L'avocat Constantin Plevris, figure de l'extrême droite, vient d’être condamné à 14 mois de prison avec sursis pour un brûlot antisémite ; il s’agit d’une première dans un pays où l’antisémitisme s'exprime ouvertement, notamment sur les télévisions privées.
C’est l'Observatoire grec des accords d'Helsinki (EPSE), ONG de défense des droits des minorités, qui est à l'origine de la procédure.
Il a été reconnu coupable d'injure raciale et d'incitation à la haine et à la violence raciale pour son livre « Les Juifs - Toute la vérité ».
Paru en mai 2006, le livre de Plevris déroule sur près de 1400 pages un mélange de négation de la Shoah, d’apologie des nazis et de menaces contre les juifs, qu'il qualifie de «sous-hommes» et d'«ennemis mortels» méritant «le peloton d'exécution ».
Cette condamnation met en oeuvre pour la première fois la législation antiraciste grecque datant de 1979.
Depuis des années en Grèce la littérature antisémite et néo-nazie circule librement ; c’est le cas notamment des « Protocoles des sages de Sion »
La tradition antisémite de la droite nationaliste grecque appuyée sur l’Eglise orthodoxe est fortement enracinée.
La religion orthodoxe est la religion d’Etat. Son puissant clergé est au premier rang de l’exclusion des minorités religieuses (juifs, musulmans, catholiques) et nationales (Albanais, Macédoniens…) ainsi que du soutien aux criminels de guerre serbes, au nom de la fraternité orthodoxe. Les immigrés sont particulièrement maltraités et privés de droits.
Des chapitres du livre de Plevris portant sur la négation des chambres à gaz ont été publiés dans l’hebdomadaire nationaliste Eleftheros Kosmos, qui a repris le titre de l’organe de presse qui fut en son temps le porte-parole de la dictature des colonels grecs (1967-1974).
Tout au long du procès, l'attitude du parquet a alimenté l'indignation des associations plaignantes. Un des deux procureurs qui se sont succédé à l'audience, Anastassia Massoura, a requis la relaxe de M. Plevris en invoquant la caractère «scientifique» de son livre et le fait que «les juifs» ont refusé de «dialoguer» avec l'auteur, comme ce dernier les y avait invités.
Au cours des débats, cette procureure a centré son examen des témoins sur la question de savoir si, «comme le dit l'accusé, le Talmud traite de cochons tous les non-juifs» et si «les juifs soutiennent actuellement» cette thèse. Elle a aussi invoqué la liberté d'expression, jugeant que celle-ci devait s'appliquer même pour des propos «inhumains».
À l'ouverture du procès, le 11 septembre, son prédécesseur avait également estimé que M. Plevris faisait oeuvre «scientifique», imputant son apologie des crimes nazis à une «plume un peu vive».
On ne peut que noter le parallèle de leur position avec l’attitude d’un membre du parquet autrichien, proche de Haider, protégeant le négationniste David Irving (voir notre article précédent Oxford: négationnistes en vedette? )
Ces dérives de la hiérarchie judiciaire, peu couvertes par les médias locaux, n'ont suscité aucune réaction du monde politique grec.
Les représentants de la communauté juive ont déclaré que la parution du livre de Plevris a déjà provoqué une augmentation des actes antisémites dans le pays, notamment par la profanation de monuments juifs.
«C'est un jugement historique, dont on espère qu'il va créer une jurisprudence», a commenté Panayote Dimitras, de l'Observatoire grec des accords d'Helsinki (EPSE), ONG de défense des droits des minorités, à l'origine de la procédure.
La communauté juive de Grèce compte aujourd'hui quelque 6000 personnes. Environ 50 000 de ses membres, qui vivaient principalement à Salonique, ont été massacrés durant l'occupation nazie.
Une partie de la gauche grecque est contaminée par la tradition antisémite en vogue dans son pays. Elle ajoute à sa condamnation de la politique des gouvernements israéliens des considérations plus que douteuses.
Ainsi Mikis Théodorakis a plusieurs fois dérivé dans cette direction. S’exprimant en 2003 lors d’une conférence de presse, il avait déclaré : « Aujourd’hui, nous pouvons dire que ce petit peuple (juif) représente la racine du Mal. Il se croit très important et est très entêté ». Le ministre grec de l’Education et de la Culture, présent lors de la conférence de presse, n’a pas réagi et a gardé le silence. Depuis, Théodorakis persiste dans la même veine.
Mémorial 98