Un débat s’est rouvert en Allemagne à propos de l'édition de "Mein Kampf".
A l’échéance du 31 décembre 2015, les droits d'auteur de l'édition originale de Mein Kampf tomberont dans le domaine public. A cette date, des rééditions néo-nazies du manifeste hitlérien seront théoriquement possibles, alors qu’elles sont actuellement interdites dans ce pays.
Rédigé par Adolf Hitler alors qu'il était emprisonné à Landsberg entre 1923 et 1924 pour une tentative ratée de putsch, Mein Kampf pose les fondements de l'idéologie nazie. L’ouvrage détaille notamment les théories d'Hitler sur la pureté raciale, sa haine du communisme et du socialisme et son obsession de la malfaisance des Juifs, qu’il voue aux gémonies et désigne comme responsables de tous les malheurs de l’Allemagne et du monde.
Il s’y réfère abondamment au faux antisémite des prétendus « Protocoles des sages de Sion », qu’il considère comme véridiques et dignes de foi.
Les ventes de MK ont suivi l'ascension politique d'Adolf Hitler.
Diffusé par le régime nazi, plus de 10 millions d'exemplaires se sont vendus entre 1930 et 1940, auxquels on peut ajouter les traductions dans une quinzaine de langues.
Mein Kampf est aujourd’hui interdit à la diffusion en Allemagne, ce qui n’est pas le cas dans de nombreux pays.
Le Conseil central des juifs allemands a apporté son soutien à une proposition pour la republication de Mein Kampf. Un certain nombre de juifs allemands s'opposent à cette initiative mais Stephan Kramer, secrétaire général du Conseil des Juifs d’Allemagne (qui se montre combatif sur toutes les questions de racisme et de lutte contre l’extrême droite) pense que le livre doit être lu par les générations futures pour les informer de la nocivité du nazisme : «Il est important de publier une édition de Mein Kampf avec un commentaire pédagogique, a-t-il déclaré. Nous devons préparer une édition historiquement critique aujourd'hui pour empêcher que les néo-nazis en profitent.»
L’Etat de Bavière, qui détient les droits du livre, reste opposé à cette idée. «Nous ne lèverons pas l'interdiction car elle pourrait faire le jeu de l'extrême droite», a déclaré un porte-parole du gouvernement bavarois.
Néanmoins, W. Heubisch, ministre des sciences et de la recherche de Bavière, s'était prononcé en faveur d'une réédition: «S'il faut que l'ouvrage d'Hitler soit édité, le danger existe que des charlatans et des néo-nazis se saisissent de cette œuvre ignoble lorsque la Bavière n'aura plus les droits ».
En France, la publication et la vente en librairie de Mein Kampf demeurent à priori "taboues", mais ne sont pas interdites. Dans un arrêt du 11 juillet 1979, la Cour d'appel de Paris à jugé que Mein Kampf peut être autorisé à la vente compte tenu de son intérêt historique, mais accompagné toutefois d'un texte de huit pages mettant en garde le lecteur. Ce texte évoque les dispositions légales en matière d'incitation à la haine raciale et rappelle les crimes contre l'humanité du régime hitlérien.
En pratique ce sont les librairies d’extrême-droite et surtout les nombreux sites néo-nazis qui proposent l’ouvrage, téléchargeable dans de nombreuses langues.
Le livre est largement diffusé dans les pays arabes (mais il y reste dépassé par son « ancêtre » les « Protocoles des sages de Sion ») en Inde, en Indonésie, en Turquie. Partout il symbolise l’ultra-nationalisme et l’antisémitisme.
L’ouvrage récent d’Antoine Vitkine Mein Kampf: histoire d'un livre ( Flammarion, 2009) retrace une partie du sort de l’ouvrage d’Hitler. On peut aussi lire une interview de l’auteur http://www.arte.tv/fr/recherche/2014706.html
Nous estimons que l’accès à Mein Kampf, le débat sur l’histoire du nazisme et l’application du programme hitlérien qui est contenu dans l’ouvrage, constituent des outils pédagogiques.
On peut ainsi mesurer ce que doivent à ces thèses les campagnes de l’extrême-droite européenne, du Front national, de la liste « antisioniste » de Dieudonné-Soral-Gouasmi (qui vitupère sur le « sioniste qui se trouve derrière chaque divorce » reprenant un thème typiquement nazi), voir notre article précédent Interdire les listes de Dieudonné ?
Quand Dieudonné prépare déjà la prochaine échéance de son spectacle de décembre prochain qui, après Faurisson en 2008, sera centré sur la célébration de Céline.
Quand Kémi Seba se lance sur Internet dans une comparaison entre Bonaparte et Hitler dans le seul but de convaincre ceux qui l’écoutent qu'Hitler ne doit pas être « diabolisé ».
Quand l'antisémitisme mais aussi le négationnisme et le racisme sont diffusés aussi largement, il est utile de retracer la nature de ce qui constitue l'idéologie la plus réactionnaire jamais produite à ce jour.
MEMORIAL 98