Mise à jour du 15 mai 2018:
Lars Von Trier de retour au Festival de Cannes et à nouveau pour le pire. Il a été à invité malgré ses déclarations de 2011 , quand il avait exprimé sa "sympathie " pour Hitler lors de la conférence de presse de son film "Melancholia" (voir ci-dessous notre alerte de l'époque).
Alors que festival est censé mettre les femmes à l'honneur, suite à la mobilisation du mouvement #Metoo, celles-ci sont particulièrement brutalisées dans le film ultra-violent de Von Trier "The House that Jack Built". Sept ans après le scandale de ses propos sur Hitler, l'Allemagne nazie est aussi brièvement évoquée à travers des images d'avions allemands et même d'Hitler, alors que Jack parle de ce qu'il considère comme des "icônes".
La complaisance à l'égard de Von Trier lui permet ainsi de bénéficier d'une publicité maximale
Memorial 98
Ayons l’obsession de la mémoire de l’anti-nazisme.
Une réaction de Souâd Belhaddad.
Lars Von Trier, aujourd’hui. John Galliano, hier. Et peut-être (sans doute ?) d’innombrables anonymes, au comptoir d’un bar, dans un salon privé, exprimant des propos analogues : « Hitler a fait des mauvaises choses mais… », « I love Hitler… »
Combien de fois ai-je entendu que « bon, la Shoah, ça va, on en parle trop » ? Mais si, aujourd’hui, en 2011, ce que nous entendons publiquement, dans un café ou à une prestigieuse tribune cannoise est possible, à quoi cela a-t-il donc servi de « trop » en parler ?
Pour ma part, je pense qu’il faut en parler encore. Plus que jamais en cette période où l’Europe marque une croissance de l’extrême droite, où la France permet l’expression d’une parole raciste qui menace notre cohésion, il faut en parler.
Continuer de (tenter…) transmettre cette mémoire. Il faut en faire une obsession.
On le sait (ou ne veut-on pas le savoir ?): derrière ce nom de Hitler, c‘est le fascisme qui est relativisé – celui-là même qui reprend beaucoup de terrain en Europe. C’est le génocide des Juifs et des Roms et l’antisémitisme qui sont relativisés. C’est la banalité du mal qui est consacrée. La banalité du mal, nous y voilà désormais ! « Je pense qu’il a fait de mauvaises choses…Il n’est pas vraiment un brave type, mais je comprends beaucoup de lui et je sympathise un peu avec lui » dit Lars Von Trier à propos de Hitler – sans que personne de son équipe à ses côtés ne se lève pour quitter cette conférence de presse, même sans un mot, ne serait-ce que par signe de désapprobation.
Dans le café où Galliano a sévi, il s’agissait de clients anonymes autour.
Dans le cas de Vo
n Trier, ce sont des acteurs et actrices de renommée internationale, des journalistes… et donc la possibilité d’être vus par le monde entier, à travers leur réaction. Mais pas de réaction.
Des « mauvaises choses », cela s’appelle un génocide. Un génocide, c’est la planification puis la mise à exécution de l’extermination d’un peuple. Mais ces « mauvaises choses », c’est ce qui n’apparaît plus si important dans ce XXIe siècle, porteur d’une parole qui se libère de façon effrayante. Tout peut se dire désormais sur les Noirs, les Arabes,les Roms, les musulmans, les femmes.
Maintenant Hitler… La boîte de Pandore est désormais dangereusement ouverte. Prochaine étape ?
Avec une grande tristesse, je pense aux derniers rescapés des camps. Plus de soixante après la Shoah, beaucoup sont proches de disparaître. Bientôt, ils ne seront plus là pour dire, témoigner que « ces mauvaises choses » ont été les pires de l’Humanité. Un rescapé de génocide, par définition, est toujours seul « avec ça », cette tragédie. Aujourd’hui, comme ils doivent se sentir encore plus seuls.
Souâd Belhaddad
Auteur de SurVivantes, Rwanda dix ans après
La fleur de Stéphanie, Rwanda entre déni et réconciliation
(voir aussi Algérie, antisémitisme: un texte de Souâd Belhaddad