Depuis 1985 la Cimade intervient dans ces lieux de non-droit et publie chaque année un rapport qui rend compte de la situation de la rétention sur tout le territoire.
Elle alerte particulièrement sur les quotas ministériels d'expulsions qui aggravent la tension dans des centres surchargés. La mort en Juin dernier d'un retenu du centre de Vincennes a illustré la gravité du sort fait à ces personnes.
En 2007, 35.000 étrangers, dont près de 250 enfants, ont transité dans les centres de rétention,. La capacité totale des centres était de 1.724 places au 31 décembre 2007. Elle doit atteindre les 1.800 places en 2008 et dépasser les 2.000 en 2009.
Loin de chercher à améliorer le sort des retenus, le ministre Hortefeux veut maintenant réduire le rôle des associations et particulièrement de la Cimade. Un décret publié cet été réorganise le dispositif et restreint le rôle de cette association.
La réduction de la nature de la mission des associations, qui passe d'une « mission d'aide à l'exercice des droits » des retenus à une simple « mission d'information », et l'éclatement de la mission en huit lots géographiques ne permettront plus de garantir la qualité de l'aide juridique apportée aux étrangers.
L'introduction de clauses de « neutralité » et de « confidentialité » et le morcellement de la mission risquent également de supprimer de fait toute possibilité d'une vision globale de la situation dans les centres de rétention administrative, et donc la fonction essentielle de témoignage que la Cimade met en œuvre depuis vingt-cinq ans.
Il est aussi prévu que toute « personne morale » y compris commerciale puisse répondre aux appels d'offres régionaux. Une structure liée à l'UMP et baptisée collectif "Respect" s'est d'ailleurs portée candidate, sans disposer d'aucune expérience dans ce domaine.
Le durcissement voulu par le gouvernement s'inscrit dans un contexte d' aggravation à l'échelle de l'Union Européenne.
Le vote en juin dernier de la directive "retour", qualifiée par les associations de "directive de la honte", est particulièrement inquiétant (voir nos articles précédents Europe: contre l'emprisonnement des réfugiés! Europe: Agir contre la directive de la honte! ). Elle prévoit notamment l'allongement de la durée de la rétention jusqu'à dix-huit mois, la possibilité de priver de liberté des mineurs isolés, de renvoyer les personnes vers des pays de transit. Le risque est que l'enfermement devienne un mode de gestion des populations migrantes. Ces pratiques ont déjà cours dans un certain nombre de pays européens, où les étrangers, y compris en demande d'asile ou d'un titre de séjour, sont privés de liberté.
Contre la remise en cause des droits minimaux des retenus, de nombreuses associations ont lancé une pétition que nous vous demandons de signer et de faire connaître.
Il s'agit d'atteindre avant le 15 novembre (réponse de B.Hortefeux aux offres d'organismes candidats), les 100 000 signatures contre la réforme des centres de rétention. C'est possible : on en est à 65 000 signatures.
Pour signer en ligne :
http://www.placeauxdroits.net/petition2/index.php?petition=5
Aux origines : la création de la CIMADE pendant la 2e guerre mondiale
Dans les années 30, l'Europe est confrontée au fascisme et au nazisme. Une partie de l'opinion protestante, en France comme en Allemagne, réagit devant les prémices de la tragédie.
En 1934, les synodes protestants de Barmen (Allemagne) s'élèvent contre une prédication de l'Église aux ordres de l'Etat et contre la mise au pas du protestantisme allemand sous le slogan nazi « un peuple, un empire (Reich), un chef (Führer) »
En 1935, Martin Niemöller, pasteur protestant à l'origine de « l'Église confessante » antinazie en Allemagne, élabore la formule devenue célèbre : « Lorsqu'ils ont arrêté les communistes, je n'ai pas élevé la voix ; lorsqu'ils ont interné les juifs, j'ai gardé le silence ; lorsqu'ils s'en sont pris aux sociaux-démocrates, je me suis tu ... Lorsqu'ils sont venus me prendre, il n'y avait plus personne pour me défendre. » Il est mis à la retraite par le pouvoir et milite ensuite en faveur de la paix.
Le pasteur Marc Bœgner, Président de la Fédération protestante de France depuis 1929, axe ses conférences de Carême en 1939 sur le thème « L'Evangile et le racisme. » Il prend la défense des juifs auprès du gouvernement de Vichy : Pétain, Darlan, Laval... (voir notre article précédent Sarkozy et la Shoah : analyse d’une manipulation ) Il sera désigné coprésident du Conseil Œcuménique des Églises.
En décembre 1939, le théologien Karl Barth écrit une lettre aux Protestants de France : «... Si la communauté chrétienne gardait le silence et si elle observait le cours des évènements en simple spectatrice, elle perdrait sa raison d'être. »
Le 18 octobre 1939, à Bièvres, les dirigeants du CIM qui regroupe les organisations de jeunesse protestantes créent la CIMADE (Comité Inter-Mouvements Auprès Des Evacués) pour venir en aide aux populations évacuées d'Alsace et de Lorraine, au nombre de 200.000 environ. Des équipes sont constituées (d'où le terme d'équipiers encore en usage aujourd'hui) qui accomplissent cette mission. Madeleine Barot, appelée et soutenue par Marc Bœgner, est Secrétaire générale de la Cimade,.
Le régime de Pétain développe le système de l'internement administratif des Juifs et des ennemis du régime. Plus de 40 000 internés (juifs étrangers notamment et réfugiés politiques opposants au régime nazi) sont recensés dans les camps d'internement et centres d'accueil du Ministère du travail dès 1940 : Gurs, Agde, Argelès, Rivesaltes, Aix, Brens... .
La Cimade entre dans les camps. Elle s'y occupe des problèmes matériels des internés et les soutient.
En novembre 1942, les forces allemandes franchissent la ligne de démarcation. Le Comité de la Cimade ne peut plus se réunir. La Cimade passe alors d'une présence de solidarité à la résistance.
Elle cache des gens, aide à traverser des frontières et constitue des états civils et des faux papiers. En juillet 1942 a lieu la rafle du Vélodrome d'Hiver. La Cimade organise des évasions vers la Suisse, en relation avec le Conseil Œcuménique des Églises en création à Genève.
« Ce n'est pas la charité que nous avons exercée pendant la guerre, du moins pas seulement ; nous avons voulu exprimer notre solidarité avec les victimes. » (Madeleine Barot).
MEMORIAL 98