C'est donc avec l'assentiment de l'Europe et des Etats-Unis que le pouvoir de Bosnie Herzégovine a concocté une loi ad hoc permettant de se débarrasser de tous ressortissants venant de pays arabes ou musulmans et vivant depuis dix, vingt ou trente ans, sur son sol.
Les accords de Dayton prévoyaient que tous les combattants étrangers devaient quitter la Bosnie dans les trente jours, une formulation qui ne permettait pas de se débarrasser de ces nouveaux indésirables.
En effet, au moment des accords, ces personnes n'étaient plus étrangères, mais déjà bosniaques; de plus nombre d'entre elles n'étaient pas venues pour combattre, mais pour travailler dans des associations humanitaires pendant ou après la guerre.
La commission en question a commencé son travail et ôté la nationalité à des centaines de ressortissants bosniaques. Ces ex-Bosniaques, originaires de pays dans lesquels ils seraient en danger de mort ou d'être torturés, ont alors demandé l'asile, qui leur a été refusé, ou le droit au séjour, qui leur a été refusé également.
Ils sont devenus en quelques mois des sans-papiers alors qu'ils avaient été reçus à bras ouverts pendant la guerre. Les combattants avaient été intégrés à l'armée bosniaque qui leur avaient attribué, selon les cas, des décorations, les avantages sociaux dus aux vétérans, des pensions justifiiées pour les invalides de guerre, ils se retrouvent sans papiers et pourtant pour l'écrasante majorité d'entre eux, car il s'agit d'hommes essentiellement, ils sont mariés avec des femmes bosniaques et ont des enfants bosniaques.
Face au danger, les intéressés ont multiplié les communiqués, et manifestations, essentiellement à Zenica et Sarajevo. Ils ont crée l'association, « Ensarije », et multiplié les procédures devant la cour suprême de Bosnie, puis devant la Cour Européenne des Droits de l'Homme.
En parallèle des dizaines d'autres ont pris la fuite, souvent avec leurs famille bosniaque, pour demander l'asile, essentiellement en Suisse, Grande-Bretagne, Italie, Suède.
Seule la Grande-Bretagne a accepté à ce jour d'octroyer des statuts de réfugiés, notamment à des ex-Bosniaques redevenus Tunisiens, car tous les Tunisiens ayant fait un séjour en Bosnie sont immédiatement torturés et incarcérés à leur retour en Tunisie.
Ceux qui n'ont pas encore perdu la nationalité bosniaque se voient généralement refuser l'asile au motif que la Bosnie fait partie des pays "sûrs"
Actuellement la Bosnie est entrée dans la phase d'expulsions de ces ex-Bosniaques : un Algérien a été renvoyé en 2007 et un Bahreini en 2009.
Un Syrien arrêté en 2008 est au centre de rétention de Lukavica depuis huit mois, rejoint par un Algérien et un Tunisien.
La visite à Sarajevo du vice-Président américain, Joseph Biden en mai 2009, a été l'occasion pour les autorités bosniaques d'afficher leur soutien à la « lutte contre le terrorisme » : une vaste opération de police, largement médiatisée a donné lieu à de nouvelles arrestations et à des descentes spectaculaires dans des domiciles d'ex combattants, pour la plupart ayant déjà quitté le pays ou en passe de le faire.
Considérés soudainement comme une menace pour la sécurité du pays, ces ex Bosniaques risquent la torture, voire la mort, car les pays où ils seront renvoyés n'ont pas aboli la peine capitale.
A l'heure où l'Europe discute des conditions d'accueil des ex-détenus de Guantanamo, où la France accueille un Algérien de Guantanamo, faut-il rappeler que ce dernier, Lakhdar Boumediene, avait été livré par .... la Bosnie aux forces américaines, puis déchu de sa nationalité en vertu de la loi que nous venons de commenter.
En somme, pendant que l'Europe accueille un ex-Bosniaque, ses élus donnent un blanc-seing à leur représentant en Bosnie, Valentin Insko, pour avaliser la politique de renvoi de centaines de parias vers la torture et la mort, vers les Guantanamo de Syrie, de Tunisie, d'Irak ou d'Algérie.
Luiza Toscane
Mémorial 98