Verts vers le parti AfD reste faible (5.000). Mais le flux d’électeurs en provenance de la droite classique/CDU (46.000) est quasiment doublé par un flux presqu’équivalent (45.000) venant de la gauche, si on additionne le SPD et DIE LINKE. Ce dernier parti, qui perd 11.000 voix au profit d’AfD, est également faible dans cette région (il passe de 3,0 % à 2,8 %), ce qui signifie que le transfert est important à son échelle.

 

 

En termes de motivations du vote, les électeurs et électrices du parti AfD se partagent en 50 % qui déclarent « adhérer aux solutions et propositions d’AfD », et 47 % déclarant vouloir avant tout « sanctionner les autres partis ». Le premier motif politique nommé par les électeurs AfD  pour motiver leur vote est partout « la politique d’immigration et d’asile ».

 

 

Un regard en arrière : été 2015

 

 

Au début de l’été 2015, pas grand monde n’aurait encore parié sur une telle ascension du parti Alternative für Deutschland (« Alternative pour l’Allemagne »).

L’AfD avait connu une scission lors de son dernier congrès extraordinaire, tenu les 4 et 5 juillet 2015 et le parti semblait affaibli… mais se radicalisait: « A droite toute. »

 

Deux thèmes politiques marquaient le débat au cours de l’été 2015. C’était d’abord celui du traitement de la Grèce et des questions européennes, avant que l’immigration ne prenne le dessus à partir de la fin août 2015.

La première période a surtout été marquée, en Allemagne, par un fort ressentiment à l’encontre de la Grèce, sur fond de négociation européenne autour de la dette publique de ce pays. L’Allemagne a été vue par la population grecque comme un ennemi déterminé de ses revendications justifiées. Cela est exact, que l’on pense à la ligne dure du ministre des Finances Schäuble ou au refus persistant de discuter d’un règlement de la colossale dette allemande qui résulte des crimes nazis et de l’occupation en Grèce pendant la Seconde guerre mondiale.

Mais ce positionnement n’est pas propre aux politiques gouvernementales. L’attitude du ministre Schäuble était, populaire en Allemagne, et son parti – la CDU - était monté de 39 % à 43 % dans les sondages, en juillet 2015, en parallèle aux négociations avec la Grèce. Une image répandue dans l’opinion publique dessine le peuple grec comme une population fainéante, qui se laisse financer par le bon peuple travailleur allemand.

 

Le parti AfD, officiellement fondé en avril 2013 sur fond de crises répétées du système de l’euro (et de la dette publique des Etats), avait d’abord enfourché ce sujet du ressentiment haineux contre les « Grecs fainéants qui nous coûtent cher ».

 

Cependant, sa première direction était essentiellement composée de professeurs d’économie « nationaux-libéraux », ave un positionnement élitiste et ultralibéral en matière économique. Mais la base de la formation était différemment orientée, s’intéressant à des sujets tels que l’immigration – surtout dans les fédérations du parti en Allemagne de l’Est -, la prétendue « islamisation du pays » et d’autres thèmes que ne renierait pas le FN en France.

Les premiers dirigeants d’AfD furent vite débordés par une base majoritairement plus droitière et légèrement plus populaire. Bernd Lucke, professeur d’économie à l’Université et premier chef du parti, s’opposa à cette dynamique tirant vers l’extrême droite. Un bras de fer commença à l’opposer à son ancienne co-présidente Frauke Petry – proche des idées des chrétiens intégristes et du mouvement PEGIDA (« Européens patriotiques contre l’islamisation de l’Occident »[1]). Lucke tenta alors de se profiler comme plus libéral que ses challengers.

Lorsqu’il proposa comme numéro deux du parti un jeune Allemand d’origine turque et homosexuel, la coupe devint pleine aux yeux d’une base de plus en plus mobilisée sur des positions droitières. Lors du congrès extraordinaire des 04 et 05 juillet 2015, qui avait mobilisé entre 3.000 et 4.000 militant-e-s, il fut battu à plate couture par Frauke Petry, venue de la fédération de Saxe. Celle-ci obtint 60 % des voix, contre 38 % à Lucke.

 

C’est ensuite avec un nouveau profil, plus droitier, et nettement plus tourné vers la « question de l’immigration », que le parti allait aux élections régionales dans trois Etats-régions situés à l’Est (Saxe, Thuringe et Brandebourg), fin août et en septembre 2015. Obtenant respectivement entre 10 et 13 % des voix exprimées, il réussit ainsi à surmonter la crise liée à sa scission, et dépassait ses scores antérieurs.

L’ancien chef déchu, Lucke, a lancé un nouveau parti nommé ALFA. Lucke est aujourd’hui politiquement faible et son parti n’a pas réussi à décoller. Alors que cinq des sept députés européens du parti AfD, élus en mai 2014 se sont ralliés à Lucke, et deux sont restés membres de leur ancien parti.

 

Le court été des frontières « ouvertes »

 

Au cours de l’été 2015, surtout fin août et début septembre, on avait temporairement l’impression de rêver. L’Allemagne, qui avait connu une vague de violences inouïe contre l’afflux de migrants dans les trois années après la chute du Mur (avec 18.000 infractions racistes, du délit d’injure ou d’incitation à la haine jusqu’à l’assassinat, pour la seule année 1992), paraissait presque transformée. Le pays accueillait les migrant-e-s, les réfugié-e-s à bras ouverts, en faisant la fête. Dans des gares comme celle de Munich, des centaines voire de milliers de personnes se rassemblaient pour recevoir les familles syriennes qui arrivaient, après avoir traversé les Balkans, la Hongrie, l’Autriche.

 

Au même moment, le gouvernement allemand indiquait qu’il acceptaient les réfugié-e-s de guerre de Syrie et d’Irak sur le sol allemand, sans leur opposer la convention de Dublin III (qui veut que ce soit le premier Etat européen dont le sol a été foulé qui prenne en charge la demande de protection : Grèce, Italie, Hongrie..). Juste avant de se reprendre, puisqu’au bout de 48 heures, l’information fut démentie par voie de communiqué de presse gouvernemental… Mais après avoir réussi à traverser la Macédoine, les pays de l’ex-Yougoslavie et plusieurs autres pays, les migrants continuaient d’arriver, au moins dans un premier temps.

Suite à la fermeture de la frontière de plusieurs pays situés sur la « route des Balkans », le nombre d’arrivées en Allemagne a fortement chuté, à partir de février/mars 2016.

Au total, selon les chiffres officiels publiés dans un premier temps, environ 1,1 millions de réfugié-e-s auraient réussi à arriver en Allemagne, au cours de l’année 2015. Ce chiffre a été fortement relativisé, depuis et serait plus proche de la moitié ; environ 600.000. L’écart entre les chiffres parvient du fait que de nombreux migrants ont été enregistrés plusieurs fois. Un certain nombre de réfugiés aurait aussi été enregistré en Allemagne, mais transité ensuite vers les pays scandinaves. Toujours est-il que l’Allemagne, en tout cas en 2015, a été bien plus accueillante que le France.

Un discours d’ouverture… mais une politique de verrouillage

 

Surtout, l’Allemagne a réintroduit à son tour des contrôles aux frontières avec l’Autriche (et avec la France au niveau de l’Alsace d’ailleurs), depuis le 14 septembre 2015. Sachant que le GdP, un syndicat de policiers, exige qu’on y érige carrément une clôture ou un mur… En attendant, la Bavière, Etat-région dirigé par la droite chrétienne-sociale CSU et frontalier avec l’Autriche, pratiquait déjà une politique extrêmement dure et « musclée ». Au moins 70 personnes ont été mises en garde à vue et font l’objet de poursuites pénales, rien que pour avoir amené un ou une réfugié/e (se déplaçant vers l’Allemagne) ou une famille en voiture depuis l’Autriche voisine, en août ou septembre 2015. Ces personnes bénévoles n’avaient rien à voir avec des « passeurs » .

Lors du « mini-sommet » de l’Union européenne (UE) tenu en octobre 2015, c’est l’Allemagne officielle qui se trouvait en pointe pour demander des durcissements. Elle demanda ainsi à l ‘UE de créer une procédure pour renvoyer des migrants en Afghanistan, un pays en guerre vers lequel on n’expulsait plus. C’est aussi l’Allemagne qui a demandé à la Grèce et aux pays des Balkans de « créer des places d’accueil », afin de retenir les migrants sur place. Dans le cadre de la création de « hot-spots », 100.000 places seront créés aux frontières extérieures de l’UE, dont 50.000 en Grèce. Or, on sait que les migrants n’ont pas choisi ces pays comme destination – puisqu’il n’y a ni procédure d’asile digne de ce nom (des tribunaux français avaient suspendu depuis plusieurs années les renvois « Dublin III » vers la Grèce, pour ce motif) ni possibilité de gagner sa vie. Ainsi ce seront des camps où les personnes seront « stabilisées » sous une certaine contrainte.

 

Pire : le week-end précédent le sommet, début octobre 2015, la chancelière Angela Merkel s’était rendue en Turquie pour négocier avec Erdogan. Il s’agissait de lui faire accepter l’accueil de migrants sur le territoire de la Turquie, pour les fixer dans cet Etat. En contrepartie, il y aura des facilitations d’obtention de visas pour certaines catégories de Turcs . Surtout, il s’agira de classer la Turquie comme un « pays d’origine sûr », c-à-dire un Etat dont les ressortissants ne peuvent pas déposer une demande d’asile dans des conditions normales. Or, on connaît la situation des Kurdes et de certains opposants en Turquie, et si l’on sait que malgré toutes les restrictions, 23 % des demandeurs d’asile de ce pays obtiennent ce statut en France, et on devine qu’il s’agit là d’un crime.

Aujourd’hui, alors que l’Union européenne a tenu un sommet extraordinaire avec la Turquie, le 07 mars et s’apprête à en tenir un nouveau les 18 et 19 mars 2016, c’est cette politique-là qui commence à être mise en œuvre. Des navires de l’OTAN, dont des navires militaires ou policiers allemands, croisent dores et déjà dans la mer Egée, au nom de la « lutte contre les passeurs ».

 

D’où vient ce changement de position de la part de l’Allemagne officielle ? Il est vrai que son gouvernement a tangué, au long de cet été 2015. Alors que Merkel plaidait pendant plusieurs semaines pour un accueil des migrants se déplaçant depuis le Sud-Est de l’Europe, son ministre de l’Intérieur (Thomas de Maizière), la CSU et d’autres acteurs gouvernementaux étaient sur des positions beaucoup plus dures.

 

La position de la fraction regroupée autour d’Angela Merkel –d’intentions de vote) – s’explique par plusieurs raisons. L’ « éthique protestante », parfois citée en France comme facteur motivant ces positionnements, y joue très peu. Elle n’avait pas empêché, en tout cas, sur la période 1990 à 1993 que l’Allemagne sombre alors vers un racisme brutal, du côté gouvernemental comme pour une fraction importante de la population.

 

Mais l’expérience de l’époque a appris aux politiques que la radicalisation raciste pouvait représenter un danger y compris pour l’Etat. Ainsi la cellule terroriste NSU découverte en 2011, était née de cette conjoncture. Selon les autorités le groupe aurait été composé de trois personnes, dont deux décédées. En réalité, elle comptait probablement une centaine de membres et était entourée d’un réseau de soutiens. Jusqu’à ce jour, onze assassinats connus sont à mettre à son « actif », ainsi que deux attentats à la bombe et des braquages de banque pour se financer. En réalité, on ne connaît pas encore tout de ce mouvement clandestin. Il est donc ainsi plausible qu’à la tête de l’Etat, on cherchait à décourager une deuxième vague de radicalisation néonazie .

 

Un autre motif réside dans le symbole de l’ouverture, permettant un affichage positif et humaniste sur la scène internationale, alors que l’Allemagne officielle venait d’être critiquée amplement (en juin et juillet 2015 notamment) pour sa position très dure vis-à-vis de la Grèce endettée. La charge symbolique est importante : en cette année 2015, on commémorait les 25 ans de la chute des anciens régimes à l’Est C’était donc l’occasion de célébrer un symbole de l’ouverture, celle d’hier combinée à celle d’aujourd’hui. Cela a contribué à redorer le blason de l’Allemagne officielle, lui donnant une apparence humaniste.

 

Les appels du patronat, qui se plaint d’une évolution démographique négative ont aussi joué un rôle. Le patronat, en tout cas dans ses fractions les plus rationnelles, n’était pas opposé à l’accueil de migrants, y compris en nombre important. Bien sûr, certains patrons utilisent la belle occasion pour trouver aussi un argument contre toute la réglementation du travail. A la mi-octobre dernier, le patron d’Airbus a ainsi plaidé dans la presse allemande pour revoir à la baisse le salaire minimum légal récemment instauré afin de prétendument « faciliter l’intégration professionnelle des réfugiés ».

 

Le patronat ne joue, ainsi, que ses intérêts évidents. Mais dans une partie de la gauche, cela suscitait des réticences à être solidaires des réfugiés, jusque dans une partie du milieu de Die Linke.

 

Le catalyseur de Cologne

 

Au final, dans le débat public, c’est les prétendues peurs d’ « invasion » et de « submersion » qui l’ont emporté, les autorités revenant vers des positions beaucoup plus restrictives. Or, une fraction non négligeable de l’opinion publique est restée marquée par une vision faussée et idéologique, selon laquelle les élites – notamment représentées par Angela Merkel – auraient sciemment toléré une ouverture catastrophique du pays, voire son « inondation ». Les adversaires et rivaux internes d’Angela Merkel au sein du pouvoir aidant, c’est cette impression-là qui a gagné une large partie de l’opinion publique. Alors que des nombreuses personnes continuaient à vouloir proposer leur aide aux réfugié-e-s ils en furent découragés tout au long de l’automne 2015. Si l’initiative privée d’aide et de secours avait été encouragée pendant une brève période, elle restait ensuite largement non sollicitée.

 

Les événements de la nuit du 31 décembre 2015 au 1er janvier 2016 autour de la gare de Cologne, où des centaines de femmes ont été agressées sexuellement et pour certaines violées, ont été exploités par Pegida et toute  l'extrême-droite. La réalité des délits commis était suffisamment grave en soi mais il s’agissait bien sûr de détourner l’émotion légitime à à des fins, racistes.

 

Ainsi en s'appuyant sur l'origine de certains des mis en cause de Cologne, le débat politique s’achemine vers l’idée, largement diffusée par des dirigeants de la CDU, qu’il faudra déclarer et le Maroc, et l’Algérie, et la Tunisie « pays d’origine sûrs ». Et de fermer ainsi la porte à tous les demandeurs d’asile en provenance de ces pays.

Le parti AfD a, évidemment, su tirer profit d’un tel climat où l’opinion publique était très largement polarisée par l’immigration, présentée par de nombreuses voix comme une menace. Sa présidente, Frauke Petry, a publiquement défendu en janvier 2016 l’idée qu’il faudra « tirer » sur les réfugiés aux frontières extérieurs de l’Union européenne, afin de les empêcher de franchir ces frontières. Son adjointe, la députée européenne (et aristocrate aux tendances intégristes) Beatrix von Storch, ajoutait: « Même sur les femmes et les enfants. »

 

Les deux dirigeantes d’extrême droite n’ont ainsi que fait nommer l’ultime conséquence qu’auront les politiques de fermeture et d’enfermement : qui croit sérieusement que demain, s’il s’agit de renvoyer des réfugiés syriens débarqués sur les îles grecques vers la Turquie, que personne ne résistera ? Que personne ne se suicidera, que personne ne commettra un acte de désespoir ? Mais les deux femmes de l’extrême droite allemande ont ainsi barbarisé le débat, créé un pôle antihumaniste à l’intérieur de celui-ci. 29 % des Allemand-e-s interrogés, selon les instituts de sondage, auront exprimé leur accord avec Frauke Petry et son propos. Cela ne constitue pas une majorité. Mais ça fait bien plus que l’électorat actuellement acquis au parti AfD.

 

Il est ainsi peu probable que cette formation disparaisse, à court terme, du paysage politique allemand et européen.

 

Le combat antiraciste et antifasciste n'en revêt que plus d'importance. Il pourra s'appuyer sur le grand mouvement de solidarité qui a traversé la société allemande et qui n'a pas dit son dernier mot.

 

Bernard Schmid pour Memorial 98

 

 

Articles précédents de Bernard Schmid pour Memorial 98:

http://www.memorial98.org/article-allemagne-qui-protege-les-neos-nazis-91705048.html

 

http://www.memorial98.org/article-neo-nazisme-proces-explosif-a-munich-117095362.html

 

http://www.memorial98.org/article-les-musulmans-attaques-modele-pegida-125406073.html

 

A voir sur ce site et sur l'Info Antiraciste, fil d'actualités de Memorial 98:

Sur les événements de Cologne:

http://www.memorial98.org/2016/02/le-monde-d-allah-et-les-ames-violeuses-retour-sur-un-dangereux-fantasme.html

 

Sur Angela Merkel et les attaques la visant, y compris de la part de Manuel Valls, sur le mouvement de solidarité à l'égard des réfugiés ainsi que sur les attaques de l'extrême-droite:

 

http://info-antiraciste.blogspot.fr/2015/10/angela-merkel-victime-dune-campagne.html

 

http://info-antiraciste.blogspot.fr/2015/09/zemmour-et-le-genocide-contre.html

 

http://info-antiraciste.blogspot.fr/2015/09/pour-une-grande-mobilisation-de-soutien.html

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

[1] Dans les médias français, on trouve très souvent une fausse traduction par « Patriotes européens contre… ». Or, dans l’intitulé allemand de ce mouvement raciste (Patriotische Europäer gegen…), c’est clairement le mot « Européens » qui est employé comme substantif, et le terme « patriotiques » comme adjectif, et non l’inverse.

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28 février 2016 7 28 /02 /février /2016 18:15

Pourquoi, en tant qu'antiracistes, réagir à la tribune spécifique de Kamel Daoud, parmi les mille qui ont pointé les viols et les agressions sexuelles commises à Cologne le soir du Jour de l'An, les décrivant comme relevant de comportements purement liés à l'origine et à la culture "arabo-musulmane" ?

Essentiellement, parce que, comme tous les antiracistes, la réaction de Kamel Daoud nous a sommés de nous taire, sous peine d'être assimilés aux partisans de la réaction la plus crasse et d'être accusés de soutenir les intégristes qui le menacent. Essentiellement, parce que Kamel Daoud, a prétendu être contraint à se retirer du journalisme, suite aux quelques réponses à ses thèses qui constitueraient une attaque inqualifiable et insupportable. 

Dans ce cas, nous n'avons plus qu'à parler, car ne pas prendre ce droit, serait donner raison à celles et ceux qui entendent aujourd'hui  exprimer leur essentialisme racisant  et qui d'ailleurs l'expriment sans réserve,  dans les médias les plus connus, mais voudraient que les antiracistes, non contents d'être minoritaires, en sus, se terrent dans le silence. 

Dans ce cas nous devons parler, car les enjeux  ne sont pas cantonnés à un débat idéologique abstrait. Ce dont il s'agit , ce n'est pas d'"âmes", comme le dit Kamel Daoud, mais d'humains persécutés, noyés, refoulés, et d'humaines, agressées, violées, que nul ne peut utiliser pour discriminer encore les premiers.

 

Si vraiment, c'est la culture d'origine, « arabo-musulmane » qui a déterminé les actes des violeurs de Cologne, alors c'est une très bonne nouvelle. Car, de fait, il y a donc en Europe, des millions d'hommes issus à des degrés divers de cette culture et qui ne violent pas. Et en toute logique, partant du présupposé selon lequel leur culture d'origine est l'explication pleine et entière de leurs actes, cela signifie que cette culture majoritairement ne produit pas de culture du viol.

 

Dans ce sens là, l'affirmation ci-dessus paraît complètement absurde, tirée par les cheveux , produit d'un syllogisme idiot, fondé sur un postulat faux.

C'est effectivement le cas, exactement comme l'affirmation inverse, selon laquelle c’est cette culture d'origine qui est responsable de leurs actes.

 

La différence, c'est que  cette affirmation inverse s'est posée d'emblée, en France et en Europe, comme un postulat concret et un fait indéniable. On s'est certes interrogé sur le fait de savoir si l'on était bien face d'hommes liés à un degré ou à un autre au « monde arabo-musulman », dans un premier temps : mais dès lors qu'ils l'étaient, l'affaire était pliée.

 

A un degré ou à un autre, Kamel Daoud, parmi les innombrables commentateurs ayant fait littérature essentialiste au sujet de Cologne, est sans doute celui, qui sur la forme, a le mieux formulé l'importance négligeable du degré en question. Dans sa tribune du Monde, le journaliste algérien, emploie indifféremment, les termes de réfugié et d'immigré, ceux de monde musulman et de monde arabe. Détail frappant, il commence sa tribune en jugeant que l'extrême-droite indifférencie tout, mais il fait ensuite de même, comme beaucoup d'autres, qui partagent la conviction anti-universaliste la plus banale qui soit dans nos contrées : l'argumentation n'est jamais raciste en soi, elle le serait uniquement lorsque l'extrême-droite l'utilise. Tout serait désormais permis, en matière de thèses essentialisantes, mais pas à tout le monde.

Le racisme ne serait raciste que si le raciste, avait auparavant signalé par son appartenance à un parti d'extrême droite qu'il n'était décidément pas antiraciste.

 

Donc réfugiés ou immigrés peu importe. Pourtant, lorsqu'on parle actuellement de « réfugiés », on évoque essentiellement ceux qui viennent d'arriver en Europe. Immigré, c'est quelqu'un qui est , un jour, arrivé en Europe. Un jour ou mille jours, ou trois mille ou dix mille.

 

L'essentialisation est d'abord la négation du facteur temps dans la vie des hommes, réduits encore plus que les arbres, à leurs racines fantasmées. Car au moins, reconnaît-t-on que le platane grandi en ville dans une avenue polluée ne sera pas exactement le même que celui qui pousse en pleine campagne.

Dans l'imaginaire raciste le racisé n'a même pas cette caractéristique. Il est immuable, d'ailleurs pour toujours, parce qu'à un moment, il était ailleurs. La frontière reste avec lui, mur étanche et résistant aux ravages du temps et de l'environnement.

 

Lorsqu'il commet un crime, alors forcément, son origine et elle seule explique ce crime.

 

Inaccessible au temps qui passe, inaccessible à l'environnement qui transforme, l’immigré, en sus, ne vient pas d'un ailleurs qui serait comme ici. Ici naissent des hommes dont on reconnaît qu'ils ont, par la suite, une classe sociale, une catégorie socio-professionnelle, un niveau scolaire, une place dans l'échelle des revenus, une origine et une culture urbaine ou rurale (et même péri-urbaine ou néo-rurale), une situation familiale, et certes également une religion, dont ils sont pratiquants ou non-pratiquants, cependant.

Ici, vivent des hommes dont le comportement est disséqué et débattu par des historiens, des sociologues, des psychiatres et des psychologues, des hommes qui ont le droit à la complexité.

 

Ailleurs, vivent des « Arabes », par millions, des « Musulmans » par milliards. Dans une sorte de Califat géant, bien plus étendu et plus puissant que celui de Daech, car n'ayant ni barrières de temps, ni barrières d'espace. Le « monde d'Allah », nous dit Kamal Daoud le laïque. Oui, le monde d'Allah comme il l'écrit : « ... L’Autre vient de ce vaste univers douloureux et affreux que sont la misère sexuelle dans le monde arabo-musulman, le rapport malade à la femme, au corps et au désir. L’accueillir n’est pas le guérir. La femme étant donneuse de vie et la vie étant perte de temps, la femme devient la perte de l’âme…Le rapport à la femme est le nœud gordien, le second dans le monde d’Allah ».

 

Les Autres, du monde d'Allah. Et il faudrait ne pas répondre à cette généralisation extraordinaire, digne des jeux vidéo de baston les plus sommaires, où chaque équipe est définie en un trait. Répondre, argumenter, critiquer, reviendrait à lancer une cabale inacceptable contre un intellectuel, effectivement menacé par les intégristes.

 

Ils ont violé, nous dit Kamel Daoud, parce qu'ils sont les Autres, du monde d'Allah. Ce à quoi, paisiblement, le Calife de Daech répondra que l'ensemble des criminels occidentaux sont des criminels, parce qu'ils sont les Autres, ceux du Monde qui n'est pas celui d'Allah.

 

L'ennemi est bête, il croit que c'est nous l'ennemi. Alors que c'est les Autres, bien entendu.

 

Le fait est que l'essentialisation raciste, dans l'affaire de Cologne aura été d'abord l'arme de ceux qui pensent que les « malades » ne se guérissent pas, mais qu'ils doivent être impitoyablement chassés avant de contaminer définitivement le corps sain de l'Europe.

Kamel Daoud, l'homme qui n'a rien à voir avec l'extrême-droite et prend bien soin de le préciser, a cependant choisi la métaphore "médicale", parmi cent autres possibles. Cette métaphore médicale, au cœur des dynamiques racistes offensives dans toute l'Europe, depuis le 19ème siècle, la métaphore antisémite par excellence, de Drumont lorsqu'il dénonce le Juif comme éternel microbe oriental, à Céline traqueur de Juifs et de métis. C'est ce que relève l'ami proche de Daoud, Adam Shatz, dans un texte qu'il lui adressé.

 

Il est hélas peu d'intellectuels progressistes qui guérissent favorablement de l'emploi de ce registre de métaphores.

 

Oui, mais Kamel Daoud n'est pas français, il est algérien, répète-t-on, pour sa défense. C'est peut-être là effectivement, sa seule défense, la seule chose qui permettrait de croire à sa sincérité. Le fait qu'il n'ait jamais, peut-être, connu physiquement ce que sont nos métropoles, et leur vie chaotique, le fait qu'il s'imagine peut-être Cologne ou Paris, sans leurs migrants, comme de douces et paisibles contrées où déambuleraient, légères et sans souci, des femmes totalement libres et des hommes totalement courtois. Un aimable rêve littéraire, à opposer au cauchemar du réel qu'il éprouve dans son quotidien.

 

Le poids du fantasme positif, est sans doute nécessaire lorsqu'on est en lutte contre la déclinaison locale du patriarcat et de l'oppression. Tant qu'il reste de l'ordre du fantasme, il peut demeurer positif.

Ainsi par exemple le rêve du retour au pays d'origine, partagé par tant et tant de jeunes issus de l'immigration maghrébine, En soi il n’avait rien de dangereux, tant que l'idéalisation d'un pays où l'on ne serait pas racisé ne se confrontait pas avec son utilisation politique par des groupes intégristes en mal de recrutement. Eux ont bien compris la puissance du fantasme du grand retour aux origines mythifiées. Parmi d'autres causes, ce fantasme là peut servir à alimenter le pire.

 

Le fantasme inversé de Kamel Daoud, celui d'un Occident lumineux qui aurait vocation à guérir ou à punir, l'Autre, le Malade n'est pas moins dangereux quand il rencontre aussi son prédateur, le camp politique raciste européen. Daoud parle d'Algérie, mais il parle, volontairement, aussi, aux Français. Or à aucun moment, sur le fond, il ne prend en compte le réel, celui du sens et de la force politique de son discours ici et maintenant. Son rêve occidental rejoint un cauchemar concret, celui des forces qui souhaitent de nouveau mettre en forme concrète l'essentialisme punitif contre une partie de la population.

 

Nul ne peut lui retirer le droit de ne pas s’en préoccuper, voire de s'en moquer éperdument. Nul ne peut, au nom de l'origine du locuteur, décréter comme inattaquable une parole fausse. En tout cas pas si on se réclame de la raison. Cette raison qui fait que dans le monde concret où nous vivons, la causalité unidimensionnelle des viols et des agressions sexuelles n'a aucune validité.

 

Or Kamel Daoud, dans sa manière de qualifier les réponses qui lui sont faites, a déjà éloigné l’horizon de cette même raison. En conséquence il tombe dans l'imaginaire rhétorique préféré de l'extrême-droite, celui selon lequel toute contradiction à un discours serait signe de persécution et de domination, quand bien même cette contradiction est minoritaire, surtout quand elle est minoritaire. Ce qui s'est passé à Cologne a en effet, et dès les faits connus, donné lieu à d'innombrables tribunes. Ces tribunes avaient le plus souvent pour seul objectif de taper sur le même clou éternel: Cologne apporterait une preuve irréfutable du « problème posé par l'immigration ».

Dans ces conditions, comment la tribune de critique de quelques universitaires, quand bien même, elle serait un tissu de sornettes, pourrait-elle constituer pour Kamal Daoud un « haro », un « hallali », comme le dit la directrice adjointe de Libération, dont on espère qu'elle a choisi le mot sans penser un seul instant à sa résonnance sonore possible ?

Quelle chasse a en fait  lieu aujourd'hui en Europe et qui se nourrit de tout, des drames, et des horreurs, pour traiter des hommes et des enfants comme des animaux sauvages ? Ce traitement dégradant s’applique aussi à des femmes par milliers, mais le traitement de ces femmes là, ne produit pas les mêmes analyses essentialistes car il n'est pas le fait du « monde d'Allah » mais des politiques de fermeture des frontières et de chasse aux étrangers.

 

Kamel Daoud peut donc être défendu par cents voix, de "Libération" à "Causeur", après avoir choisi d’endosser la posture de la victime dominée par une tribune tout juste équivalente à la sienne en taille.

Kamel Daoud est algérien, oui, et donc ? Les femmes qui ont défilé dans les rues de Cologne et d'Allemagne pour dénoncer le sexisme et le racisme, ainsi que l'utilisation raciste du sexisme sont femmes et allemandes. Leur parole, en France, est étouffée et devient peu audible quand d'autres sont omniprésentes. Ce choix de dévalorisation de leur parole traduit un certain rapport de force politique. Celui d'une France où la parole des concernéEs par le racisme est applaudie uniquement quand elle va elle aussi dans le sens du racisme. A cette occasion seulement, l'on veut bien que l'Indigène se revendique comme tel, s'il s'agit de cracher sur les autres indigènes.

Kamel Daoud est algérien, oui, et alors ? A moins d'être dans l'essentialisation raciste, une nouvelle fois, cela ne lui donne aucune autorité particulière pour parler de ce qui s'est passé à Cologne. A moins qu'on ne considère qu'il y a bien un « Eux », les Arabes, et un « Nous », les Occidentaux, une frontière intangible et éternelle entre les deux. Mais dans ce cas, on ne vient pas sans arrêt accuser les autres de « communautarisme ». Et l'on vient encore moins accuser ses contradicteurs de néo-colonialisme, quand on accepte soi-même de voir ses charges contre « les Arabes », reprises telles quelles par le camp raciste. Si à Daoud et à d'autres, il est indifférent d'être devenu la mascotte de Français qui n'assument pas et n'aiment rien tant que brandir ses tribunes en précisant «  c'est un Arabe qui le dit, c'est que c'est vrai », alors c'est grave.

 

Car notre première tâche, au fond, ici, nos responsabilités aussi vis à vis des progressistes de tous les pays, c'est  de faire barrage à celles et ceux qui font feu de tout bois pour fermer les frontières, refuser l'asile, à tout le monde, en pratiquant l'essentialisation permanente. Pour le moment, ils ont si bien réussi, qu'on peut être persécuté par le régime théocratique iranien et ne pas obtenir l'asile, être Afghan, avoir fui les talibans, et ne pas obtenir l'asile. Etre Syrien et survivre dans les bidonvilles de l'Europe, ou se noyer devant la frontière. Frontière érigée en grande partie grâce au discours de la peur. Kamel Daoud, dans sa tribune, fait la leçon au gouvernement allemand qui « donne des papiers ». Le fait est qu'en France, dans ce pays où il a tant de soutien, on n'en donne pas ou presque pas.

 

Une escroquerie est ainsi mise en place sur le dos des victimes de Cologne, dont on osera peut-être nous reprocher de ne pas avoir parlé d'entrée dans ce texte.

Il s’agit d’une arme désormais éprouvée à l'encontre des antiracistes cohérents. Ils devraient d'emblée se justifier de l'injustifiable, accepter le soupçon intolérable, à charge pour eux de tenter de le dissiper. Il faudrait face à chaque offensive raciste se nourrissant de n'importe quel drame, préciser qu'on lutte aussi contre ces drames, qu'on n'est pas pro-terroriste, qu'on n'est pas pro-violeur, ou au mieux, indifférents aux viols et aux attentats. Comme si c'était une option dont nous aurions sans cesse à nous dédouaner.

 

Jeu de dupes, car face aux vautours qui se nourrissent du corps des victimes, à quoi rime de se justifier ? Ces vautours n'ont évidemment pas l'intention d'empêcher de nouveaux drames, sinon de quoi se nourriraient-ils ?

 

Les victimes de Cologne ne sont en rien le sujet de l'exploitation raciste des viols de Cologne, bien au contraire. Kamel Daoud et bien d'autres commentateurs avant lui en font des objets, des représentations dans la scène fantasmée qu'ils ont montée de toutes pièces.

 

Parler vraiment, parler pour agir, pour empêcher, consisterait à analyser le réel. Il s’agirait de parler de psychologie, de sociologie, d'urbanisme, de politiques concrètes du maintien de l'ordre dans les métropoles. Il s’agirait d’examiner à quel point la sécurité sexuelle des femmes est un angle mort de ces politiques, comparée, par exemple à la sécurité des marchandises et des magasins. Il s’agirait aussi d’évoquer ce qu'on saurait vraiment, du rapport de ces violeurs concrets, à la religion, à la réaction, mais aussi à la consommation et à la fête, dans une Europe, où somme toute, consommer des femmes fait tout de même partie des ingrédients nécessaires d'une fête réussie, dans beaucoup de représentations collectives. On examinerait le sens de la mise en scène stigmatisante de celui qui fait tapisserie et n'a pas consommé devenue un poncif culturel, avec lequel on vend des gels douche aussi bien que du Houellebecq.

 

Mais voyons, les Autres, les Arabes, ne lisent pas Houellebecq. Qu'ils soient arrivés un jour , il y a trente ans ou trois semaines, ils sont les Autres.

 

Sauf Kamel Daoud, qui n'est pas arrivé, mais qui est déjà l'Exception qui confirme la Règle.

Et qui apporte une pierre massive à l'édifice qui fait que des évènements réels de Cologne, aucune leçon utile n'émergera dans l'ambiance politique actuelle. En réduisant le problème au prétendu monde d'Allah, on réduit au silence la question que se pose toute femme seule qui songe à se mêler à une foule anonyme les soirs de fête de rue, dans le monde réel. Cette question là ne serait audible que si l'on précise que la main masculine crainte est une main arabe.

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13 février 2016 6 13 /02 /février /2016 18:58

« Croire qu’ils étaient mus par une idéologie antisémite articulée serait sans doute excessif. Eux aussi, comme pas mal de monde, étaient convaincus, à tort, que tous les juifs sont riches et qu’ils pourraient en tirer gros. Les préjugés de ce genre - avarice des Auvergnats, entêtement des Bretons, etc. - sont monnaie courante."

Esther Benbassa, "Evitons l'emballement" 24 Février 2006

 

 

Il est des crimes racistes qui ont lieu dans l'indifférence, et c'est déjà grave. Lorsque c'est la gauche qui est indifférente, c'est encore plus grave.

Lors de l'assassinat d'Ilan Halimi, en 2006, il y eut pire que l'indifférence: le déni, la négation obstinée et persistante exprimée par tout un pan de la gauche radicale. Dans les années qui suivirent, le déni ne fut pas seulement un silence, mais au contraire une parole déchaînée et rageuse qui s'attaquait à toutes celles et ceux qui entendaient dénoncer et caractériser le crime antisémite.

 

Dix ans après la mort d'Ilan, se souvenir n'est pas seulement une question de vérité sur le passé : Ilan Halimi fut la première victime du retour de l'antisémitisme massif et meurtrier qui depuis a frappé à Toulouse et à Paris.

Un antisémitisme devenu banal dans une France où l'humoriste le plus populaire, celui dont les salles furent le plus remplies ces dernières années, Dieudonné, commença son activité politique au sein même de cette gauche radicale. Autour de lui, son principal allié Alain Soral fut membre actif du Parti Communiste et de Ginette Skandrani à Francesco Condemi, en passant par Jean Bricmont, nombre de ses compagnons de route furent aussi longtemps ceux de cette même gauche.

 

Dix ans après la mort d'Ilan Halimi, se souvenir n'est plus seulement l'affaire de la lutte spécifique contre l'antisémitisme. En réalité, bien que beaucoup s'acharnent à faire croire le contraire, c'est aussi une nécessité contre l'islamophobie et le racisme anti-arabes et anti-noirs. On assiste en effet aujourd'hui à l’expression d’une quasi-unanimité, à gauche comme à droite, pour confondre la montée du djihadisme et de l'intégrisme musulman et la montée de l'antisémitisme en France. Une quasi-unanimité pour oublier qu'en 2006, les principaux vecteurs de l'antisémitisme n'étaient pas de quelconques prêcheurs djihadistes, mais des pans entiers du champ politique français, dont une partie venue de la gauche altermondialiste et radicale, en sus de l'extrême-droite. Daech n'a pas tué Ilan Halimi, Daech ne pouvait pas soutenir Youssouf Fofana à son procès, car Daech n'existait pas en 2009. Dieudonné venu de la gauche antiraciste, lui, était bien là et l'une des avocates de Fofana, Isabelle Coutant Peyre était aussi celle du terroriste Carlos, figure d'un certain « anti-impérialisme », pas du tout inspiré de la lecture du Coran.

 

En 2006, quand Ilan Halimi meurt, Dieudonné a rejoint officiellement l'extrême-droite depuis à peine deux ans. Auparavant, en 2004 , il a été partie prenante d'une liste « antisioniste » radicale, Europalestine. Lui qui avait proféré publiquement ses première sorties ouvertement et violemment antisémites dès le début des années 2000, sera défendu par cette même partie de la gauche, après son sketch antisémite ("Israheil") en 2003, dans « On ne peut pas plaire à tout le monde ». Même lorsqu'il rejoindra officiellement Alain Soral et Jean-Marie Le Pen, beaucoup d'analyses en feront « une victime du sionisme qui a pété les plombs ». Car le milieu des années 2000 est aussi celui de la thématique "antisioniste" à toutes les sauces, même les plus frelatées. Celle aussi de la « liberté d'expression » à tout prix. Ce sont les années, où, dans une partie de la gauche radicale, certes l'on ne peut plus défendre les propos de Dieudonné, mais où l'attaquer serait la marque de celles et ceux qui « font le jeu du système ». Dans ces années là et jusqu'à aujourd'hui, chaque maigre initiative contre Dieudonné continuera à être dénoncée comme une atteinte à la liberté d'expression. Même en 2014, lors de l'interdiction à une seule reprise d'un spectacle de Dieudonné, beaucoup d'associations antiracistes, beaucoup d'organisations de gauche éprouveront encore le besoin de marquer leur désaccord .

 

Et c'est d'abord cette analyse là qui va prédominer concernant Ilan Halimi, le déni, décliné en banalisation et en dépolitisation.

 

Esther Benbassa n'est pas la seule, en effet, à dire que l'antisémitisme qui a tué Ilan Halimi ne constituerait pas, au fond, la résurgence d'une idéologie politique construite, alimentée par des vecteurs militants conscients et organisés, mais un simple « stéréotype », s'auto-alimentant par on ne sait quelle génération spontanée. Elle n'est pas la seule à écarter l'antisémitisme du champ du combat antiraciste. Nous la citons spécifiquement parce qu'elle considérée comme une spécialiste de gauche de l'antisémitisme. Or, bien évidemment, si l'antisémitisme est, comme elle l'écrit,  équivalent aux « préjugés contre les Auvergnats », alors il n'y a pas plus de nécessité à combattre l'un qu'à combattre l'autre. Chacun sait en effet que la vie des Auvergnats, de nos jours, n'est pas plus difficile que celle des Normands.

 

Et de fait, en 2006 ET dans les années qui vont suivre, on ne trouve pas trace du nom d'Ilan Halimi dans la quasi-totalité des publications et des initiatives antiracistes. Nous l'avons relevé en 2015, dans les suites de la tuerie antisémite de l'Hyper-Cacher

En 2016, nombreuses sont d'ailleurs les organisations qui prétendront ne jamais avoir rien eu de commun avec quelque antisémitisme de gauche que ce soit, au motif qu'elles n'ont jamais rien dit de scandaleux sur l'assassinat d'Ilan Halimi ; nombreuses sont celles qui aujourd'hui déclarent se rallier à la lutte contre l'antisémitisme, comme si de rien n'était.

 

Mais justement il n'y a rien eu, et c'est cela l'archive. Ce silence assumé pendant des années et des années sur un crime antisémite atroce, relégué au rang de fait divers, hors du politique. Sur une victime qui n'a jamais eu son portrait ou son nom dans les manifestations antiracistes, jamais été citée dans les analyses sur la montée des actes racistes, jamais fait l'objet d'aucune commémoration. En ne disant rien, avec obstination et persévérance, beaucoup ont tout dit.

 

Dans le même temps pourtant, on parlait beaucoup d'autre chose. Par exemple de la fausse agression antisémite du RER D, largement commentée, et présentée pendant des années comme la preuve ultime de l'« utilisation de l'antisémitisme » par le pouvoir raciste.

 

Lorsqu'Ilan Halimi est tué, cette affaire du RER sera d'ailleurs un des principaux arguments censés inciter « à la prudence », c'est à dire à ne pas se mobiliser. Seulement, ce qu'oubliaient celles et ceux qui faisaient de cette non-mobilisation une forme de radicalité contre le pouvoir, c'est que la police elle-même avait refusé d'envisager la thèse d'un rapt motivé par l'antisémitisme, pendant toute la captivité d'Ilan Halimi.

 

La thèse du crime « uniquement crapuleux » constitue aussi, au départ la thèse policière, comme le dénonce la mère d'Ilan. Elle accuse les policiers de ne pas avoir tenu suffisamment compte du fait que son fils courait un danger particulier, parce que Juif. Et c'est cette thèse policière là qui sera abondamment reprise dans des milieux de gauche pour se taire et ne rien faire. Une thèse particulièrement absurde et abstraite : si les crimes racistes sont seulement les crimes motivés uniquement et exclusivement par le racisme, alors il n'y en pas beaucoup. Dans ce cas là, on peut exclure Hermann Goering des criminels de masse antisémites puisque le maréchal nazi se préoccupait tout autant de récupérer une fortune en œuvres d'art spoliées à des Juifs que de mettre en œuvre le génocide.

 

Bien sûr, les assassins d'Ilan Halimi voulaient aussi gagner de l'argent. Mais seuls eux savent, après avoir humilié et torturé à mort un homme sans que le motif financier ait nécessité ce degré de barbarie pour être satisfait, ce qui était déterminant pour eux, dans leur logique meurtrière : l'antisémitisme ou l'argent ?

 

Pour la lutte contre l'antisémitisme, cela n'importait pas. La suite l'a démontré: dans les années qui ont suivi, la contamination de la haine a crée des tueurs et des agresseurs qui n'avaient plus d'autre motif annexe. Seulement la haine du Juif.

 

Mais à cela aussi, une partie de la gauche radicale avait sa réponse : quand bien même, l'assassinat d'Ilan Halimi aurait été un crime antisémite, l'antiracisme aurait nécessité qu'on n'«en fasse pas trop », car la priorité était d'empêcher que le meurtre soit utilisé par les racistes.

 

Evidemment, cette préoccupation légitime existait, et existe encore plus aujourd'hui. Les vautours racistes se sont jetés sur la mort d'Ilan d'Halimi dès que l'affaire a été connue, et plus encore pendant les deux procès. Nous l'avons dénoncé, sans que cela nous empêche de combattre en même temps l’antisémitisme, d'où qu'il vienne.

 

 

Effectivement, dès lors qu'un meurtre ou une agression antisémite est commise par des individus issus de l'immigration ou/et de culture musulmane, la meute raciste se jette sur l'occasion pour dire que c'est cette origine et cette religion qui sont la cause du meurtre et sa cause unique.

Mais de manière tout aussi évidente, combattre le racisme inhérent à cette thèse, c'est se mobiliser contre l'antisémitisme en montrant qu'il ne tient pas à l'origine des bourreaux.

 

Il n'y avait rien de plus simple concernant l'affaire Ilan Halimi et ses protagonistes : ils n'étaient pas tous issus de l'immigration, pas tous musulmans. Mais tous avaient grandi et vécu en France. Et en cette année 2006, où le flirt politique entre la mouvance antisémite menée par Dieudonné et le Front National éclatait au grand jour, il n'était pas bien difficile de faire le lien entre les racistes et les antisémites. Une partie de la gauche a choisi de  reprendre  les thèses essentialistes et identitaires, en prétendant que défendre la mémoire d'Ilan Halimi, c'était attaquer l'antiracisme.

 

Pour Memorial 98, cet argument infâme cependant, n'était certes pas la marque d'un « nouvel » antisémitisme venu d'ailleurs. Notre collectif est né en 1998, porté par des militantEs qui avaient assisté à l'accueil chaleureux de l'Abbé Pierre à l'église Saint Bernard par nombre d'associations et de partis de gauche, deux ans après son soutien au négationniste Roger Garaudy. L'injonction du silence devant l'antisémitisme dans notre propre camp, nous la connaissons donc bien.

 

Nous connaissons aussi les cycles du déni et ceux de l'unanimisme tronqué et hypocrite. Nous avons, pour certains, commencé à militer au milieu des années 1990, quand certains protagonistes de l'affaire Vieille Taupe et du soutien au négationniste Robert Faurisson étaient revenus sur la scène des mobilisations, en se proclamant « libertaires et d'ultra-gauche contre le négationnisme ». A cette époque, nous n'avions pas tous les outils pour saisir le mensonge qui nous était servi. On voulait dissimuler le fait que l'antisémitisme de gauche qui avait conduit à la collusion avec Robert Faurisson n'était pas le fait d'une « tromperie » du négationniste ou de la dérive de quelques individus mais bien un problème de fond. Et l'Histoire s'est alors bien répétée comme une tragédie aux fausses allures de farce : Dieudonné et Alain Soral, issus tous deux de la gauche, ont contaminé par leur propagande des millions de personnes, construisant un mouvement néo-nazi puissant , en ayant puisé leurs premières forces dans notre camp. Et à cause d’eux, Faurisson a pu être applaudi sur la scène du Zénith, dès 2008.

 

Memorial 98 ne combat pas seulement pour préserver la mémoire du passé, mais aussi et surtout pour le futur, qui a besoin de cette mémoire pour ne pas répéter les mêmes atrocités.

 

Dix ans après l'assassinat d'Ilan Halimi, son nom est désormais prononcé dans la gauche radicale. Prononcé et même pleuré, si l'on s'en tient aux apparences. Dix ans après l'assassinat d'Ilan Halimi, la dénonciation formelle de l'antisémitisme semble faire l'unanimité dans cette gauche.

 

Forcément, puisque nul ne peut plus dire, après les victimes de Toulouse, après celles de l'Hypercacher, que l’antisémitisme n'est qu'un « préjugé » diffus, et n'ayant rien à voir avec les autres racismes meurtriers. Personne ne peut plus dire, en France, que les personnes d'origine juive n'ont pas plus de problèmes que les Auvergnats.

 

Mais reconnaître les faits, parce qu'ils sont désespérément têtus, ce n'est pas forcément les combattre. C'est une chose de se réveiller après une bataille perdue, c'en est une autre de faire comme si on n'avait jamais dormi, ou pire combattu dans le camp adverse.

 

Aujourd'hui, il est trop tard pour ajouter brusquement et sans explications, le nom d'Ilan Halimi aux victimes du racisme que l'on commémore dans la gauche radicale. Dans notre camp, la seule commémoration honnête et constructive consisterait à expliquer pourquoi cela n'a pas été fait avant, ainsi qu'à reconnaître son silence, d'abord, et les mots et les actes insupportables, ensuite.

 

Il n'est pas nécessaire d'ailleurs, de remonter dix ans en arrière pour en trouver trace. Il y a encore moins de deux ans, en juin 2014, lorsque la mort de Clément Méric a été commémorée par une manifestation à laquelle nous avons participé, le mot antisémitisme ne figurait même pas dans l'appel unitaire, ce qui nous avait amenés à faire en plus, notre propre appel, qui rendait explicitement hommage à Ilan Halimi. Ainsi, plusieurs mois après la tuerie de Toulouse et du Musée juif de Bruxelles, voici ce que devait supporter un collectif de lutte contre le racisme ET l'antisémitisme. Il fallait signer un appel à la mémoire d'un jeune militant assassiné par l'extrême-droite, parce que le front antiraciste est évidemment nécessaire dans ces circonstances, et en même temps, être seuls à rappeler dans cette mobilisation, la mémoire d'une autre victime du racisme. Pendant qu'en tête de cortège, et après un meurtre commis pas des néo-nazis, une des banderoles proclamait comme priorité « la lutte contre le sionisme ».

 

Du passé faire table rase, ce n'est pas juste pousser la saleté sous le tapis,  mais travailler à détruire les fondations de la haine raciste, même au sein du camp progressiste. Et ces fondations là ne se baladent pas dans l'éther de la pensée, elles engagent aussi celles et ceux qui, pendant des années, les ont construites.

 

Commémorer la mort d'Ilan Halimi, dix ans, après, c'est d'abord réfléchir à ce qui l'a rendue possible, à ce qui pourra empêcher d'autres morts. C'est comprendre comment de jeunes prolos, ont pu en plein cœur des années 2000, en France, assassiner un autre jeune homme parce qu'il était Juif, au nom d'idées qui auraient pu être au mot près celle d'un jeune nazi des années 30.

 

Commémorer, c'est reconnaître l'horreur: le fait que la mort atroce d'Ilan Halimi, bien loin de conduire à la répulsion devant les idées antisémites, a au contraire été suivie d'une décennie qui les a vu exploser.

 

Commémorer c'est comprendre l'horreur pour ne plus la répéter: l'horreur pour notre camp progressiste, que d'aucuns veulent oublier aujourd'hui en se réfugiant derrière la thèse d'un antisémitisme uniquement « islamiste », c'est que le principal vecteur politique de l'antisémitisme français ces dix dernières années, a été une mouvance politique composite, dont les leaders n'étaient pas issus d'un groupe néo-nazi, mais dérivaient en partie de la gauche antiraciste.

 

Commémorer la mort d'Ilan Halimi, aujourd’hui, pour le camp antiraciste, c'est se souvenir, que le même Dieudonné qui appelle dans ses vidéos à déterrer et à profaner le corps d’Ilan, fut un compagnon de route presque incontesté pendant des années, et même après des déclarations antisémites sans ambiguïté.

 

Commémorer, c'est prendre nos responsabilités de militants antiracistes. Nous prenons et disons la nôtre : malgré tous nos efforts, nous n'avons pas réussi à freiner l'antisémitisme dans notre propre camp. Ce n'était pas une option, c'était un impératif et une de nos raisons d'être, et nous mesurons tout le poids de cet échec.

 

Nous ne voulons pas le revivre, et commémorer c'est avant tout continuer la lutte. Contre l'antisémitisme d'où qu'il vienne, avec une responsabilité particulière lorsqu'il vient de notre propre camp. Il s'agit pour en extirper les racines, de les rendre visibles, surtout dans les moments où certains, en jetant quelques fleurs sur la tombe d'une victime décédée une décennie auparavant, voudraient à bon compte faire oublier leurs crachats passés.

 

Memorial 98

 

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