Rassemblement antiraciste contre l'antisémitisme ce dimanche 14 mai à 16h à Place des Fêtes (Paris 19ème-sortie du métro)
En hommage aux victimes de l'attaque antisémite meurtrière qui a eu lieu ce mardi 9 mai à la Ghriba à Djerba, et en soutien aux personnes ciblées par cette attaque, dont des camarades et ami.es présent.es sur place, à l'appel de l'ORAAJuive (organisation révolutionnaire antiraciste antipatriarcale juive) avec le soutien du Réseau d'actions contre l’Antisémitisme et tous les Racismes (RAAR), de Memorial 98 et de JJR.
Nous voulons honorer la mémoire des personnes tuées, les pélerins juifs Aviel Haddad et Benjamin Haddad (ci-dessous), et les trois gendarmes tunisiens, Abdelmajid Atig, Maher El-Arbi et Kheireddine Laf.
Le pèlerinage de la Ghriba est un évènement religieux et culturel très important pour les Juifves d'origine nord-africaine, où des milliers de personnes se rendent chaque année. La Ghriba est une synagogue sur l'île de Djerba, où réside l'une des dernières communauté juive nombreuse d'Afrique du Nord.
Certain.es d’entre nous et nos proches, nous réjouissions, lundi dernier, de cet évènement à venir. Certaines d'entre nous et nos proches, Juifves tunisien.nes, revenons chacun.e à notre manière, dans le pays de nos parents et grands-parents... Pays dont iels étaient parti.es, pour la plupart pour fuir l'antisémitisme, auquel iels ont fnalement été confronté.es en France dès leur arrivée.
Nous pensons aux Juifves tunisien.nes de Djerba et d'ailleurs en Tunisie.
Nous pensons aux personnes noir.es en Tunisie qui ont vécu des violences racistes exacerbées ces derniers mois, suite aux discours du président Kais Saïed. Racisme qui résulte d'un héritage de l'esclavage producteur de négrophobie en Tunisie, et d'une politique migratoire externalisée raciste de l’Europe.
*noms des victimes communiqués par le ministre de l'intérieur tunisien, Kamel Feki, lors d'une conférence de presse le 11 mai 2023
Deux attaques antisémites avaient déjà eu lieu à la Ghriba, en 1985 et en 2002, tuant respectivement 5 et 21 personnes.
Continuer à vivre sous la menace de l’antisémitisme est malheureusement le lot commun des Juifves de Tunisie, de France et d’ailleurs.
Nous ne cessons de le répéter, l'antisémitisme tue, ici et ailleurs et c’est ici que nous devons nous organiser pour déjouer, analyser et mettre à mal l’antisémitisme et tous les racismes, quelque que soit le contexte socio-politique dans lequel ils s’expriment.
C'est également ici que nous dénonçons le déferlement antisémite sur les réseaux sociaux ces derniers jours, qui mobilise des rhétoriques complotistes et un rapport fantasmé des victimes à Israël et au sionisme.
Nous souhaitons organiser ce rassemblement pour continuer à dénoncer ces meurtres qui ciblent les personnes racisées. Ils nous rappellent, à chaque violence extrémiste et d’extrême droite, chaque violence raciste d’État, chaque violence capitaliste écocide et coloniale, à quel point les vies des personnes racisées sont menacées et fragiles.
Nous appelons toutes les organisations et collectifs antiracistes à se joindre à nous pour dénoncer l’antisémitisme et tous les racismes.
MEMORIAL 98
Nous avons à plusieurs reprises alerté contre des campagnes de propagande antisémite et reproduit les alertes de certains médias progressistes tunisiens comme ce dossier publié en 2013 http://www.memorial98.org/article-tunisie-nouvelle-alerte-a-l-antisemitisme-114351485.html
Nous publions un article du site tunisien Nawaat, mis en ligne le 13 janvier 2013, et qui alerte contre l’antisémitisme en Tunisie. Ce texte est évidemment inquiétant mais il témoigne aussi de la résistance de citoyens face à la propagande antisémite. La solidarité avec les révolutions dans les pays arabes implique aussi de combattre le poison antisémite.
Nawaat est un site indépendant qui existe depuis 2004; il a agi contre la dictature de Ben Ali et poursuit maintenant son activité en toute indépendance.
Il publie des opinions de tous bords, qui ne l'engagent pas forcément
Nawaat a été récompensé en mars 2011 par Reporters Sans Frontières pour son combat, en ces termes (extrait) : « Nawaat.org est un blog collectif indépendant animé par des blogueurs tunisiens, créé en 2004. Son but : “il donne la parole à tous ceux qui, par leur engagement citoyen, la prennent, la portent et la diffusent”. Nawaat joue un rôle crucial dans la couverture des troubles sociaux et politiques en Tunisie depuis le 17 décembre 2010. Astrubal et Sami Ben Gharbia, deux blogueurs tunisiens bien connus publient régulièrement sur le site.
Le site a récemment créé une page spéciale sur les révélations de WikiLeaks relatives à la Tunisie, et une autre sur les évènements récents de Sidi Bouzid (qui ont déclenché la révolution tunisienne NDLR) , qui n’ont pas été couverts dans les médias traditionnels. Nawaat met également à disposition des internautes des conseils sur le contournement de la censure, insistant sur les dangers de s’identifier en ligne… » voir http://fr.rsf.org/prix-reporters-sans-frontieres-du-14-03-2011,39784.html
MEMORIAL 98
Texte publié sur Nawaat
http://nawaat.org/portail/2013/01/13/le-tunisien-est-il-antisemite/
" En tant que citoyen tunisien, musulman et profondément croyant, soutenant de tout mon être et mon cœur la cause palestinienne, je voudrais vous inviter à une réflexion sur l’antisémitisme.
Tout d’abord, explicitons ce terme d’antisémite. On pourrait croire que le peuple tunisien, étant arabe et donc sémite, ne peut être taxé d’antisémite. Pourtant, l’antisémitisme ne s’applique qu’aux actes ou paroles qui sont proférés contre des personnes pour la seule raison qu’ils sont juifs.
En Tunisie, depuis la révolution, les pulsions réprimées et la parole censurée sous la dictature, s’expriment désormais au grand jour, dans une explosion formidable. Parmi ces sentiments réprimés, il en existe un qui subsiste dans cet inconscient collectif : l’antisémitisme qui apparaît au grand jour comme une composante de la société. C’est l’occasion de saisir cette chance que nous offre la liberté d’expression pour soulever cette question dans l’espace public afin que tout un chacun y réfléchisse.
Les actes antisémites se produisent de plus en plus dans notre pays et sont banalisés. Il y a trois mois, les deux synagogues de Sfax ont subi le vol de leurs Qandils, ou veilleuses à l’huile, dont les supports en argent sont de véritables œuvres d’art des orfèvres juifs de l’époque, même les rouleaux de la Torah n’ont pas été épargnés. Les synagogues ont également été vandalisées : menorahs (candélabres rituels NDLR) cassés, vitraux brisés, tabernacles défoncés, portes extérieures taguées… On ne saurait imaginer des gens saccageant une mosquée, et pourtant beaucoup trouvent normal le saccage d’une synagogue. Selon la petite communauté juive de Sfax, jamais d’actes pareils ne s’étaient produits, ni du temps de Bourguiba ni sous Ben Ali. C’est depuis l’arrivée d’Ennadha que ces lieux de culte n’ont plus bénéficié de surveillance, les policiers ayant été retirés, laissant ces lieux livrés à eux-mêmes.
Il est à rappeler que l’histoire encore récente de la Tunisie est marquée par le multiculturalisme. Ces lieux de culte font partie de notre histoire collective comme du patrimoine national. Il est à se demander si le peuple tunisien, pourtant croyant et pieux, n’a pas tendance à oublier que, dans ces lieux, on vénère le même Dieu.
Un deuxième cas d’antisémitisme est celui de l’imam de Radés, fonctionnaire, donc payé par les deniers publics. Ce dernier, devant un parterre de croyants, s’adresse aux téléspectateurs en direct sur une chaîne nationale, appelant à la haine contre les juifs en toute sérénité, tout en donnant une vision manichéenne du conflit israélo-palestinien.
Il n’est pas à douter de son érudition en islam mais plutôt de la déviation de son cadre religieux pour faire de la géopolitique, incitant à la haine et à la vengeance. Dans ce contexte, cet imam devient éminemment critiquable et d’autant plus dangereux qu’il ancre dans les consciences des préjugés primaires. On en oublierait presque que les juifs sont des gens du livre et que leurs prophètes sont également les nôtres. Il faut pourtant rappeler à cet imam que tout « appel à la haine entre les races, les religions ou les populations » est passible de un à trois ans de prison.
Si l’on en venait à compter les actes et les propos fanatiques des salafistes qui à chaque manifestation appellent à la mort des juifs, leitmotiv devenu banal, la palme d’or leur reviendrait.
Enfin, le dernier exemple en date est celui du secrétaire d’État, une des élites du parti Ennadha, Houcine Jaziri, qui, dans une émission télévisée de grande écoute à propos de l’attaque du meeting à Djerba de Nida Tounes, a attaqué ce parti pour avoir choisi « l’hôtel d’un juif tunisien »…Le constat est affligeant, voire pathétique.
Pourtant, cette culture juive habite profondément l’identité du peuple tunisien. On la retrouve dans notre patrimoine culinaire, musical et même architectural, symbolisé par des étoiles de David sur des tombes, des portes de maison et même sur le mihrab de la mosquée de la Zitouna. À l’origine ce symbole, avant de devenir le symbole de l’État d’Israël, était associé à la puissance supposée du roi Salomon de pouvoir éloigner les mauvais esprits ou djinn. Il est aussi à noter que des juifs tunisiens ont profondément marqué l’histoire de la Tunisie contemporaine comme Georges Adda, militant ayant fait de la prison pour son combat pour l’indépendance et connu pour ses positions antisionistes. Quant à Gilbert Naccache, un opposant à Bourguiba, il passa plus de 11 ans en prison. Ces personnes ont fait preuve d’esprit patriotique autant que leurs frères musulmans.
Pour conclure, il est à se demander si l’antisémitisme serait dû à un manque d’éducation et de connaissance de l’autre. Malheureusement, dans l’esprit de beaucoup, on associe facilement la cause palestinienne aux juifs tunisiens. Et cet amalgame est entretenu par nos politiciens qui, pour augmenter leur popularité, utilisent la cause palestinienne et par conséquent, cautionnent et encouragent indirectement ces actes antisémites. Plusieurs exemples illustrent cet antagonisme comme la volonté de criminaliser les relations avec l’état d’Israël, acte qui tient davantage du populisme primaire que d’une connaissance profonde du conflit palestinien.
Ou encore, lors d’une séance plénière, la proposition d’une députée de ne plus vendre de terre aux juifs de Djerba ; oubliant de ce fait que les juifs sont aussi tunisiens qu’elle.
Autre exemple, celui du refus de la nomination de René Trabelsi, chef de la communauté juive de Djerba, par le conseil de la Choura, comme ministre du tourisme. Ce choix aurait pu être un signe fort d’ouverture et de tolérance, dont se targue la Tunisie vis-à-vis de l’extérieur, et également une reconnaissance de cette petite communauté. Qui se souvient encore que Yom Kippour avait été déclaré jour férié par le premier gouvernement Tunisien, issu des accords d’autonomie interne de 1954 ? Qui se souvient encore que la communauté israélite, lors de la formation du premier gouvernement post-indépendance, s’était vu offrir le ministère de la reconstruction et de l’urbanisme à un de ses plus importants notables, Albert Bessis ?
Il est important que les autorités prennent conscience de ce problème et condamnent ces actes antisémites, par trop banalisés et même trop graves. Le fait d’être antisioniste est compréhensible par rapport aux injustices que subit le peuple palestinien, mais celui d’être antisémite doit être combattu dans notre jeune société démocratique, n’étant pas un honneur pour la nouvelle Tunisie.
Quand verrons-nous une figure importante d’Ennadha (parti islamiste au pouvoir NDLR), visiter une synagogue ou une école de Talmud Torah (qui dispense des cours de judaïsme NDLR), acte de reconnaissance de cette communauté soeur?"
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